Textes d’Andrea Dworkin

Faites un cadeau de Noël à votre bibliothécaire en lui transmettant cette liste complète des ouvrages d’Andrea Dworkin disponibles en version française:

« Les femmes de droite » (Éditions du remue-ménage)

« La haine des femmes » (M Éditeur/Éditions des femmes)

« Notre Sang » (M Éditeur/Éditions des femmes)

« Coïts » (Remue-ménage/Syllepse)

« Souvenez-vous Résistez Ne cédez pas » (Remue-ménage/Syllepse)

« Pornographie – Les hommes s’approprient les femmes » (Éditions LIBRE)

 

Vous trouverez également ci-dessous la liste des textes ponctuels d’Andrea Dworkin traduits par la collective féministe TRADFEM. Cette liste sera mise à jour au fur et à mesure des publications de nouvelles traductions. Vous trouverez également sous cette liste des articles relatifs à Andrea Dworkin et son oeuvre.

Andrea-Dworkin

Andrea Dworkin,

Tuerie à Montréal – L’assassinat des femmes comme politique sexuelle

« Une des différences dans la façon dont Marc Lépine a tué ces femmes est que, quand des femmes sont tuées, on ne parle presque jamais d’un meurtre. Il y a beaucoup d’euphémismes : « C’était une querelle de famille », « Un père emporte dans la mort sa femme et ses enfants ». On nous parle de « tragédie familiale » plutôt que de tuerie. Marc Lépine s’est livré à une tuerie. Ce n’était pas l’habituel petit téléroman familial où un homme tue plusieurs personnes, qui ont en commun la même impuissance face à lui, et le fait qu’aux yeux de la société, il est propriétaire de ces personnes ou a implicitement le droit de l’être. »

À propos de la rédaction de Pornographie : les hommes s’approprient les femmes :

« Au cours de la rédaction de mon plus récent livre, j’ai vécu le plus extrême isolement que j’aie connu en tant qu’écrivaine. Je vivais dans un monde d’images — des corps de femmes exposés, des femmes prostrées, étalées, suspendues, écartelées, ligotées et lacérées — et dans un monde de livres — remplis de viols collectifs, de viols à deux, de viols commis par des hommes sur des femmes, de viols lesbiens, de viols de femmes par des animaux, d’éviscérations, de tortures, de pénétration, d’excréments, d’urine et de mauvaise prose. J’ai travaillé trois ans à ce livre. Après la première année, une amie est entrée dans ma chambre et m’a passé la remarque qu’elle était plus à l’aise dans les magasins de porno du quartier. Six mois plus tard, l’ami avec lequel je vivais m’a demandé calmement et sincèrement d’éviter de lui montrer les documents sur lesquels je pouvais travailler et aussi, si possible, de ne pas les laisser dans une autre pièce que la mienne. J’ai des ami·es bon·nes et prévenant·es. Leurs nerfs ne pouvaient même pas supporter le peu qu’ils et elles apercevaient. Moi, j’y étais immergée. »

Présentation du livre La haine des femmes :

« Ce livre est un acte, un acte politique dont la révolution est l’objectif. Il n’a pas d’autre fonction. Ce n’est pas une quelconque sagesse cérébrale ou une foutaise universitaire, ou des idées gravées dans le granit ou destinées à l’immortalité. Il fait partie d’un processus et son contexte est le changement. Il fait partie d’un mouvement planétaire visant à refondre les us communautaires et la conscience humaine pour que les gens acquièrent le pouvoir sur leurs vies, participent entièrement à la communauté et vivent dans la dignité et la liberté. »

Préface à son livre : Notre sang – Prédictions et discours sur la politique sexuelle

« J’éprouve un amour particulier pour ce livre. La plupart des féministes que je connais qui ont lu Notre sang m’ont prise à part à un moment ou à un autre pour me dire qu’elles avaient une affection et un respect particuliers pour lui. Je crois qu’il représente quelque chose de vraiment beau et particulier. C’est peut-être parce qu’il a été écrit pour une voix humaine. C’est peut-être parce que j’ai dû me battre si fort pour dire ce qu’il contient. C’est peut-être parce que Notre sang a directement touché la vie de tant de femmes : ces paroles ont été dites encore et encore à de vraies femmes et l’expérience de dire ces mots a consolidé leur écriture. La haine des femmes a été écrit par une écrivaine plus jeune, ayant plus de témérité et d’espoir. Ce livre est plus disci­pliné, plus sombre, plus rigoureux, et à certains égards plus passionné. »

La pornographie et le deuil (revue Sorcières (1979), traduction Nancy Huston, et dans le recueil L’envers de la nuit (1984), traduction Monique Audy.

« J’avais cherché des choses à dire ici ce soir très différentes de celles que je vais dire. Je voulais venir ici en militante, fière et dans une sacrée colère. Mais, de plus en plus, la colère m’apparait comme l’ombre pâle du sentiment de deuil qui m’envahit. Si une femme a une quelconque idée de sa propre valeur, voir des bribes de pornographie peut l’amener effectivement à une rage utile. Étudier la pornographie en quantité et en profondeur, comme je l’ai fait pendant plus de mois que je ne voudrais me le rappeler, amènera cette même femme au deuil.

La pornographie en elle-même est vile. La caractériser autrement serait mentir. Aucune peste d’intellectualismes ou de sophismes masculins ne peut changer ni cacher ce simple fait. Georges Bataille, philosophe de la pornographie (qu’il dénomme « érotisme »). l’exprime avec clarté : « Essentiellement, le domaine de l’érotisme est le domaine de la violence, le domaine de la violation ». Bataille, à la différence de tant de ses pairs, rend au moins explicite le fait qu’il s’agit ici de violer les femmes. »

Les angoisses existentielles de Bertha Schneider (Nouvelle dans The new woman’s broken heart), traduction: Françoise Guénette et Claudine Vivier dans La vie en rose.

« mais pour les deux que j’connaissais un peu c’était différent j’veux dire, j’ai senti qu’y avait quelque chose de personnel là-dedans, le gars de Rand, ce trou de cul bien élevé et pis cet espèce de peintre affamé qui boitait, criss. j’veux dire, j’imagine que j’ai dû le chercher, j’passe mon temps à lire que j’ai dû courir après, c’est c’que les femmes font toujours dans les films, et elles sont toujours contentes, j’étais pas contente, câlice, mais qui l’aurait cru de toute façon, le peintre m’a dit que si j’l’avais pas voulu mon vagin se serait fermé et aucun homme aurait pu le pénétrer, j’y ai dit que j’étais pas une yogi même si j’voyais pour la première fois l’intérêt de toutes ces niaiseries orientales, j’imagine que c’est pour ça qu’y a pas trop de femmes yogi en Inde, ils veulent pas qu’elles ferment leurs vagins et c’est sûrement la première chose qu’elles feraient.

c’était même pas le fait d’être mariée pendant trois ans. c’était pas non plus la fois qu’y m’a cogné la tète sur le plancher de la cuisine (en bois franc) jusqu’à temps que j’dise que j’avais vraiment aimé le film après tout, j’veux dire, franchement, j’aime pas Clint Eastwood et si c’est une faute impardonnable ben c’en est une. c’était pas non plus la fois qu’y m’a battue devant ma mère, c’était pas la fois qu’y m’a jetée dehors en jaquette et qu’y a appelé la police, c’était même pas la fois qu’y a ramené à la maison quatre de ses chums, saoûls — y en a un qui arrêtait pas de m’appeler maudite juive — et qu’y m’ont attachée sur le lit et fourrée jusqu’à c’que j’perde connaissance et tant mieux, j’sais pas c’qui s’est passé après ça. après tout c’était seulement 4 événements en 3 ans c’est à dire 1 095 jours, à part de ça, je l’aimais, pis en plus, j’avais pas d’autre place où aller. »

Redéfinir la non-violence [Chapitre 6 de Our Blood]

« Les femmes, pendant tous ces siècles patriarcaux, ont été inébranlables dans la défense de vies autres que les nôtres. Nous sommes mortes en couche afin que d’autres puissent vivre. Nous avons soutenu la vie d’enfants, de maris, de pères et de frères en guerre, en périodes de famine, durant toutes les sortes de désastres. Nous l’avons fait dans l’âpreté d’une servitude universelle. Tout ce qui peut être su dans le patriarcat à propos de l’engagement envers la vie, nous le savons. Tout ce que nécessite le maintien de cet engagement dans le patriarcat, nous l’avons.

Il est maintenant temps de récuser le patriarcat en valorisant nos vies aussi pleinement, aussi sérieusement, aussi résolument, que nous avons valorisé d’autres vies. Il est temps maintenant de nous engager à nous soutenir et nous protéger mutuellement.

Nous devons enraciner socialement des valeurs issues de la sororité. Nous devons enraciner les valeurs qui récusent la suprématie phallique, qui récusent l’agression phallique, qui récusent toutes les relations et institutions fondées sur la domination masculine et la soumission féminine. »

La pornographie : une réalitéPornography Happens (1993, 1997)

« J’aimerais que vous réfléchissiez particulièrement aux points suivants. Premièrement : les pornographes font de nos corps leur langage. Tout ce qu’ils disent, ils ont besoin de nous pour le dire. Ils n’ont pas ce droit. Ils ne doivent pas avoir ce droit. Deuxièmement : protéger juridiquement la pornographie comme s’il s’agissait d’un simple discours signifie qu’il y a une nouvelle façon de faire légalement de nous des biens meubles. Si la Constitution protège la pornographie en tant que discours, alors nos corps appartiennent aux proxénètes qui ont besoin de nous utiliser pour s’exprimer. Eux, les êtres humains, possèdent un droit de parole humain et la dignité d’une protection constitutionnelle ; nous, qui sommes actuellement un cheptel, des biens meubles, nous sommes leurs caractères, leurs symboles sémantiques, les objets qu’ils disposent afin de communiquer. Nous ne sommes reconnues que comme le discours de proxénètes. La Constitution est du côté où elle a toujours été : celui du propriétaire de biens qui en tire profit, même quand sa propriété est une personne, définie comme propriété en raison de la collusion entre le droit et l’argent, le droit et le pouvoir. La Constitution n’est pas la nôtre à moins qu’elle ne fonctionne pour nous, notamment comme recours face aux exploiteurs et comme point d’appui pour accéder à la dignité humaine. Troisièmement : la pornographie utilise celles et ceux qui aux États-Unis ont été exclus de la Constitution. La pornographie utilise des Blanches, qui étaient alors des biens meubles. La pornographie utilise des Afro-américaines, qui étaient alors des esclaves. La pornographie utilise des hommes stigmatisés ; par exemple, les hommes afro-américains, qui étaient alors des esclaves et sont souvent sexualisés par les pornographes contemporains qui les dépeignent en violeurs et en animaux. La pornographie n’est pas faite à de vieux hommes blancs. Elle ne l’est pas. Personne n’éjacule sur eux. Ce sont eux qui éjaculent sur nous ou qui protègent ceux qui le font. Ils en tirent des profits réels, et nous devons réellement leur barrer la route ».

« Communion » [chapitre 4 de Coïts]

« Dans le roman de James Baldwin Un autre pays, un musicien noir talentueux, tourmenté et violent, Rufus, s’est suicidé, torturé par le souvenir d’une femme blanche autrefois aimée et détruite. Rien ne peut apaiser sa haine de lui-même pour ce qu’il lui a fait ; il sait ce qu’il a fait et ce que cela signifie. Son entourage l’incite à ne pas le savoir ou l’encourage à oublier. Mais ce qu’il lui a fait – parce qu’elle était une Blanche du Sud – ressemble trop à ce que ce pays lui fait tous les jours, en tant que Noir ; il ne peut pas ne pas le savoir. Les personnes réunies pour ses funérailles sont amères : elles espéraient que les promesses de la vie de cet homme rachèteraient en partie le coût de la leur. Elles sont tristes et irritées, de façon inexprimable, parce que leurs frères, leurs pères, leurs fils, leurs maris vivent à la limite de la folie et du suicide, de l’autodestruction, comme le faisait Rufus ; et, comme lui, ces hommes meurent de l’angoisse d’être en vie. « Si le monde n’était pas si rempli de gens morts », leur dit le pasteur de la communauté, avec une passion qui tente de donner un sens à cette nouvelle disparition, « peut-être que ceux d’entre nous qui essaient de vivre n’auraient pas à souffrir autant ». (Baldwin, 1964 : 134) »

Fierté lesbienneLesbian Pride (1975)

« D’abord, cela signifie que j’aime, chéris et respecte les femmes de tout mon esprit, mon cœur et mon âme. Cet amour des femmes, c’est la terre dans laquelle ma vie est enracinée. C’est la terre de notre vie commune à toutes. C’est de cette terre que se nourrit ma vie. Partout ailleurs, je dépérirais. »

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La notion de supériorité biologique : un argument dangereux et meurtrierBiological Superiority: The World’s Most Dangerous and Deadly Idea (1977)

« Récemment, on a vu de plus en plus de féministes promouvoir des modèles sociaux, spirituels et mythologiques fondés sur une domination féminine ou un matriarcat. À mon sens, ces choix indiquent une conformité de base aux prémisses du déterminisme biologique qui sous-tendent le système social masculin. Séduites par une idéologie basée sur l’ascendant moral et social d’une biologie féminine distincte, en raison de sa familiarité émotionnelle et philosophique, attirées par la dignité spirituelle inhérente à un « principe féminin » (essentiellement défini par les hommes), et bien sûr incapables d’abandonner volontairement ou spontanément un engagement continu et séculaire à la grossesse comme acte créatif féminin par excellence, les femmes ont de plus en plus tenté de transformer l’idéologie même qui nous a réduites en esclavage en une célébration dynamique religieuse, psychologiquement impérative du potentiel biologique des femmes. »

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Interview à cranNervous Interview (1978)

« C’est d’ailleurs absolument remarquable que les hommes soient, à si peu d’exceptions près, aussi obsédés par le pénis. Je veux dire, s’il y a bien quelqu’un qui devrait être sûr de sa valeur dans une société axée autour du pénis, c’est bien celui qui détient le pénis. Mais un pénis par individu ne semble pas suffire. Je me demande combien de pénis par homme il faudrait pour les calmer. Eh ! On pourrait lancer un tout nouveau domaine d’intervention chirurgicale avec ça. »

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Une femme battue survitA Battered Wife Survives (1978, 1988, 1993)

« L’angoisse vient des souvenirs. Les souvenirs de terreur et de douleur insupportable peuvent s’emparer du présent, à n’importe quel moment, et y jeter des ombres si denses que l’esprit vacille, privé de lumière, et que le corps tremble, incapable de trouver une assise. Le passé nous rattrape littéralement, nous saisit, nous immobilise d’angoisse. Chaque année, à l’approche de mon anniversaire, je me souviens, involontairement, qu’à vingt-cinq ans, j’étais encore une femme battue, une femme dont la vie entière n’était que désespoir muet. »

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La nuit et le dangerThe Night and Danger (1979, 1988, 1993)

« La milice de la nuit – les violeurs et les autres hommes qui rôdent – a le droit de faire respecter les lois de la nuit : de traquer la femme et de la punir. Nous avons toutes été poursuivies, et beaucoup d’entre nous avons été attrapées. Une femme qui connaît les règles de la société civilisée sait qu’elle doit se mettre à l’abri de la nuit. Mais même lorsque la femme, comme une bonne fille, s’enferme à double tour, la nuit menace de faire intrusion. »

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Je veux une trêve de 24 heures durant laquelle il n’y aura pas de violI Want a Twenty-Four-Hour Truce During Which There Is No Rape (1983)

« Aujourd’hui, le mouvement des hommes laisse entendre que les hommes ne veulent pas le type de pouvoir que je viens de décrire. J’ai effectivement entendu des déclarations explicites à ce sujet. Et pourtant, vous trouvez toujours une bonne raison de ne rien faire contre ce pouvoir que vous avez. Se cacher derrière la culpabilité, c’est ma préférée. J’adore cette raison-là. Oh c’est horrible, oui, et je suis si désolé. Vous avez le temps de vous sentir coupable. Nous n’avons pas le temps que vous vous sentiez coupables. Votre culpabilité est une forme d’acquiescement à ce qui continue d’arriver. Votre culpabilité aide à maintenir les choses telles qu’elles sont. »

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Terreur, torture et résistanceTerror, Torture, and Resistance (1991)

« Nous vivons dans un monde où les hommes tuent des femmes et où les mobiles n’ont absolument rien de personnel. Comme le savent toutes les femmes présentes ici qui ont été violées ou battues. C’est l’une des expériences les plus impersonnelles qui puissent vous arriver. Vous êtes mariée. Vous vivez avec un homme. Vous pensez qu’il vous connaît et que vous le connaissez. Mais en fait quand il commence à vous faire mal, il le fait parce que vous êtes une femme. Pas parce que vous êtes la personne que vous êtes, qui que vous soyez. »

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Kate Millett, une grande figure de la pensée contemporaine, par Andrea Dworkin Andrea Dworkin on Kate Millett: Sexual Politics (2003)

« À mes yeux, personne n’est comparable à Kate Millett pour ce qu’elle a fait, avec ce seul livre. Il reste l’alpha et l’oméga du mouvement des femmes. Tout ce que les féministes ont fait est préfiguré, prédit ou encouragé par La politique du mâle. »

Andrea Dworkin parle de la liberté d’expression, de l’hétérosexualité, des productions « érotiques » et de son travail d’écriture (un entretien publié en 1991)

« Il me semble que règne un grand malentendu selon lequel celles d’entre nous qui sont dans le mouvement anti-pornographie auraient dit que nous sommes pures, que nous n’avons rien à faire avec ce genre de choses. Mais nous n’avons jamais dit cela. Aucune d’entre nous n’a jamais dit cela. Nous avons toutes dit que nous combattions la pornographie parce que nous savons ce que c’est. Nous luttons pour l’égalité des sexes parce que nous avons vécu l’inégalité.»

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Dworkin au podium


Textes sur Andrea Dworkin

Julie Bindel : Andrea Dworkin contre l’idéologie du genre

L’argument exploité par les transactivistes d’aujourd’hui, y compris son ancien partenaire de vie John Stoltenberg, pour « démontrer » qu’Andrea soutenait l’idéologie du genre est un très court passage tiré de son premier livre, Woman Hating (La haine des femmes), publié en 1974. Ailleurs, elle a écrit dans une lettre : « J’ai connu des transsexuels en Europe, une petite minorité vigoureusement persécutée, sans aucun recours ni protection civile ou politique. Ces personnes vivaient apparemment dans un exil absolu, évoquant pour moi les fosses les plus profondes de l’expérience juive… Les transsexuels d’homme à femme étaient en rébellion contre le phallus, comme moi. Les transsexuels de femme à homme recherchaient, aussi comme moi, une liberté qui n’était possible qu’aux hommes dans le patriarcat. Chaque transsexuel a droit à une opération de changement de sexe, et celle-ci devrait être fournie par la communauté comme l’une de ses fonctions. »

Liesl Schillinger : ANDREA DWORKIN S’ENTRETIENT AVEC LIESL SCHILLINGER (1996)

« Les caractérisations que l’on fait de moi en public sont à peu près à l’opposé de ce que je suis », me dit-elle d’une voix basse et essoufflée. « Je suis plutôt hédoniste. » Dworkin est une lesbienne qui vit avec un homme depuis plus de 20 ans. C’est une écrivaine célèbre qui n’arrive pas à trouver d’éditeur et qui voit encore ses œuvres rejetées par le New Yorker et le New York Times, quand elle peut se résoudre à encore les leur proposer. (Ses ouvrages phares, Woman Hating [1974] et Pornography : Men Possessing Women [1981], sont épuisés en version anglaise). Elle est présumée haïr les hommes mais déclare avec désinvolture : « Je ne déteste pas les hommes. Non pas qu’ils ne le méritent pas. Ce n’est tout simplement pas dans ma nature. » En fait, tout ce qui s’avère cohérent et prévisible chez Dworkin, c’est son engagement dans la lutte contre la pornographie, un combat qu’elle mène depuis plus de 20 ans. La pornographie, dit Dworkin, fait du tort aux femmes et il faut y mettre fin.

Johanne Jutras : Recension de « Les Femmes de droite »

« Après avoir décrit les piètres conditions de vie des femmes dans la société patriarcale étatsunienne, Andrea Dworkin présente deux comportements très différents adoptés par les femmes. Les « femmes de droite » se plient aux impératifs sexuels et reproductifs de la classe des hommes qui englobe tout le spectre politique de l’extrême droite à l’extrême gauche : « Les hommes de gauche veulent aussi des épouses et des putains […] La droite dure donne habituellement à cette solution une expression ultrareligieuse » (p. 189). De ce fait, elles acceptent la définition masculine de leur classe de sexe en se battant, à l’intérieur de celle-ci, pour conserver leur valeur économique, sociale et créatrice. »

Donovan Cleckley : Le leg d’Andrea Dworkin demeure vibrant

« Face à la question de l’égalité des sexes, Dworkin a rejeté l’idée que les femmes ne pouvaient être qu’identiques ou différentes des hommes. Elle croyait qu’« être égale là où il n’y a pas de justice universelle, ou là où il n’y a pas de liberté universelle, c’est tout simplement être identique à l’oppresseur ». Selon elle, sans justice ni liberté, l’« égalité » devient vide de sens — une imitation de l’oppresseur qui échoue à traiter la cause profonde de sa propre oppression. La politique de droite a défini les femmes comme subordonnées aux hommes en prétextant la « nature » et la religion pour justifier l’inégalité des sexes — une vision que MacKinnon a déjà résumée de façon lapidaire : « L’homme baise la femme ; sujet verbe objet. » »

Clara Delente : À l’ère #MeToo, il faut (re)lire la prose féministe percutante d’Andrea Dworkin

« Loin de la réputation d’exagération et de mauvais goût qui lui est faite, la théoricienne reçoit un grand soutien populaire partout où elle passe. À sa mort, les témoignages sincères de tendresse et d’admiration abondent. »

« Andrea Dworkin est à la fois une grande intellectuelle et une remarquable “tribun”, souligne aujourd’hui Valérie Rey-Robert, blogueuse féministe et autrice d’Une culture du viol à la française (éd. Libertalia). « Elle sait prendre les gens aux tripes, utiliser leurs émotions pour leur parler. C’est une grande qualité, très utile. »

Janice G. Raymond et H. Patricia Hynes : Les vérités éprouvantes d’Andrea Dworkin

« Au cours des quatre dernières décennies, ce sont les écrits de Dworkin qui ont eu le plus d’influence pour sortir du « placard » la pornographie et la prostitution, hors du domaine privé de la sexualité, et pour les intégrer dans la discussion publique sur la violence masculine à l’égard des femmes. Notre propre travail contre l’industrie mondiale du sexe nous apprend que beaucoup de gens soutiennent que la prostitution et la pornographie peuvent être « améliorées » pour les femmes. Ces lobbyistes font la promotion d’une « prostitution et d’une pornographie viables », où les femmes seraient dotées de conditions « plus sûres »dans l’utilisation que les hommes font d’elles – qui est, en fait, une vie sans sécurité du tout pour les femmes.

Dworkin était bien au fait de la nécessité urgente de courage et de volonté politique pour agir contre l’exploitation sexuelle des femmes et des enfants dans le monde. Elle possédait ce courage et cette volonté politique. Elle a été parmi les premières à nommer toutes les pratiques d’exploitation sexuelle pour ce qu’elles sont. Non pas un « travail du sexe », mais de la violence sexuelle. Non pas des droits humains, mais une violation de ces droits. Non pas la conséquence du consentement des femmes, mais le fait pour elles de se résoudre aux seules options disponibles. »

Meagan Tyler : Le féminisme radical d’Andrea Dworkin : plus pertinent que jamais

« L’anthologie Last Days at Hot Slit manifeste une sorte de respect à contrecœur. Les directrices de collection – Johanna Fateman et Amy Scholder – ne se positionnent pas comme des féministes radicales, et elles donnent l’impression d’être un duo inhabituel pour avoir mis ce livre au monde. Par exemple, elles avouent en préface qu’il n’était peut-être « pas fou » pour Dworkin de s’inquiéter sérieusement des méfaits de la pornographie violente. Non parce qu’elle avait raison, mais parce qu’elle « étouffait dans des récits de femmes d’abus sadiques et de viols en écrivant toute la nuit, nuit après nuit ». Quelle généreuse interprétation d’avoir ainsi fait place à une reconnaissance de sa santé mentale !

Cette préface, comme beaucoup de recensions subséquentes, semble rédigée à partir du point de vue des sceptiques et à leur intention. Une de ces recensions débute ainsi : « Andrea Dworkin n’a jamais été mon genre de féministe. » Et la plupart enchaînent, plus ou moins, avec des variations des propos suivants : « Oh oui, rappelez-vous comment nous avons tous méprisé / ridiculisé / ignoré cette gouine laide et négligée avec ses hyperboles féministes hystériques, il y a des années ? Eh bien, il s’avère qu’elle avait un peu raison ! » Ou, à tout le moins, ils trouvent que ses écrits étaient plus persuasifs qu’on ne l’avait reconnu à l’époque, même si elle arborait tout de même une salopette. »

Julie Bindel : Andrea Dworkin est la féministe radicale et visionnaire dont nous avons besoin en ces temps difficiles. Voici pourquoi.

« J’ai connu la vraie Dworkin, et notre amitié de dix ans m’a appris beaucoup plus sur l’amour que sur la haine. « Je conserve dans mon cœur les récits des femmes », me répondait-elle quand je lui demandais comment elle arrivait à demeurer saine d’esprit dans le travail qu’elle faisait. « Ces récits m’exhortent à continuer et à rester concentrée sur ce qui doit être fait. »

Elle était motivée par un désir inné de débarrasser le monde de la douleur et de l’oppression. Si nous avions été plus nombreuses à écouter Dworkin pendant ses décennies de militantisme et à prendre son travail plus au sérieux, plus de femmes auraient adhéré à un féminisme intransigeant, par opposition au féminisme fun, qui se prête au genre de slogans qu’on peut lire sur les T-shirts de mode, celui qui vante le « girl power » individuel des filles et l’audace de porter le pantalon, plutôt qu’un mouvement collectif pour libérer toutes les femmes de la tyrannie de l’oppression. »

Thérèse Lamartine : Qui a peur d’Andrea Dworkin ?

« Quelque trente ans après la parution de ses ouvrages essentiels, on aurait pu croire que son œuvre avait pris quelques rides. Il n’en est rien. Andrea Dworkin demeure une figure capitale de la pensée féministe radicale, à la source de la deuxième vague, la plus puissante des trois que compte maintenant le mouvement des femmes.

     Souvenez-vous, résistez, ne cédez pas nous offre quatorze textes expurgés de tout compromis, de toute faiblesse, de tout sentimentalisme. Il n’est pas innocent que l’anthologie s’ouvre sur Premier amour, révélateur de la trajectoire intime de l’écrivaine qui connaît avec un jeune Grec les plaisirs et les dérives de la chair, ses ascensions lumineuses et ses descentes en enfer. Saisie par ce qu’elle nomme une pulsion d’advenir, elle parvient à s’arracher du lien fusionnel où se meurt son pouvoir créateur. »

Claire Potter : Harvey Weinstein et la question des complices

« Cela fait un demi-siècle que Dworkin – participante controversée à la première génération de féministes radicales à réfléchir aux violences sexuelles – et ses consœurs de la deuxième vague du féminisme ont amorcé la conversation contemporaine à propos de ces violences, et j’ai parfois l’impression que cette conversation piétine. Voyez par exemple le fait que les agressions sexuelles répétées de Weinstein contre les femmes étaient un secret de polichinelle dans le monde du cinéma, du journalisme et de la politique depuis au moins 30 ans. C’est dire que des centaines de personnes ont conspiré pour dissimuler son comportement de prédateur.

Oui, conspiré. C’est cette conspiration, ainsi que la façon dont elle a pris fin, qui m’amène à me demander ce que Dworkin elle-même aurait pu écrire dans ce contexte. Féministe souvent rejetée et vilipendée par les féministes libérales, Dworkin comprenait que les collègues et les camarades de travail, les amis et les membres de la famille des prédateurs jouent un rôle clé pour permettre et dissimuler la violence sexuelle. Mais elle croyait aussi que le son de la voix des femmes était un puissant antidote contre ce qu’elle reconnaissait comme une forme d’oppression omniprésente.

Dworkin aurait sans doute trouvé dans l’affaire Weinstein une certaine confirmation de son analyse.

C’est notamment vrai parce que la conspiration entourant Weinstein s’est effondrée lorsque les femmes se sont mises à parler. »

Finn Mackay : Derrière le mythe

« Andrea Dworkin était et demeure un personnage légendaire du mouvement féministe. Il est malheureux que ce que la plupart des gens croient savoir à son sujet se résume à de la désinformation antiféministe.

J’ai rencontré Andrea pour la première fois à Brighton en 1996, lors d’une conférence internationale sur les violences faites aux femmes et leurs droits civiques (International Conference on Violence, Abuse and Women’s Citizenship). Puis, j’ai eu la chance de la croiser à deux autres occasions, et nous avons eu plusieurs conversations dont je chéris le souvenir. Je n’oublierai jamais son discours d’ouverture de la conférence de Brighton, que j’ai écouté parmi plus d’un millier d’auditrices toutes hypnotisées par l’honnêteté et la force du témoignage d’Andrea. Je n’oublierai jamais la passion qui animait ses paroles et la détermination claire et ferme qui sous-tendait sa voix basse, lente, chaude et mesurée. Elle ne mâchait pas ses paroles; la plupart de ses discours ont une intensité viscérale; ils désignent la souffrance physique des femmes et des enfants victimes de violence, ils soulignent le lourd héritage qui couvre de cicatrices le corps des personnes captives de la prostitution et de la pornographie.

Bien sûr, Andrea n’était pas étrangère à la violence elle-même, et ses paroles n’hésitaient pas à désigner la violence des hommes contre les femmes et à en documenter les crimes. Érudite, critique littéraire, théoricienne politique, poète, romancière et militante, elle a mis la violence masculine sur la carte et elle a passé sa vie adulte à se dévouer sans relâche à la défense des personnes victimisées. Bien que nous la connaissions surtout pour son travail infatigable de plaidoyer pour les femmes, l’on sait moins qu’elle avait aussi longtemps été active dans les mouvements contre le racisme et contre la guerre. »

Mickey Z. : Merci Andrea Dworkin

« En tant que personne qui a fui l’université pour plutôt entreprendre un long périple d’autodidacte radicale engagée, je trouve tout à fait éclairant qu’il m’ait fallu aussi diablement longtemps pour enfin rencontrer le travail d’Andrea Dworkin.

La «gauche» parle souvent de la marginalisation des dissident.e.s, mais j’ai trouvé facilement et naturellement les écrits de Noam Chomsky, Assata Shakur, Howard Zinn, Guy Debord, Frantz Fanon, Arundhati Roy, Edward Said, Angela Davis, Emma Goldman, Ward Churchill, bell hooks, et beaucoup trop d’autres pour tous les citer ici. Par contre, il m’a fallu arriver en 2015 pour lire l’autobiographie de Dworkin,Heartbreak: The Political Memoir of a Feminist Militant – et il se trouve que c’est le livre le plus révolutionnaire que j’aie jamais lu. »

John Stoltenberg, Vivre avec Andrea

« J’avais 29 ans, au printemps 1974, lorsque, quittant à Greenwich Village une lecture de poésie devenue lourde de misogynie (une soirée de soutien à la War Resisters League, en plus !), j’ai croisé sur le trottoir Andrea, qui avait alors 27 ans. Elle avait quitté la salle pour la même raison. Nous avons commencé à parler, puis à aller au fond des choses – et notre conversation dure encore.

Andrea et moi avions déjà été présentés par un ami commun, metteur en scène, lors d’un meeting d’une nouvelle organisation, la Gay Academic Union. Sa première impression de moi – elle me l’a dit – était que j’avais l’air d’un blondinet des plages, trainard et pas très futé. Nous n’étions pas vraiment assortis.

Le premier livre d’Andrea, Woman Hating, parut ce printemps-là. »

John Stoltenberg, Mettre en scène les derniers mots d’Andrea

Un manuscrit, découvert après la mort d’Andrea Dworkin, écrit sur son viol sous drogue, est maintenant une pièce de théâtre. Son compagnon de vie explique pourquoi.

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Julie Bindel, Quelques leçons que pourrait inspirer Andrea Dworkin aux jeunes féministesWhat Andrea Dworkin, The Feminist I Knew, Can Teach Young Women (v.o.)

« Il ne fait aucun doute que la lutte féministe contre la violence sexuelle, conjugale et culturelle des hommes envers les femmes et les filles est une guerre sanglante et dangereuse. Mais dans les tranchées, Andrea n’oubliait jamais son savoir-vivre ou son humanité. Même si cela peut paraître un cliché, je dois dire que ce qui la nourrissait n’était pas la haine de son ennemi – la suprématie masculine –, mais l’amour pour l’idée d’un nouveau monde, dans lequel le sadisme sexuel était obsolète. »

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Meghan Murphy, Calomnier Andrea Dworkin après sa mort est de la pure misogynieMaligning Andrea Dworkin In Death Amounts To Little More Than Misogyny (v.o.)

« Je ne cesse jamais d’être étonnée que des gens pensent que le féminisme a pour objet de vilipender les hommes comme autant de violeurs brutaux. Le féminisme n’existerait pas sans la conviction des femmes que les choses peuvent être différentes – que les hommes peuvent être différents. Nous savons que la masculinité n’est pas innée et nous savons que les hommes n’ont pas besoin de violer et de frapper. Des hommes font ce choix. »

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Nikki Craft, Pour en finir avec quelques faussetés au sujet d’Andrea DworkinThe Lie Detector (v.o.)

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Samantha Berg, Je veux 140 signes qui mettront fin au violI Want 140 Characters Which Will End Rape (v.o.)

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2 réflexions sur “Textes d’Andrea Dworkin

  1. Quand Meghan Murphy dit « nous savons que les hommes peuvent être différents, que c’est un choix qu’ils font d’être violents »… Moi je ne suis pas d’accord: le patriarcat est un système de domination des femmes par la violence… les outils du patriarcat sont les religions unithéistes à figure humaine masculine, la pensée rationnelle et la violence. Quand on regarde le nombre de viols, d’agressions contre les femmes, les animaux et la nature, la condition du monde, on se rend compte que ce système est psychopathe, créer par des psychopathes. Malheureusement les hommes nous ont prouvé qu’ils étaient dépourvus d’empathie à différents degrés. C’est même d’après moi la grande différence entre les hommes et les femmes.

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    • Vous écrivez: « Quand Meghan Murphy dit « nous savons que les hommes peuvent être différents, que c’est un choix qu’ils font d’être violents »… Moi je ne suis pas d’accord: le patriarcat est un système de domination des femmes par la violence… les outils du patriarcat sont les religions unithéistes à figure humaine masculine, la pensée rationnelle et la violence. »

      Perso, je ne vois pas de contradiction entre ces deux affirmations. Il y a domination systématique des femmes par la violence, et les hommes en font le choix intéressé.

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