Pour en finir avec quelques faussetés au sujet d’Andrea Dworkin

Andrea Dworkin est antisexe.

FAUX. Ses premières œuvres de fiction sont particulièrement riches en relations amoureuses, aussi bien lesbiennes qu’hétérosexuelles – par exemple A simple story of a lesbian girlhood et First Love.

Andrea Dworkin considère que « le coït est une punition ».

FAUX. Cette phrase est simplement dite par un personnage dans son roman Ice and fire. Le personnage paraphrase Franz Kafka.

Andrea Dworkin est anti-lesbienne et vit avec un homme.

A MOITIE VRAI. Elle a vécu dès 1974 avec l’écrivain John Stoltenberg, dont l’article « Living with Andrea » (Vivre avec Andrea) est paru dans Lambda Book Report en 1994. Leur homosexualité était publique dès les années 19701. Dans un discours prononcé en 1975 lors d’un rassemblement pour la Semaine de la fierté lesbienne, Andrea a appelé son amour des femmes « le terreau dans lequel s’enracine ma vie ».

Andrea Dworkin considère que les femmes battues ont le droit de tuer leur agresseur.

VRAI. Elle l’a dit dans un discours en 1991 lors d’une conférence sur les femmes et la santé mentale et elle l’a redit une autre fois, juste après que l’athlète célèbre O.J. Simpson ait été acquitté d’accusations criminelles, dans une tribune au sujet de sa victime Nicole Brown Simpson publiée dans The Los Angeles Times.

Andrea Dworkin considère que les femmes sont supérieures aux hommes.

FAUX. Non seulement rejette-t-elle ce point de vue mais elle s’est opposée publiquement à d’autres féministes qui le pensent, comme elle l’explique dans l’article « La notion de supériorité biologique : un argument dangereux et meurtrier ».

Andrea Dworkin considère que tout rapport sexuel est un viol.

FAUX. Elle n’a jamais dit cela. Elle dissipe tout malentendu dans une interview de 1995 avec le romancier britannique Michael Moorcock. Et dans une nouvelle préface écrite à l’occasion du dixième anniversaire de la publication de son essai Intercourse (1997), Andrea explique pourquoi elle estime que ce livre continue de faire l’objet d’une interprétation erronée :

Si le vécu sexuel d’un homme a toujours été fondé, sans exception, sur la domination – pas seulement par des actes mais aussi par des a priori métaphysiques et ontologiques – comment peut-il lire ce livre ? La fin de la domination masculine signifierait – aux yeux d’un tel homme – la fin du sexe. Si l’on a érotisé un différentiel de pouvoir qui valide l’exercice de la force comme un élément naturel et inévitable du rapport sexuel, comment comprendre que ce livre ne prétend aucunement que tous les hommes sont des violeurs, ou que tout coït est un viol ? L’égalité dans le domaine du sexe est une idée antisexuelle si le sexe nécessite domination pour pouvoir se manifester comme sensation. Aussi triste à dire que ce le soit pour moi, les limites du vieil Adam – et la puissance matérielle qu’il possède encore, surtout dans l’univers de l’édition et des médias – ont imposé des limites au discours public concernant ce livre (tant de la part des femmes que des hommes). [pages IX-X]

Andrea Dworkin s’est déjà prostituée.

VRAI. Dans un article autobiographique destiné à la série Contemporary Authors, Andrea parle d’un temps de sa vie, à partir de la fin de son adolescence, où elle dit avoir « baisé pour manger et avoir un toit et pour avoir le fric dont j’avais besoin ». Elle cite une lettre qu’elle a écrite en réponse à l’auteur John Irving, lettre publiée dans The New York Times Book Review du 3 mai 1992 ; elle y décrit le moment où, « sans-abri, pauvre,… sexuellement traumatisée, j’ai appris à échanger du sexe contre de l’argent. J’ai passé des années dans la rue, vivant d’expédients ». Selon sa lettre, ce vécu est un des éléments qui informe l’engagement de tous ses écrits : « Avec la pornographie, une femme peut encore être vendue après que les coups, les viols, la douleur, l’humiliation, l’ont tuée. J’écris pour elle, au nom d’elle, j’essaye d’intervenir avant qu’elle meure. Je la connais. J’ai failli être elle. » Dans un discours prononcé en octobre de la même année2, elle s’identifie à nouveau aux femmes prostituées : «… les prémisses de la femme prostituée sont mes prémisses. »

Andrea Dworkin est anti-avortement.

FAUX. Elle a toujours appuyé la National Abortion Rights Action League et le Planning familial américain ; démarche qu’elle a apprise de sa mère, comme elle l’explique dans l’interview avec Michael Moorcock. Par ailleurs, dans le chapitre 3 de son livre Les femmes de droite, Andrea critique fermement la gauche dominée par des hommes, qui promeut « l’avortement aux conditions des hommes, comme partie intégrante de la libération sexuelle » plutôt que comme autodétermination pour les femmes.

Andrea Dworkin est « essentialiste » – elle considère, par exemple, que les hommes ressentent une pulsion biologique à la domination.

FAUX. Dès son tout premier livre, Woman Hating (La haine des femmes) (1974), Andrea a toujours dit que le genre est un mensonge social et elle a explicitement rejeté l’idée que « les hommes » et « les femmes » existent par nature. « Il n’est pas vrai qu’il y a deux sexes qui sont distincts et opposés », dit-elle dans un discours prononcé en 1975. Et dans un chapitre de Pornography: Men Possessing Women (Pornographie: des hommes possédant des femmes) (1981), elle déplore la tragédie de la socialisation subie par les enfants mâles (« Comment se fait-il que le garçon, dont le sentiment de vie est si vif qu’il attribue un caractère humain au soleil et à une pierre se transforme en homme adulte incapable d’admettre ou même d’imaginer le caractère humain commun aux femmes? »).

Andrea Dworkin a fait adopter une loi anti-pornographie au Canada.

FAUX. S’il est vrai que, en 1993, la Cour suprême du Canada a requalifié au pénal la loi contre la pornographie dans une décision intitulée Canada c. Butler, Andrea s’est en fait opposée au travail de lobbying féministe qui a abouti à cette décision de la Cour – comme on le voit clairement dans sa déclaration publique sur le Canada – car elle n’est pas partisane de lois contre l’obscénité.

Les livres d’Andrea Dworkin ont été censurés à cause du travail féministe fait contre la pornographie au Canada.

FAUX. Comme l’explique la même déclaration publique, il est arrivé une fois que des livres d’Andrea soient retenus par les douaniers canadiens pour inspection, mais cela eu lieu en vertu de normes procédurales datant de bien avant 1993 et qui n’ont pas été affectées par la décision Butler. (Ces livres sont d’ailleurs entrés sans problème au Canada.)

Lors d’un débat avec Alan Dershowitz, professeur de droit à Harvard, Andrea Dworkin lui a fait un doigt d’honneur.

FAUX. Ce n’est pas son style de discussion. La photographie d’Andrea et Dershowitz publiée dans l’autobiographie de ce dernier, The Best Defense, montre en fait Andrea faisant un geste caractéristique d’emphase. Malheureusement, le compte-rendu complet des propos échangés au cours de leur débat de 1981 au Radcliffe College a été supprimé – par M. Dershowitz lui-même. Il a refusé à The Schlessinger Library for Women, sponsor du débat, l’autorisation d’en diffuser l’enregistrement. Mais on peut maintenant consulter les « opening remarks » (propos d’entrée en matière) de ce débat dans l’Andrea Dworkin Online Library.

Dans son livre Defending Pornography, la présidente de l’American Civil Liberties Union (ACLU), Nadine Strossen, raconte l’anecdote suivante :

Le regretté John Preston, activiste gay et auteur, a dépeint l’antipathie profonde d’Andrea Dworkin envers n’importe quelle expression de la sexualité masculine, y compris celle des hommes gay, en relatant ses actions durant les années 1970, alors qu’il était directeur de le Gay House, Inc., à Minneapolis :

Dworkin animait régulièrement un groupe de discussion lesbienne au Centre. Un de ses passe-temps préférés consistait alors à vandaliser toute affiche ou matériel faisant la promotion de l’homosexualité masculine en y écrivant: « CELA OPPRIME LES FEMMES ! »

CETTE ANECDOTE EST FAUSSE. L’original de l’article de Preston (paru dans le Boston Phoenix) affirme qu’Andrea Dworkin était à Minneapolis en 1971. Mais à cette époque, elle vivait en fait à Amsterdam où elle était battue par son conjoint, comme elle le raconte dans un essai autobiographique, publié dans la série Contemporary Authors. Elle lui a ensuite échappé et s’est installée à New York. Elle est allée à Minneapolis pour la première fois à l’automne 1983 pour enseigner pendant un semestre à l’University of Minnesota. Là-bas, elle a été invitée à donner une conférence devant 500 hommes. Ce discours a été publié par la suite sous le titre: « Je veux une trêve de 24 heures durant laquelle il n’y aura pas de viol » 3)

Contrairement aux nombreuses calomnies diffusées à son encontre par l’ACLU, Andrea a longtemps essayé de soulever « un véritable débat sur les valeurs et les tactiques de l’ACLU », comme elle l’écrit dans l’article « The ACLU : Bait and Switch » (Les tactique et les leurres de l’ACLU).

Andrea Dworkin considère que le viol, la violence masculine conjugale, la prostitution et la pornographie sont des violations des droits civiques des femmes.

VRAI. Le travail d’organisation féministe contre le viol, la violence masculine conjugale, la prostitution et la pornographie constituent le thème de bons nombres des écrits affichés dans l’Andrea Dworkin Online Library. Un bon point de départ est la Table des matières de Letters from a War Zone, qui comprend plusieurs allocutions qu’elle a données lors de manifestations nocturnes Take Back the Night, y compris « The Night and Danger » (Nuit et danger) sur la relation entre la violence anti-femmes et le racisme.

Source originale : Nikki Craft « The Lie Detector – Andrea Dworkin Online Library », ici

traduction également publiée ici

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