Billy Bragg ne comprend toujours pas le féminisme

par JULIE BINDEL, sur UnHerd, le 29 avril 2024

Je suis habituée à entendre des hommes de gauche me dire que mon féminisme est erroné. Le chanteur et activiste Billy Bragg fait partie d’une longue lignée d’hommes qui me serinent constamment que je ne partage pas leurs précieuses valeurs. Dans une interview publiée hier, le demi-dieu adoubé de denim a été interrogé sur son rôle dans le débat sur le genre et les espaces dédiés aux femmes :

« Mon problème avec des gens comme [J.K.] Rowling, comme Julie Bindel, a-t-il répondu, c’est vraiment de savoir avec qui elles sont alignées. [Rowling et Bindel] sont des personnes avec lesquelles je suis d’accord sur les droits des femmes. Je suis d’accord avec elles sur l’avortement. Mais nous ne sommes pas d’accord sur ce point ».

Je peux certainement affirmer que Bragg et moi soutenons tous deux l’accès à l’avortement gratuit et légal, mais j’imagine que nous avons ces opinions pour des raisons quelque peu différentes.

S’il y a quelque chose qui profite aux hommes, des gens comme Bragg déclareront cela féministe. Comme l’a souligné mon amie et camarade J.K. Rowling, les hommes de gauche ont tendance à applaudir la prostitution et le strip-tease, tant que ce sont des femmes qui s’y adonnent et que ce sont des hommes qui sont aux commandes. La maternité de substitution, la « danse-contact » et la marche des salopes sont à leurs yeux des activités « empouvoirantes » – un terme qui n’est jamais attribué à quoi que ce soit fait par des hommes. C’est du faux féminisme à l’usage des boys

Tout comme son frère d’armes Owen Jones (chroniqueur-vedette au Guardian), Bragg insiste pour affirmer que les transfemmes sont des femmes et, comme c’est pratique!, cette position ne semble pas présenter d’inconvénients pour ces hommes. On leur donne des biscuits pour s’être montrés d’ausi bons alliés, sans encourir un gramme de danger ou de désagrément en conséquence.

Il est grotesque de suggérer comme ils le font que les pauvres idiotes qui s’opposent à la présence d’hommes dans les vestiaires féminins, les services hospitaliers et les pénitenciers féminins s’allient de ce fait à l’extrême-droite. Les féministes de gauche, telles que moi-même et Rowling, ont mené l’assaut actuel contre l’idéologie du genre parce que nous faisons campagne contre le viol et la violence conjugale. Il est un peu excessif de la part de Bragg de bêler que le droit à l’avortement et l’égalité du mariage sont menacés par ces alliances imaginaires, étant donné qu’en tant qu’homme hétérosexuel, il n’a besoin ni de l’un ni de l’autre.

Bragg n’aime pas les puissants hommes de droite qui sont d’accord avec moi et Rowling sur la question des trans. La vérité dérangeante est que ni Donald Trump ni Viktor Orbán ne s’accordent à la politique féministe, mais qu’ils sont tous deux conscients qu’il n’existe que deux sexes. Si, pour Bragg, cela signifie que je suis d’accord avec ces hommes, qu’il vive avec cette étrange conviction…

Les féministes – et en fait toutes les femmes – ont été profondément trahies par les hommes de gauche. Ils se sont vantés sur toutes les tribunes d’être de bons alliés des trans alors que nous-mêmes étions attaquées, maltraitées, harcelées, diffamées et mises à l’écart pour avoir défendu les droits des femmes. Ils ont fermé les yeux lorsque des transactivistes ont dit aux lesbiennes que nous étions sectaires du fait d’exclure les hommes de nos lits. Ces hommes ont applaudi alors que nous perdions nos emplois et notre réputation, convenant avec les transextrémistes que nous devions simplement nous montrer plus charitables.

Les hommes de gauche accordent rarement la priorité aux enjeux des femmes, et nous sommes censées danser sur leur musique pour être jugées acceptables…

Ce problème dure depuis des décennies et s’est étendu sur plusieurs continents. En 1964, Stokely Carmichael, éminent militant du Black Power, a été interrogé sur le rôle des femmes dans le mouvement des droits civiques. Il a répondu : « La seule position des femmes dans notre mouvement est la position allongée ». C’est précisément parce que des hommes de gauche et de droite ont fait preuve d’une telle misogynie que le mouvement de libération des femmes a resurgi dans les années soixante-dix. Bragg est un Carmichael des temps modernes, et les hommes comme lui feront toujours passer les hommes en premier, que ceux-ci prétendent être des femmes ou non.

Julie Bindel est journaliste d’enquête, autrice et militante féministe. Son plus récent ouvrage s’intitule « Feminism for Women : The Real Route to Liberation ». Elle écrit également sur Twitter et sur la plate-forme Substack.

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