Comment l’Enquête nationale sur les femmes disparues et assassinées a trahi les femmes et les filles autochtones

par Cherry Smiley

Version originale: https://www.cherrysmiley.com/blog/how-the-national-inquiry-failed-indigenous-women-and-girls

En septembre 2016, le gouvernement fédéral canadien a annoncé, à la suite d’une âpre lutte et d’une très longue attente, le début d’une Enquête Nationale indépendante sur les Femmes et les Filles Autochtones Disparues et Assassinées (ci-après « l’enquête »). Certaines militantes et universitaires espéraient qu’une enquête mettrait en lumière les causes profondes de la violence masculine contre les femmes et les filles autochtones et qu’il en résulterait des mesures significatives pour mettre fin à cette violence. D’autres étaient sceptiques quant à l’espoir que l’enquête conduise à la mise en œuvre de mesures concrètes qui amélioreraient la vie des femmes autochtones. Au début, j’ai appuyé les femmes autochtones qui avaient travaillé depuis si longtemps et si fort et soutenu leur réclamation, même si j’oscillais entre le doute et l’espoir quant aux résultats que pourrait atteindre une enquête nationale.

manif justice f autochtones.jpgAujourd’hui, le 3 juin 2019, l’enquête publiera son rapport final. Il n’en résultera aucune mesure significative visant à promouvoir les objectifs de libération des femmes autochtones. En fait, je crains que le rapport final et les mesures subséquentes ne contribuent à marginaliser davantage les femmes autochtones et à les réduire au silence. L’enquête a trahi brutalement et profondément les femmes et les filles autochtones du Canada. Sur la base du site Web officiel de l’enquête (http://www.mmiwg-ffada.ca) et des documents officiels publiés sur ce site, le présent article soutient que la portée et la structure de l’enquête elle-même ont nui plutôt que contribué à un programme autochtone féministe [1] au Canada. Ironiquement, « l’enquête sur les femmes autochtones disparues et assassinées » ne se contente pas de manquer d’éléments de base qui l’auraient rendu efficace : elle s’est activée à faire « disparaître » les femmes, la violence masculine et tout ce qui pourrait ressembler à une analyse féministe dans son processus d’investigation.

Femmes disparues

Après des décennies de travail réclamant que l’on mette fin à la crise des femmes et des filles autochtones du Canada qui sont maltraitées et assassinées par des hommes, on a fait disparaître les femmes et les filles autochtones de notre propre enquête grâce à deux grandes présomptions au sujet d’enjeux féministes controversés : premièrement, l’enquête a adopté le slogan « les familles avant tout » comme noyau et principe directeur de son cadre d’analyse et de ses processus ; deuxièmement, elle a soutenu des universitaires, des administrations et d’autres acteurs dans un effort de redéfinition du mot « femmes » pour y inclure les hommes.

Le cadre de l’enquête s’est développé à partir d’une approche préconisant « les familles d’abord » dans l’enjeu de la violence (masculine) [2] envers les femmes et les filles autochtones. Selon le lexique de l’enquête, cette approche a pris naissance en 2014 :

[…]L’approche est issue de la frustration croissante à l égard de la façon dont les femmes et les filles autochtones disparues ou et leurs familles étaient traitées par les services de police, le système de justice, les politiciens ainsi que les journalistes et les commentateurs dans les médias. Selon l approche des « familles d abord », tout processus se penchant sur les femmes et les filles autochtones disparues, y compris une enquête nationale, se devait d’inclure pleinement les familles de ces femmes et ces filles et de veiller à ce qu’elles puissent se faire entendre… Note :… « Les familles d’abord » ne remplacera pas l’expérience vécue par les survivantes de la violence faite aux femmes et aux filles autochtones, mais contribuera plutôt à faire en sorte que celles qui ne peuvent parler pour elles-mêmes puissent continuer à se faire entendre » (Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées, 2018).

Comme l’a demandé Fay Blaney, une femme Xwemalhkkwu et militante et leader féministe autochtone de longue date : Qui parle au nom des femmes autochtones qui ont été agressées par des parents masculins, appréhendées par le système de placement familial ou qui sont aujourd’hui maintenues à distance de leur famille (Siebert 2016) ? L’enquête recourt aux expressions « familles du cœur » ou « familles choisies » pour englober les familles non biologiques (Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées, 2018). Mais que les femmes autochtones assassinées ou disparues soient représentées par des familles biologiques ou choisies, personne ne possède l’histoire d’une femme si ce n’est elle-même, et qu’elle soit on non parmi nous et capable de plaider sa cause, elle devrait toujours être prioritaire. Or, malgré les assurances du contraire, un programme axé sur « les familles d’abord » aboutit à créer une réalité « les femmes en second ».

Le lexique de l’enquête [3] énonce que « pour de nombreux peuples autochtones, la famille est au cœur de l organisation sociale. L’identité d’une personne, ses droits et ses responsabilités sont souvent définis en fonction de ces liens familiaux. » (Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées, 2018). Je me souviens qu’une militante et leader féministe autochtone a rappelé à une salle pleine de femmes, lors d’une réunion, que personne ne nous possède – nous nous possédons nous-mêmes. Pour moi, cela veut dire qu’en tant que femmes autochtones, nous pouvons avoir des liens solides et profonds avec nos familles, nos communautés et nos cultures – mais que ces familles, communautés et cultures ne nous appartiennent pas et ne nous contrôlent pas. Nous pouvons être profondément interconnectées, mais nous sommes toujours des femmes autonomes dans tous les domaines de notre vie. Il a été décevant de constater que des femmes qui ont été agressées ou assassinées par des hommes ont, une fois de plus, été repoussées pour faire de la place à quelqu’un d’autre. Le choix d’une base « les familles d’abord » a eu pour effet de promouvoir « une enquête nationale sur les familles des femmes et des filles autochtones disparues et assassinées ». Cela ne veut pas dire que les membres des familles n’auraient pas dû être impliqués ou que ces personnes n’ont pas de renseignements importants à partager, mais que cette implication aurait pu avoir lieu dans un programme axé sur « les femmes d’abord ». Les familles ont exercé de fortes pressions pour que l’enquête soit centrée sur elles, et les responsables de l’enquête ont cédé en leur accordant la priorité. En ce sens, les universitaires, les militantes et les membres des familles qui ont réclamé le critère « les familles d’abord » partagent avec les commissaires de l’enquête la responsabilité d’avoir décidé que les femmes et les filles autochtones ne devaient pas occuper la place centrale dans une enquête sur des femmes et des filles autochtones.

Au cours des quelques années qui ont précédé le lancement de l’enquête, on a vu augmenter en intensité des appels à inclure dans le mandat de l’enquête un examen de la violence exercée contre les hommes autochtones et de leur disparition (Jones 2015 ; Todd 2016). Cette pression est venue de femmes et d’hommes, autochtones et non autochtones, de partout au pays. Le chef de la Première nation Cheam, Ernie Crey, a notamment formé une coalition avec une organisation masculiniste, l’Association canadienne pour l’égalité (ACÉ), pour plaider en faveur de l’inclusion de la violence contre les hommes autochtones dans le mandat de l’enquête (CTV Vancouver, 2016). Après une confusion considérable lorsque le porte-parole de l’enquête, Michael Hutchinson [4], a annoncé au Réseau de télévision des peuples autochtones (APTN) que les hommes et les garçons seraient inclus (mission « Nouvelles nationales », 2017), les commissaires ont affirmé que l’enquête resterait axée sur les femmes et les filles autochtones (Todd 2017). Cependant, la page d’accueil de l’enquête, à l’adresse http://www.mmiwg-ffada.ca, indique toujours :

« Le mandat des commissaires est d’examiner et de faire rapport sur les causes systémiques de toutes les formes de violence faite aux femmes, aux filles et aux personnes BLGBTA autochtones au Canada en regardant les tendances et les facteurs sous-jacents. »

Dans le Lexique terminologique de l’enquête, l’acronyme « BLGBTA » signifie ce qui suit :

« …personnes bispirituelles, lesbiennes, gaies, bisexuelles, transgenres, queer, en questionnement, intersexe et asexuées […] Historiquement, de nombreuses nations autochtones n’ont pas limité le sexe aux hommes ou aux femmes, mais ont établi des troisième et quatrième catégories de sexe » (Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées, 2018).

Cette section du document énonce également certaines limites de cet acronyme, en s’assurant que les lecteurs sont conscients que les personnes qui s’identifient comme « …pansexuelles, pangenres, polyamoureuses, entre autres » sont des « des genres et des minorités sexuelles » qui ne sont pas englobés dans l’acronyme « BLGBTA ». De plus, cette section comprend des instructions sur le type de vocabulaire que les femmes autochtones peuvent utiliser pour se décrire. On nous dit spécifiquement :

Plutôt que de dire « les femmes autochtones et les femmes trans/bispirituelles », ce qui les sépare en deux catégories, envisager la possibilité d’utiliser, par exemple, « toutes les femmes autochtones, y compris les femmes trans/bispirituelles » ou « les femmes autochtones, peu importe le genre ou le sexe qui leur a été assigné à la naissance. »

L’enquête n’énumère pas de termes recommandés à qui reconnaît que les hommes ne peuvent être des femmes ; l’on présume automatiquement que nous devrions tous souscrire à une idéologie qui nous dit que tout homme qui dit être une femme en est une, même si c’est une impossibilité biologique.

Bien que l’enquête n’ait pas été élargie pour inclure explicitement les hommes, les hommes sont considérés comme un groupe particulièrement marginalisé s’ils s’identifient comme Autochtones et comme femmes, bispirituels, non binaires, en question ou queer, parmi une foule d’autres options identitaires. Mais malgré ce que nous disent des universitaires, des gouvernements, des activistes et des médias, les féministes sont critiques du genre et de ses effets. La notion d’une « identité de genre » est devenue de plus en plus populaire et, dans certains cas, intégrée dans les lois et les politiques, mais n’a pas encore été définie. Une des définitions proposée pour « l’identité de genre » y voit

« …l’expérience interne et la désignation de notre genre…le genre est un spectre, et ne se limite pas à deux possibilités. Un enfant peut avoir une identité de genre non binaire, ce qui signifie qu’iel ne s’identifie pas strictement comme un garçon ou une fille : iel peut s’identifier comme les deux, ou aucun des deux, ou comme un autre genre entièrement. Les personnes agenres ne s’identifient à aucun genre. La plupart d’entre nous comprenons notre genre assez tôt dans la vie… Cet aspect fondamental de notre identité vient de l’intérieur de chacun d’entre nous ; c’est un aspect inhérent à la constitution d’une personne. Les individus ne choisissent pas leur genre, et on ne peut pas non plus les forcer à le changer, bien que les mots que quelqu’un utilise pour communiquer leur identité de genre puissent changer avec le temps (p. ex. d’une identité non binaire à une identité non binaire différente) » (Gender Spectrum)

Le terme « bispirituel » est également devenu plus courant. Ce terme

« … [englobe] une vaste gamme d’identités sexuelles et de genre chez des peuples autochtones de partout en Amérique du Nord. Bien que certaines personnes utilisent ce terme pour désigner spécifiquement le rôle culturel des individus qui incarnent à la fois les esprits féminins et masculins, le mot « bispirituel » est également utilisé pour décrire des Autochtones qui s’identifient comme lesbiennes, gais, bisexuels, transgenres ou queer (LGBTQ). Il est important de savoir que les Autochtones LGBTQ nomment leur identité en utilisant une terminologie diversifiée, y compris des termes en langues autochtones ainsi que des termes qui prévalent dans les communautés LGBTQ… Le mot bispirituel est un terme qui reflète la diversité traditionnelle de genre chez les Autochtones, notamment la nature fluide du genre et de l’identité sexuelle et son lien avec la spiritualité et les visions du monde traditionnelles. » (Hunt 2016, 7).

Ce sont là deux exemples des nombreuses définitions qui tentent d’expliquer les concepts d’ « identité de genre », de « bispiritualité » et de termes connexes. Ces définitions ne sont pas claires et sont encore plus compliquées du fait qu’elles peuvent signifier beaucoup de choses différentes et qu’elles peuvent changer à tout moment.

L’idéologie qui décrit le genre comme un sentiment interne, une « essence », avec lequel un individu naît et qu’elle ou il définit pour lui-même n’est que cela : une croyance à propos du genre. En revanche, les féministes ont depuis longtemps défini le genre comme une construction sociale – quelque chose que nous apprenons – alors que le sexe fait référence à notre biologie, en tant que femme ou homme. Le genre est une imposition externe d’attentes, de règles et de limites fondées sur le sexe qui ont pour effet de maintenir la domination des hommes et la subordination des femmes dans une société patriarcale (Jeffreys 2014, 1 – 2). Par exemple, on apprend aux femmes à être polies et discrètes tandis qu’on enseigne aux hommes à être directs et assertifs. D’un point de vue féministe, le fait de convenir poliment d’une chose avec laquelle nous ne sommes pas d’accord ou le fat de ne rien dire même si nous avons envie de parler, afin de ne pas blesser les sentiments de quelqu’un (surtout les hommes) ne font pas partie de notre biologie féminine. De même, être direct et demander ce que l’on veut ne fait pas partie de la biologie masculine. Si c’était vrai, cela signifierait que ces comportements sont ancrés en nous et qu’ils ne peuvent être modifiés. Les féministes travaillent à la libération des femmes et un élément central de cette lutte est l’abolition du genre. Cela signifie se débarrasser des attentes, des règles et des limites fondées sur le sexe qui sont imposées aux femmes et qui privilégient les hommes. Les femmes peuvent être confiantes et directes et les hommes peuvent être discrets et réfléchis. Il est important de noter que l’abolition du genre ne signifie pas simplement échanger les rôles pour que les femmes deviennent agressives et les hommes, passifs. Il s’agit plutôt de la libération des femmes et de la construction d’une culture intentionnellement féministe qui œuvre pour un monde où nous sommes toutes et tous encouragés à nous respecter et à prendre soin les unes des autres et de tous nos proches.

Les responsables de l’enquête ont décidé, avant même ses débuts, que l’« identité de genre » était un sentiment interne indéfini qui pouvait ou non correspondre à l’organisme externe ; que le genre était un spectre plutôt qu’une hiérarchie et qu’il fallait encourager l’idée d’une pluralité de genres devraient être encouragés ; et que chaque personne pouvait avoir n’importe quel nombre d’identités, aucune identité ou toutes les identités, soit de façon consistante soit simplement en énonçant toute identité à laquelle il ou elle s’identifie à ce moment-là. Adopter cette idéologie de genre antiféministe rend impossible toute investigation sur le rôle que joue « le genre » dans les réalités matérielles, y compris la vie et la mort, des femmes autochtones et des hommes qui leur font du mal. Par exemple, comment peut-on examiner suffisamment le rôle de la discrimination sexiste à l’égard des femmes dans la Loi sur les Indiens et les liens avec la violence masculine faite aux femmes et aux filles autochtones si n’importe qui peut s’identifier comme une femme ou un homme? Nous devons être en mesure d’identifier correctement qui est une femme et qui est un homme. Les hommes ne peuvent pas être des femmes et les femmes ne peuvent pas être des hommes. La Loi sur les Indiens est discriminatoire envers les femmes en raison de notre sexe, parce que nous sommes des femmes. La Loi sur les Indiens ne fait pas de discrimination fondée sur le sentiment interne d’une personne à propos de son « genre ». Pour autant que je sache, les femmes ont perdu notre statut d’Indienne parce que nous sommes des femmes. Je ne connais aucun cas où un homme qui s’est identifié comme femme transgenre non binaire a perdu son statut d’Indien à cause de son impression d’être une femme transgenre non binaire.

photo manif f autochtones silent no moreEn modifiant la portée de l’enquête pour y inclure les hommes ; en faisant la promotion de l’idée fausse que les êtres humains peuvent réellement changer leur sexe biologique d’homme à femme ou de femme à homme ; et en appuyant une définition vide de sens du mot « femmes » qui y inclut les hommes sans discussion ou débat public, l’enquête a trahi les femmes autochtones. On peut lire dans le rapport de mi-parcours de l’enquête :
« Les femmes autochtones qui sont LGBTA, de genre non binaire ou bispirituelles ont insisté pour être intégrées nommément à l’Enquête nationale. Nous nous sommes engagés à le faire. » (Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées 2017).

L’enquête n’a pas eu le courage de prendre position et de donner la priorité aux femmes et aux filles. Le rapport final reflétera ce manque de courage et véhiculera le message qu’une fois de plus, les femmes et les filles autochtones méritent d’être marginalisées, tandis que les familles des femmes et tous ceux qui s’identifient comme d’un « genre » ou d’un autre ont la priorité.

Les hommes disparus

Bien que l’enquête ait d’abord donné la priorité aux familles, et non aux femmes, et qu’elle ait été élargie pour inclure les hommes en tant que groupe encore plus victimisé que les femmes autochtones (malgré l’absence de recherche formelle ou informelle qui appuie cette affirmation), les hommes disparaissent dans l’enquête et ses documents officiels comme les principaux auteurs de violences envers les femmes et les filles autochtones. Fait alarmant, les statistiques démontrent qu’au Canada, les hommes sont la très grande majorité d es accusés d’actes de violence, en particulier de violence sexuelle, contre les femmes et les filles (Sinha 2013, 30 – 31). Tout aussi alarmante est la réduction de la désignation de « violence masculine » à une « violence » généralisée par l’enquête et par les gouvernements canadiens et autochtones, les services sociaux, les universités, les activistes et les médias, phénomène semblable, par exemple, à la reconstruction des « violences à l’égard des femmes à domicile » pour en faire une « violence domestique » ou une « violence entre partenaires intimes », expressions que des féministes et particulièrement les intervenantes anti- violence de première ligne ont critiquées pour leur occultation des rôles joués par l’inégalité des sexes et par le patriarcat. Comment identifier des « causes profondes » si le langage utilisé ne décrit pas précisément ce qui se passe et qui fait quoi à qui ?

Dans le rapport de mi-parcours de l’enquête, les commissaires ont déclaré que le thème le plus important qu’ils aient identifié dans le processus de consultation communautaire préalable à l’enquête était les répercussions du racisme (Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées 2017, 29) et que les thèmes les plus importants qu’ils aient identifiés lors des réunions consultatives préalables à l’enquête étaient le système de maintien de l’ordre et de justice pénale et les représentations médiatiques des femmes autochtones et des victimes de violence, déclarant que « le racisme est courant dans les médias et une couverture négative et stéréotypée des femmes autochtones a de profondes répercussions sur les familles. (Enquête nationale sur les femmes et filles autochtones disparues et assassinées 2017, 30). L’enquête prétend : « … Nous exposons de dures vérités au sujet des effets dévastateurs de la colonisation, du racisme et du sexisme; ce sont des aspects du Canada (sic) que de nombreux Canadiens hésitent encore à accepter. » (Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées, 2017, 1). Espérons que le rapport final de l’enquête révélera certains renseignements que nous avons besoin d’entendre. Cependant, comme c’est trop souvent le cas, la colonisation et le racisme sont présentés comme les principaux facteurs affectant les femmes et les filles autochtones (Kuokkanen 2015), malgré le rôle central du patriarcat et de la misogynie qui permet, encourage et profite des taux et niveaux élevés de violence commis par les hommes autochtones et non autochtones contre les femmes autochtones [5]. Alors que certaines femmes qui ont témoigné à l’enquête reconnaissent avec courage que la violence est également le fait d’hommes autochtones, d’autres femmes ont essayé de cacher cette réalité. Par exemple, Summer-Rain Bentham, une travailleuse de première ligne de Gitxsan et Squamish qui travaille pour les Battered Women’s Support Services (BWSS) à Vancouver, a déclaré dans son témoignage :

« Je sais que vous avez entendu tout au long de ces audiences et à l’audience de Calgary, que ce sont surtout les hommes autochtones qui commettent ces actes de violence contre nos femmes et nos filles autochtones. Compte tenu de mes 15 années d’expérience en première ligne et de mes 35 années de vie, je ne suis pas du tout d’accord avec cet énoncé. J’irais même jusqu’à dire que c’est une lecture très injuste de l’histoire que de blâmer les seules communautés autochtones pour l’état de crise qui sévit dans tout le pays. »

Il y a plusieurs raisons pour lesquelles les femmes autochtones subissent des pressions pour couvrir, excuser, dissimuler et nier la violence qu’elles subissent de la part des hommes autochtones. Par exemple, les femmes peuvent être chassées de leur communauté et de leur famille parce qu’elles ont tenu tête à un père violent ou à un chef masculin qui agresse sexuellement les femmes. C’est la vérité que les femmes et les filles autochtones sont attaquées par des hommes non autochtones ET autochtones, et les déclarations de Mme Bentham et d’autres propos semblables visent à protéger les hommes autochtones violents et rappellent également aux femmes autochtones de ne pas parler de la violence perpétrée contre nous par certains hommes. La réalité est que des hommes autochtones adoptent intentionnellement des comportements patriarcaux (plutôt qu’en être simplement des victimes) et qu’ils persistent à profiter des avantages de cette idéologie brise la vision romantique actuelle des communautés autochtones et exige que tous les hommes assument leur responsabilité de se rallier au patriarcat et à ses avantages. Il est plus facile de blâmer les autres, mais en tant que porte-parole, nous devons avoir le courage de faire passer les femmes autochtones en premier, même lorsque c’est difficile.

Une autre façon dont l’enquête fait disparaître les rôles joués par des hommes en tant qu’auteurs d’actes de violence contre les femmes et les filles autochtones dans un patriarcat est le soutien effronté de l’enquête à l’idéologie du travail du sexe. Parmi les féministes et les personnes qui s’identifient comme telles, deux perspectives dominantes ont émergé : la prostitution comme une forme de violence masculine anti femmes et un obstacle à la libération des femmes préconisée par les féministes, d’une part, et le travail du sexe comme une forme de travail stigmatisée mais légitime et même autonomisante, notion préconisée par les défenseurs des droits des travailleurs et travailleuses du sexe (Mathieson et al. 2015). Les féministes reconnaissent que toutes les formes de prostitution, y compris la prostitution à l’intérieur et à l’extérieur, les maisons closes, le strip-tease, la pornographie et d’autres formes d’actes sexuels rémunérés comprennent principalement des hommes comme acheteurs et des femmes et des filles comme vendeuses de sexe et constituent donc un acte d’oppression basée sur le sexe qui constitue une forme de violence masculine envers les femmes (Barry 1984 ; Jeffreys 1997). La demande d’accès sexuel au corps des femmes est considérée comme nuisible et comme une pratique patriarcale enracinée dans le privilège masculin, comme le dit Kathy Miriam, « …la question fondamentale d’une approche abolitionniste de la prostitution n’est pas de savoir si les femmes « choisissent » ou non la prostitution, mais pourquoi les hommes ont le droit d' »exiger que des corps de femmes soient vendus comme marchandises sur le marché capitaliste » ». (2005, 2). De ce point de vue, l’acte de « consentir » à des actes sexuels non désirés en échange d’une compensation est considéré comme la principale source de préjudice pour les femmes en prostitution, et le fait de se livrer à la vente de sexe résulte des choix limités dont disposent les femmes et les filles opprimées par le patriarcat (Carter & Giobbe 1999). Selon cette perspective, la prostitution ne peut être réformée, réglementée ou rendue sécuritaire et, par conséquent, sa pratique devrait être abolie (Barry, 1984). L’approche du « modèle nordique » est la politique la plus couramment soutenue par les féministes en réponse à la prostitution (Mathieson et al. 2015). Cette politique a d’abord été adoptée par la Suède en 1999 et comporte trois volets : 1) la décriminalisation des personnes prostituées et la criminalisation des acheteurs de sexe et des proxénètes ; 2) le financement de services complets de sortie et de prévention, y compris, mais sans s’y limiter : des logements sûrs et abordables, un taux d’aide sociale viable, du counselling, des soins de santé et de la formation professionnelle ; et 3) une campagne visant à sensibiliser la population au fait que la prostitution est une forme de violence masculine et à dissuader les hommes d’acheter des actes sexuels (Mathieson et coll., 2015).

En revanche, les défenseurs des droits des travailleuses et travailleurs du sexe considèrent le travail du sexe, un terme inventé par Carol Leigh alias Scarlot Harlot (Leigh 1997), comme une forme de travail qui peut et doit être rendue plus sûre pour celles et ceux qui participent à cette industrie. Selon ce point de vue, le stigmate du travail du sexe et toute loi criminalisant tout aspect du travail du sexe sont les principales sources de préjudice pour les membres de l’industrie, car ils empêchent les travailleuses et travailleurs sexuels de répondre à leurs besoins fondamentaux et d’accéder aux services sociaux en cas de besoin en raison de la désinformation et du jugement négatif porté sur leur occupation (van der Meulen et al., 2013). Ceux et celles qui présentent le sexe comme un travail prônent soit un modèle légalisé, selon lequel l’industrie du sexe (y compris les travailleuses et travailleurs du sexe qui fournissent des services sexuels, mais aussi les clients, les gestionnaires, les chauffeurs, les réceptionnistes, les gardes du corps et tous les autres acteurs qui tirent profit de l’industrie du sexe) est entièrement décriminalisée et régie par une loi gouvernementale, soit un modèle entièrement décriminalisé, selon lequel l’industrie du sexe est officiellement décriminalisée mais une réglementation y est assurée sous la forme de directives de santé et sécurité en milieu de travail (Van der Meulen et al. 2013) et de règlements et politiques municipales (Mathieson 2019). Dans cette perspective, les travailleuses et travailleurs du sexe seraient admissibles à l’assurance-emploi, à l’indemnisation des accidentés du travail, à l’assurance-maladie et à tous les autres avantages offerts aux autres travailleurs et travailleuses et pourraient s’organiser en syndicats pour mieux protéger leurs droits (van der Meulen et al. 2013).

Dans son Lexique terminologique, l’enquête tente d’établir des distinctions claires entre le travail du sexe « choisi » et l’exploitation « forcée » des jeunes et la traite des personnes :

Le travail sexuel entre adultes consentants n’est pas toujours considéré comme de l’exploitation sexuelle; par contre, dès que des enfants et des jeunes sont impliqués, cela le devient («enfants et jeunes victimes d’exploitation sexuelle»). On doit faire la distinction entre le travail sexuel et le trafic sexuel(une forme de traite de personnes). Ces termes ne sont pas interchangeables, bien qu’ils s’assimilent souvent l’un l’autre. Le trafic sexuel consiste en l’acte de la traite de personnes dans le but d’obtenir un service sexuel par contrainte ou exploitation. On considère le trafic sexuel, de même que les autres formes de traite de personnes, comme une violation des droits de la personne. Enquête nationale sur les femmes et filles autochtones disparues et assassinées 2018)

Alors que les défenseurs des droits des travailleuses et travailleurs du sexe croient que la prostitution peut être qualifiée de « forcée » ou de « choisie », les féministes soutiennent que la distinction supposée entre la prostitution « forcée » et « choisie » n’est pas une façon exacte ou utile d’examiner la question et sert les intérêts des hommes comme proxénètes et clients plutôt que ceux des femmes en prostitution. Pour citer un article que j’ai coécrit avec Maddy Coy et Meagan Tyler, PhDs :

« Affirmer que la prostitution et la traite sont deux actions distinctes et séparées suscite des questions dépourvues de réponses claires. Par exemple, comment faire la différence entre une travailleuse du sexe et une femme victime de la traite ? Nous fions-nous à sa déclaration selon laquelle elle est là de son plein gré, alors que nous savons qu’il y a des cas où les femmes ne parlent pas par crainte de représailles ? Par ailleurs, comment ferions-nous la différence entre les hommes qui achètent des travailleuses du sexe et ceux qui achètent des femmes victimes de la traite afin de nous assurer d’arrêter la demande de traite, mais pas la demande de travail du sexe ? Des études démontrent que certains acheteurs de sexe ne savent pas si les femmes sont forcées ou victimes de la traite et ne s’en soucient pas (p. ex. Yonkova et Keegan, 2014). En tentant d’offrir un soutien empirique sur la façon dont des approches politiques peuvent traiter la sécurité des femmes et les méfaits de la prostitution, il n’est pas utile d’ignorer les liens à plusieurs niveaux qui unissent la prostitution et la traite. » (Coy et al. 2019).

Malgré les diverses façons dont la prostitution est abordée sur le site Web de l’enquête et dans ses documents officiels, il n’existe aucun consensus assimilant le travail du sexe à un travail et garantissant qu’il peut être rendu plus sûr en dépénalisant les hommes comme proxénètes et comme clients et en validant le privilège des hommes à des actes sexuels de la part de femmes et de filles. Ces débats ont pris de l’ampleur dans la sphère publique au Canada au cours de la dernière décennie en raison du recours en Cour suprême Bedford c. Canada, de l’abrogation subséquente des anciennes lois canadiennes sur la prostitution et de la mise en œuvre en 2014 d’une nouvelle loi qui reconnaît la prostitution comme une forme de violence, criminalise le proxénétisme et l’achat de services sexuels, dépénalise les personnes prostituées dans la plupart des cas, mais pas tous, criminalise la publicité faite par des tiers pour la prostitution et a alloué des versements ponctuels fort insuffisants pour des services de sortie et de prévention, entre autres mesures. Ce projet de loi a été débattu en tant que projet de loi C-36 et est maintenant connu sous le nom de Loi sur la protection des collectivités et des personnes exploitées (LPCPVE)[4].

L’enquête a décidé que la prostitution était une profession légitime : le « travail du sexe ». Dans son examen des recommandations de rapports précédents sur l’enjeu de la violence à l’égard des femmes autochtones, la section intitulée « Nécessité de mieux protéger les femmes autochtones qui travaillent dans l’industrie du sexe pour survivre ou qui sont victimes de trafic sexuel », on peut lire :

« Cette recommandation ne semble pas avoir été pleinement mise en œuvre. On a toutefois fait de nombreux progrès sur les plans juridique et politique dans ce domaine au cours des dernières années. En 2012, le gouvernement fédéral a présenté le Plan d’action national de lutte contre la traite de personnes. Cependant, il n’a pas proposé de mesures distinctes pour diminuer la vulnérabilité des femmes autochtones à la traite des personnes. De plus, les récentes modifications apportées aux lois canadiennes en matière de prostitution pourraient avoir des effets négatifs sur les femmes autochtones vulnérables104. » (Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées, 2017, 49).

La note 104 jointe à la dernière phrase renvoie à la décision Bedford c. Canada de 2013 et à un document produit par la Pivot Legal Society, Bill C-36 : A Backgrounder. La Pivot Legal Society est une organisation basée à Vancouver qui travaille « …en partenariat avec des personnes marginalisées et des organisations de base pour contester les lois, les politiques et les pratiques qui minent les droits de la personne, intensifient la pauvreté et perpétuent la stigmatisation » [TRADUCTION]. (Pivot Legal Society n.d.). Pivot interprète la prostitution comme une forme de travail (travail du sexe) et fait campagne pour obtenir la dépénalisation des clients, des proxénètes et des travailleurs et travailleuses du sexe qui vendent des services sexuels. Ce document, Bill C-36 : A Backgrounder, a été publié le 6 novembre 2014, le jour de la sanction royale de la LPCPVE [6] et avant l’entrée en vigueur de la loi le 6 décembre 2014. Cette source, légitimée par l’enquête, prétend ce qui suit :

« Le gouvernement du Canada a continuellement représenté faussement le projet de loi C-36 en disant qu’il ne vise que les clients et les tiers exploiteurs, tout en ne pénalisant pas les travailleuses et travailleurs du sexe et les autres personnes susceptibles d’améliorer leur sécurité. En fait, le projet de loi C-36 entraînera une criminalisation généralisée de l’industrie du sexe, ciblant les travailleuses et travailleurs du sexe, leurs clients et des tiers, et aura pour effet d’accroître leur vulnérabilité à la violence et à d’autres formes de sévices… Le projet de loi C-36 propose un régime de criminalisation totale qui aura pour effet de recréer et d’exacerber tous les préjudices que subissent les travailleurs et travailleuses du sexe en vertu des dispositions qui étaient en cause dans Canada c. Bedford. Le projet de loi C-36 est une variante inconstitutionnelle des lois récemment abrogées, et il impose aux travailleuses et travailleurs du sexe un danger, une pénalisation et une stigmatisation identiques ou accrus. » [TRADUCTION] (Pivot Legal Society 2014).

Ce document source, qui ne mentionne même pas spécifiquement les femmes autochtones, énumère également les façons dont le projet de loi C-36, la LPCPVE, ciblera les travailleuses et travailleurs du sexe, les clients et les tierces parties. Bien que ce document ne contienne que des prédictions de la Pivot Legal Society sur les impacts de la LPCPVE, l’enquête présente ces prédictions comme des faits. Comment pouvons-nous avoir confiance que les ressources et l’analyse qui ont été utilisées pour examiner la prostitution – sans parler de toutes les autres questions – dans l’enquête ? Comment pouvons-nous croire que les ressources et l’analyse qui ont été utilisées pour examiner la prostitution – sans parler de tous les autres enjeux – dans le cadre de l’enquête ont été examinées en profondeur et présentées avec exactitude ? Le fait que le document susmentionné a été rédigé avant même l’entrée en vigueur de la LPCPVE, mais qu’il soit présenté comme factuel par l’enquête soulève des doutes quant à l’intégrité de l’ensemble du processus et à ce qui est diffusé dans le rapport final.

L’expression de « travail du sexe » et les termes qui l’accompagnent, comme « travailleuses du sexe », « clients » et « tierces parties », font disparaître la réalité sexuée de la prostitution fondée sur le sexe et les liens de chacun de ces groupes – les femmes en situation de prostitution, les hommes qui achètent du sexe et les hommes qui prostituent ces femmes et en tirent profit – par le biais de l’industrie du sexe (Farley 2006). En deux mots, cette terminologie occulte complètement des rapports de pouvoir inégaux, présentant les femmes qui vendent des actes sexuels et les hommes qui en sont les acheteurs et les proxénètes comme des parties égales dans un échange économique enthousiaste et mutuellement bénéfique, en passant sous silence le contexte patriarcal, capitaliste et raciste, historique et contemporain, où a lieu la prostitution. Alors que les motivations des femmes à entrer dans la prostitution sont souvent examinées et débattues longuement, l’idéologie du travail du sexe refuse de remettre en question, de contester et même parfois de reconnaître les rôles du privilège masculin à des rapports sexuels sur demande et la conviction que les hommes ont le droit d’acheter la prostitution des femmes et d’en tirer profit. L’enquête a trahi les femmes en adoptant l’idéologie selon laquelle le travail du sexe est un travail et en adoptant cette perspective aussi tôt dans son processus.

Dans le Lexique de l’enquête, la « violence sexuelle » est définie comme suit :

« …une gamme de comportements abusifs et violents, y compris, sans s’y limiter: le viol, le harcèlement sexuel, l’atteinte à la pudeur et le contact sexuel non désiré. Les actes sont menés sans le libre consentement de la victime. » (Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées, 2018).

Cette définition est troublante en ce qu’elle met au premier plan le « consentement » comme facteur déterminant dans la perpétration de la violence sexuelle masculine. Comme beaucoup de féministes nous en ont avertis, si nous utilisons la présence ou l’absence de « consentement » de femmes qui ont été agressées pour déterminer s’il y a eu violence sexuelle, les hommes et leurs actions disparaissent à nouveau de la conversation. C’est particulièrement évident lorsqu’on examine la prostitution. Par exemple, est-ce qu’une fille qui a été prostituée dès l’âge de 10 ans consent soudainement à sa prostitution le lendemain de ses 18 ans ? Comment les hommes utilisent-ils l’argent pour obtenir le « consentement » des femmes prostituées à des actes sexuels non désirés ? Peut-on dire que les femmes et les filles autochtones qui échangeaient des actes sexuels contre des rations alimentaires de la part d’agents des Indiens et d’autres hommes lorsqu’elles étaient confinées dans des réserves par le système des laissez-passer « consentaient » à cette violence masculine ? Une analyse féministe reconnaît le contexte dans lequel les « choix » et le « consentement » des femmes subissent les impacts du patriarcat, du capitalisme et du racisme.

Le débat public sur l’enjeu de la prostitution se poursuit partout au Canada : La prostitution est-elle un emploi (travail du sexe) ou une forme de violence masculine contre les femmes et les filles ? Quel est le rôle du « choix » et du « consentement » dans les gestes posés par les femmes et les hommes dans ces situations ? Que devrions-nous faire à ce sujet ? Toute mention de ces débats a été purgée du site Internet de l’enquête et de ses documents officiels. En revanche, la notion du sexe en tant que travail est présentée comme un fait éclairant le processus de l’enquête. En ne reconnaissant pas d’autres points de vue – ou l’existence même d’autres points de vue – sur cette question (et sur d’autres enjeux mentionnés ci-dessus), l’enquête ne peut mener d’étude complète et proposer des solutions possibles si ses responsables ont déjà décidé que le travail du sexe est un « vrai travail ».

Le féminisme disparu

Le mot « féminisme » en est venu à avoir des significations différentes selon les individus. Ce « féminisme » peut être caractérisé comme « de troisième vague », « populaire », « ludique » ou comme « féminisme du choix » et constitue l’idée la plus visible et dominante du « féminisme contemporain (Kiraly et Tyler 2015, xi – xvii ; Whisnant 2015, 3 – 16). Le « féminisme de la troisième vague » s’inspire des principes féministes libéraux et se concentre sur les expériences individuelles et les choix des femmes au sein d’un patriarcat (Kiraly et Tyler 2015, xi – xvii). En d’autres termes, le but de cette idéologie est de trouver la meilleure façon pour les femmes de s’adapter au patriarcat. Alors que cette idéologie de la « troisième vague » se qualifie de « féminisme », une véritable analyse féministe cherche à examiner, à agir et à démanteler les causes profondes de l’oppression des femmes (Rowland et Klein, 1996). En tant que telle, l’analyse qu’on a qualifiée de « féministe radicale » (c’est-à-dire « allant à la racine ») englobe les fondements de la pensée, de l’action et du mouvement politique féministe, et s’appuie sur les principes suivants :

« …le féminisme radical insiste sur le fait que les femmes en tant que classe sociale ou groupe social sont opprimées par les hommes en tant que groupe social, ainsi qu’individuellement par des hommes qui continuent à bénéficier de cette oppression et ne font rien pour la changer ; le système permettant aux hommes de faire cela a été qualifié de patriarcat ; le féminisme radical est centré sur les femmes et met l’accent à la fois sur la sphère privée comme politique et sur la nécessité d’une action et d’une responsabilité collectives ; c’est « le pouvoir » plutôt que « la différence » qui détermine la relation entre les femmes et les hommes… » (Rowland et Klein 1996, 13). Le féminisme radical permet une analyse structurelle et politisée de l’oppression des femmes par les hommes et s’efforce de mettre fin au patriarcat et à ses compagnons d’oppression (le racisme, le capitalisme).

photo smiley tuque air ironiqueOn pourrait croire qu’une enquête à propos de la violence (masculine) à l’égard des femmes et des filles autochtones adopterait un cadre féministe qui tienne compte du sexe, de la classe sociale et de la race en plus des cadres et des méthodologies autochtones. L’enquête a adopté pour cadre de recherche « une analyse intersectorielle sexospécifique adaptée sur le plan culturel et vue sous un angle féministe » (Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées – Plan de recherche, 2), et son site Web reflète cette idéologie truffée de concepts à la mode mais finalement dénuée de sens : cette enquête concerne la violence et non la violence masculine ; cette enquête ne porte pas spécifiquement sur les femmes et les filles, du fait d’inclure quiconque s’identifie à un nombre quelconque d’identités ; et cette enquête ne nomme pas qui fait quoi ou à qui, et elle ne permet à quiconque d’autre de décrire exactement la réalité. Par conséquent, même si l’enquête s’est auto-identifiée comme féministe, elle n’est pas féministe parce qu’elle ne porte pas sur les femmes et qu’elle ne travaille pas en vue de la libération des femmes.

Une autre façon dont l’on a fait disparaître le féminisme de l’enquête est la notion que « les femmes et les filles autochtones sont sacrées ». En effet, le Rapport Provisoire de l’enquête a pour titre Nos femmes et nos filles sont sacrées.

« Toutes nos actions sont guidées par le principe fondamental de la Commission d’enquête : nos femmes et nos filles sont sacrées. Ce principe oriente notre vision, celle d’aider les femmes et les filles autochtones à retrouver le pouvoir et la place qui leur reviennent. Nous avons écouté les familles et les survivantes afin de mieux comprendre ce que nous avions pu manquer antérieurement et de déterminer la façon dont nous devons réaliser notre travail à l’avenir. » (Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées 2017, 3).

Le site Web de l’enquête renchérit sur cette notion :

« Les femmes et les personnes bispirituelles sont traditionnellement vues comme des êtres qui donnent la vie et offrent des soins. Voilà pourquoi nous affirmons que « nos femmes et nos filles sont sacrées ». Toutefois, on continue d’accorder de moins en moins d’importance aux femmes et aux filles autochtones, y compris les membres des communautés 2ELGBTQQIA. Elles sont trop nombreuses à avoir vécu la violence. »

J’ai longtemps moi aussi accepté ces idées de façon acritique en réponse émotive aux façons négatives dont est construite notre image en tant que femmes autochtones. Cependant, l’idée que les femmes autochtones sont « sacrées » soulève des connotations de révérence et de tradition et a finalement pour effet d’immuniser la violence masculine à l’égard des femmes autochtones contre toute critique, de peur que quelqu’un ne la qualifie d’« irrespectueuse ». Avec la politique féministe et des espaces réservés aux femmes pour penser, lire, écrire, discuter et débattre, mon analyse concernant les femmes autochtones et nos rôles « traditionnels » s’est développée. Je ne crois plus que les femmes autochtones sont sacrées. Les femmes, en tant que classe, ont été et demeurent opprimées par les hommes, en tant que classe, sur la base de notre sexe (Rowland et Klein 1996). Le fait d’être « vénérées » en tant que donneuses de vie et aidantes naturelles est l’autre face de notre dévalorisation en tant que donneuses de vie et aidantes naturelles. Une analyse féministe ne fait ni l’un ni l’autre ; au contraire, les femmes sont intrinsèquement respectées en tant que femmes, que nous soyons donneuses de vie, aidantes ou non.

Positionner la restauration du « pouvoir et de la place » des femmes autochtones fait fondamentalement partie de la vision de l’enquête, et c’est une autre idée que j’ai acceptée de manière acritique. Mais je n’y vois plus un concept utile dans la lutte pour la libération des femmes. On nous dit qu’avant l’invasion des hommes blancs, beaucoup, sinon la plupart, des peuples autochtones n’avaient pas d’inégalité systémique fondée sur le sexe, capitaliste et patriarcale, comme nous en avons aujourd’hui. Cependant, il y a peut-être eu une dévalorisation des femmes et des limites qui leur étaient imposées dans les nations autochtones. Lorsqu’on examine la violence masculine contre les femmes et les filles autochtones, pourquoi est-il important que les femmes autochtones d’avant la colonisation aient été considérées comme des êtres humains de sexe féminin au même titre que les hommes autochtones ? Que nous ayons déjà été traitée sur un pied d’égalité ou non en tant que femmes autochtones, et que les femmes non autochtones aient été traitées sur un pied d’égalité ou non, n’est pas pertinent pour mettre fin à l’oppression des femmes par les hommes aujourd’hui. Découpler l’idée de la libération des femmes des cultures autochtones est une étape nécessaire si nous voulons vraiment mettre fin à la violence masculine contre les femmes et les filles autochtones et contre toutes les femmes et les filles. Notre liberté, en tant que femmes, est un facteur inhérent, qu’elle soit sanctionnée par nos cultures, par d’autres cultures ou pas du tout. Le rétablissement des traditions culturelles autochtones est important pour certaines femmes autochtones, et ces femmes devraient être en mesure d’apprendre et de participer à leurs traditions, mais c’est un processus distinct de la lutte pour la libération des femmes.

Conclusion

Nous n’aurons droit qu’à une enquête financée par le gouvernement fédéral sur la violence faite aux femmes et aux filles autochtones. À ce titre, l’enquête que nous aurions dû obtenir n’aurait pas dû accepter sans réserve, dans son hypothèse de base, sa structure, sa portée et son processus, l’idée que le genre est un sentiment interne indéfinissable, que le travail du sexe est un travail et que la colonisation, plutôt que le patriarcat et la misogynie, est la principale cause de violence contre les femmes et les filles autochtones. Nous devrions être outrées que dans son témoignage, l’avocate Secwepemc Katherine Hensel, ait déclaré que le travail du sexe est un service valorisé et précieux pour les hommes en le décrivant comme beau et charitable. Dans son témoignage, Hensel a déclaré que le travail du sexe est une forme de médecine. Pourtant, il n’y a pas eu d’indignation, sous prétexte que « le travail du sexe est un travail ». Ne pas tenir compte d’autres idées relatives au genre, à la prostitution et au rôle de la colonisation, c’est trahir les femmes autochtones – nous méritons l’examen le plus approfondi possible de la violence masculine. Le Rapport Provisoire de l’enquête affirme ce qui suit :

« La Commission d’enquête s’appuiera sur la conclusion principale de l’Enquête publique sur l’administration de la justice et les peuples autochtones, de la Commission royale sur les peuples autochtones et de la Commission de vérité et réconciliation : la violence contre les peuples autochtones, y compris les femmes et les filles autochtones, tire son origine de la colonisation. Pour que cesse la violence contre les femmes et les filles autochtones, la relation coloniale permanente qui la facilite doit elle aussi se terminer. » (Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées 2017, 13).

Pourquoi la Commission royale d’enquête sur la situation de la femme n’a-t-elle pas elle aussi été examinée et mise à profit ? Le fait de ne présenter que certaines perspectives sur des questions controversées limite notre capacité d’aller « à la racine » des questions de vie ou de mort que l’enquête prétend examiner. Par exemple, j’ai déjà pensé et déclaré publiquement que le patriarcat, le racisme et le capitalisme sont des expressions et un résultat de la colonisation. Du fait de disposer d’un espace réservé aux femmes, de discussions, de désaccords et de débats avec des féministes autochtones et non autochtones et ayant bénéficié du privilège de temps et d’énergie pour lire, penser et développer une analyse politisée de mon vécu et de ceux d’autres femmes dans un patriarcat raciste et capitaliste, j’en suis venue à penser autrement. Au lieu de tenir pour acquis que c’est la colonisation a amené le patriarcat en Amérique du Nord, je crois maintenant que c’est le patriarcat a amené la colonisation en Amérique du Nord. Les femmes non autochtones n’ont pas « pris la mer » à la recherche de nouvelles terres, de nouvelles ressources et de nouvelles personnes à exploiter, ce sont des hommes qui l’ont fait. Je comprends que le processus de colonisation, le racisme et le capitalisme sont le résultat du patriarcat et non l’inverse. Je suis actuellement engagée dans un processus de lecture, de réflexion, de conversation et d’échange avec d’autres féministes pour développer pleinement cette idée.

L’existence d’espaces non mixtes où des femmes peuvent partager leurs expériences et concevoir de la théorie ensemble est absolument essentiel si nous voulons mener des actions significatives en vue de la libération des femmes. À l’heure actuelle, cet espace est presque complètement érodé, puisque les notions d’auto-identification et d’« inclusivité » – par opposition à « la mobilisation politique, qui n’inclut pas tout le monde », deviennent la pensée dominante.

Faute d’examiner différents points de vue sur des questions litigieuses, cette enquête trahit les femmes autochtones. Demander aux femmes autochtones de venir témoigner et partager des récits de violence masculine exige beaucoup de courage de la part de ces femmes autochtones ; l’enquête devrait faire preuve du même niveau de courage en examinant des enjeux controversés. Malgré tout cela, il y a encore de l’espoir. L’enquête a tellement dévié de son cours depuis le début qu’elle n’est plus utile pour trouver et traiter des « causes profondes » de la violence masculine contre les femmes et les filles autochtones. Toutefois, celles d’entre nous qui sommes extérieures à l’enquête peuvent profiter de l’intérêt public concernant ces enjeux pour intervenir et attirer l’attention sur les préoccupations des femmes autochtones qui ont été occultés dan le processus officiel de l’enquête.

Cherry Smiley

____________________
1] J’utilise le terme « féministe » qui signifie « féministe radicale ».

2] J’écris le mot « masculine » entre parenthèses pour signaler une des façons dont la violence masculine est occultée.

3] Le lexique énumère des termes de prédilection utilisés par l’enquête.

4] Michael Hutchinson a par la suite été congédié de son poste.

5] Voir McIvor et Nahanee, 1998 et Brennan 2011 pour des statistiques qui démontrent les taux de violence commis contre les femmes et les filles autochtones par les hommes autochtones.

6] Un projet de loi devient une loi du Parlement et partie intégrante de la loi canadienne une fois qu’il a été adopté par les deux chambres du Parlement et qu’il a reçu la sanction royale.Textes de référence

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CHERRY SMILEY est une femme des nations Nlaka’Pamux (Thompson) et Diné  (Navajo), basée à l’Université Condordia à Montréal. C’est une militante de longue date dans le dossier des  droits des femmes autochtones et une universitaire accomplie, renommée à l’échelle internationale pour ses travaux innovateurs dans l’analyse de la prostitution comme forme de violence raciste et colonialiste à l’égard des femmes autochtones. Récemment récipiendaire d’une prestigieuse bourse d’études de la Fondation Trudeau (l’une de quinze de ces bourses décernées au Canada en 2016), Cherry fait partie de l’équipe du Center for Power, Organizing & Work  de l’université RMIT en Australie. 

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Traduction: TRADFEM avec l’accord de l’autrice.  Tous droits réservés à Madame Smiley.
Ce texte est la version préliminaire d’un article destiné à une revue universitaire.

 

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LIRE AUSSI: « L’interstice. Perspectives sur le cas du féminicide autochtone au Québec »
  8 mars 2018

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