Récits de guerre en matière de censure

Recension du livre de Sigal Ben-Porath, Cancel Wars : How Universities Can Foster Free Speech, Promote Inclusion, and Renew Democracy

par Robert Jensen, le 2 janvier 2023, sur le site https://www.frontporchrepublic.com/2023/01/cancel-war-stories/

En trois décennies de vie universitaire, j’ai connu ma part d’escarmouches dans ce qu’un nouveau livre appelle les « guerres de censure » (cancel wars), esquivant parfois des balles rhétoriques tirées à partir des deux camps adverses. Selon le sujet et les critiques, j’ai été accusé à la fois de promouvoir un programme hostile aux États-Unis et d’être un réactionnaire intolérant, attardé du mauvais côté de l’histoire.

Le fait d’être dénoncé sous divers angles politiques ne prouve pas que l’on est perspicace – « la droite me déteste et la gauche me déteste, je dois donc être sur une bonne piste » est une défense minable. Mais je pense que mes récits de guerre indiquent les critiques qu’il faut battre en brèche si l’on propose une analyse radicale du pouvoir et une défense vigoureuse de la liberté d’expression.

Comme pour la plupart des choses importantes dans les affaires humaines, il est difficile de concilier ces principes politiques et intellectuels. Pour des raisons compréhensibles, les gens veulent souvent ignorer la complexité de ce processus, minimiser les conflits d’intérêts en cause et éviter toute confrontation. Dans le présent essai, je propose d’entrer dans la mêlée et d’en débattre – respectueusement, en public, sur la base de normes intellectuelles communes.

Récits de guerre

Je commencerai par décrire les attaques les plus visibles que j’ai subies publiquement, quelques jours après l’attentat du 11 septembre, lorsque des personnes m’ont critiqué pour certains de mes articles qui contestaient vivement la politique étrangère des États-Unis et s’opposaient fermement à une entrée en guerre à la suite des attaques terroristes du 11 septembre 2001.

Mes détracteurs les plus virulents m’ont immédiatement taxé de lâcheté, de traîtrise, et de manque de patriotisme et de virilité. Quelques semaines plus tard, alors que la pression publique montait pour me faire licencier de mon poste à l’université du Texas à Austin, le président de cet établissement est intervenu en me qualifiant publiquement de « fontaine de bêtise non diluée ». (Cette phrase peu éloquente tenait à sa formation de chimiste plutôt que poète…) Presque tous mes collègues du corps enseignant ont préféré se mettre à couvert plutôt que de défendre la liberté académique, et encore moins de reconnaître publiquement qu’ils pouvaient être d’accord avec une analyse anti-guerre, mais les protections de la titularisation se sont avérées assez résistantes pour me permettre de continuer à enseigner à l’Université du Texas jusqu’à ma prise de retraite en 2018.

Ces mois-là ont été particulièrement tendus, mais j’étais en terrain connu. À l’époque, j’avais déjà été dénoncé par diverses personnes et organisations pour avoir soutenu les droits des Palestiniens, critiqué le capitalisme, soutenu que le racisme était toujours un aspect déterminant de la société américaine, et contesté l’exploitation sexuelle des femmes par les hommes dans la pornographie. Ces critiques allaient continuer, venant de la droite, du centre et de la gauche, selon le sujet. Parfois, un débat intellectuel était possible avec ces critiques, parfois non. Mais même pendant les mois tendus qui ont suivi le 11 septembre, je ne me suis jamais senti censuré.

Cela a changé en 2014, lorsque j’ai écrit mon premier article contestant l’idéologie du mouvement transgenre. Au cours des quelques années suivantes, une librairie radicale locale que j’appuyais depuis longtemps a envoyé à ses clients un courriel (sans m’en parler au préalable) annonçant qu’elle rompait tous ses liens avec moi. Des transactivistes sont venus à quelques-unes de mes conférences publiques pour manifester ou tenter de me faire taire, même si ces conférences ne portaient pas sur le transgenrisme. Plusieurs groupes qui m’avaient invité à parler de sujets tels que la crise écologique ont retiré ces invitations à la suite de plaintes reçues. Et, bien sûr, je ne peux pas savoir combien de personnes qui auraient pu vouloir m’inclure dans une activité ont refusé de m’inviter juste pour s’éviter des ennuis.

Ces réactions négatives à mes écrits sont presque exclusivement toutes venues de libéraux/progressistes/gauchistes, y compris de personnes que je considérais comme des ami-es. D’autres connaissances et collègues m’ont souvent affirmé, en privé, leur accord avec mon analyse en déplorant ces attaques comme injustes, mais ajouté ne pas oser exprimer leur point de vue ou me soutenir en public, de peur d’être ciblés à leur tour. Mes seuls appuis publics cohérents sont venus de collègues féministes radicales, mais même certaines d’entre elles m’ont dit qu’elles se taisaient en public pour ne pas compromettre d’autres projets importants, une motivation que je comprenais tout à fait.

Lorsque les gens me demandent ce que je ressens à ce sujet, je leur fais remarquer que je suis un homme blanc, titulaire d’un doctorat, professeur titularisé dans une grande université de recherche, vivant dans l’empire américain et disposant d’un fonds de retraite adéquat – il est difficile d’imaginer quelqu’un de plus avantagé. J’ai volontairement écrit et parlé de sujets que je savais controversés, car je pensais que les professeurs titulaires des universités publiques avaient non seulement le droit mais aussi le devoir de s’exprimer sur les enjeux d’actualité, ce que je continue de faire à la retraite. Contrairement aux personnes qui ne bénéficient d’aucune protection d’emploi mais qui s’expriment, je n’ai pas été licencié. Contrairement aux femmes qui refusent de reculer, je n’ai jamais été menacé de viol. Il y a eu quelques fois où j’ai craint que quelqu’un ne s’en prenne à moi lors d’un événement, mais je n’ai jamais été attaqué physiquement.

Je n’ai pas besoin que les gens s’apitoient sur mon sort, je m’en sors bien. Ma seule inquiétude concerne la façon dont la recherche intellectuelle et le débat politique sont restreints dans cette atmosphère. C’est ma principale préoccupation, mais il est également vrai qu’il y avait quelque chose d’étrange à être attaqué par des personnes qui proposaient surtout des invectives au lieu d’arguments rationnels, puis m’accusaient d’être haineux et sectaire. C’était encore plus étrange lorsque des amis et des alliés avec lesquels j’avais travaillé pendant des années se sont écrasés ou sont restés silencieux – tout cela parce que j’ai osé affirmer que le sexe biologique est une réalité matérielle, que la théorie de l’identité sexuelle renforce le patriarcat et que les jeunes filles et les femmes ont le droit de bénéficier d’espaces et d’activités non mixtes dans une culture qui leur est hostile.

Ces expériences m’ont conduit à l’ouvrage dont je veux parler, Cancel Wars : How Universities Can Foster Free Speech, Promote Inclusion, and Renew Democracy. (Oui, je sais, c’était une longue introduction à une critique de livre!).

Équilibrer les intérêts en cause

Mon appréciation : Ce livre est réfléchi et juste sur un sujet qui ne génère que trop souvent des discours complaisants. Son autrice, Sigal Ben-Porath, reconnaît qu’il est difficile de trouver un équilibre entre les préoccupations relatives aux torts et aux préjudices éventuels de la prise de parole (des préjudices réels car les mots peuvent blesser, et le font souvent, d’une manière que la société devrait proscrire) et la nécessité d’une liberté de pensée et de parole étendue, nécessaire à une recherche intellectuelle significative (qui est essentielle à la recherche de la vérité et à la démocratie).

« Si une forme d’expression a un effet d’exclusion sur certaines personnes du campus, il incombe à l’université de corriger les résultats de ce discours », écrit-elle, mais en général, « cela ne signifie pas quelque censure, licenciement ou « annulation », mais plutôt d’autres types de mesures prises par l’institution pour garantir que l’équité et la poursuite du dialogue sont préservées. » Les recommandations pour cet équilibre qu’elle propose, axées sur des mesures proactives plutôt que sur des sanctions, devraient être prises en considération par les étudiants, le corps enseignant, le personnel et les administrateurs.

Mais ce qui m’a paru étrange, c’est l’absence presque totale dans le livre de propos sur les conflits liés à la théorie de l’identité sexuelle et le transgenrisme. Oui, j’ai partie liée à cet affrontement en raison des réactions suscitées par mes écrits, mais cette question constitue un cas de figure important pour ce qui est de la liberté académique sur les campus universitaires. Par courriel, Mme Ben-Porath m’a dit qu’elle avait envisagé d’écrire davantage sur le débat relatif au transgenrisme et qu’elle se demande encore si elle a bien fait de ne pas le faire. Tout comme dans son livre, elle s’est montrée réfléchie et impartiale dans son courriel.

Mais je ne peux pas imaginer un livre en 2023 sur les guerres de censure qui ne tiendrait pas compte de la question du transgenrisme. Je vais donc reprendre la thèse du livre pour traiter de ce débat controversé, dans l’esprit de ma propre analyse, bien sûr. La majeure partie de cette analyse développe la critique féministe radicale dans laquelle j’ai travaillé pendant plus de trois décennies, même si je conclurai par des réflexions sur les implications écologiques de la philosophie transgenriste.

Risques et sécurité sur les campus universitaires

Mme Ben-Porath se préoccupe de la liberté d’expression dans divers contextes, mais elle se concentre sur les universités, qui, selon elle, ont le devoir d’assurer « les protections légales et démocratiques de la liberté d’expression tout en tenant compte des charges qu’elles entraînent », c’est-à-dire des préjudices réels et potentiels qui peuvent découler de la liberté d’expression. « Si certains membres de la communauté sont heurtés, réduits au silence ou mis à l’écart par un discours autorisé, écrit-elle, l’institution doit assumer la responsabilité de l’affirmation de leur appartenance et de la mise en œuvre de politiques qui reflètent leur égalité de statut. »

Cet équilibre implique ce que Ben-Porath appelle « des risques intellectuels et la protection de la dignité » :

La recherche de la connaissance dépend de la volonté de prendre des risques intellectuels, de laisser derrière soi les croyances existantes et les connaissances acceptées, de supposer que de nouvelles réponses sont possibles. D’autre part, les relations civiques, ainsi que l’apprentissage et l’exploration qu’elles permettent, dépendent de la protection de la dignité : l’assurance que les participants à un échange sont toutes et tous considérés comme des contributeurs égaux à l’effort commun.

Ben-Porath penche pour un point de vue libéral traditionnel qui tente de créer un espace maximal pour l’expression, en faisant valoir que les affirmations subjectives sur des préjudices ne peuvent à elles seules justifier la punition ou la restriction de l’expression. (Je suis d’accord, et j’ai souvent dit aux étudiants que leur expérience – et leur compréhension de cette expérience – peut signaler le début d’une enquête, mais que le simple fait de témoigner d’une expérience ne constitue pas une analyse). Mais l’autrice soutient également que les institutions doivent agir lorsque la dignité des membres de la communauté est attaquée, en prêtant attention à l’intention de l’orateur et en reconnaissant la différence entre « un préjugé intolérant délibéré et une plaisanterie malavisée ».

Elle est consciente que les défenseurs de la liberté d’expression penseront qu’elle cède trop de terrain, tandis que de nombreux défenseurs de la justice sociale objecteront que l’équilibrage qu’elle propose n’offre pas une protection suffisante aux personnes marginalisées. Elle conclut l’ouvrage par une analyse qui se veut impartiale :

« Lorsque certains étudiants déclarent qu’ils s’opposent à l’accueil d’un orateur raciste, rejettent-ils les principes du premier amendement ou cherchent-ils des moyens de garantir qu’un corps étudiant diversifié se sente bienvenu et capable de s’exprimer sur le campus ? Même si les tactiques employées ou soutenues par les étudiants sont parfois peu utiles, voire inappropriées, les opinions des étudiants ne doivent pas être rejetées d’emblée. Certains les interprètent comme autoritaires ou antidémocratiques, mais je pense que ces opinions peuvent être interprétées dans de nombreux cas comme une tentative d’élargir le champ de la démocratie. Le changement générationnel entourant l’expression libre pourrait être mieux décrit non pas comme une intolérance à l’égard des opinions diverses, mais plutôt comme l’acceptation de personnes diverses et un effort pour concilier cette acceptation avec les protections contre les propos intolérants. »

Après avoir subi pendant huit ans des attaques ad hominem à propos de mon analyse de l’idéologie transgenriste – soit beaucoup de tactiques « inutiles » et « inappropriées » dirigées contre moi, et pas seulement de la part d’étudiants – je suis un peu moins disposé que Ben-Porath à excuser l’anti-intellectualisme de nombreux transactivistes, qui ont non seulement découragé les critiques mais aussi sapé le travail politique de lutte contre le patriarcat.

Remettre en question le discours transgenriste

Dans l’une de ses rares références au débat sur les trans, Ben-Porath pose la question suivante :

« Est-il utile de débattre de la question de savoir si la terre est plate, s’il existe des différences innées entre les races ou quelle est la relation entre le sexe (tel qu’assigné à la naissance) et le genre ? Certaines questions ne sont-elles pas non pertinentes, déjà résolues ou même hors de propos ? La liberté d’enquête et l’ouverture d’esprit exigent-elles que l’on tienne toujours compte des différents points de vue sur les questions urgentes, ou certaines questions sont-elles soulevées de mauvaise foi, pour promouvoir des points de vue sectaires, et devraient donc être ignorées ? »

Tout d’abord, une petite mais importante distinction en matière de langage. Le sexe est observé à la naissance, et non assigné. La seule incertitude potentielle quant au sexe des nouveau-nés concerne la très petite partie de la population née « intersexuée », avec ce que l’on appelle aujourd’hui des troubles du développement sexuel (certains préfèrent l’expression « différences de développement sexuel »). L’expression « sexe assigné à la naissance » est donc inappropriée, compte tenu de la stabilité des catégories mâle et femelle, comme en témoigne la reproduction humaine réussie depuis des millénaires.

En d’autres termes, le sexe est binaire et biologique. L’homme et la femme sont marqués par les types de gamètes que nous produisons, spermatozoïdes ou ovules. Toutes les personnes qui naissent n’ont pas la capacité de se reproduire (il existe des anomalies) et toutes les personnes ne se reproduiront pas (les gens font des choix). Mais cela ne change rien au fait que les hommes ne peuvent participer à la reproduction que lorsque leurs petits gamètes s’unissent au grand gamète d’une femme. Les transactivistes s’efforcent de convaincre les gens que le fait de tenir à ces réalités biologiques les met en porte-à-faux par rapport aux études et à la recherche contemporaines, sans pour autant produire une perspective alternative cohérente. (Il convient de noter que l’universitaire souvent citée comme ayant démontré qu’il existe en fait cinq sexes a déclaré depuis qu’elle avait écrit cela sur un ton ironique, dans un but de provocation).

Pour compliquer le tableau, il y a des politiciens de droite qui choisissent régulièrement le langage le plus incendiaire pour exprimer leur désaccord avec le mouvement transgenriste, ce qui amène beaucoup de gens à penser qu’ils doivent choisir entre accepter l’idéologie transgenriste ou être mis dans le même sac que les réactionnaires. Mais un large éventail d’universitaires et de chercheurs – non seulement des féministes radicales, mais aussi des philosophes, des biologistes, des médecins et des psychologues – rejettent les affirmations du mouvement transgenriste qui sont contredites par des réalités matérielles.

Il y a d’autres universitaires et chercheurs qui adhèrent aux arguments des transgenristes, bien sûr. Mais contrairement à ce qu’affirment les transactivistes, il n’y a pas de consensus entre les personnes de bonne volonté pour définir et expliquer les thèses transgenristes. Il n’y a même pas d’accord entre les partisans du mouvement transgenriste sur la définition des termes, et encore moins sur les étiologies de la liste croissante des différentes identités alléguées par le mouvement trans.

En fait, le transgenrisme est devenu une appellation générique pour des revendications qui sont souvent contradictoires entre elles. La personne dite transgenre est-elle le produit d’une détresse psychologique, nécessitant un traitement médical tel que des médicaments, des hormones transsexuelles et des interventions chirurgicales pour retirer ou modifier des tissus par ailleurs sains ? C’est sur cette base que le mouvement promeut des soins conformes au genre pour les personnes qui déclarent souffrir de dysphorie sexuelle. Mais le mouvement demande également que les personnes trans ne soient pas pathologisées, ce qui suggère qu’aucune intervention médicale ne devrait être nécessaire. Si une personne n’est pas malade d’une manière ou d’une autre, pourquoi aurait-elle besoin d’un tel traitement ? Le fait d’affirmer qu’il existe de nombreux types de personnes transgenres ne nous aide pas à mieux comprendre la signification de ces termes.

Petite digression : C’est pourquoi l’analogie avec l’expérience lesbienne/gay est inappropriée. Les lesbiennes et les homosexuels affirment depuis longtemps que leur orientation sexuelle n’est pas pathologique et qu’ils n’ont pas besoin de traitement, mais simplement d’être laissés tranquilles. C’est la raison pour laquelle l’étiquette LGBT (lesbiennes, gays, bisexuels, trans) prête à confusion : les lettres L, G et B n’ont pas grand-chose en commun avec le T. L’ajout de lettres supplémentaires, comme QIA+ (queer, intersexe, asexuel et bien d’autres termes), crée plus de confusion que de clarté. Les lesbiennes et les homosexuels, comme tous les autres, peuvent soutenir l’objectif du mouvement transgenriste de mettre fin à toute discrimination dans des domaines tels que l’intervention policière, l’emploi et le logement – ce qui devraient être des droits humains fondamentaux pour tous – sans être liés à l’idéologie confuse du mouvement transgenriste. Les politiques progressistes n’exigent pas que l’on soutienne des traitements médicaux risqués ou les revendications d’hommes (quelle que soit leur identité) pour avoir le droit d’imposer leur présence dans des espaces féminins non mixtes.

La position que je préconise, ancrée dans le féminisme radical, repose sur des définitions claires du « sexe » et du « genre ». À partir des années 1970, les féministes ont contesté les affirmations patriarcales selon lesquelles la domination et l’exploitation des femmes par les hommes sont « naturelles » du fait de la biologie, en distinguant le sexe biologique des constructions culturelles du genre. Seules les femmes humaines portent des enfants ; c’est une réalité biologique. Suggérer que parce qu’elles portent des enfants, les femmes ne sont pas compétentes pour participer à la politique est une norme de genre patriarcale. Le patriarcat transforme la différence biologique en domination sociale, imposée par des normes de genre rigides, répressives et réactionnaires. Le genre est lié à nos différences sexuelles mais reflète d’abord la répartition inégale du pouvoir entre les hommes et les femmes au cours des derniers millénaires.

Certains intellectuels qui soutiennent le transactivisme soutiennent que le sexe et le genre sont tous deux construits socialement, mais les transactivistes soutiennent de plus en plus que le genre est une caractéristique innée et que le sexe biologique, lui, est construit socialement. Les personnes qui, de bonne foi, essaient de comprendre la politique transgenriste me disent souvent qu’elles ne peuvent tout simplement pas trouver de sens à ces affirmations.

Ce n’est pas surprenant.

Les hommes qui s’identifient comme transgenres prétendent-ils être des femmes ? Ou prétendent-ils seulement se vivre comme des femmes ? S’il existe une identité sexuelle innée qui devrait déterminer la catégorie de sexe d’une personne, est-elle située dans le cerveau ? Si c’est le cas, qu’est-ce que cela signifie de dire que le « sexe cérébral » est différent du « sexe corporel », puisque nous n’avons aucune raison de penser qu’il existe des différences spectaculaires entre les cerveaux masculin et féminin qui rendraient une telle affirmation intelligible ? Ou bien l’identité sexuelle réside-t-elle dans une âme immatérielle ? Si c’est le cas, il s’agit d’une affirmation théologique concernant un domaine d’existence non matériel, qui ne se prête aucunement à l’étude biologique et scientifique.

En l’absence de réponses plausibles à l’une de ces questions, la distinction féministe de longue date entre le sexe et le genre reste convaincante. Pour résumer : Le genre est le mieux compris comme la signification sociale (exprimée par les termes masculinité et féminité) attribuée aux différences biologiques entre les sexes, enracinées dans la reproduction (mâle et femelle). Le sexe est une fonction du type d’animaux que nous sommes, et le genre est la façon dont nous, animaux humains, donnons un sens aux différences sexuelles. Le sexe est biologique et le genre est culturel. Dans les sociétés patriarcales – c’est-à-dire dans la quasi-totalité du monde contemporain – le genre est une arme pour contrôler les filles et les femmes au service de la domination masculine institutionnalisée.

Les peurs du patriarcat : ce qui rend attrayante l’idéologie transgenriste

Ce cadre d’analyse sexe/genre est essentiel pour tenter de comprendre pourquoi tant de personnes du monde politique libéral/progressiste/gauche – qui soutiennent généralement le féminisme, ou du moins lui sont favorables – ont adopté la politique transgenriste et ignoré ou diabolisé les critiques féministes. Pourquoi ces gens du centre gauche ignorent-ils les réalités matérielles en faveur d’une idéologie qui, de leur propre aveu, est difficile à comprendre ?

Si les normes de genre auxquelles beaucoup d’entre nous veulent résister sont un produit du patriarcat, alors la cible évidente de l’organisation politique devrait être le patriarcat, utilisé ici comme un terme désignant les divers systèmes de domination masculine dans la famille, l’économie, la politique et la culture. Si le patriarcat nous contraint à entrer dans des cases rigides, réprime notre capacité à faire l’expérience de notre pleine humanité et favorise une politique réactionnaire, alors ne serait-il pas logique d’attaquer plutôt le patriarcat ?

Le problème est que la lutte contre le patriarcat est ardue. Il s’agit du plus ancien des systèmes sociaux oppressifs, remontant à plusieurs milliers d’années dans l’histoire de l’humanité, contre quelques centaines pour la suprématie blanche et le capitalisme. Les idées et les modes de comportement patriarcaux sont tellement ancrés dans le tissu de la vie quotidienne qu’il est difficile de les identifier et encore plus de les éliminer. L’organisation féministe a imposé certains changements, comme l’amélioration des lois contre le viol, la violence conjugale et le harcèlement sexuel. Mais le fait de s’attaquer au cœur de la domination masculine, en particulier à l’exploitation sexuelle des femmes par les hommes, provoque un brutal retour de bâton.

J’ai appris cela en travaillant à la critique féministe de la pornographie. Les réactions les plus hostiles à une analyse des schémas sexistes et racistes de la pornographie provenaient de personnes libérales/progressistes/gauchistes. J’ai trouvé cela déroutant au début, jusqu’à ce qu’une amie me fasse une remarque qui me semble maintenant évidente : Lorsque nous critiquons la pornographie, les gens savent qu’il ne s’agit pas seulement d’une critique de films et de magazines (c’était il y a des années, avant qu’Internet ne mette fin au marché des magazines pornographiques), mais aussi de la présomption des hommes selon laquelle ils devraient exercer le contrôle, ainsi que de la manière dont nous apprenons à avoir une vie sexuelle dans une culture patriarcale. Et les gens sont nerveux à l’idée d’abandonner le contrôle et de renoncer à des méthodes pour trouver du plaisir sexuel, ce que je sais parce que cela m’a effrayé lorsque j’ai rencontré cette critique pour la première fois, et je me débats encore avec l’énormité de tout cela.

Pourquoi le mouvement trans a-t-il fait des percées si profondes dans la gauche, au point que la remise en question de l’idéologie transgenriste peut vous faire bannir des espaces progressistes ? Mon hypothèse de travail est que l’adoption d’une politique transgenriste donne l’impression de contester le patriarcat sans réellement combattre la domination masculine sous toutes ses formes. Au lieu de s’opposer au pouvoir masculin, les transactivistes adoptent le plus souvent les normes de genre patriarcales, implicitement ou explicitement, ou refusent de contester ceux qui le font dans le mouvement transgenriste. Soutenir ce mouvement donne l’apparence d’une politique féministe sans affronter les questions les plus épineuses.

Quelle que soit la politique de chacun, la critique que je propose a-t-elle un sens et mérite-t-elle une réponse ? Je pense évidemment que oui, mais de nombreux transactivistes m’ont dit qu’ils ne s’engageraient pas dans ce genre de  discussions parce qu’elles constituent de toute évidence une preuve de transphobie. Si l’on définit cette notion comme la peur et/ou la haine des personnes qui s’identifient comme transgenres, je ne vois aucun indice de transphobie dans mon travail et je peux affirmer que je n’éprouve aucun sentiment transphobe. Enfant, j’étais petit, maigre, efféminé et j’ai atteint la puberté tardivement. J’ai grandi dans un foyer violent qui rendait impossible tout semblant de développement « normal ». J’ai de l’empathie pour les personnes qui n’entrent pas dans les catégories conventionnelles et qui font face au ridicule ou à la violence parce qu’elles sont différentes, en partie parce que j’ai connu ces luttes et ces menaces.

Rien de ce que je présente ici n’est « de mauvaise foi » ou ne promeut des « perspectives intolérantes », les préoccupations légitimes soulevées par Ben-Porath. Les féministes radicales ne minimisent pas la souffrance des gens en raison des normes patriarcales de genre, mais proposent plutôt une alternative pour faire face à la détresse psychologique et à l’aliénation sociale vécues par les personnes qui s’identifient comme transgenres. Depuis plus de trente ans que je suis engagé dans le féminisme, certaines des personnes les plus courageuses et les plus dévouées à la lutte contre les normes de genre patriarcales et la domination masculine que j’ai connues étaient des féministes radicales, celles-là même que le mouvement transgenriste cherche aujourd’hui à marginaliser. Les féministes radicales étaient non-binaires avant que le non-binaire ne soit cool, défiant les normes sociales qui exigent que les hommes et les femmes restent engoncé-es dans des cases patriarcales.

Pour reprendre les termes de Ben-Porath, mon analyse du transgenrisme n’est ni un « préjugé intolérant délibéré » ni une « plaisanterie malavisée ». Je ne dis pas que les gens comme moi devraient être autorisés à exprimer des points de vue qui peuvent être nuisibles, mais plutôt que nous présentons un programme positif ancré dans le souci de toutes les personnes concernées. Je crois que la critique féministe radicale est un exemple de prise de risques intellectuels (dans ce cas, la remise en question d’un nouveau dogme libéral/progressiste/de gauche) tout en protégeant la dignité de tous (jeunes filles, femmes, et tous les gens qui s’identifient comme transgenres). Rien dans ce que j’ai écrit ici ou ailleurs ne prive quiconque de cette dignité. Pourtant, comme d’autres et moi-même en avons fait l’expérience, le simple fait d’exprimer ces points de vue donne souvent lieu à des efforts pour nous réduire au silence plutôt que de nous répondre par des arguments raisonnés.

Politique publique et normes intellectuelles

Les personnes qui sont d’accord avec mon analyse du transgenrisme me demandent parfois pourquoi cela est important. Peut-être que l’idéologie transgenriste est difficile à comprendre, mais les personnes trans essaient simplement de s’en sortir. Ne pouvons-nous pas fermer les yeux sur leur politique ?

Non. La raison la plus évidente est que les transactivistes demandent non seulement aux gens d’accepter leurs revendications identitaires, mais aussi des politiques qui imposent des coûts aux jeunes filles et aux femmes. C’est le cas lorsque des hommes qui s’identifient comme femmes demandent le droit de s’imposer dans des espaces non mixtes, qu’il s’agisse de toilettes, de refuges contre la violence conjugale ou de compétitions sportives féminines. Certaines femmes qui se sont déjà identifiées comme des hommes et qui ont « détransitionné » peuvent avoir modifié leur corps de façon permanente, par exemple en se faisant enlever les seins, pour ensuite réaliser que leurs problèmes ne tenaient pas à un sentiment d’identité mais à la façon dont la société traite les femmes. L’administration à des enfants de médicaments et d’hormones de l’autre sexe soulève de graves questions éthiques, tout comme les interventions chirurgicales sur des enfants, de plus en plus normalisées. Pourtant, toute attention accordée aux personnes inquiètes des soins d’affirmation du genre se heurte à un rejet et à des accusations de collusion avec des idéologues de droite.

Prenons un simple exemple de la façon dont cela peut se passer : Un lycéen décide de s’identifier à une fille et demande à se doucher et à se changer dans le vestiaire des filles après un cours d’éducation physique. Cette demande est fondée sur l’expérience subjective interne de ce garçon. Au nom de l’inclusion et de la tolérance, de nombreux libéraux/progressistes/gauchistes exigent que nous acceptions cette revendication. La présence de ce garçon qui s’identifie comme transgenre provoque de l’anxiété et de la peur chez une ou plusieurs des jeunes filles de la classe, mais leur propre expérience subjective est banalisée et ignorée, au nom de l’inclusion et de la tolérance. Mais c’est d’autant plus inquiétant que de nombreuses filles ont vécu des expériences de harcèlement et d’assauts sexuels. Ce traumatisme ne provient pas d’une expérience purement interne et subjective, mais d’une réalité matérielle qu’elles ont vécue, des expériences si courantes que dans toute classe de lycée, nous devons supposer qu’un certain nombre de ces filles les ont subies. De qui nous soucions-nous si nous privilégions l’expérience subjective interne d’un garçon qui s’identifie comme trans au détriment de violences courantes vécues par des filles ? Si nous nous soucions suffisamment des filles, le garçon qui s’identifie comme une fille pourra être accommodé sans imposer de coûts à celles-ci.

À partir de là, nous pourrions faire une évaluation similaire concernant les hommes qui s’identifient comme trans et veulent être logés dans des prisons pour femmes, même s’ils ont des antécédents de délits et de violences sexuels ; ou les hommes qui s’identifient comme trans et veulent participer à des compétitions d’athlétisme féminin même s’ils conservent des avantages physiologiques après un traitement médical ; et ainsi de suite. Mais mon sujet principal ici est la vie et l’expression intellectuelles, et non les débats de politique publique. Une autre raison de contester la théorie de l’identité sexuelle est de défendre des normes intellectuelles.

Permettez-moi de proposer ce qui devraient être des règles incontestables pour la vie intellectuelle, formulées comme des déclarations personnelles (je fais ici allusion, à la blague, à l’admonition commune dans la thérapie familiale et conjugale de ne pas accuser les autres mais de parler de sa propre expérience) :

–Je ne défendrai une position qu’après l’avoir étudiée et évaluée de manière responsable afin de construire, au meilleur de mes capacités, une analyse convaincante de la réalité.

–Je sais que mon analyse peut être erronée, car toute recherche humaine de connaissances dans un monde complexe est incomplète et faillible.

–J’adopterai une autre analyse s’il est démontré que mes arguments sont faibles ou qu’une autre analyse rend mieux compte de la réalité.

–Je n’adopterai pas une analyse différente simplement en raison d’exigences institutionnelles ou de la pression de pairs qui ne tentent pas de fournir des raisons mutuellement intelligibles mais s’appuient plutôt sur une coercition officielle ou informelle.

Sur la base de ces principes, je reste attaché à la critique du transgenrisme que j’ai formulée dans mes articles et dans un livre. Les personnes qui proposent ce type de critique ne devraient pas être exclues par des sanctions institutionnelles ou des pressions en faveur d’une conformité sociale.

C’est pourquoi les débats sur le transgenrisme sont si importants. Si la liberté de pensée et la liberté d’expression sont rejetées en tant que notions bourgeoises qui doivent toujours être subordonnées à la compréhension actuelle chez un groupe de la justice sociale, il deviendra alors de plus en plus difficile de présenter certains arguments, même s’ils sont étayés par des preuves, s’ils procèdent logiquement et s’ils sont faits de bonne foi. Il ne s’agit pas seulement d’un danger pour la recherche intellectuelle et la liberté d’expression, mais d’une menace pour la justice sociale elle-même. Il est difficile d’imaginer une société dans laquelle de telles limitations conduiraient systématiquement à des politiques équitables.

Beaucoup d’entre nous se sont fait dire que nous étions « du mauvais côté de l’histoire », comme si cette affirmation annulait des arguments solides. Les transactivistes prétendent détenir une position morale élevée, fondée sur un ensemble d’hypothèses et d’affirmations litigieuses et parfois incohérentes sur l’identité sexuelle. Ce n’est pas une indication d’un engagement en faveur de la justice, mais plutôt l’expression d’une attitude moralisatrice, incompatible avec une bonne pratique intellectuelle.

Comme Ben-Porath, je comprends que les personnes qui adoptent de telles positions ne se considèrent pas nécessairement comme autoritaires, mais plutôt comme des personnes qui essaient d’élargir le champ de la liberté et de la démocratie. Je pense qu’elles se trompent sur les conséquences de leurs actions. Je n’ai aucun problème à envisager la possibilité que je sois celui qui se trompe, mais je n’accepterai cette conclusion que lorsque quelqu’un me présentera des raisons de douter de ma lecture de cet enjeu.

Accepter des limites

De nombreux désaccords politiques naissent de valeurs fondamentales différentes, comme c’est le cas lorsque des transactivistes s’opposent à des conservateurs politiques et religieux. Mais l’idéologie transgenriste place également des alliés naturels dans des camps différents des débats politiques. Je n’apprécie pas les conflits avec mes camarades et je n’aime pas me retrouver banni, mais je crois qu’il est important de défendre non seulement la critique féministe radicale, mais aussi de nous rappeler que nous devons nous plier à certaines limites.

L’idéologie transgenriste est incompatible avec une compréhension écologique qui est nécessaire pour remettre en question la vision industrielle du monde et les obsessions numériques des sociétés contemporaines. En commençant par l’agriculture, qui a été le premier prélèvement important sur le capital écologique de la planète au-delà des niveaux de remplacement, les humains ont suivi une trajectoire qui a conduit à un rejet généralisé de toute limite à l’expansion de la population et de la consommation. Plus récemment, les excédents matériels et l’énergie dense des combustibles fossiles ont conduit beaucoup de gens à penser que toute intervention sur le monde vivant au sens large ou sur le corps humain que nous pouvons faire est un « progrès ». La domination croissante de la culture en ligne a rendu plus difficile la compréhension de l’univers animé.

Cette préférence pour les solutions de haute énergie et de haute technologie à tous les problèmes, ce que certains ont appelé le « fondamentalisme technologique », a-t-elle conduit à une expansion de la créativité et de la liberté humaines ? A-t-elle facilité la création de sociétés durables ? C’est tout le contraire. Comme je l’ai écrit ailleurs : « La vraie liberté ne se trouve pas dans la quête d’échapper aux limites, mais dans l’approfondissement de notre compréhension de notre place dans un monde comportant des limites », ce qui devrait nous amener à « envisager différentes façons de vivre dans les limites biophysiques de la planète ». La Terre n’est pas une machine que nous avons construite et que nous contrôlons. Nos corps ne sont pas des machines que nous devons reconfigurer.

Pour que soit possible un avenir humain digne de ce nom, un mouvement féministe progressiste doit faire partie du défi lancé à la dynamique de domination/subordination qui définit une si grande partie de notre monde. Pour qu’il y ait un quelconque avenir humain, nous devons accepter les limites qui découlent de notre appartenance à un monde vivant plus vaste.

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Robert Jensen est professeur émérite à l’école de journalisme de l’université du Texas à Austin et collabore au New Perennials Project du Middlebury College.

Il est le co-auteur avec Wes Jackson de An Inconvenient Apocalypse : Environmental Collapse, Climate Crisis, and the Fate of Humanity (University of Notre Dame Press, 2022) et auteur de The Restless and Relentless Mind of Wes Jackson : Searching for Sustainability (University Press of Kansas, 2021). Il est l’éditeur de From the Ground Up : Conversations with Wes Jackson, publié par New Perennials Publishing, basé sur les interviews de « Podcast from the Prairie, with Wes Jackson« .

Les autres livres de Jensen comprennent The End of Patriarchy : Radical Feminism for Men (Spinifex Press, 2017) ; Plain Radical : Living, Loving, and Learning to Leave the Planet Gracefully (Counterpoint/Soft Skull, 2015) ; Arguing for Our Lives : A User’s Guide to Constructive Dialogue (City Lights, 2013) ; All My Bones Shake : Seeking a Progressive Path to the Prophetic Voice, (Soft Skull Press, 2009) ; Getting Off : Pornography and the End of Masculinity (South End Press, 2007) ; The Heart of Whiteness : Confronting Race, Racism and White Privilege (City Lights, 2005) ; Citizens of the Empire : The Struggle to Claim Our Humanity (City Lights, 2004) ; et Writing Dissent : Taking Radical Ideas from the Margins to the Mainstream (Peter Lang, 2002). Jensen est également coproducteur du film documentaire « Abe Osheroff : One Foot in the Grave, the Other Still Dancing » (Media Education Foundation, 2009), qui retrace la vie et la philosophie de cet activiste radical de longue date.

Jensen peut être contacté à l’adresse rjensen@austin.utexas.edu et ses articles peuvent être consultés en ligne à l’adresse http://robertwjensen.org/. Pour vous inscrire sur une liste de diffusion afin de recevoir ses articles, rendez-vous sur http://www.thirdcoastactivist.org/jensenupdates-info.html.

Jensen possède également un fil Twitter : @jensenrobertw

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