UNE HOMOPHOBIE TACITE PROPULSE LE MOUVEMENT IDENTITAIRE DU GENRE FACE AUX ENFANTS

Dre Debra W. Soh, neurologue, sur Quillette, le 23 octobre 2018

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« Lorsque j’étais doctorante en sexologie, j’ai eu avec un collègue un échange qui m’a définitivement fait comprendre pourquoi je devais me prononcer contre le fait de faire changer de sexe les enfants présentant une dysphorie de genre. De nos jours, tout parent et éducateur progressiste semble se contenter de croire un enfant sur parole s’il ou elle affirme être « né·e dans le mauvais corps », sans se rendre compte qu’en ce faisant, une conversation importante est mise de côté.

Le jour en question, notre laboratoire de recherche venait de terminer sa réunion hebdomadaire, et j’ai discuté avec mon collègue en rangeant mes affaires pour retourner à mon bureau. Il m’avait déjà parlé de son fils qui, dès sa naissance, lui avait annoncé qu’une erreur avait été commise : « Je suis une fille », avait-il tendance à dire.

Enfant, son fils adorait jouer avec des poupées. Il enfilait les robes et les talons hauts de sa mère et voulait avoir les cheveux longs comme la princesse Jasmine du film « Aladin ». A l’école, il préférait la compagnie des filles à celle des garçons, qu’il trouvait turbulents et mesquins. Après de nombreuses années de thérapie et de disputes constantes au sujet de la ligne de conduite qu’allait adopter l’enfant, son fils s’était affirmé comme homosexuel.

J’ai grandi en tant que femme hétérosexuelle dans la communauté gay, à une époque où l’homophobie était dominante dans la société nord-américaine. J’ai été témoin du harcèlement et de l’intolérance que subissaient quotidiennement mes ami-e-s. Par conséquent, la plupart cachaient leur orientation sexuelle à quiconque à l’extérieur de la communauté gaie, et peu d’entre eux l’ont révélée ouvertement à leur famille.

Bien que les choses se soient nettement améliorées depuis lors, la discrimination à l’égard des personnes homosexuelles existe toujours. Et depuis que je vois, d’année en année, des récits élogieux sur les enfants transgenres inonder tous les médias progressistes, chacun d’entre eux me consterne et m’attriste. Parce que le récit sous-jacent dont le public n’est pas informé, c’est que plusieurs de ces enfants auraient grandi pour devenir gais ou lesbiennes, mais qu’on les soumet plutôt à une nouvelle forme de thérapie de conversion.

La thérapie de conversion vise à changer l’orientation sexuelle d’une personne. Pas un·e professionnel·le de la santé mentale digne de ce nom ne mène plus aujourd’hui ce type d’intervention thérapeutique, car il est  reconnu que l’orientation sexuelle est immuable dès un très jeune âge. L’identité de genre, cependant, soit le fait de se sentir masculin ou féminin, est flexible chez les enfants prépubères et se stabilise progressivement à l’âge adulte.

La thérapie qui cherche à aider les enfants dysphoriques à devenir graduellement à l’aise dans leur sexe natal (ce que l’on appelle dans la littérature scientifique l’ « approche thérapeutique ») a été associée abusivement à la thérapie de conversion, mais cette lecture est inexacte. Toutes les recherches sur le long terme qui ont suivi des enfants dysphoriques montrent que la majorité d’entre eux se désistent d’u processus de changement de genre; ils et elles cessent de souffrir de dysphorie à la puberté et deviennent gais ou lesbiennes à l’âge adulte, et non transgenres.

Les enfants diront qu’ils « sont » du sexe opposé parce que c’est le seul langage dont elles et ils disposent pour communiquer aux adultes leur volonté de faire des choses que le sexe opposé tend à faire. Il a également été démontré que les comportements typés de l’autre sexe sont un prédicteur important de l’homosexualité chez les hommes. Des recherches antérieures nous indiquent que même les enfants qui éprouvent des sentiments sévères de dysphorie cesseront d’en souffrir.

Un autre phénomène qui indique l’homophobie comme une motivation possible de l’intention de changer de sexe est celui de la dysphorie de genre survenue rapidement (en anglais, la ROGD pour rapid-onset gender dysphoria), où des adolescentes et des filles au moment du lycée déclarent soudainement à leurs parents leur intention de changer de sexe, sans avoir auparavant présenté quelque signe de détresse au sujet de leur sexe biologique. Ce désir de transition se manifeste habituellement pendant ou après la puberté, mais ces filles ne répondent à aucun des critères diagnostiques de la dysphorie de genre.

Une étude publiée le mois dernier sur la ROGD dans la revue PLOS ONE, et qui a beaucoup attiré l’attention des médias en raison de sa réception furieuse par les transactivistes, a révélé que bon nombre de ces filles s’étaient révélées lesbiennes ou bisexuelles avant de se déclarer transgenres.

Comment expliquer qu’il en soit ainsi ? En plus de l’inconfort physique et émotionnel typique de la puberté, il est aujourd’hui devenu plus socialement acceptable d’être un homme transgenre qu’une femme homosexuelle. Les résultats de l’étude ont également montré que la transition sexuelle augmentait la popularité des élèves auprès de leurs pairs et offrait une meilleure protection contre le harcèlement, parce que les enseignant·e·s s’inquiétaient plus du harcèlement anti-trans que du harcèlement anti-gais.

À mesure que des enfants grandissent, les parents ne manqueront pas de remarquer si leur fils est efféminé. Pour ceux qui sont troublés à l’idée d’avoir un fils au comportement dit féminin, la transition offre une alternative prometteuse en permettant à un enfant de faire la transition, un garçon efféminé se présentant désormais comme une fille féminine. Un petit garçon qui aime se livrer au maquillage et à d’autres activités typiquement féminines attirera beaucoup moins d’attention et de critiques s’il le fait en tant que fille.

Cette même logique s’applique à l’orientation sexuelle future d’un enfant. Plus mou moins consciemment, ces parents savent sans doute qu’il est probable que leur fils « efféminé » soit plus tard attiré sexuellement par les hommes. Au lieu de laisser cela se produire, ils peuvent être plus qu’heureux d’acquiescer aux demandes de transition de leur enfant vers le sexe opposé, de sorte que vu de l’extérieur, cet enfant aura l’air hétérosexuel : un adolescent qui est attiré par d’autres garçons semblera hétéro si une transition semble en faire une fille. Le plus troublant, c’est que ces parents seront vantés comme étant ouverts d’esprit et « du bon côté de l’histoire », alors qu’en réalité, ils sont homophobes. Dans certains cas, un enfant peut intérioriser les sentiments homophobes de sa famille, ce qui accentue son désir de transition.

Tenir de pareils propos à voix haute peut valoir à une personne d’être qualifiée de « transphobe », et je comprends pourquoi certains transactivistes et leurs alliés trouvent cette information si menaçante ; elle pourrait être utilisée comme preuve que les transgenres n’existent pas vraiment, ou qu’ils et elles devraient être obligé·e·s de ne pas ressentir les sentiments qu’ils et elles éprouvent. Une méta-analyse combinant 28 études a montré qu’une transition sexuelle peut effectivement être bénéfique pour certain·e·s adultes, mais que si un enfant peut en venir à se sentir à l’aise dans le corps qu’on lui a donné, il ne devrait y avoir controverse à soutenir que ce serait un meilleur résultat qu’un traitement pérenne aux hormones, et une possible chirurgie et stérilité.

Depuis que j’ai commencé à écrire sur cet enjeu il y a plusieurs années, beaucoup de mes amis m’ont dit combien ils ressentaient de soulagement de ne pas avoir grandi dans le climat politique actuel. Enfants, ils ont également exprimé de la détresse au sujet de leur corps et ressenti une identification au sexe opposé, mais ils ont fini par grandir et se sentir à l’aise de vivre comme des hommes gais. Ils craignent qu’ils aient pu décider de changer de sexe, puisque la transition sexuelle est maintenant considérée comme un moyen viable, et presque banal, de résoudre ce problème.

Le transactivisme s’est greffé avec succès sur les victoires chèrement gagnées par le mouvement pour les droits des homosexuel·le·s. Le public comprend que les attitudes à l’égard des homosexuels étaient autrefois répugnantes, et il comprend également que de nombreuses interventions visant à « changer » les gai·e·s étaient contraires à l’éthique. La plupart des gens empathiques à cette situation se sont de ce fait laissées persuader qu’être transgenre est la même chose, à cet égard, qu’être gai·e : que c’est quelque chose qui ne devrait pas être remis en question et qui devrait toujours être approuvé.

Pourtant, parmi les enfants qui présentent des signes de dysphorie de genre, nous ne sommes pas encore en mesure de dire qui fera partie de la catégorie de ceux qui se désisteront (soit la majorité) par opposition à la minorité qui persisteront et qui bénéficieraient réellement d’une transition sexuelle. Pour déterminer la réponse à ce dilemme, il nous faut résolument accepter les données scientifiques et ne pas oublier que les homosexuel·le·s méritent également amour et acceptation.

Debra W. Soh est docteure en recherche neuroscientifique sexuelle à l’Université d’York et elle publie régulièrement au sujet des aspects scientifiques et politiques de la sexualité. On peut  la suivre  sur Twitter à @DrDebraSoh

Version originale: https://quillette.com/2018/10/23/the-unspoken-homophobia-propelling-the-transgender-movement-in-children/

Traduction: Offensive Violette et TRADFEM

 

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