Le Canada vient d’adopter le projet de loi C-4 (sur la « thérapie de conversion »), et il semble que nous soyons condamné-e-s.

par Meghan Murphy, le 8 décembre 2021

Je ne sais pas comment éviter de me sentir déprimée et désespérée par l’état de mon pays d’origine. Entre les efforts continus pour empêcher les citoyens de se rassembler, de s’organiser, de tenir des événements en personne et de protester, en raison des restrictions interminables et irrationnelles liées à la COVID-19, les efforts du gouvernement pour adopter des lois restreignant la liberté d’expression en ligne et sa poussée à toute vitesse pour adopter et institutionnaliser l’idéologie de l’identité de genre, j’ai peu aujourd’hui peu d’espoir pour le Canada.

En 2016, je me suis battue sans relâche juste pour publier n’importe quoi, n’importe où, afin d’expliquer mes préoccupations concernant le projet de loi C-16, première version d’une loi canadienne institutionnalisant l’identité de genre. Presque aucun média ne voulait envisager de publier un tel texte (certainement pas notre réseau CBC, financé par des fonds publics), sauf, finalement, The National Observer, qui m’en a fait la faveur.

En conséquence, j’ai été invitée (par l’intermédiaire d’un sénateur conservateur) à témoigner contre ce projet de loi au Sénat canadien – moi et l’organisme Pour les droits des femmes du Québec (PDF), un groupe féministe. Nous avons été les seules femmes et féministes invitées à exprimer une critique de ce projet de loi, et j’ai suggéré qu’une représentante du groupe Vancouver Rape Relief and Women’s Shelter fasse également une présentation, afin de faire valoir une plaidoyer féministe en faveur d’espaces réservés aux femmes.

Nos arguments ont été complètement ignorés par nos représentants politiques de gauche du NPD, ainsi que par le gouvernement libéral qui a proposé le projet de loi, et le projet de loi C-16 a été adopté presque sans opposition. Je m’en doutais, mais je voulais que soit au moins consigné qu’il y a eu une certaine réaction de la part des femmes/féministes. La seule personne dont les arguments ont vraiment été retenus est Jordan Peterson, qui a exprimé des inquiétudes au sujet des « propos imposés » par ce projet de loi (compelled speech).

Cette tendance s’est maintenue depuis lors. Les préoccupations des femmes concernant le sexisme et le danger de l’idéologie de l’identité de genre ont été presque complètement ignorées par les médias et les politiciens canadiens, et le débat a été constamment présenté comme celui de « bonnes personnes, progressistes, ouvertes d’esprit, qui se soucient des droits des groupes marginalisés » contre « de méchants réactionnaires de la droite religieuse qui détestent les gays, les lesbiennes et les personnes transidentifiées ».

Cela s’est produit une fois de plus au moment de nos tentatives de contester les amendements au projet de loi C-4 sur la « thérapie de conversion » proposés par les libéraux.

L’année dernière, David Lametti, le ministre de la Justice et procureur général du Canada, a réintroduit des propositions d’amendements au Code criminel, qui criminaliseraient la « thérapie de conversion », communément comprise comme la pratique consistant à tenter de faire changer d’avis les personnes homosexuelles. Mais les amendements proposés dans le projet de loi C-4 ont confondu cette pratique homophobe avec la pratique d’affirmation systématique de ce qu’on appelle l’« identité sexuelle ». Le ministre Lametti a déclaré à la Chambre des communes du Canada que « la thérapie de conversion fait référence à des efforts malavisés visant à changer l’orientation sexuelle d’une personne pour qu’elle soit hétérosexuelle, ou à changer son identité de genre pour qu’elle corresponde au sexe qui lui a été attribué à la naissance. »

En ajoutant la notion indéfinie d’« identité de genre » au projet de loi, les libéraux ont réussi à faire l’amalgame entre le droit à l’homosexualité et la notion postmoderne selon laquelle on peut « se sentir » du sexe opposé, et que ce sentiment signifie en fait que l’on est littéralement du sexe opposé. La nouvelle loi criminalisera ceux qui tirent profit de la « thérapie de conversion » ou qui en font la publicité, y compris tout thérapeutes ou médecin qui répugnent au soi-disant « modèle affirmatif », c’est-à-dire la confirmation inconditionnelle de ce qu’on appelle « l’identité trans » d’une personne.

Comme les adultes ont le droit de faire leurs propres choix concernant leur corps et de décider s’ils souhaitent ou non subir une chirurgie esthétique, cette loi vise en réalité des enfants et des adolescents — des personnes qui ne sont pas équipées pour comprendre les conséquences à long terme d’une transition médicale sur leur corps et leur vie, et qui sont référées à n’importe quel thérapeute avant de passer aux bloqueurs d’hormones, au traitement hormonal, puis à la chirurgie de « changement de sexe ».

Il est clair que les thérapeutes devraient encourager ces jeunes à attendre et à ne pas se précipiter sur la voie de la transition médicale – c’est la chose responsable à faire. Au lieu de cela, les voilà maintenant légalement obligés d’adopter l’approche inverse.

Hier, notre Sénat a, à son tour, adopté sans objection le projet de loi C-4, ce qui signifie qu’il est désormais essentiellement illégal au Canada de remettre en question ou de contester la déclaration d’identité transgenre d’un enfant et son désir de  » transition  » sociale et/ou médicale vers le sexe opposé.

Cette fois-ci, les groupes féministes (et de nombreuses autres personnes concernées) ont tenté de s’organiser et de s’exprimer contre le projet de loi, mais elles ont une fois de plus été ignorées par les médias et leurs arguments n’ont manifestement pas été pris au sérieux par les politiciens.

Il est déjà difficile de remettre en question la légitimité de l’idéologie de l’identité de genre au Canada, et déjà pratiquement impossible d’accéder à une thérapie qui pourrait permettre à un-e adolescent-e de remettre en question son désir de transition, comme tant d’autres le font.

Cette nouvelle loi garantit qu’il est désormais illégal au Canada d’offrir une thérapie qui ne considère pas le changement de sexe comme la meilleure voie.

De plus, le gouvernement libéral travaille actuellement à l’adoption d’une loi criminalisant ce qu’on appelle les « propos haineux » en ligne, ce qui comprendrait sûrement toute remise en question de l’idéologie de l’identité sexuelle et, par exemple, rendrait illégal l’emploi de pronoms corrects pour décrire une personne qui préfère utiliser les pronoms traditionnellement réservés au sexe opposé.

Essentiellement, le gouvernement canadien, qui se considère comme toujours si progressiste, criminalise non seulement le discours féministe, mais aussi la liberté d’expression et la pensée critique dans son ensemble. Il ne sera plus permis de contester l’orthodoxie du gouvernement au Canada, et les dissident-e-s seront non seulement réduit-e-s au silence, mais aussi puni-e-s par la loi.

C’est terrifiant, et cela signifie la fin de la démocratie et des libertés civiles au Canada.

La seule solution est de ne pas se conformer à tout cela, bien que ma solution personnelle ait été de quitter le Canada, en sachant que je ne peux plus travailler et exister dans mon pays sans être persécutée. Je continuerai absolument à parler et à travailler pour les droits des femmes et les libertés constitutionnelles partout, y compris au Canada, mais pas à partir de mon pays d’origine. Il m’est difficile d’envisager un avenir libre lorsque si peu de gens se lèvent et se défendent, et lorsque nos représentant-e-s politiques refusent de respecter et d’entendre nos préoccupations, nos voix et nos droits.

Nous, le peuple, sommes notre seul espoir – et j’espère que nous refuserons de nous conformer à cette loi.

Meghan Murphy, éditrice du site Feminist Current

Version originale : https://www.feministcurrent.com/2021A/12/08/canada-has-passed-bill-c-6-and-it-feels-like-we-are-doomed/

Traduit par la collective TRADFEM

3 réflexions sur “Le Canada vient d’adopter le projet de loi C-4 (sur la « thérapie de conversion »), et il semble que nous soyons condamné-e-s.

  1. Bonjour,

    Merci pour la publication de cet article. Ce sont mes collègues de PDF Québec qui seront contentes d’avoir été çitées dedans.

    Bon samedi !

    Johanne Jutras Administratrice Pour les droits des femmes du Québec

    ________________________________

    J’aime

  2. Veux parler avec Meghan bonnnn !! hihi Excellent texte, j’avais pas lu la loi C-4 et je trouve ça affreux ! Mais ça me surprends pas nenon ! Depuis quand les gars voudraient nous laisser de la place ??? Jamais ! Faut la prendre, la voler …. ! Loll allumez ça fait environ 2 mille ans que c’est de même ! Youhouuuuuuuu :)))

    J’aime

Laisser un commentaire

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur la façon dont les données de vos commentaires sont traitées.