Je n’arrive pas à déterminer le moment exact où je suis passée du statut de jeune fille brillante à celui de vieille harpie.
Par Susan Dalgety, publié le 3 mars 2023 sur The Scotsman
La transformation d’une femme d’un statut non différent de l’homme à côté de qui elle travaille en une bique d’âge moyen presque invisible, légèrement repoussante et plutôt stupide est aussi imperceptible qu’inexorable. Un jour, vous êtes au sommet de votre art, les nouvelles recrues et les patrons suspendus à vos lèvres. Le lendemain, vos suggestions sont accueillies par des soupirs excédés et des haussements de sourcils. Nos idées qui étaient autrefois considérées comme brillantes sont maintenant rejetées presque avant même d’être sorties de votre bouche. Les conversations s’étiolent dès que vous pénétrez dans une pièce. Et vous voyez se tarir les invitations au pub pour une bière improvisée après le boulot.
Je me souviens avoir demandé à mon patron – un homme réfléchi et intelligent – pourquoi il pensait que la société rejetait les femmes de plus de 50 ans ? Pourquoi étais-je considérée comme une has been alors que lui, au même âge, n’en était qu’à ses débuts professionnels ? Il a haussé un sourcil. « Cela a sûrement changé », a-t-il dit. Je l’ai regardé. « Allez, soyez honnête, ai-je répondu. Les femmes de plus de 50 ans sont largement invisibles. Nous avons dépassé notre stade d’utilité. » Il s’est arrêté un instant, puis a lentement hoché la tête. « Vous avez raison, a-t-il dit. Je suis désolé. »
C’est à ce moment-là que j’ai réalisé que j’étais devenue une harpie. J’avais rempli mon rôle dans la société en tant que femme (potentiellement) fertile. Mes rides de rire et mes cheveux gris n’étaient pas « distingués », mais la preuve que je n’étais plus une « vraie » femme. Mes décennies d’expérience professionnelle et de vie n’étaient pas pertinentes. J’avais atteint ma « date de péremption ».
Il était temps pour moi de me retirer, avec toutes les autres harpies, dans l’arrière-boutique de la vie et d’attendre la mort. Mais attendez. Avant de mourir, cela vous dérangerait-il de devenir assistante maternelle à plein temps non rémunérée ou de vous occuper 24 heures sur 24 d’un parent âgé ? Après tout, vous n’avez rien d’autre à faire, et les femmes âgées sont tout simplement plus douées pour ce genre de choses.
Face à ce changement soudain de mon statut, j’ai réagi par la fuite. Depuis le début de la cinquantaine, j’ai passé une grande partie de mon temps (et de mon fonds de retraite) à voyager. Qu’il s’agisse d’une promenade sur la magnifique côte est de l’Angleterre ou d’un road trip à travers le Midwest américain, dès que je ferme ma porte d’entrée et que je pars, j’ai l’impression de reprendre le contrôle de la situation.
Un retour irréfléchi, mais heureusement bref, sur le marché du travail traditionnel, où je me suis retrouvée la cible des plaisanteries de tous les jeunes hommes et rejetée par des femmes plus jeunes que je voyais – stupidement – comme des sœurs, m’a rappelé que j’étais « dépassée » d’une façon que seule une femme d’âge mûr peut l’être. J’ai rendu ma carte de travail et je suis partie pour la Grèce.
J’ai lu cette semaine le nouveau livre de Victoria Smith, Hags : The Demonisation of Middle-aged Women (Harpies : La diabolisation des femmes d’âge moyen), et cette lecture m’a rappelé que j’étais moi-même passée de ce que Smith décrit comme le statut des « trois F » (la féminité, la fécondité et la fuckability) à celui d’un vieux pruneau desséché. Dans sa critique perspicace mais dévastatrice, elle soutient que ce ne sont pas seulement les hommes qui perpétuent le récit patriarcal selon lequel les jeunes femmes ont un statut social plus élevé que leurs sœurs plus âgées, mais que les jeunes femmes sont également complices de ce mythe. Elles voient leur avenir dans nos visages ridés et, effrayées par ce qui les attend, nous méprisent de leur rappeler leur destin.

La diabolisation des femmes âgées ne date pas d’hier
Honteusement, je me souviens d’avoir gloussé avec une amie au sujet des femmes vieillissantes du parti travailliste qui insistaient pour prendre la parole lors de nos meetings. « J’espère que je ne deviendrai jamais l’une d’elles. Si c’est le cas, tue-moi », disais-je en riant. Aujourd’hui, je suis l’une d’elles.
La guerre des sexes de ces cinq dernières années, au cours de laquelle la définition même des femmes est devenue une foire d’empoigne, a accentué ce profond fossé générationnel entre les femmes. De nombreuses femmes de moins de 40 ans – en particulier celles de gauche – ont adhéré au mythe selon lequel le féminin n’est qu’un costume à endosser. Agitant l’intersectionnalité devant nous les harpies, comme si nous ne comprenions pas l’impact de la classe et de la race d’une femme sur son oppression, elles gazouillent que « les transfemmes sont des femmes ». La féminité se résume à l’achat d’une nouvelle robe en magasin, semblent-elles affirmer.
Victoria Smith affirme qu’il n’est pas surprenant que ce soient principalement les femmes de plus de 45 ans – celles d’entre nous qui ont survécu à la réalité biologique de leur corps de femme, de la stérilité aux grossesses non désirées, et qui composent maintenant avec la ménopause et le vieillissement – qui ont choisi de s’élever contre l’idéologie transgenriste extrême. Nos cicatrices de césarienne, nos varices et nos os fragiles nous rappellent constamment que, quel que soit notre statut socio-économique, c’est notre corps de femme qui a façonné notre destin. Et nous sommes légitimement en colère, lassées de la misogynie et de l’âgisme qui ont influencé les tentatives de nous mettre à l’écart.
Victoria Smith termine son livre par cinq « modestes propositions » pour façonner un nouveau féminisme, capable de « mettre au rancart la haine de soi que constitue l’âgisme ». Je ne suis pas sûre que les femmes, quel que soit leur âge, soient prêtes à se débarrasser de leurs t-shirts et de leurs tasses à slogans, mais son appel à un nouveau récit féministe intergénérationnel est tout à fait pertinent.
Elle affirme qu’au lieu que les jeunes femmes se plient au mensonge patriarcal selon lequel les femmes ne sont utiles que pendant la moitié de leur vie, les femmes de tous âges devraient réécrire notre histoire. Et où mieux commencer qu’avec la glorieuse Gloria Steinem, qui a écrit en 1979 que « les femmes sont peut-être le seul groupe démographique qui se radicalise avec l’âge ».
Nous, les femmes, avons peut-être perdu nos « trois F », mais franchement, nous nous en fichons, car we have no more F***s to give. Alors, jeunes femmes, avant qu’il ne soit trop tard, rejoignez-nous de l’autre côté. Ensemble, nous pourrions vraiment liquider le patriarcat.
Susan Dalgety
Traduction : TRADFEM
Est-ce le patriarcat qui est responsable du jeunisme, ou l’évolution, qui a forgé l’être humain, et qui pousse les individus chercher à avoir des enfants (les femmes ne pouvant plus en avoir après la ménopause) ? Quoi qu’il en soit, il y a une très bonne nouvelle pour les femmes dans ce domaine : les hommes ont une forte propension au fétichisme. Ainsi, une femme n’est jamais universellement perçue comme peu attractive. Comme je le dis souvent (les hommes étant jugés non sur leur « beauté intérieure », mais sur leur statut social, ce qui est loin d’être un « privilège ») : « Pour la société, il n’y a pas de femmes moches, tandis qu’il y a des hommes handicapés. » Demandez à un homme gérontophile si pour lui les femmes d’âge moyen ou plus âgées sont moches. Moi-même je suis fétichiste de la rondeur, et mon impression est que les femmes rondes ou très rondes sont des déesses quel que soit leur âge. Après, si l’on traite ses fans de pervers, il ne faut pas se plaindre. La vie a fait que j’ai été amené à vivre socialement en tant que femme : maintenant c’est moi qui suis fétichisé pour mon poids, et je trouve que c’est merveilleux. Vu ce que je vis à plus de 120, parfois presque 130 kg (regards, compliments, drague, voitures qui ralentissent à mon niveau…), ils sont visiblement nombreux, les fétichistes de la rondeur. C’est avec sérénité que je suis entré dans la quarantaine, et je ne m’arrêterai jamais de me présenter de manière sexy, pour le plus grand bonheur de ceux qui aiment (et le miens). J’ai l’impression de vivre le fameux « carrousel » des masculinistes, même si d’après eux à mon âge cela est censé être terminé depuis longtemps et cela est censé ne concerner que les femmes minces.
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