par Brendan O’Neill, The Spectator, 25 mars 2023
Voilà ce à quoi a dû ressembler l’époque où des femmes étaient conduites au bûcher. Hier, à Auckland, en Nouvelle-Zélande, la militante britannique pour les droits des femmes Posie Parker s’est retrouvée encerclée par une foule déchaînée et hystérique. On l’a aspergée de soupe aux tomates et frappée de pancartes au visage. Elle a été aspergée d’eau. Des hommes énormes lui ont hurlé des insultes et des jurons. Les bousculades de la foule sont devenues si intenses que Mme Parker a craint pour sa vie. « J’ai réellement pensé que si je tombais par terre, je ne me relèverais jamais, a-t-elle déclaré. Mes enfants auraient perdu leur mère et mon mari aurait perdu son épouse. »
Enregistrement de la bodycam de Mme Parker: https://twitter.com/i/status/1639394154621943808
Le spectacle était vraiment effrayant. Les visages de la foule devinrent des masques de haine féroce. Ils fulminaient avec frénésie tandis que, malgré sa petite taille, Parker, dont les cheveux blonds étaient tachés d’orange par la soupe déversée sur elle, tentait désespérément de se frayer un chemin jusqu’à la sécurité d’une voiture de police. C’était rien de moins que l’humiliation rituelle d’une femme décrétée sorcière, la purge violente d’une hérétique.
La prochaine fois que vous lirez un livre d’histoire et que vous vous demanderez comment la ville américaine de Salem en est venue à être consumée par une telle hystérie en 1692, visionnez les vidéos de la persécution de Posie Parker en Nouvelle-Zélande. C’est ainsi que cela arrive. Voilà comment la peur des sorcières peut l’emporter sur la raison et déclencher les passions les plus sombres et les plus punitives de la foule.
Et quel est le crime de Parker ? Qu’a fait cette sorcière ? Elle a dit : « Une femme est un être humain adulte de sexe féminin ». C’est tout ce qu’elle a dit. Parker, de son vrai nom Kellie-Jay Keen-Minshull, est connue pour sa critique de l’idéologie du mouvement transgenriste. Elle pense qu’un homme ne devient jamais une femme, quel que soit le nombre d’hormones qu’il prend ou d’opérations qu’il se procure. Elle pense que si vous êtes né homme, vous mourrez homme, et que dans l’intervalle, vous n’avez absolument pas le droit d’entrer dans quelque espace réservé aux femmes.
Cette affirmation constitue de l’hérésie. La dissidence par rapport à l’évangile de l’idéologie du genre est au XXIe siècle ce que la dissidence par rapport aux évangiles réels était au Moyen-Âge. Posie Parker doit donc être punie. Nous venons d’assister à une lapidation contemporaine, mais heureusement, on n’a jeté que de la soupe, de l’eau et des placards à la blasphématrice.
Mme Parker organise régulièrement des manifestations publiques intitulées « Let Women Speak » (Laissez les femmes s’exprimer). Elle l’a fait dans tout le Royaume-Uni, dans certaines régions des États-Unis et, depuis quelques semaines, en Australie et en Nouvelle-Zélande.
C’est une initiative géniale. Elle sait que ces rassemblements de femmes qui veulent simplement exprimer leur conviction profane que le sexe ne peut être modifié attireront des foules de transactivistes intolérants et leurs alliés. Elle sait que le lobby dont le mantra est « Be Kind » fera tout ce qui est en son pouvoir pour empêcher les femmes de s’exprimer. Et elle sait que tout cela illustrera brillamment sa conviction de base : celle que le transactivisme est de la misogynie déguisée, de la misogynie travestie, si vous voulez, et qu’il s’est donné pour mandat de faire taire les femmes qui accordent foi à la biologie.
L’Australie et la Nouvelle-Zélande ont brillamment joué leur rôle dans le plan astucieux de Posie Parker. De Melbourne à Canberra, de Hobart à Auckland, des foules immenses de la communauté « branchée » se sont rassemblées pour noyer les voix des femmes qui osent appeler les hommes des « hommes ». « Laissez les femmes s’exprimer », dit Parker. « Non », répond la foule. Elle les incite à avouer leur misogynie et leur intolérance au vu et au su de tous. Et c’est ce qu’ils font.
Auckland a été la pire des villes. Hier, dans le parc Albert, au centre de la ville, la foule n’a pas pu cacher son dégoût vengeur pour les femmes immodestes qui ne sont pas d’accord avec ses idéologies. Parker est une sorcière d’un nouveau genre, qui se soumet volontairement à un procès en sorcellerie, afin que le reste d’entre nous puisse voir à quel point les nouveaux inquisiteurs sont dogmatiques et impitoyables. Je suis plein d’admiration pour elle. Son courage met en lumière l’intolérance viscérale qui défile sous la bannière de la politique identitaire.
Les événements d’Auckland devraient constituer un signal d’alarme pour les progressistes du monde entier. Nous avons entrevu la main de fer de l’autoritarisme qui se cache dans le gant de velours du mot d’ordre « Be Kind ». L’aspect misogyne de l’extrémisme transgenriste est désormais indéniable. Regardez des hommes enragés fouler au pied des barrières métalliques pour atteindre la sorcière Posie et dites-moi qu’il ne s’agit pas de sexisme déguisé en radicalisme. Constatez les cris de joie d’hommes ravis que la foule ait fait fuir « cette lâche TERF » et dites-moi qu’il ne s’agit pas de chauvinisme sous stéroïdes. Voyez l’utilisation de mégaphones, de slogans chargés d’injures et de menaces physiques utilisés pour étouffer la voix d’une femme et dites-moi qu’il ne s’agit pas d’une croisade sexiste de censure de la liberté d’expression des femmes.
Cette foule à Auckland n’a pas surgi de nulle part. Non, il s’agissait d’une manifestation brutale d’une idée régressive qui s’impose graduellement depuis quelques années. À savoir, qu’il devrait être interdit de s’opposer à l’idéologie du genre. Que c’est de l’intolérance qu’énoncer des faits biologiques. Que le fait de dire que les hommes sont des hommes et que les femmes sont des femmes devrait constituer une infraction punissable – que cette punition soit le retrait de toute tribune, le licenciement ou le lancement d’objets au visage.
Pour voir où la censure aboutit, il suffit de regarder ces agitateurs grimaçants à Auckland, la haine se propageant parmi eux, alors qu’ils luttent de toutes leurs fibres pour empêcher l’expression d’une idée critique. La censure engendre le sectarisme. Elle engendre la violence elle-même. Car plus nous disons aux gens que certains mots les blesseront, plus nous les incitons inconsidérément à blesser celles qui osent prononcer certains mots.
Cette foule était ivre de moralité. C’est ce qui se passe lorsque nous disons aux gens que leur identité est la chose la plus importante au monde et que tout ce qui affecte le moindrement leur amour-propre est un outrage qui doit être écrasé. Nous formons une génération d’inquisiteurs nombrilistes. Posie Parker les a démasqués, une fois de plus, et elle mérite pour cela nos remerciements. Cette fois-ci, les sorcières pourraient bien gagner.
Brendan O’Neill est le rédacteur politique en chef de Spiked.
Version originale: https://www.spectator.co.uk/article/the-shameful-persecution-of-posie-parker-in-new-zealand/
Témoignage d’une autre femme qui était à Auckland hier: https://aboldwoman.substack.com/p/trans-activists-make-women-terrified?r=divq1&utm_medium=web
Traduction: TRADFEM