L’hypocrisie sexiste du réseau Twitter est devenue intolérable

par MEGHAN MURPHY, d’abord affiché le 27 décembre 2018 sur son blog Feminist Current, le média féministe en ligne le plus populaire en Amérique du Nord.

Twitter autorise le cyber-harcèlement de femmes et punit celles qui tentent de faire rendre des comptes aux agresseurs et à l’entreprise.

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Les fondateurs du réseau social Twitter : Jack Dorsey, Evan Williams, Christopher “Biz” Stone et Noah Glass

La semaine dernière, l’organisme Amnesty International a publié les conclusions de son « Troll Patrol Project » — décrit comme un « effort réunissant des chercheurs et chercheurs en droits de la personne, des spécialistes des techniques d’information et des milliers de bénévoles en ligne en vue d’assembler la plus grande base de données collectives au monde sur le cyber-harcèlement infligé aux femmes ».

Cette recherche a conclu que le réseau social Twitter était un milieu « toxique » pour les femmes; L’étude de « tweets » reçus en 2017 par 778 femmes journalistes et politiciennes du Royaume-Uni et des États-Unis a relevé 1,1 million de tweets « agressants ou problématiques » au cours de cette année, soit un à toutes les 30 secondes en moyenne.

L’équipe de recherche a défini les « tweets agressants » comme ceux qui violaient les propres règles de Twitter, y compris ceux qui « promeuvent la violence contre des personnes ou les menacent sur la base de la race, l’ethnie, l’origine nationale, l’orientation sexuelle, le genre, l’identité de genre, l’affiliation religieuse, l’âge, le handicap ou une maladie grave

Étrangement, alors que les femmes sont si communément les cibles de « tweets agressants », le critère du « sexe » ne figure pas parmi les catégories protégées par Twitter. Même si les conclusions de l’étude d’Amnesty ne font pas mention de cette énorme faille dans les prétendus efforts de Twitter pour décourager les agressions sur sa plate-forme, cette décision d’omettre le sexe de leur liste de critères en dit long sur l’insincérité des intentions de Twitter et sur le fait que contrer la misogynie n’est pas une priorité pour cette entreprise.

Les auteur.e.s de cette recherche précisent ce qu’elles et ils ont considéré comme des tweets agressants, soit « des menaces physiques ou sexuelles, des souhaits de préjudices physiques ou de mort, des références à des événements violents,  des comportements qui incitent la peur ou des insultes, épithètes, tropes racistes et sexistes et d’autres contenus avilissants ».

J’ai résumé dans un article les nombreuses menaces explicites de violence que l’on m’a adressées sur Twitter par le passé, en soulignant à plusieurs reprises que cette entreprise a systématiquement refusé d’intervenir face à ces menaces, même si on me disait de « me taire et de crever », de « m’étouffer », de « me suicider » et ainsi de suite ad nauseam.

Tous ces tweets, qui semblent correspondre très clairement à la définition de « tweets agressants », m’ont été lancés accompagnés du mot « TERF » qui, comme le savent la plupart d’entre vous, est un terme utilisé pour diffamer et dénigrer les personnes qui contestent l’idéologie transgenriste. En fait, c’est une expression à sens purement péjoratif, visant presque exclusivement des femmes, avec l’intention explicite d’intimider la cible et de ternir sa réputation. Cela correspond indéniablement à la définition d’une insulte.

Mais au lieu de travailler à contrer les menaces adressées aux femmes qui tentent d’interroger ou de critiquer le transactivisme violent et les idées qui sous-tendent ce militantisme (c’est-à-dire l’idée que les hommes sont des femmes dès qu’ils se déclarent telles ou que les hommes qui s’identifient comme transgenre devraient avoir accès aux vestiaires de femmes, à leurs équipes sportives ou à leurs maisons d’hébergement), Twitter a plutôt choisi de cibler ces femmes.

Astroterf bridleAmnesty indique que Twitter « manque à sa responsabilité de respecter les droits des femmes en ligne en n’enquêtant pas et en ne réagissant pas de manière transparente aux rapports de violence et d’agression, ce qui conduit de nombreuses femmes à se taire ou à s’autocensurer sur la plate-forme ». Les auteur.e.s concluent:

Les entreprises comme Twitter ont la responsabilité de respecter les droits de la personne, ce qui signifie s’assurer que les utilisatrices de cette plateforme peuvent s’exprimer librement et sans crainte.

Au lieu de cela, Twitter fait exactement le contraire.

Lorsque j’ai été définitivement suspendue de Twitter le 23 novembre dernier, ce ne fut pas pour y avoir tenu des « propos haineux ». C’était parce qu’un individu ne voulait pas que j’y aie une voix. Il ne voulait certainement pas que je puisse « m’exprimer librement et sans crainte ». En tant que journaliste et que personne qui lutte pour créer un monde meilleur, plus équitable, j’ai un penchant pour dire la vérité et pour rendre compte de faits, particulièrement en ce qui concerne des hommes que je considère dangereux, qui tentent de porter préjudice à des femmes ou de les intimider, qui ne respectent pas les limites des femmes ou qui s’activent à les priver de leurs droits.  À ce titre, après que des médias aient signalé un homme qui intentait des poursuites contre des esthéticiennes locales qui avaient refusé de pratiquer sur lui une « épilation du bikini » et après qu’une blogueuse ait révélé son identité, ainsi que des antécédents troublants, j’ai cherché à vérifier cette information. J’ai tweeté un lien au blog en question en demandant « Est-il vrai que l’homme qui tente d’extorquer de l’argent à des esthéticiennes qui refusent de lui faire une épilation du bikini est  [lien à son identité sur Twitter]? » Lorsqu’on m’a présenté une capture d’écran confirmant l’identité de cet homme – une recension Internet d’une entreprise ayant pour nom « Foxy Box », que cet individu avait mis en ligne, sous son propre nom, avec une photo personnelle, en écrivant « Ally a été super pour faire mon épilation du bikini! », j’ai tweeté cette image en écrivant « Ouais, c’est lui. » Deux semaines plus tard, Twitter a suspendu définitivement mon compte en ne citant que ce dernier tweet.

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Meghan Murphy est une des 48 autrices regroupées dans cette anthologie assemblée par Ruth Barrett sur la nouvelle censure des femmes.

Beaucoup de gens ont cru que j’avais été bannie pour avoir transgressé les nouvelles Conditions de service de Twitter, qui incluent des règles contre le fait de « mégenrer » quelqu’un (appeler des hommes des hommes et des femmes, des femmes, sans égard à leur identité transgenre) et contre le « deadnaming » (citer le nom de quelqu’un, sans égard au fait qu’il préfère maintenant un nouveau nom). Mais au moment où j’ai envoyé ce tweet, non seulement Twitter n’avait pas informé ses utilisateurs de ce changement à leurs Conditions de service, mais l’individu en question continuait à utiliser son nom d’homme, son seulement sur Twitter mais sur la plupart de ses autres comptes personnels de réseaux sociaux (et le fait toujours aujourd’hui). Qu’il s’agisse ou non d’une coïncidence, cette modification des Conditions de service de Twitter a été rendue publique le jour même où j’ai été bannie du réseau. Au-delà du fait qu’une référence correcte au sexe de quelqu’un ne lui porte aucunement préjudice (en fait, l’identification incorrecte du sexe de quelqu’un serait incroyablement dangereuse, si c’était le fait d’un praticien de la santé, par exemple), cet individu ne « s’identifie » même pas comme femme sur Twitter.

La véritable raison de mon bannissement de Twitter a été révélée à la mi-décembre, par l’individu responsable lui-même, lorsqu’il s’est vanté, lors d’une assemblée municipale du canton de Langley, d’avoir « personnellement réussi à faire suspendre son compte Twitter ».

Considérant qu’il semble être un ami personnel d’un des cofondateurs de Twitter, Biz Stone, (ou qu’il souhaite donner au public cette impression), on comprend mieux comment cet individu a pu faire chasser définitivement une femme de cette plate-forme. J’avais soupçonné cette possibilité, soit la responsabilité de cet homme et le rôle joué par un ou plusieurs contacts personnels chez Twitter. Mais cette réalité a pour les femmes un aspect plus sombre : il appert que Twitter fonctionne comme un « boys’ club ». Un club masculin qui protège ses amis contre ses utilisatrices, même si ces amis présentent une menace pour les femmes. De fait les Conditions de service de l’entreprise semblent exister pour protéger leurs alliés et comme arme pour censurer et bâillonner les personnes qui leur déplaisent à cause des vérités qu’elles révèlent. Les femmes qui s’efforcent de faire rendre des comptes à des hommes et à des entreprises comme Twitter sont rapidement punies, alors même que l’on ferme les yeux sur des comportements violents et misogynes.

Amnesty a raison dans son analyse : Twitter échoue non seulement en termes de transparence eu égard à ses propres pratiques et normes, mais son équipe veille activement à faire taire les femmes et à censurer leurs voix sur cette plate-forme. Nous avons permis à un cadre minuscule d’hommes puissants de contrôler nos paroles, des hommes qui ne prennent pas au sérieux la violence et la misogynie et qui, ont pu, à ce jour, faire cela impunément. Nous ne pouvons plus fermer les yeux sur cette vérité, et il est temps de nous défendre.

Joignez-vous à nous à Washington la semaine du 26 janvier, où des femmes s’assembleront pour adresser un message clair aux géants des médias sociaux comme Twitter : nous ne nous laisserons pas bâillonner et nous allons nous tenir debout!

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Version originale: https://www.feministcurrent.com/2018/12/27/twitters-sexist-hypocrisy-can-no-longer-ignored/?fbclid=IwAR2cNUVyB8-Yjp0G9Ym-iomKwB7Q6dW86uJAd51i3DqZ-aaLxg8TNc-oJYU

Traduction: TRADFEM 

Un autre article de Meghan Murphy sur ce harcèlement a paru sur QUILLETTE: https://quillette.com/2018/11/28/twitters-trans-activist-decree/

meghan-murphy-photo récenteON TROUVE  PLUSIEURS AUTRES ARTICLES TRADUITS DE MEGHAN MURPHY SUR TRADFEM, ainsi que des clips vidéo sur son compte YOUTUBE

cov technically wrongPour en savoir plus sur la dynamique de ces médias sociaux, TÉLÉCHARGER SANS FRAIS le livre Technically Wrong, de Sara Wachter-Boettcher,  qui vient de paraître chez W.W. Norton et est résumé sur l’excellent blog HYPATIE.

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