Rebecca Mott : Conséquences

rebecca mott
par Rebecca Mott

Je n’utilise pas ce blog pour commenter l’actualité, mais les événements survenus en Allemagne m’ont rendue tellement en colère et malade.
Comme je l’ai écrit dans mon dernier message, cela tient à la pure hypocrisie de la majorité des réactions, et à leur utilisation pour excuser le racisme et l’ignorance.
Il s’agit de rendre invisible l’éléphant au milieu de la pièce, ou peut-être les deux éléphants qui sont dans cette pièce.
De cacher que dans toutes les cultures, tous les milieux et à toutes les époques, des hommes rassemblés en masse ont violenté sexuellement les femmes.
Que l’Allemagne s’est constituée en bordel de l’Europe – le viol, la violence mentale, la torture et même le meurtre de femmes et de filles sont acceptés tant que vous payez.
Cette violence n’est inadmissible que si elle est faite à des femmes non prostituées et que si elle ne peut pas être dépeinte comme extérieure à la culture allemande.
J’ai essayé de rester silencieuse, mais la bile me monte à la gorge.
Mais quand j’entends des politicien.ne.s allemand.e.s affirmer que la violence contre les femmes est une honte, je veux hurler.
De quelles femmes parlent-elles?
Parlez-vous des femmes prostituées dans les mégabordels, de plus en plus nombreux en Allemagne?
Parlez-vous des femmes du porno filmé en Allemagne, où la torture est la norme?
Parlez-vous des femmes prostituées dans la rue, qui vivent en sachant que le viol est leur norme, et qu’elles peuvent disparaître à tout moment?
Parlez-vous des « escortes » qui connaissent dans leurs moindres détails la torture sexuelle, les menaces de mort et la violence psychologique?
Non – vous ne parlez que des femmes non prostituées, qui doivent être protégées contre ces méchants hommes étrangers – parce qu’il ne faut surtout pas remarquer que des Allemands auraient pu faire partie de la foule des agresseurs sexuels.
Personnellement, je pense que vous avez réduit votre soutien aux femmes à celles que vous en jugez dignes, les Blanches européennes, qui doivent en outre avoir la nationalité allemande.
Parce que cette position vous vaudra des tonnes de votes – pour faire perdurer l’industrie du sexe, tout en affirmant que la plupart des violences sexuelles faites aux femmes allemandes est le fait d’étrangers et d’hommes d’une culture étrangère.
Je déteste votre propagande de merde intéressée – puisque vous savez certainement que la situation est bien plus complexe, mais vous vous en foutez tant que l’ignorance vous aide à rester au pouvoir.
Je rage aussi contre l’inconséquence de nombreuses féministes, en particulier les féministes libérales.
Je prends acte que la plupart des féministes libérales sont favorables au « travail du sexe », de sorte qu’elles refuseront de faire le lien entre la légalisation de la prostitution et la hausse de la violence sexuelle envers toutes les femmes.
Cette inconséquence m’atteint au plus profond.
Pour justifier la prostitution comme « travail du sexe », vous devez ignorer toutes les tortures, toute la violence mentale, tous les meurtres des personnes prostituées.
Voilà ce qui se passe quand je lis trop de discussions soi-disant féministes sur les événements survenus en Allemagne.
Il n’y a aucune remise en cause des disparitions de femmes prostituées dans ce pays. On ne se questionne pas sur la multiplication des meurtres de femmes prostituées depuis que l’industrie du sexe y est légalisée.
On ferme les yeux sur les tortures quotidiennes qui sont la norme dans les bordels allemands, on ne parle pas du caractère inhumain des méga-bordels.
Mais, si une sexualité dopée au porno est imposée à des femmes non prostituées, alors c’est horrible et cela devient une question féministe.
Désolée, si je pleure de rire face à votre hypocrisie.
La violence sexuelle sera la norme aussi longtemps que le commerce du sexe sera légal et intégré à la culture allemande.
Bien sûr, la majorité de cette violence restera cachée et traitée comme un non-crime, car elle se fera dans le cadre de l’industrie du sexe.
Quand nous choisissons de légaliser la prostitution, nous déclarons que la classe prostituée est sous-humaine.
Nous déclarons qu’il est impossible de violer une prostituée.
Nous déclarons que la prostituée n’a pas d’émotions humaines telles que la terreur, le chagrin ou la confusion.
Nous déclarons que l’on ne peut faire du mal à une prostituée, parce qu’on a décidé qu’elle ne ressent aucune douleur.
Et nous déclarons que tuer une prostituée ne compte pas, que c’est l’équivalent de se débarrasser d’une ordure.
Dans ce contexte, pourquoi est-ce qu’un homme vivant en Allemagne ou visitant ce pays penserait-il que les femmes ont des droits à la dignité et à la sécurité ?
Ce que doivent apprendre les hommes de la foule, c’est de payer d’abord leur violence sexuelle, et alors personne ne s’en souciera.

Rebecca Mott

Version originale : http://rebeccamott.net/2016/01/08/consequences/

Traduction : TRADFEM

Traduction en italien: ici

3 réflexions sur “Rebecca Mott : Conséquences

  1. Pingback: L’hypocrisie des sociétés patriarcales : le cas Cologne | The Marquee Moon

  2. Pingback: Rebecca Mott : Conséquences | Entre les lignes entre les mots

  3. Pingback: Colonia, Rebecca Mott e i due elefanti nella stanza – Resistenza Femminista

Laisser un commentaire

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur la façon dont les données de vos commentaires sont traitées.