L’invention du «transboy»

Sous prétexte de « tolérance », des transactivistes cherchent à abolir les droits des femmes et des enfants, particulièrement ceux des filles que l’on convainc qu’elles sont « nées dans le mauvais corps » si elles osent s’affirmer autrement que comme des « transboys ».

Ce qui suit est notre traduction d’un extrait du tout nouvel ouvrage d’Heather Brunskell-Evans, Transgender Body Politics, publié par Spinifex Press. L’extrait a été légèrement édité pour plus de clarté. Madame Brunskell-Evans est une universitaire, une théoricienne sociale et la coéditrice de deux anthologies : Transgender Children and Young People : Born in Your Own Body et Inventing Transgender Children and Young People, publiées chez Cambridge Scholars Press.

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Le Protocole d’entente sur la thérapie de conversion (PETC), que de nombreux professionnels de la santé ont signé, vise à protéger les patients contre ce qu’on appelle les thérapies de conversion à l’hétérosexualité. Mais l’interprétation courante et légale de ce protocole implique qu’« il existe une catégorie fixe appelée « transgenre » qui, comme la couleur des yeux, est simplement une donnée à laquelle il n’est pas nécessaire de penser ou de la comprendre ». Toutefois, l’orientation sexuelle et l' »identité de genre » des enfants sont le résultat d’un processus de développement complexe qui implique une interaction entre leur corps, leur esprit et la société. L’identité sexuelle et l’identité de genre sont des processus de développement qui évoluent au fur et à mesure que l’individu passe par les différentes étapes de la vie.

La croyance selon laquelle il existe, au contraire, une identité transgenre ancrée « dans le corps » imprègne désormais de multiples aspects de notre culture : elle est propagée par des émissions de vulgarisation dans les médias, des programmes pédagogiques à l’école, des conseils donnés aux parents par le ministère britannique de la Santé (National Health Service) et spécifiquement par le Service de développement de l’identité de genre (GIDS).  Collectivement, ces éléments constituent la toile de fond de la vie quotidienne des enfants et se combinent pour leur imposer un ensemble définitif de « vérités ». Ces « vérités » reproduisent les stéréotypes de genre qui confirment aux enfants différents qu’ils doivent être transsexuels, que la réaffectation médicale résoudra tout malaise aigu et que sans « thérapie » hormonale, ils risquent de s’automutiler et probablement de se suicider.

Le mépris postmoderne de la réalité biologique du sexe dimorphe et le langage du « sexe assigné à la naissance » amène la jeune fille à chercher de la cohérence dans le fantasme irréalisable qu’elle pourra changer de sexe. En fait, l’administration de fortes doses d’hormones de l’autre sexe (comme la testostérone) la privera de sa capacité future à devenir mère, éprouver du plaisir sexuel sans douleur, se libérer d’une dépendance à vie aux autorités sanitaires et aux risques inconnus à long terme de médicaments non autorisés. De plus, elle ne deviendra jamais un homme et n’aura jamais les organes génitaux de l’autre sexe. La modification chirurgicale d’un corps féminin pour façonner un pénis ne peut pas créer un organe fonctionnel et sensible. Les hormones sexuelles exogènes ne feront que créer l’apparence de caractéristiques sexuelles différentes de celles que son corps produirait en l’absence d’intervention.

Son corps humain est un organisme entier qui recherche constamment l’homéostasie (c’est-à-dire la tendance à un équilibre relativement stable entre des éléments interdépendants, en particulier tel que maintenu par des processus physiologiques). Les interventions, qu’elles soient chirurgicales ou hormonales, ne peuvent pas réellement créer le corps sexué souhaité, mais peuvent seulement modifier l’apparence et le fonctionnement de son propre corps sexué.

L’idée que le sexe est socialement construit – que l’enfant soit de sexe féminin ou masculin –  et que le transgenrisme est un enjeu humain, ne fait que promouvoir l’« illusion de l’inclusion ». Les femmes se retrouvent assimilées, colonises par ce mouvement de défense des droits des hommes, de la même manière que les filles et les femmes sont assimilées à d’autres réalités définies par les hommes, c’est-à-dire « aux conditions des hommes ». L’autrice Janice Raymond explique que « les hommes trans se neutralisent » et sont « non seulement neutralisés mais aussi castrés ». La stérilisation des femmes cesse d’être aberrante, mais s’inscrit maintenant dans la continuité d’une tentative patriarcale de contrôler « l’énergie, l’esprit et la vitalité féminines ».

Janice Raymond soutient que l’histoire témoigne du contrôle brutal de la chair féminine par le bandage des pieds, la clitoridectomie et l’infibulation (une pratique encore en cours dans certaines cultures), les hystérectomies, les mastectomies radicales, les ovariectomies, etc. pour rétablir l’ordre social patriarcal. Par le passé, lorsque les chirurgiens pratiquaient des clitoridectomies et des ovariectomies sur les femmes, ils sollicitaient l’acceptation et la collusion des femmes. De même, la jeune femme qui subit aujourd’hui un traitement hormonal et une chirurgie médicale se prive « volontairement » des dernières traces d’identification féminine. Raymond suggère que, pour une femme, se castrer par la chirurgie afin de devenir un homme est « l’arme ultime entre les mains des mecs ».

En février 2020, l’on a pour la première fois contesté juridiquement la légalité du blocage pubertaire et des traitements hormonaux exogènes administrés à des moins de 18 ans au GIDS. Trois personnes ont déposé des requêtes pour la révision de cette politique : un ancien infirmier psychiatrique du GIDS, la mère d’une fille autiste de 15 ans qui est sur la liste d’attente du GIDS, et Keira Bell, une femme de 23 ans et ex-« transboy » que le GIDS avait aidée à « transiter » vers le statut d' »homme » et qui a maintenant vécu une « détransition ». 

Un examen judiciaire de cette politique a été accordé sur la base du caractère illégal du traitement hormonal, car les enfants en question ne pouvaient pas, aux termes des critères de Gillick, donner valablement leur consentement à un traitement qui est à la fois transformateur de la vie et susceptible d’être irréversible. Cette contestation doit être entendue en octobre 2020.

Keira Bell, une jeune femme lesbienne, est un exemple typique des filles qui se présentent au GIDS. Elle a été référée à l’âge de 16 ans, profondément angoissée par son corps sexué et voulant désespérément passer du statut de femme à celui d’homme. Après seulement trois rendez-vous d’une heure, on lui a prescrit des bloqueurs de puberté ; un an plus tard, on lui a prescrit de la testostérone ; et il y a trois ans, à l’âge de 20 ans, elle a subi une double mastectomie. L’année dernière, elle a décidé d’arrêter de prendre de la testostérone et dit qu’elle accepte maintenant son sexe comme étant féminin.

L’identification de Bell au sexe masculin s’est progressivement renforcée au fur et à mesure que l’adolescente en apprenait davantage sur Internet à propos de la transition sexuelle. Au fur et à mesure qu’elle avançait sur la voie médicale, « une étape a mené à une autre » et, bien qu’elle dise maintenant qu’elle n’aurait pas voulu écouter des voix l’incitant à la prudence, personne n’a vraiment contesté sa démarche. Elle a été autorisée à investir le fantasme qu’elle pourrait changer de sexe et que le traitement hormonal la sauverait des idées suicidaires et de la dépression. Outre sa dysphorie de genre alléguée, Mme Bell croyait fermement que la transition sexuelle soulagerait tous ses problèmes de santé mentale, découlant d’une vie familiale difficile et d’un sentiment d’être mal acceptée par la société. Aujourd’hui, elle est en colère de ce qui lui est arrivé au cours de la dernière décennie et est furieuse que le GIDS ait aussi facilement avalisé sa transition médicale.

La Dre Polly Carmichael a tenu aux médias un propos confiant et audacieux mais peu sincère en réponse au cas de Keira Bell. Elle a déclaré que les détransitionnaires représentent moins de trois pour cent des jeunes qui effectuent une transition. En fait, le nombre réel des personnes qui détransitionnent est encore inconnu et difficile à évaluer pour de nombreuses raisons, notamment parce que les jeunes transitionnaires n’arrivent à l’âge adulte que maintenant.

En outre, pour ceux d’entre nous qui font depuis quelques années des recherches sur la politique corporelle des transsexuel-le-s, nous savons que de nombreuses jeunes femmes détransitionnent en privé mais ont peur de le reconnaître publiquement parce qu’elles vivent la communauté transsexuelle comme une secte dont elles ont peur de s’extraire et d’être socialement excommuniées. La Dre Carmichael aurait pu citer des éléments probants concrets, à savoir qu’environ quatre sur cinq des jeunes se détachent naturellement, en grandissant, de l’identification transgenre s’ils ne sont pas encadrés par le GIDS.

Le thérapeute Marcus Evans soutient que « l’optique politique légaliste du traitement des enfants », telle que pratiquée par le GIDS, « risque de reléguer au second plan les besoins psychologiques complexes des enfants et des jeunes ». Les lobbyistes transactivistes font la promotion à tout crin d’une déconnexion radicale du malaise de genre des enfants de ses racines probables dans des phénomènes psychologiques et sociologiques. Ces activistes étiquettent les clinicien-ne-s comme « transphobes » s’ils et elles insistent sur une évaluation approfondie du contexte familial et psychologique des jeunes qui songent à la transition.

Evans affirme que les cliniciens qui tentent de protéger l’enfant contre un traitement irréversible et prématuré « sont catalogués comme une influence malveillante qui empêche l’enfant de satisfaire ses « besoins » ». Pour lui, « il est clair que cette culture politique interfère avec la liberté de pensée nécessaire pour travailler avec des enfants et adolescents très perturbés… Ceux-ci et celles-ci deviennent des symboles politiques, des acteurs d’un conflit idéologique plus vaste. » Evans conclut que « le GIDS fonctionne comme s’il transgressait les exigences ordinaires d’une bonne pratique médicale et psychiatrique … [et] nécessite un nouveau régulateur chargé de la surveillance appropriée des services d’identité de genre afin de garantir une approche plus rigoureuse, équilibrée et éthique sur le plan clinique dans ce domaine complexe. »

Big Pharma, soit la grande industrie pharmaceutique, est une entreprise essentiellement capitaliste, profondément investie dans les technologies médicales qui servent à créer et à façonner l’auto-identification des filles en tant qu’hommes. Le GIDS (et d’autres instances de développement de l’identité de genre dans le monde) fournit un marché mondial aux profits de Big Pharma. La Commission pour la qualité des soins, qui a donné son aval au système du GIDS, collabore avec le lobby transgenriste Stonewall depuis 2012 dans le cadre de son programme « Health Champions« . Le Tavistock and Portman NHS Trust est également un « champion » accrédité par Stonewall. Si les établissements de santé et d’enseignement restent prisonniers de l’idéologie de lobbies comme les organisations Stonewall, Mermaids et Gendered Intelligence, et si toutes les pratiques employées auprès des enfants dits transsexuels remontent à un complexe médico-industriel extrêmement puissant et multimilliardaire, il incombe au gouvernement britannique et aux gouvernements de tous les autres États démocratiques de se livrer à un examen approfondi des théories, des politiques et des investisseurs qui sous-tendent ces pratiques.

Les citoyens devraient pouvoir demander, sans risquer de représailles qui a le droit de produire les connaissances sur le sexe et le genre qui informent ensuite la pratique clinique pédiatrique ? Dans quelle mesure les psychologues cliniciens et autres professionnels de la santé sont-ils libres d’appliquer le principe hippocratique « D’abord ne pas nuire », étant donné le champ de force où sont élaborés les concepts transgenristes et l’autorité alléguée des transactivistes en matière de droits de la personne ? Quelle est la relation entre la hausse exponentielle du nombre de filles s’identifiant comme garçons et la misogynie, le sexisme et la violence sexuelle ?

Je soutiens qu’un transactivisme militant exige absolument que des « enfants trans » existent en tant que figures naturelles, afin de fabriquer l’illusion que l’identité transgenre est apolitique. L’être humain le plus sacrifié sur l’autel de la théorie queer et d’un mouvement masculiniste en plein essor est une nouvelle identité médicalisée : celle du « transboy ». On promulgue la notion que les filles peuvent devenir des hommes et que l’intervention médicale est une chance pour elles de rejeter les restrictions de leur corps féminin pour devenir leur véritable moi « masculin » authentique.

Comme l’« identité de genre » a été efficacement détachée de son contexte social et politique par les groupes de pression transgenristes et qu’elle est de plus en plus conceptualisée comme une qualité inhérente aux personnes, les filles vont continuer à être aux prises avec une oppression sexiste socialement construite. La stérilisation des filles au nom de la liberté de genre ne signifie pas l’extension de leurs droits humains, mais plutôt leur violation flagrante.

Heather Brunskell-Evans, PhD

Version originale: https://www.feministcurrent.com/2020/11/23/inventing-the-transboy/

Transgender Body Politics, Heather Brunskell-Evans, PhD, octobre 2020, 190 pages

Tout en débitant des platitudes sur l’égalité, la politique transgenriste colonise et efface en réalité les corps, l’agencéité et l’autonomie des femmes et des enfants, tout en affirmant les droits des hommes à l’intrusion corporelle dans tout espace social et personnel. L’agenda transgenre redéfinit la diversité et l’inclusion en utilisant le langage de la victimisation.

Vos commentaires sont de l’oxygène pour nous! N’hésitez pas à partager votre opinion de ces enjeux.

2 réflexions sur “L’invention du «transboy»

  1. Et la deuxième face de la médaille transgenriste, pour les jeunes filles qui ne veulent pas se faire charcuter : on pourra dire d’elles qu’elles adhèrent à leur genre. Qu’elles s’y accrochent. Et donc, qu’elles acceptent « naturellement » la violence liée au genre social féminin.

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