Que faire lorsque l’on regrette sa transition sexuelle?

Un nombre alarmant de jeunes filles remettent en question leur décision de vivre dans la peau de l’autre sexe.

par Julie Bindel, @bindelj, sur UnHerd, le 20 décembre 2019

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 « Je voulais me rapprocher le plus possible d’un corps d’homme, même si je savais au fond que je n’y arriverais jamais. Je voulais me débarrasser de mes aspects féminins. »

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Livia, 23 ans, vit comme transhomme depuis cinq ans. À 20 ans, elle a subi une double mastectomie, une hystérectomie et une ovariectomie (ablation des ovaires). Et elle le regrette aujourd’hui. Elle fait partie d’un panel de sept jeunes femmes qui discutent de leurs sentiments face à la transition lors de la toute première réunion du Detransitioner Advocacy Network (DAN) (Réseau de défense des droits des personnes en détransition, plus tôt ce mois-ci.

 

Depuis la création du réseau, en octobre dernier, plus de 300 femmes qui regrettent d’être passées du statut de femme à celui de (trans)homme se sont manifestées pour obtenir du soutien et des conseils. C’est un nombre extraordinaire. Mais il n’est peut-être pas si surprenant quand on voit qu’au cours des dix dernières années, on a observé une augmentation de 3 200 % du nombre d’enfants qui se croient transgenres au Royaume-Uni, dont les trois quarts sont des filles. Une recherche rapide sur le site de sociofinancement GoFundMe montre que plus de 26 000 filles et femmes cherchent actuellement de l’argent pour subir la « chirurgie du haut » (une double mastectomie élective) afin d’acquérir une apparence plus masculine.

 

À l’âge de 15 ans, Livia a été diagnostiquée d’une anorexie sévère. « C’est si terrifiant de réaliser que mes pensées anorexiques reflétaient [la haine] de mon corps féminin », dit-elle à un auditoire atterré. « J’aurais vraiment aimé que quelqu’un soit là pour me dire de ne pas faire castrer ce corps à 21 ans. »

 

Il semble que Livia souffrait de dysmorphie corporelle, un désordre qui amène les gens à croire que leur corps est défectueux ; cette condition devient de plus en plus fréquente en raison de la pression exercée sur les jeunes femmes pour qu’elles se conforment à des stéréotypes féminins. Mais on l’a plutôt amenée à croire qu’elle souffrait d’une dysphorie de genre, un trouble où des gens en viennent à penser c’est leur sexe biologique qui n’est pas « le bon », ce qui conduit à vouloir subir une chirurgie irréversible, souvent à un âge jeune et impressionnable.

 

Livia est l’une des jeunes filles qui se présentent en nombre incroyable dans les « cliniques du genre » et à qui l’on prescrit des « inhibiteurs de puberté ». Ces produits chimiques stoppent le développement naturel des caractéristiques sexuelles et augmentent la probabilité qu’un enfant demeure aiguillé sur une voie médicale et progresse vers la prise d’hormones de l’autre sexe. Mais le scandale, c’est qu’il n’existe aucune recherche sur les effets à long terme de ces produits ; divers clinicien·ne·s d’expérience les ont présentés, au lancement du réseau DAN, comme étant « hautement toxiques et potentiellement dangereux ». Néanmoins, le ministère britannique de la Santé a récemment modifié sa politique pour permettre à son Gender Identity Development Service (Service de développement de l’identité de genre) de les prescrire à des enfants de moins de 12 ans, qui sont en pleine puberté.

 

Toutefois, un nombre croissant de clinicien·ne·s et de praticien·ne·s de la santé mentale sont aujourd’hui suffisamment inquiets pour aborder publiquement ce problème. Ces professionnel·le·s sont profondément préoccupés par l’augmentation massive et la normalisation du transgenrisme d’enfants et le disent – même si dans notre climat actuel, la moindre remise en question de l’idéologie transgenre équivaut à se voir qualifier de « transphobe » et voir ses emplois et ses moyens de subsistance menacés. L’ensemble des participant·e·s à cette Conférence sur la détransition étaient conscients de courir ce risque.

 

DAN a été créé par Charlie Evans, une rédactrice scientifique de 28 ans, née femme mais qui s’est identifiée comme transhomme pendant une décennie. L’année dernière, Madame Evans a décidé de « détransitionner » et de rendre publiques ses raisons pour le faire. Sa trajectoire de vie ressemble à celle de nombreuses femmes détransitionnaires. Ayant fait son coming out en tant que lesbienne à l’âge de 11 ans, Evans se sentait mal à l’aise face à la réaction négative de garçons et de filles à l’école. Elle a enduré leur cruauté et leurs remarques homophobes pendant plusieurs années, puis, à l’âge de 14 ans, elle a découvert que plusieurs membres de son groupe d’amis passaient du statut de femme à celui d’homme, une perspective qu’elle dit avoir trouvée irrésistible.

 

« J’ai suivi le mouvement », me dit Evans. « J’aime les autres filles et j’aime les armes, les camions et la boue, je n’aime pas avoir les cheveux longs et je suis vraiment bordélique, et ma chambre ressemble à une chambre de garçon, donc je dois être un garçon. »

 

Evans, qui est autiste, a commencé à se bander les seins et s’est rasé complètement la tête dès l’âge de 16 ans. « J’ai dit à mes parents : ʺVotre fille est morte, et je ne veux plus que vous me traitiez comme votre fille. Si vous m’achetez des vêtements, je veux des vêtements de garçon, pas de fille. ʺ » Elle avait adhéré à l’idée que la transition allait résoudre ses problèmes comme par magie.

 

De nombreuses femmes en détransition ont pris de la testostérone et subi des interventions chirurgicales irréversibles, comme la double mastectomie, l’hystérectomie et la construction d’un faux pénis, la phalloplastie. Mais Evans n’est jamais allée aussi loin. Elle a changé son nom et ses pronoms et a vécu selon son choix de sexe, mais n’a pas subi l’opération de changement de sexe.

 

Puis un certain nombre de facteurs l’ont amenée à réévaluer sa décision — y compris une lente prise de conscience que la transition n’était pas la panacée espérée pour résoudre ses propres difficultés. Elle vit maintenant en tant que femme bisexuelle avec une profonde inquiétude face à la population croissante de jeunes dont la confusion à propos de leur sexe et leur genre est actuellement mal gérée par les cliniques d’identité sexuelle.

 

Bien qu’il y ait un certain nombre de transsexuels de sexe masculin à féminin qui ont dit regretter leur transition, Mme Evans est surtout sensible aux jeunes lesbiennes qui ont été « aspirées dans le culte qui les convainc qu’elles sont en réalité des garçons », parce que c’est le groupe qui risque actuellement d’être « le plus manipulé par l’idéologie transgenriste extrême ».

 

C’est aussi ce groupe qui m’a particulièrement intéressé. En tant que militante féministe, j’ai fait l’hypothèse qu’une partie de la raison pour laquelle tant de filles sont attirées par cette idéologie est un besoin d’échapper à leur condition féminine, surtout avec la montée actuelle de la misogynie. Je voulais donc savoir dans quelle mesure les psychiatres qui diagnostiquaient la « dysphorie de genre » et les chirurgiens qui procédaient à l’ablation de seins et d’« utérus connaissaient vraiment les problèmes sous-jacents.

 

Les récits des détransitionnaires se sont avérés poignants : une complainte pour ce qui leur a été enlevé. Il était difficile d’écouter la succession de jeunes femmes venues exprimer de tels regrets, debout sur une scène.

 

Kira a 22 ans et a pris de la testostérone. D’une voix basse et masculine, elle nous raconte comment, après avoir commencé l’école secondaire, elle est devenue insociable, gravement déprimée et aliénée, et a cru qu’être attirée par d’autres filles la rendait « contre nature ». À 14 ans, la mère de Kira lui a demandé si elle voulait être un garçon.

 

 

« Je pensais avoir enfin trouvé une réponse et j’ai commencé à être obsédée par le processus », a dit Kira à l’auditoire. « Deux ans plus tard, on a diagnostiqué chez moi un désordre de l’identité sexuelle et, à partir de l’âge de 16 ans, j’ai subi un traitement aux bloqueurs hormonaux et de testostérone, puis une double mastectomie à 20 ans. »

 

« Aujourd’hui, j’ai accepté celle que je suis vraiment : une femme non conforme à son sexe. Je ne crois pas que j’aurais dû vivre une transition médicale pour en arriver à ce constat. »

 

Max a 29 ans et a une barbe fournie — mais elle ne prend plus de testostérone. Elle a transitionné pour échapper aux limites imposées à toute femme dans une société misogyne. « Presque chaque personne née femme est contrôlée par son apparence et est obligée de se plier en quatre pour avoir l’air féminine », a-t-elle dit. « La transition m’a offert l’occasion d’éviter cela. »

 

Beaucoup de déléguées à la conférence étaient en colère. Alors que nous écoutions les survivantes parler des interventions chirurgicales et hormonales qu’elles avaient subies, l’une d’elles a crié que les chirurgiens qui pratiquent des opérations pour retirer des parties du corps saines devraient être « emprisonnés ».

 

Le seul établissement du NHS destiné aux jeunes transgenres du Royaume-Uni est le Tavistock and Portman Trust. Depuis 2015, 35 membres de son personnel ont démissionné du Service de développement de l’identité de genre en invoquant le manque de recherches crédibles sur la dysphorie de genre et son traitement et en expliquant le pourquoi de la gausse du nombre de cas. Comme me l’a dit un médecin lors de la conférence :

 

Comme l’a dit un médecin lors de la conférence : « Alors que la demande a augmenté pour les moins de 18 ans, il est devenu évident que ces jeunes filles, en particulier, avaient des problèmes psychologiques très graves, mais qu’on diagnostiquait presque instantanément chez elles une ʺdysphorie de genreʺ. Ce diagnostic est tout ce qu’il faut pour faire approuver une prescription de testostérone et la chirurgie qui s’ensuit. Beaucoup d’entre nous qui ont démissionné à cause de ça sont très inquiets de savoir où tout cela va mener. »

 

Mais peu osent parler. Le Dr David Bell, psychiatre consultant au Tavistock, a décrit pourquoi il est si difficile pour les services qui s’occupent de l’identité transgenre d’accepter le mouvement de détransition. À ses yeux, « les détransitionnaires constituent une menace pour une idéologie qui a acquis une qualité presque totalitaire et qui ne peut être remise en question. Il est extraordinaire de constater la façon dont l’idéologie transgenriste a été, malgré l’absence de la moindre preuve, entendue par les politiciens jusqu’au plus haut niveau. »

 

Un certain nombre de clinicien·ne·s à qui je parle font écho à ces craintes de se voir étiqueté « transphobe ». Elles et ils s’inquiètent de la mentalité rigide qui détermine la plupart des traitements et interventions, qui crée dans ce dossier une « mentalité de bunker », du style « Vous êtes avec nous ou contre nous ». Cette attitude conduit à une surmédicalisation de ces jeunes femmes. Il me semble certainement extraordinaire, ainsi qu’à beaucoup d’autres participant·e·s à la conférence, que tant de jeunes filles soient aiguillées rapidement sur cette voie d’un traitement médical à vie, y compris des chirurgies radicales, avant de se voir proposer des alternatives telles qu’une thérapie.

 

La Dre Victoria Rose est plasticienne consultante à la London Clinic. Elle est consciente de l’augmentation du nombre de clinicien·ne·s qui offrent des hormones aux jeunes femmes et les orientent vers la chirurgie. « Nous savons que le système comporte des abus », me dit-elle. « Nous savons qu’il y a des gens qui s’érigent en médecins spécialistes du genre, qui distribuent librement des hormones et réfèrent des patientes qui n’ont pas suivi le protocole. En ce moment, nous avons de longues discussions sur la population plus jeune et sur la façon dont elle est traitée. »

 

Une partie du problème, dit-elle, est que « cette génération est très impressionnable ».

 

Il est vrai qu’il y a aujourd’hui plus de pression culturelle et d’influence en ligne sur les jeunes que jamais auparavant. Pourquoi, alors, ces filles « impressionnables » n’ont-elles pas reçu plus d’aide en cours de route ? Pourquoi ne leur a-t-on pas proposé une thérapie spécialisée avant de leur prescrire l’intervention drastique des inhibiteurs de puberté ?

 

Des lignes directrices émises par la British Psychological Society suggèrent que les cliniciens adoptent une attitude affirmative face à l’identité de genre des jeunes patient·e·s, ce qui signifie qu’il serait considéré comme une « mauvaise pratique » d’offrir une thérapie et d’autres interventions non médicales plutôt que des hormones et des interventions chirurgicales. En d’autres termes, si les professionnel·le·s de la santé mentale suggèrent à un·e enfant la possibilité de lui offrir de l’aide et du soutien pour qu’il ou elle se sente bien dans son corps sans avoir à le changer par une chirurgie majeure et un traitement hormonal à vie, ces professionnel·le·s seraient qualifiés de transphobes.

 

Le problème, comme l’a expliqué le Dr Bell, est que « le corps n’est pas comme un magnétoscope que l’on peut mettre en pause. C’est plus complexe que cela. Quand vous êtes jeune, vous pensez que ce que vous ressentez maintenant est ce que vous ressentirez toujours. »

 

J’ai quitté la conférence avec moins de réponses que je ne l’espérais. Juste une litanie d’histoires de jeunes vies perturbées et de jeunes corps déformés. En revanche, j’ai bel et bien appris que les attitudes culturelles et le renforcement des stéréotypes de genre — ce à quoi une femme devrait ressembler (dysmorphie corporelle) et la façon dont elle devrait se comporter (affirmation du genre) — faisaient partie intégrante du problème.

 

Ce qui est clair comme de l’eau de roche, c’est que la détermination du lobby transgenre à censurer toute dissidence ou discussion n’aide pas ces femmes et ces filles. C’est une approche qui leur promet la libération sans déterminer de quoi elles veulent être libres. Nous faisions autrefois des progrès incroyables pour briser la binarité de genre et encourager la liberté d’expression.

 

Mais aujourd’hui, le pouvoir d’un lobby transgenre prétendument progressiste signifie que nous ne pouvons pas remettre en question le fait qu’une fille choisisse de mutiler ce qu’on appelle le « mauvais corps » où elle serait née. Il est temps d’arrêter d’écouter les lobbyistes et de commencer à écouter plus attentivement les gens comme Max. Nous le faisions certainement à Manchester, quand elle a dit à une salle pleine de gens : « Il est fort possible que si j’avais obtenu une thérapie spécialisée, je n’aurais jamais vécu de transition. »

 

Julie Bindel est une journaliste d’enquête, l’autrice d’essais et une militante féministe. Son plus récent livre s’intitule The Priming of Prostitution : Abolishing the Sex Work Myth (Le racolage de la prostitution : Abolir le mythe du « travail du sexe »)

La version originale https://unherd.com/2019/12/the-nhs-is-failing-trans-kids/comprend des hyperliens vers plusieurs autres articles critiques de l’idéologie transgenriste.

Traduction : TRADFEM

Tous droits réservés à Julie Bindel.

photo Susan Evans

DERNIÈRE HEURE:  (6 janv. 2020) Une ex-infirmière psychiatrique intente une poursuite contre une clinique de réassignation sexuelle du ministère de la Santé britannique: https://www.dailymail.co.uk/news/article-7857191/Psychiatric-nurse-launches-legal-action-against-NHS-clinic.html?fbclid=IwAR3CiW25FLMTGUZhIe8qKdmZUYVmJOdEqskaf1HBFo-PW3UC1BdDF76ouGc