Pourquoi voit-on autant d’organisations LGBT céder aux pressions des transactivistes et s’aliéner les lesbiennes?

par JULIE BINDEL, le 28 août 2018, sur Feminist Current
Julie Bindel soutient que la peur et l’argent sont les deux grandes raisons expliquant que les organisations LGBT abandonnent les lesbiennes pour se plier aux exigences des transactivistes.

«Les TERF vont adorer celle-ci! Pole position au défilé montréalais de la Fierté Gaie!» (Florence Ashley)

Partout au pays, des organisations lesbiennes et gay déçoivent les attentes des femmes lesbiennes. Il semble que la constellation de leur acronyme demeure en pleine croissance – on parle actuellement de LGBTQQIPA+ (pour Lesbiennes, Gais, Bisexuels, Transgenres, Queer, en Question, Intersexe, Polyamoureux et Asexuels) – mais qu’elle fait peu de place aux lesbiennes.
Transphobie?
Non seulement les lesbiennes ont-elles le moins de poids dans le monde « queer » en raison de leur statut de simples femmes, mais on a l’impression que le mot « lesbienne » est en train de devenir synonyme de « transphobie ». Les lesbiennes ont été les critiques les plus fermes d’une idéologie transgenre au caractère Orwellien, parce que nous sommes celles qui avons le plus à perdre en concédant un terrain durement gagné à des hommes qui s’identifient comme femmes. Des organisations puissantes et amplement subventionnées, qui sont censées défendre les intérêts des lesbiennes et des gays, laissent un grand nombre d’entre nous dans leur sillage dans un effort pour se montrer aussi favorables que possible au mouvement transgenre.
Chacune des organisations ayant déjà plaidé et fait campagne en faveur des lesbiennes et des gays a été cooptée par le programme politique transgenriste. Lorsque la cabale transgenriste leur dit « Sautez! », ces organisations – dont beaucoup ont été mises sur pied par des lesbiennes – se contentent de demander : « Jusqu’à quelle hauteur ? »
Peur et argent
Mais pourquoi voit-on tant d’organisations plier et applaudir les transactivistes alors qu’elles perdent le soutien des lesbiennes? La réponse tient en deux mots : peur et financement. Lorsque j’ai été mise en nomination pour le poste de journaliste de l’année aux European Diversity Awards en 2011, un journaliste transgenre qui m’en voulait à cause de ma franchise concernant l’idéologie transgenre a pris l’initiative d’appeler l’un après l’autre chaque commanditaire de ces prix pour leur demander d’envisager un retrait de leur appui si les organisateurs refusaient de radier ma nomination. Si les sponsors avaient accepté de retirer leur soutien, cela aurait signifié l’effondrement de toute cette cérémonie de remise de prix.
Le rôle du lobby Stonewall
La capitulation actuelle face à l’aile misogyne du transactivisme est une affaire de lâcheté et d’hypocrisie. Terrifiées par le vitriol et les menaces qui pèsent inévitablement sur celles et ceux d’entre nous qui dénoncent le changement de sexe par simple auto-identification – une réforme réclamée par Stonewall, une organisation caritative de défense des droits des LGBT au Royaume-Uni –, de nombreuses organisations ont décidé de céder. Cela a eu pour effet de larguer les lesbiennes.
La définition acceptée du mot «lesbienne» désigne une femme biologique qui est attirée sexuellement et entretient des relations sexuelles et émotionnelles avec d’autres femmes biologiques, mais la définition de Stonewall définit l’homosexualité comme une simple « attraction pour les gens du même genre ». Cela signifie que celles d’entre nous qui refusons d’accepter comme femme un transsexuel doté d’un corps masculin sont étiquetées « TERFs » (pour Trans Exclusive Radical Feminists) et harcelées dans les médias sociaux et au-delà. Soyons franches: les hommes ont un revenu disponible supérieur à celui des lesbiennes, et cela inclut les transfemmes qui ont grandi avec des privilèges masculins et qui ont occupé des emplois dotés de salaires masculins avant de décider de vivre en tant que femmes.
L’année dernière, les revenus de Stonewall se sont élevés à 7 millions de livres, et pourtant, l’organisation ne semble financer aucune activité ou groupe réservé aux lesbiennes.
Une misogynie déclarée
Je suis certaine que Stonewall souhaite éviter l’intimidation et le vitriol propre aux transactivistes et joue donc la carte de la sécurité. Après tout, il est plus facile de marginaliser les lesbiennes, qui sont déjà le maillon le plus faible de la chaîne, que de subir les foudres des derniers arrivés.
Sarah Brown est vice-présidente du groupe consultatif Stonewall Trans Advisory Group (TAG). En 2009, Brown a écrit sur son blog un billet dans lequel elle demandait à ses partisans de qualifier de « bindel » le « mélange de cellules mortes, de lubrifiant gynécologique, et de vieille urine… semblable au smegma » que l’on retrouve au bout d’un stent de dilatation lorsqu’un transfemme post-opératoire retire son stent après avoir dilaté son néovagin ». Stonewall a clairement refusé de tenir compte de cet hideux harcèlement misogyne, bien que je l’aie à plusieurs reprises signalé à leur directrice générale, Ruth Hunt.
Scandale chez les Verts
Aimée Challenor, qui était jusqu’à cette semaine le porte-parole du Parti vert du Royaume-Uni en matière d’égalité, est également un membre clé du Groupe TAG de Stonewall. Challenor vient de se retirer de la course pour devenir chef adjoint du parti Vert après qu’il ait été révélé que son père, David Challenor, sentencé à 22 ans de prison la semaine dernière pour avoir torturé et violé une fillette de 10 ans, avait agi comme agent électoral d’Aimée lors des élections générales de 2017 et aux élections locales de mai de cette année – et ce, après son arrestation.
Aimée n’a pas été suspendu pour cela par les Verts et il n’a pas non plus été réprimandé à la suite de plaintes concernant sa conduite envers des femmes en désaccord avec l’idéologie trans, par exemple en qualifiant au moins une de ces critiques de « conne » ou en créant avec son père l’application @Blockterfs, un outil de blocage de masse dont se sont servi des transactivistes pour encourager les utilisateurs de Twitter à étiqueter comme « transphobes » les personnes qui se prononçaient contre l’auto-identification d’hommes en tant que femmes.
Exclusion sélective
Le Parti Vert a toutefois pris des mesures rapides en suspendant en début d’année Olivia Palmer, candidate aux élections générales de 2015 et de 2017, parce qu’elle avait « mégenré » le transfemme Munroe Bergdorf lors d’un débat télévisé intitulé « Genderquake ». Bergdorf avait précédemment qualifié une femme de « lesbienne stérile et poilue » et en avait insulté une autre en la traitant de « butch lezza ».
Pourquoi les Verts, qui se présentent comme le parti des principes, suspendraient-ils une femme pour avoir dit la vérité (aussi désagréable puisse-t-il être pour les transfemmes de se faire rappeler qu’ils sont des hommes), mais ne suspendent-ils pas une personne pour sa litanie de propos intimidants et diffamatoires envers des femmes dans les médias sociaux? Et cela, c’est avant même que nous abordions la question de la nomination comme votre agent électoral d’un homme arrêté pour viol et torture d’un enfant? Encore une fois, les transactivistes et leurs alliés disposent des voix les plus fortes, des portefeuilles les mieux garnis et ils dominent actuellement les médias sociaux et le discours public.
Des lesbiennes se rebellent
Mais malgré les brimades et les menaces qui pèsent sur leurs emplois et leurs moyens de subsistance, de nombreuses lesbiennes en ont soupé de la prise de contrôle agressive des droits des LGBT. Leur insatisfaction s’est catalysée cette année lors du défilé de la London Pride, quand un groupe de lesbiennes a protesté en brandissant des pancartes où l’on pouvait lire « Les lesbiennes n’ont pas de pénis » et en s’allongeant sur le parcours du défilé.
C’est certainement en réponse à ces femmes, accusées d’être « intolérantes » et « transphobes » pour avoir simplement souligné une évidence, que les slogans brandis en évidence sur les bannières et les pancartes au défilé Manchester Pride le week-end dernier ont été : « Lesbians: Stand By Your Trans » et « Non aux TERFs ». Il semble que les seules « bonnes lesbiennes » sont celles qui sont prêtes à laisser la priorité aux hommes.
Une syndiquée attaquée sur son piquet de grève
Cette folie a même été gagné la section LGBT du Syndicat britannique des pompiers. Lorsque Paula Lamont, une responsable syndicale du BECTU, a été intimidée et harcelée sur son propre piquet de grève par des transactivistes et leurs alliés, qui lui hurlaient l’insulte « TERF », Lucy Massoud, la secrétaire du caucus londonien LBGT+ du Syndicat britannique des pompiers, a publié une déclaration pour dénoncer l’incident au nom de sa section. Paula Lamont avait été agressée parce que certains des transactivistes du piquet l’avaient apparemment vue entrer à une assemblée publique organisée par le groupe A Woman’s Place UK pour discuter des modifications proposées à la Loi sur la reconnaissance du sexe (LRS), alors que ces transactivistes manifestaient à l’extérieur pour intimider toute personne entrant dans l’édifice.
Le secrétaire national du comité LGBT de ce syndicat, Pat Carberry, a réagi en adressant un courriel de blâme à Lucy Masoud, avec copie à des dizaines de militants syndicaux, dont le secrétaire général du syndicat, pour réclamer de savoir le pourquoi de sa déclaration, en suggérant que Paula Lamont était une « TERF » et qu’elle avait provoqué l’attaque en question.
En un mot, la réaction de Carberry à la déclaration de Masoud a été que parce que leur syndicat n’avait pas adopté de position officielle au sujet de la LRS et, en particulier, sur l’enjeu de l’auto-identification, elle n’aurait dû faire aucune déclaration.
J’ai téléphoné à Carberry au sujet de cet échange de courriels. Lorsque je lui ai demandé pourquoi Masoud avait eu tort de condamner une attaque violente et non provoquée contre une camarade militante, Carberry m’a dit:
« Si la déclaration avait indiqué que Lamont avait été attaquée à cause de ses opinions politiques, cela aurait été acceptable, mais elle n’aurait pas dû mentionner la LRS parce que c’est un sujet controversé. »
Deux poids, deux mesures
J’ai répondu en demandant à Carberry s’il adopterait cette ligne de conduite en réponse à l’attaque d’un syndicaliste Noir sur sa propre ligne de piquetage, parce qu’il avait été vu assister à une réunion pour discuter s’il était légitime que Rachel Dolezal se déclare Noire? Carberry n’a pas semblé comprendre mon argument.
Qu’en serait-il si les gens pensaient que les « différences politiques » utilisées pour justifier l’attaque contre Lamont avaient trait au fait d’être une raciste enragée plutôt qu’une femme défendant ses droits civiques? Encore une fois, Carberry n’a pas semblé comprendre cette comparaison.
Masoud n’était pas disponible pour commentaire, mais j’ai été informée de manière fiable qu’un certain nombre de hauts responsables masculins du Syndicat des pompiers sont en faveur des nouvelles propositions d’auto-identification à inscrire dans la LRS, peut-être parce qu’ils ne seront pas affectés par les répercussions d’un accès de pompiers mâles aux installations réservées aux femmes.
Progressistes, les hommes?
Les hommes soi-disant progressistes qui haïssent ou détestent secrètement les femmes raffolent réellement du conflit actuel entre les transactivistes qui bêlent qu’ils sont « de vraies femmes » et les féministes et les lesbiennes qui ne marchent pas. Ces hommes ont créé l’occasion idéale de nous qualifier d’ « intolérantes » et « haineuses » tout en continuant à se donner une allure « progressiste ».
Cet égoïsme et cette lâcheté sexistes sont enfin contestés par certains hommes homosexuels. Mais alors que des organisations puissantes comme Stonewall et des syndicats influents couvrent leurs arrières tout en sacrifiant les droits des femmes, cette guerre continuera à faire rage.
Julie Bindel est journaliste d’enquête, lesbienne, féministe et autrice. Son plus récent ouvrage s’intitule The Pimping of Prostitution.

cov The Pimping

Version originale: https://www.feministcurrent.com/2018/08/29/many-lgbt-organizations-caving-trans-activists-losing-lesbians/

2 réflexions sur “Pourquoi voit-on autant d’organisations LGBT céder aux pressions des transactivistes et s’aliéner les lesbiennes?

  1. Probablement que l’argent doit jouer sur la question transgenre. Mais il est d’autant plus facile pour les organisations homosexuelles de s’allier aux transactivistes et s’aliéner les lesbiennes que d’une part le transgenrisme fait partie de la culture homosexuelle, et d’autre part le clivage entre le droit à la reconnaissance de l’identité de genre et celui à la non mixité entre femmes ne relèvent pas à leurs yeux d’un problème de lesbophobie mais tout juste d’un sexisme, qu’ils ne reconnaitront pas et qui de toute manière, pour eux, ne concerne en rien le mouvement lgbtqi.

    Le problème est que le mouvement homosexuel a toujours été présenté comme étant naturellement anti-sexiste. Nous voyons aujourd’hui qu’il n’en est rien. Il est évidemment, comme tout mouvement de lutte hormis celui des femmes, traversé par la domination masculine, mais de plus, certaines de ses revendications reposent sur un certain mode de vie et en particulier un certain rapport à la sexualité, masculin et machiste. Aussi les divergences voire les oppositions frontales entre lgbtqi et féministes plus ou moins radicales sont plus nombreuses qu’on pourrait le penser. Le clivage abolition vs règlementation, aménagement ou choix ne concerne pas uniquement la prostitution mais aussi la pornographie, le mariage, la pma, la gpa, et aujourd’hui le transgenrisme et le queer. Cela touche donc autant les questions de sexualité que les questions familiales.

    En france, il y a très peu d’accrochage entre le mouvement féministe et le mouvement lgbtqi, notamment parce que le mouvement féministe français est très institutionnalisé, très lié au pouvoir masculin et au pouvoir de l’argent. Il n’y aura probablement pas de résistance si un grand débat a lieu sur la question transgenre et queer. Les féministes françaises ont toutes cédé à l’appel prétendument égalitaire de l’extension de l’institution du mariage aux homosexuels au lieu de réclamer son abolition et elles continueront à privilégier les intérêts homosexuels à la lutte contre leur propre oppression.

    Je conclus en disant que la misogynie n’est pas propre au transactivisme mais plus générale à l’ensemble du mouvement homosexuel. Le transactivisme n’est qu’une conséquence. Il faut affronter et non ignorer les liens culturels et idéologiques.

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    • Merci beaucoup pour cet éclairage très judicieux. Nous notons toutefois qu’un nombre croissant de féministes françaises se montrent critiques de la suprématie masculine inhérente aux revendications que vous résumez dans cette phrase: « Le clivage abolition vs règlementation, aménagement ou choix ne concerne pas uniquement la prostitution mais aussi la pornographie, le mariage, la pma, la gpa, et aujourd’hui le transgenrisme et le queer. Cela touche donc autant les questions de sexualité que les questions familiales. »
      Nous recevons d’ailleurs de nouvelles offres de collaboration à ce site pour faire valoir les luttes de féministes radicales d’ailleurs. Elles seront mises en ligne dans les prochaines semaines.

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