Au sujet du conflit entre le féminisme et le mouvement transgenriste

Au cours des 18 derniers mois, un débat tendu a émergé entre les féministes et les transactivistes. Miranda Yardley, un transfemme critique à l’égard du genre, se penche sur certains de ces points de discorde et sur ce qui peut être fait.

Le « sexe » est défini par les caractéristiques biologiques et physiologiques qui déterminent ce que nous entendons par homme et femme, tandis que le « genre » est défini par les rôles, comportements et attributs socialement construits que la société juge appropriés pour les hommes et les femmes.

Ce que l’on entend par le mot sexe ne varie généralement pas d’une société à l’autre, alors que les caractéristiques du genre peuvent varier considérablement.

Pour la grande majorité d’entre nous, le sexe est déterminé à la naissance, soit masculin (garçon), soit féminin (fille), sur la base des apparences physiques (phénotypes) qui révèlent notre biologie interne.

Le sexe a des conséquences dans la vie réelle, par exemple, pour les femmes, les menstruations et le risque de grossesse. En tant que construction sociale, le genre n’est pas quelque chose d’inné en nous et n’a de sens que parce que la société le dit.

Les féministes considèrent le genre comme un système (patriarcat) qui permet aux hommes d’opprimer les femmes en limitant, par exemple, les statuts sociaux, les rôles et les choix de carrière, sur la seule base du sexe de naissance. Le genre détermine si l’enfant reçoit une socialisation masculine ou féminine.

Au sein du mouvement transgenriste, le genre est souvent confondu avec le sexe, voire considéré comme quelque chose de positif, et la socialisation masculine est souvent niée.

Les transfemmes sont des femmes

Un transfemme est un homme biologique qui effectue une transition afin de se socialiser en tant que femme.

Par définition, cela empêche les transfemmes d’être des femmes au niveau biologique.

Qu’est-ce qui fait d’un transfemme une femme ? S’agit-il d’une période de qualification et d’une socialisation en tant que femme, d’un traitement médical ou d’un counseling psychologique ?

Ou s’agit-il d’une question d’identité, d’une simple déclaration, comme dans le film La vie de Brian des Monty Python, où un comédien dit: « À partir de maintenant, je veux que vous m’appeliez tous Loretta » ?

Quel droit immédiat à la condition féminine un homme marié d’âge moyen, qui a de petits-enfants, peut-il revendiquer une fois qu’il a décidé de changer de sexe ?

Au début de l’année, l’ancien manager et promoteur de boxe Kellie Maloney – anciennement Frank – a révélé publiquement son identité transgenre.

Dans la foulée de cette annonce, on a pu lire au moins une manchette disant : « Kellie Maloney a toujours été une femme ».

Qu’est-ce que cela signifie ? Si les transfemmes ont toujours été des femmes, de quelle position transitionnons-nous ? Qu’est-ce qui fait de nous des femmes ?

La phrase « les femmes trans sont des femmes » est une position dogmatique qui réduit ce que signifie être une femme à une identité, ce qui efface la réalité vécue des femmes.

Cela rend les femmes et les transfemmes indiscernables à un niveau idéologique, de sorte que les transfemmes peuvent profiter de tous les « avantages » liés au fait d' »être une femme » (mon utilisation du mot « avantages » est tout à fait ironique).

Il s’agit notamment de revendiquer l’accès aux installations publiques séparées en fonction du sexe, telles que les vestiaires, les salles d’hôpital et les centres de soutien aux victimes de violences masculines – des installations séparées pour assurer la sécurité physique et la dignité des femmes.

Si l’accès aux espaces réservés aux femmes est exigé sans que les transfemmes soient tenus de rendre compte de leur revendication de la condition féminine, et que les femmes sont censées accepter cela en silence, comment pouvons-nous considérer cela comme progressiste ?

Le privilège cis

Le terme « cis » est utilisé comme préfixe pour désigner une personne dont le sentiment d’identité correspond à son sexe désigné; il reflète l’utilisation des préfixes opposés « cis » et « trans » en biologie, de sorte que la « femme cis » est distinguée de ce qu’on appelle la « femme trans ».

Le problème avec « cis » est que nous avons déjà un mot pour désigner la « femme cis » – et c’est le mot « femme ».

Pourquoi alors parler de »cis » ? En réalité, le mot « cis » est utilisé pour imputer aux femmes un privilège en regard des transfemmes et pour soutenir l’idéologie selon laquelle les transfemmes trans sont opprimés par les femmes, souvent sous prétexte de leur accès aux espaces et aux installations dédiés aux femmes.

« Terf »

L’expression « Terf » est au cœur de certaines des controverses les plus âpres entre les transactivistes et les féministes.

Cet acronyme signifie « féministe radicale excluant les trans ». Il est utilisé pour stigmatiser les féministes radicales en se basant sur l’hypothèse que ces féministes cherchent à exclure les transfemmes.

Et que signifie d’ailleurs « exclusion des trans » ? Si des femmes – qui sont nées et ont été socialisées en tant que femmes – veulent faire ce qu’elles veulent, ne devraient-elles pas y être autorisées?

Le fait que les femmes aient leurs propres espaces n’a rien à voir avec l’exclusion des trans ; il s’agit plutôt de permettre aux femmes ayant des expériences communes de se réunir, de célébrer et de se rétablir. Les féministes ne font pas campagne pour éliminer le logement, les soins de santé, les emplois ou l’existence des transfemmes.

Qui est lésé par le fait que les femmes établissent leurs propres limites ?

Cette idée d’exclusion est parfois poussée à l’extrême, lorsque les lesbiennes sont accusées d’être sectaires ou transphobes au motif qu’elles n’accepteraient pas un transfemme comme partenaire sexuel. Mais cela revient à nier aux femmes le droit de fixer les limites les plus intimes.

« Terf » signifie en réalité « quelqu’un qui ne croit pas que les transfemmes sont des femmes ».

Il s’agit là encore d’une position idéologique, car être une femme est une réalité, pas une identité.

Les transfemmes ne sont pas des femmes – je le sais, vous le savez, tout le monde le sait.

« Terf » est une insulte utilisée pour accabler toute personne qui n’est pas d’accord avec une déclaration politique qui n’est elle-même que de la rhétorique vide de sens.

Elle est utilisée presque indistinctement, non seulement contre les femmes, mais aussi contre des femmes et des hommes transgenres.

Le fait que « Terf » soit davantage axé sur les femmes en fait un instrument misogyne. Si vous ne me croyez pas, allez voir sur Twitter.

Que faire à partir de là ?

Les transfemmes peuvent se positionner en tant qu’alliés et non en tant qu’ennemis des femmes. Notre point de départ est une volonté d’écouter et d’admettre nos différences d’avec les femmes :

Les êtres humains sont sexuellement dimorphiques et les transfemmes sont biologiquement des hommes.

La socialisation basée sur le sexe est une réalité et les vies des femmes et des transfemmes sont différentes.

Les femmes ont droit à leurs propres espaces, groupes et organisations, et aucune femme n’est obligée d’accepter un transfemme comme partenaire sexuel.

Les transfemmes ont tort de menacer ou d’agresser les femmes, que ce soit dans la vie ou sur l’internet.

Ma voix n’est pas la seule. La conférence New Narratives, qui s’est tenue aux États-Unis en mai dernier, a affirmé ces valeurs, et il existe un nombre croissant de transfemmes « critiques à l’égard du genre » qui partagent plusieurs ou l’ensemble de ces valeurs.

Je crois sincèrement qu’il y a un meilleur avenir à partager entre les transfemmes et les féministes, et c’est aux transfemmes qu’il incombe de faire en sorte que cela se produise.

Miranda Yardley est un transfemme qui dirige le magazine Terrorizer. Vous pouvez le suivre sur Twitter : @TerrorizerMir.

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