Préface d’un livre-choc en cours de traduction

Introduction

Voici un livre basé sur une idée qui paraît simple, mais qui a une portée considérable. Cette idée est qu’on devrait prendre les gens pour des hommes ou des femmes selon ce qu’ils ressentent ou ce qu’ils déclarent, et non selon leur biologie.  On appelle cela l’autodéclaration sexuelle, et c’est le principe central d’un système de croyances en pleine expansion qui considère tout un chacun comme possédant une identité sexuelle pouvant ou non être conforme avec le corps qui l’abrite. Quand il y a inadéquation, la personne est dite « transgenre » – trans en abrégé – et c’est cette identité, et non le corps, qui doit déterminer comment les autres perçoivent cette personne et se comportent envers elle.

L’origine de ce système de croyances remonte à presque un siècle, lorsque des médecins ont commencé à donner physiquement forme aux aspirations d’une poignée de personnes qui désiraient changer de sexe. Pendant des décennies, ces gens dits « transsexuels » étaient rares et isolés les uns des autres, n’intéressant que quelques praticiens marginaux, qui leur fournissaient des hormones et des interventions chirurgicales pour modifier le corps de leurs patient·e·s selon leurs désirs, aussi précisément que possible. Les administrations et les gouvernements traitaient ces personnes comme des exceptions, que la société tentait accommoder avec divers degrés de compétence et de compassion.

Mais depuis le début du siècle, l’exception est devenue la règle. Les législations nationales, les politiques d’entreprise, les programmes scolaires, les protocoles médicaux, la recherche universitaire et les guides de style médiatiques sont aujourd’hui reformulés pour privilégier l’identité sexuelle auto-déclarée plutôt que le sexe biologique. Des installations autrefois distinctes, comme les toilettes et les vestiaires, ainsi que les foyers pour sans-abris et les prisons, basculent vers le principe de l’autodéclaration sexuelle. Pendant ce temps, de plus en plus de gens font un coming-out en tant que trans, la plupart du temps sans subir la moindre sorte de traitement médical. Le présent livre explique pourquoi et commentcela est arrivé aussi rapidement.

Certains développements de la sphère universitaire ont joué un rôle central dans cette transition. Des féministes utilisaient le mot « genre », et certaines le font toujours, pour désigner le cadre sociétal féminin en tant qu’inférieur et subordonné au cadre sociétal masculin. En gros, si le sexe est une catégorie biologique, et le genre une catégorie historique ; le sexe est le pourquoi de l’oppression des femmes, et le genre le comment de cette oppression.

Mais dans les années 1990, le mot genre a été emprunté pour signifier un discours, ou dans les termes de Judith Butler, doyenne des études de genre et de la théorie queer, « une imitation dont il n’existe aucun original ». Et ainsi, dans ces champs universitaires, qui sont apparus sur les campus étasuniens à partir du post-modernisme français des années 1960, « un homme » ou « une femme » en sont venus à signifier quelqu’un qui performait la masculinité ou la féminité, soit des ensembles de stéréotypes – des questions de présentation extérieure personnelle, comme l’habillement ou la coiffure, et de conduites comme le choix de métiers et de carrières, qui n’avaient comme signification que le fait d’être répétées encore et encore. Au cours de la récente décennie passée, même le lien ténu avec la réalité objective fourni par ces stéréotypes a été rompu. Dans la version simpliste de la nouvelle croyance, rigidifié en une orthodoxie de justice sociale, le genre n’est même plus quelque l’affaire d’une performance. Il est inné et ineffable, de la nature d’un genre d’âme sexuée.

Quand les seules personnes qui se déclaraient différentes de leur sexe étaient le très petit nombre de transexuel·le·s post-opération, ils ou elles avaient peu d’impact sur les autres. Mais l’identité sexuelle postulée par l’idéologie contemporaine est entièrement subjective, et la population des « trans » est beaucoup plus nombreuse. Elle comprend des travesti·e·s à temps partiel, et même des gens qui se présentent comme un membre caractérisé de leur sexe, mais s’identifient à l’autre, ou qui déclarent une nouvelle identité, par exemple non-binaire ou de genre fluide. Ce qui est exigé n’est plus une souplesse mais une redéfinition de ce que signifie pour quiconque le fait « d’être un homme ou une femme » : une réécriture totale des règles sociales.


L’autodéclaration sexuelle est souvent décrite comme le combat civique de la génération actuelle. Et elle est promue par les mêmes organisations qui se sont battues pour le vote des femmes, la déségrégation dans les états américains du Sud et le mariage gay. Mais exiger que l’autodéclaration sexuelle soit autorisée à remplacer le sexe, comme dans le cas des véritables mouvements de défense des droits civiques ne concerne pas l’extension de privilèges injustement accaparés par un groupe favorisé en regard d’une population marginalisée.

Il n’existe aucune société – nulle part, de tous temps – où les gens n’ont pas tenu compte du sexe de ceux qui les entouraient, et certainement pas dans des situations de nudité ou de contact physique. Et dans toutes les sociétés – partout, de tous temps – la majorité écrasante des violences, des agressions sexuelles et des formes de harcèlement subies par les femmes ont été commises par des hommes. Les espaces genrés distincts existent pour ces raisons, afin de ne pas renforcer les privilèges et ne pas attiser les préjugés. Et il est logiquement impossible d’accepter que des gens appartenant à un sexe fréquentent des endroits conçus pour l’autre, tout en les maintenant non mixtes. Tout ceci est tellement évident qu’il est étonnant d’avoir à le dire – et il y a encore quelques années, avant que l’autodéclaration sexuelle n’ait commencé à se répandre, cela n’aurait pas été nécessaire.

La plupart des gens ne sont pas au fait de ce qu’exigent les transactivistes. Elles et ils interprètent l’appel aux « droits des trans » comme signifiant des concessions relevant de la compassion, pour permettre à une minorité souffrante de vivre pleinement sa vie, dans la sécurité et la dignité. Pour ma part, ainsi que pour tous les critiques de l’idéologie identitaire sexuelle à qui j’ai parlé pour écrire ce livre, je soutiens entièrement ce point de vue. La plupart des gens, y compris moi-même, sont aussi en faveur de l’autonomie corporelle pour les adultes. Une société libérale laïque peut s’accommoder de beaucoup de systèmes de croyances subjectifs, même s’ils sont contradictoires. Ce qu’elle ne doit jamais faire est imposer les croyances d’une catégorie de gens à tous les autres.

Les autres systèmes de croyances accueillis dans nos sociétés démocratiques modernes sont en gros d’ordre privé. Vous pouvez souscrire à la doctrine de la réincarnation ou de la résurrection en compagnie d’autres adeptes de cette conviction, ou à vous seul·e. L’autodéclaration sexuelle, toutefois, appelle une validation par les autres. Le mot « validation » est même un terme inapproprié. Il s’agit en réalité d’exiger des autres qu’ils et elles vous identifient comme membre du sexe dont vous vous réclamez. Depuis que l’évolution a pourvu les humains de la capacité de reconnaître le sexe des autres presque instantanément et avec une extrême précision, très peu de trans parviennent à « passer », c.-à-d. faire croire qu’ils ou elles sont du sexe qu’ils désirent être. Et donc pour les voir comme appartenant à ce sexe, tous les autres doivent refuser ce que leur disent leurs sens.

Mes objections contre l’autodéclaration sexuelle ont une base scientifique :  le sexe biologique possède une base objective qui manque à d’autres catégories sociales marquées, comme la race ou la nationalité. Le dysmorphisme sexuel – les deux sexes, masculin et féminin – sont apparus sur la Terre il y a 1,2 milliard d’années. Les mammifères, c.-à-d. les animaux qui, comme les humains, portent leurs petits à l’intérieur de leur corps au lieu de pondre des œufs, remontent à 210 millions d’années. De tous temps, aucun mammifère n’a jamais changé de sexe (même si certains non-mammifères le font, par exemple les crocodiles et les poissons-clowns). Les hommes et les femmes ont donc évolué très longtemps sous des pressions sélectives différentes, qui ont façonné les corps et les psychismes masculins et féminins d’une manière qui a un profond impact sur la santé et le bonheur. La distinction entre les sexes n’est pas du tout susceptible de se prêter à de l’ingénierie sociale, même si beaucoup de gens le souhaiteraient.

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Ceci n’est pas un livre sur les personnes trans. J’y présenterai l’état de la recherche scientifique sur les causes de la dysphorie de genre et de l’identification à l’autre sexe. Mais je ne chercherai pas à présenter en contraste les récits des gens pour qui la transition a été un succès et de ceux et celles pour qui elle a été un échec. Savoir si la transition rend ou non les gens heureux est une question importante pour les individu·e·s et pour les clinicien·ne·s, surtout quand cela implique des interventions hormonales et chirurgicales irréversibles. Mais ce test n’est pas pertinent pour évaluer la véracité de l’idéologie identitaire sexuelle ni pour se demander si le sexe autodéclaré devrait remplacer le sexe dans nos critères sociaux. Pour emprunter une autre analogie, savoir si une religion fait le bonheur de ses fidèles n’a pas de rapport avec la question de savoir si son dieu existe, ou si tout le monde devrait être obligé de faire semblant d’y croire.

Cet ouvrage traite plutôt du transactivisme. C’est le récit d’une capture politique et institutionnelle ; de fondations charitables contrôlées par des milliardaires qui joignent leurs forces à des groupes militants pour injecter de l’argent en coulisse dans des groupes de pression pour arracher des réformes juridiques. Ensemble, ces forces ont gagné à leur cause de grands partis politiques, comme le parti démocrate américain, et des monuments de l’industrie, y compris des géants de la tech. Ils sont aussi soutenus par des universitaires spécialisés dans les études de genre, la théorie queer et des domaines connexes, ainsi que par les industries pharmaceutiques et celles des soins de santé, qui ont pris conscience des immenses profits à faire de la vente de médicaments au nom de « l’affirmation sexuelle ».

Ce puissant nouveau lobby compte beaucoup plus de membres que de personnes trans, clles qu’il prétend représenter. Et il sert très mal les intérêts des trans. Son parti pris idéologique signifie qu’il cherche à faire taire quiconque n’appuie pas le principe de l’autodéclaration – ce qui inclut beaucoup de transsexuels post-opération, qui ont une perspective particulièrement réaliste sur l’importance du corps. Ce lobby passe également sous silence d’autres solutions possibles aux problèmes que vivent les trans : la recherche sur les causes et le traitement de la dysphorie sexuelle, par exemple, ou la substitution équipements unisexes aux installations sanitaires genrées. Ses excès risquent de provoquer un contrecoup qui causera des difficultés aux trans ordinaires, qui ne souhaitent que leur sécurité et leur acceptation sociale. Quand la population générale comprendra finalement ce qui est exigé d’elle, le blâme pourrait bien éclabousser bien plus que les transactivistes responsables.

Un endroit où je m’attends à un contrecoup imminent est le sport féminin. Son but fondamental est de permettre une compétition équitable, puisque la différence entre les sexes donne aux hommes un avantage athlétique accablant, et que concourir séparément est la seule manière pour les femmes exceptionnelles d’être reconnues à leur juste valeur. Autoriser les hommes à se déclarer femmes pour investir des compétitions féminines n’a pas plus de sens que de permettre à des poids lourds de boxer dans la catégorie des poids légers, ou aux personnes valides de s’inscrire aux Jeux paralympiques, ou aux adultes de concurrencer des moins de 18 ans. Et pourtant, sous la pression des transactivistes, toutes les autorités sportives, y compris le Comité International Olympique, ont opté pour l’autodéclaration sexuelle[1].

Le fait de voir des hommes plus forts, plus lourds et plus rapides battre facilement certaines des meilleures athlètes féminines au monde ne manquera pas d’ébranler des institutions profondément dédiées aux principes du fair-play, une fois que davantage de gens seront mis au courant. Au moment où ce livre est mis sous presse, on ignorait encore où cette conscience allait émerger d’abord, mais il est clair que cela allait bientôt se produire.

On s’attendait à ce qu’une poignée d’hommes participe à des événements sportifs féminins aux Jeux olympiques de Tokyo, différés en 2020 – et, à en juger par de récentes compétitions régionales, à ce qu’ils soient beaucoup mieux placés que lorsqu’ils concouraient en tant qu’hommes. Pendant ce temps, des poursuites judiciaires opposées sont intentées devant la Cour Suprême étasunienne, cherchant d’une part à empêcher certains états d’autoriser des athlètes hommes à concourir en tant que femmes, et d’autre part à forcer d’autres législatures à le faire.

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Un autre retour de bâton est imminent dans la médecine pédiatrique sexuelle. Jusqu’à récemment, pratiquement aucun enfant ne se présentait dans les cliniques spécialisées en réassignation sexuelle, mais au cours de la dernière décennie, leur nombre a grimpé en flèche. Chacune de la dizaine d’études menées auprès d’enfants souffrant de dysphorie sexuelle, c’est-à-dire de malaises et de souffrances associées à leur sexe biologique a montré que la plupart de ces jeunes dépassent naturellement ce malaise, à condition d’être soutenu·e·s dans leur non-conformité de genre plutôt qu’encouragé·e·s à s’identifier à l’autre sexe. Bon nombre des « désisteurs » de ces procédures deviennent ensuite gays ou lesbiennes. Il y a d’abondants témoignages d’un lien fort entre la non-conformité sexuelle précoce et l’homosexualité à l’âge adulte.

Mais, à mesure que les cliniques spécialisées dans le traitement de ces problèmes de genre tombent sous l’emprise des transactivistes, le traitement qu’elles proposent a pris un tour idéologique. Au lieu de conseiller aux parents d’observer et d’attendre avec sympathie et bienveillance, ces cliniques partent du principe que la dysphorie sexuelle dans l’enfance destine automatiquement ces jeunes au transgenrisme à l’âge adulte. Elles recommandent une « transition sociale » immédiate – soit un changement de nom, de pronoms et de tenue – suivie tour à tour par la prescription de médicaments pour bloquer la puberté, la prise d’hormones de l’autre sexe et des interventions chirurgicales, souvent alors dès l’adolescence de ces jeunes. Cela équivaut une voie accélérée vers le dysfonctionnement sexuel et la stérilité à l’âge adulte.

Au cours des dernières années, on a vu apparaître un nouveau groupe de jeunes s’identifiant à l’autre sexe : les adolescentes, qui jusqu’à il y a peu ne se présentaient presque jamais dans les cliniques de réassignation sexuelle. Cette catégorie démographique prédomine maintenant dans ces cliniques partout dans le monde. Là encore, ces très jeunes filles font l’objet d’une procédure accélérée d’administration d’hormones et d’interventions chirurgicales, même si rien ne prouve que cela les aidera – et malgré d’excellentes raisons de penser que cela va leur nuire. Cette population est la plus sujette aux épidémies de contagion sociale, depuis les fous-rires hystériques et les évanouissements documentés de tout temps dans les écoles et les couvents, jusqu’aux dérèglements alimentaires et aux automutilations qui se multiplient de nos jours dans les groupes d’amies. Voici qu’une nouvelle contagion sévit de nos jours, cette fois-ci répandue par des activistes férus de justice sociale dans les réseaux sociaux, ainsi que par des professionnels de la médecine et des établissements scolaires qui ont ajouté à leur programme l’idéologie de l’identification sexuelle.
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De premiers signes suggèrent que le nombre d’enfants qui se présentent dans les cliniques de genre diminue en Suède, où des cliniciens ont commencé à s’inquiéter de la promotion acritique de l’identification transgenriste dans la société. Et, fin 2020, un tribunal britannique a intimé à l’unique clinique pédiatrique de genre de solliciter une approbation judiciaire avant de proposer aux enfants des médicaments qui bloquent la puberté. On a statué que ces médicaments faisaient partie d’un parcours curatif entraînant des dommages irréversibles que très peu d’adolescents de moins de 16 ans avaient la maturité de comprendre et d’autoriser. Mais aux États-Unis, où la régulation est faible et le lobby de la santé tout-puissant, des cliniciens abandonnent jusqu’aux derniers vestiges de prudence. Cette histoire se terminera par des vies brisées, et des procès.

Je sais que l’on traitera de malveillante, et pire encore, du fait d’avoir rédigé ce livre. Une partie de ce que je dis sera forcément perçue comme profondément blessant par certains : pour avoir reconnu qu’il est rare de pouvoir passer pour un membre de l’autre sexe, surtout si vous êtes un homme ; que le sentiment d’appartenir au sexe opposé, aussi profond et sincère soit-il, ne peut pas changer les perceptions instinctives des autres ; qu’un tel sentiment ne constitue pas une licence pour s’approprier les équipements ou les services destinés au sexe auquel vous n’appartenez pas ; que le fait de dire à des enfants angoissés à cause de leur sexe qu’ils peuvent en changer ne leur rend pas service.

Mon intention n’est pas d’être malveillante envers les trans , mais de leur éviter davantage de malveillance. Alors que l’autodéclaration sexuelle est de plus en plus consignée dans les lois du monde entier, on voit augmenter les dommages collatéraux de cette politique. Des hommes qui ont violé ou assassiné des femmes obtiennent sans difficulté des transferts vers des pénitenciers féminins. Des femmes ont perdu leur emploi pour avoir rappelé que le masculin et le féminin sont des catégories objectives, socialement signifiantes. Je pense qu’il est profondément malveillant d’obliger des athlètes femmes à concourir contre des hommes, et qu’il est scandaleux de stériliser des enfants. Ces choses arrivent en partie à cause d’un sentiment admirable – mais peu réfléchi – de compassion envers les personnes qui se croient trans. Cette compassion est – et ce n’est pas une coïncidence – habituellement exigée des femmes, qui sont socialement éduquées à refouler au second plan leurs propres besoins, et qui sont punies plus sévèrement que les hommes quand elles refusent d’obtempérer.

Ce qui m’a tout d’abord intriguée dans l’idéologie de l’identité sexuelle est le caractère tautologique de son mantra de base : « les femmes trans sont des femmes », qui soulève et laisse sans réponse la question de savoir ce que signifie dès lors le mot « femme ». Ce qui m’a fait pousser plus loin ma réflexion, c’est que quiconque pose cette question est immédiatement vilipendé.e. Les philosophes, habitués à débattre librement de questions aussi épineuses que de déterminer s’il est moral ou non de tuer les bébés infirmes, ou de prélever les reins de personnes non volontaires pour en faire don à d’autres, ont à de rares exceptions près été réduit·e·s au silence concernant les conséquences d’une redéfinition des mots « femme » et « homme ». Les journalistes, qui se félicitent de débusquer des récits que quelqu’un, quelque part, ne veut pas voir imprimés, ont jeté un rapide coup d’œil aux enjeux du changement de sexe pédiatrique, des hommes qui remportent les épreuves athlétiques féminines et des femmes congédiées pour avoir parlé de la réalité du sexe biologique, et, là encore, à quelques exceptions près, ont immédiatement viré capot.

Ce qui m’a finalement poussée à écrire ce livre, toutefois, a été de rencontrer quelques-unes des victimes les plus poignantes de l’idéologie de l’identité sexuelle et de constater leur vécu de « détransition » : ces personnes ont franchi des étapes vers le changement de sexe, d’ordre hormonal ou chirurgical, pour finalement constater avoir fait une erreur catastrophique. À la fin de 2019, lors de la réunion inaugurale du Detransition Advocacy Network (Réseau de plaidoyer en faveur de la détransition), un groupe d’entraide basé à Manchester, j’ai rencontré quelques -unes de ces personnes. Quand j’ai entendu leurs histoires, j’ai compris que je devais leur donner la parole.

Parmi celles et ceux avec qui j’ai parlé, pendant et depuis cette réunion, se trouvent de jeunes lesbiennes qui avaient précédemment décidé que leur non-conformité sexuelle signifiait qu’elles étaient réellement des hommes. D’autres sont de jeunes gays dont les parents préféraient voir leurs garçons efféminés comme des « filles piégées dans un corps de garçon », plutôt que de futurs homosexuels. Le partage de traits suggérant un désordre autistique y est beaucoup plus élevé que dans la population générale. Ces traits incluent des sentiments de dissociation qui peuvent être interprétés comme une dysphorie sexuelle, et un mode de pensée rigide qui peut amener à conclure que le fait de dévier des stéréotypes de genre rend quelqu’un transgenre. Les jeunes femmes présentant des désordres alimentaires sont sur-représentées dans ce groupe. Et bon nombre de ces jeunes étaient simplement malheureux, cherchant dans la transition une communauté et une reconnaissance.

Ces personnes m’ont fait part des traumatismes vécus à la suite de médications et de chirurgies expérimentales, de manipulations par des adultes et d’abandons par leurs amis après leur démarche de détransition. Je les ai vues insultées et diffamées sur les réseaux sociaux, accusées d’être transphobes et menteuses et d’essayer d’empêcher les véritables trans d’obtenir les traitements nécessaires. En fait la plupart d’entre elles ne font qu’inciter leurs pairs à la prudence, et n’ont aucun désir d’empêcher les autres de vivre leur guise. Leurs blessures les plus évidentes sont physiques : mastectomies ; castrations ; corps malmenés par les hormones de l’autre sexe. Mais leurs blessures mentales sont plus profondes. Ces jeunes ont endossé une idéologie incohérente et sans cesse mouvante, où la plus légère déviation est férocement stigmatisée. Elle et ils ont été amené·e·s à croire que les parents qui s’inquiétaient de l’impact de puissants médicaments sur le développement des corps et des esprits étaient des fanatiques haineux, et que la seule alternative concevable à la transition était le suicide.

Les idées entraînent des conséquences, et une des conséquences du nouveau mythe de l’autodéclaration sexuelle est que des enfants sont manipulé.e.s et leur vie gâchée. Quand vous avez constaté cela, il est difficile d’en détourner le regard. Les détransitionneuses et détransitionneurs que j’ai rencontrés ont énormément souffert. Eux et leurs pairs de la scène internationale semblent avoir choisi l’émoticône du lézard comme mascotte informelle sur le net : un talisman de régénération, de reconstruction et de renouveau. Leur motivation à s’exprimer au grand jour est d’empêcher d’autres jeunes de souffrir comme elles et ils l’ont fait. Ce fut aussi ma motivation pour écrire ce livre.

Traduction en cours par: TRADFEMSept.

Helen Joyce, TRANS: When Ideology Meets Reality, Onlyword Publications, London, 2021.


[1] Lire à ce sujet ANTISPORTIF = Le transactivisme et l’obscurantisme à l’assaut du sport féminin, Linda Blade et Barbara Kay, Rebel News, Toronto, septembre 2021.

3 réflexions sur “Préface d’un livre-choc en cours de traduction

  1. Ce livre a l’air d’être rempli de bonnes formules, j’en retiens déjà une : « le sexe est le pourquoi de l’oppression des femmes, et le genre le comment de cette oppression. ». La base du féminisme, facile à retenir et résumée simplement, pour remettre les pendules à l’heure dans un débat. Toujours utile d’avoir une ancre théorique.

    Pour ce qui est de la situation anglaise, malheureusement les transactivistes ont de l’argent en stock pour allonger les procédures, comme le prévoyait l’autrice d’ailleurs pour les USA (« fin 2020, un tribunal britannique a intimé à l’unique clinique pédiatrique de genre de solliciter une approbation judiciaire avant de proposer aux enfants des médicaments qui bloquent la puberté. On a statué que ces médicaments faisaient partie d’un parcours curatif entraînant des dommages irréversibles que très peu d’adolescents de moins de 16 ans avaient la maturité de comprendre et d’autoriser…. » aux Usa, « Cette histoire se terminera par des vies brisées, et des procès. », et en GB aussi apparemment)
    Car aux dernières nouvelles, l’affaire a été revue, si je ne me trompe pas.
    Article du Figaro du 17 sept 2021 « Adolescents transgenres : la justice britannique laisse les médecins au cœur du consentement » :
    « La cour d’appel de Londres a jugé vendredi qu’il revient aux médecins de déterminer si des adolescents peuvent ou non accepter de suivre un traitement bloquant la puberté avant d’entamer un processus de transition pour changer de sexe. La justice britannique vient ainsi infirmer une décision rendue le 1er décembre et critiquée par les associations de défenses des droits LGBT. Ce jugement concluait que les mineurs de moins de 16 ans qui veulent entamer un processus de transition ne doivent subir un traitement bloquant la puberté que s’ils en comprennent les conséquences, doutant que ce soit le cas…En première instance, la Haute cour de Londres avait estimé que les enfants de moins de 16 ans doivent comprendre «les conséquences immédiates et à long terme» pour pouvoir prendre un traitement bloquant leur puberté… «En ce qui concerne les adolescents âgés de 16 ans et plus, (…) il existe une présomption qu’ils ont la capacité de consentir à un traitement médical», avaient ajouté les premiers juges. L’établissement avait fait appel et a obtenu gain de cause vendredi. La cour d’appel a en effet estimé que c’est à tort que le jugement de première instance a fixé de telles limites d’âge et qu’il revient aux médecins d’exercer leur jugement pour déterminer si leurs patients sont ou non en mesure de donner un consentement éclairé.
    Elle a estimé que le Haute cour «n’était pas en mesure de généraliser sur la capacité de personnes d’âges différentes à comprendre ce qui est nécessaire pour qu’elles soient à même de consentir à l’administration de bloqueurs de puberté». »

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  2. I have not yet read this book, but are well-informed about the issue, and have followed Joyce’s comments in other instances,,,,,,,,,,the most importance issue which needs to be addressed (and I hope Joyce does so) is the erasure of women by the translobby, ie. the idea that there is no sexual difference, just ‘gender identities’ ie. independent self-identification….until recently regarded as a psychogical condition called autogynephilia. Which has nothing to do with the fetish of some male-born people who believe they are ‘women’, but it deeply attacks those born female as transphobic., which is nothing of the sort. Women are not afraid of males who think they are women, but they are afraid of a culture, which regards the male sex as the human norm, and as such is pushing women from being uniquely represented by their female sexual difference v.a.v. males.

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  3. bravo pour cet excellent texte mais attention à une erreur « Le dysmorphisme sexuel » : non, c’est « Le dimorphisme sexuel », le fait que l’être humain ait deux formes, masculine et féminine.

    Florence Montreynaud

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