JK Rowling : Voici pourquoi j’ai décidé de prendre la défense des femmes

Témoignages de J K Rowling, Susan Dalgety et Rhona Hotchkiss, traduits par AUDREY A et mis en ligne le 30 mai 2024 sur le blog PERSPECTIVES CUBI(S)TES – audreyaard@substack.com

Dans ces extraits inédits du nouveau livre The Women Who Wouldn’t Wheesht (« Les femmes qui ont refusé de s’écraser »), l’autrice de Harry Potter, une mère au cœur brisé et une ancienne directrice de prison rappellent l’histoire de leur lutte récente pour les droits des femmes en Écosse.

Extraits parus sur le site de The Times, le mercredi 29 mai 2024

J K ROWLING: Selon les critères de l’univers où j’évoluais, j’étais une hérétique. J’en étais venue à croire que le mouvement sociopolitique selon lequel « les femmes trans sont des femmes » n’était ni gentil ni tolérant, et qu’il s’agissait en réalité d’un mouvement profondément misogyne, régressif et aussi dangereux dans ses objectifs qu’autoritaire dans ses tactiques. Cependant, je me gardais d’exprimer ces considérations en public, parce que de nombreuses personnes autour de moi, y compris des personnes que j’aime, m’avaient suppliée de me taire. Ainsi, je regardais de loin la mobilisation de femmes qui avaient tout à perdre en défendant leurs droits en Écosse et au Royaume-Uni. La culpabilité de ne pas avoir été à leurs côtés allait m’accompagner au quotidien, comme une douleur chronique.

Deux événements juridiques séparés ayant eu lieu au Royaume-Uni m’ont poussée à abandonner ma couverture.

En 2019, une chercheuse anglaise, Maya Forstater, a poursuivi ses employeurs aux prud’hommes. Maya Forstater affirmait qu’elle avait été victime de discrimination en raison de sa conviction selon laquelle les êtres humains ne peuvent pas réellement changer de sexe. D’un côté, il paraissait inconcevable que le tribunal se prononce contre Maya pour avoir exprimé une croyance rationnelle et factuelle, mais j’avais un mauvais pressentiment. J’avais peur qu’elle perde. Le cas échéant, les implications d’un tel échec pour la liberté d’expression et de croyance au Royaume-Uni, en particulier pour les femmes, s’annonçaient considérables.

Le jour de décembre 2019 où Maya a perdu son procès pour discrimination (qu’elle a ultérieurement gagné en appel, obtenant des dommages et intérêts substantiels), j’ai tweeté : « Habillez-vous comme il vous plaît. Appelez-vous comme vous le souhaitez. Couchez avec n’importe quel adulte consentant qui veut bien de vous. Vivez votre meilleure vie dans la paix et la sécurité. Mais faire perdre aux femmes leur emploi pour avoir dit que le sexe est réel ? #IStandWithMaya »

JK Rowling et Maya Forstater@MFORSTATER/TWITTER

Puis j’ai exposé mes inquiétudes au sujet de l’idéologie de l’identité de genre dans un essai publié sur mon site web. Depuis, j’ai été frappée par le nombre de personnes qui ont prétendu savoir ce que je pensais sur la question tout en admettant tranquillement n’avoir jamais lu cet essai. Ils n’en avaient pas besoin, disaient-ils, parce que leurs influenceurs trans préférés avaient déjà expliqué ce que j’avais vraiment voulu dire. Ce type assez commun de prise de position résumait bien l’absence de pensée critique autour de la question, et l’aversion des activistes du genre à se confronter à des idées susceptibles d’ébranler leur foi en leurs précieux slogans.

L’été suivant, en Écosse, où je vis depuis trente ans, le gouvernement du Scottish National Party, dirigé par la première ministre Nicola Sturgeon, s’apprêtait à adopter le projet de Loi sur la Réforme de la reconnaissance du sexe (Gender Recognition Reform Bill), qui retirait toute barrière médicale au processus de transition. Une personne pourrait changer de « sexe légal » à condition d’avoir vécu dans son « genre acquis » pendant trois mois et d’avoir fait une déclaration statutaire indiquant qu’elle avait l’intention de continuer à le faire. On n’y trouvait aucune définition de ce que signifiait « vivre dans un genre acquis » et aucune obligation d’évaluation psychologique, de chirurgie ou d’hormones. Si le projet de loi était adopté, cela signifierait qu’un plus grand nombre d’individus mâles pourraient revendiquer plus fermement leur droit d’entrer dans des espaces auparavant réservés aux femmes, y compris les refuges pour victimes de violences domestiques, les centres d’aide aux victimes de viol, les vestiaires publics et les cellules de prison.

Des sondages avaient montré que le public n’était pas du tout d’accord avec ce que le gouvernement de Sturgeon prévoyait de faire. J’étais tellement furieuse que le parlement écossais se montre prêt à passer le projet de Loi sur la Réforme de la reconnaissance du sexe en dépit de l’opposition publique que le 6 octobre 2022, jour d’une manifestation de femmes devant Holyrood, j’ai posté une photo de moi vêtue d’un T-shirt avec le slogan : « Nicola Sturgeon, Destroyer of Women’s Rights » (« Nicola Sturgeon, destructrice des droits des femmes »).

Le projet de loi a été adopté en décembre 2022. Fait incroyable, un amendement visant à empêcher les hommes condamnés pour des crimes sexuels comme le viol d’obtenir un certificat de reconnaissance du sexe a été rejeté. Une avanie que le parlement écossais mettra très longtemps à effacer. (Le projet de loi a par la suite été bloqué par le gouvernement britannique en raison de son incompatibilité avec la Loi sur l’égalité – Equality Act).

Sturgeon, auto-identifiée comme « féministe jusqu’au bout des doigts », s’est exprimée en 2023 sur les « véritables » motivations de ceux qui s’opposaient à l’idéologie de l’identité de genre : « Je pense que certaines personnes ont décidé de se servir des droits des femmes comme une sorte de cape d’acceptabilité pour couvrir leur transphobie… tout comme ils sont transphobes, vous découvrirez qu’ils sont profondément misogynes, souvent homophobes, et probablement racistes pour certain·es. »

Beaucoup ont été scandalisé·es par les propos de Sturgeon – l’une de mes amies a fini par déchirer sa carte de membre du SNP. Pourtant, ils n’avaient rien de surprenant. Pendant la préparation du vote sur le projet de loi de réforme de la reconnaissance du sexe, la première ministre avait exclusivement soutenu des positions des militants trans. Un des arguments préférés des idéologues de l’identité de genre prétendait que si vous n’adhériez pas à leur philosophie, vous étiez un·e suprémaciste blanc homophobe.

Le retour de bâton auquel j’ai fait face pour avoir parlé de Maya, de l’idéologie de l’identité de genre en général et de la situation en Écosse a été extrêmement vicieux. Personne ayant essuyé un tsunami de menaces de mort et de viol ne vous dira jamais que c’est marrant. Je ne prétendrai pas que cela n’a pas été effrayant, mais j’avais néanmoins une nette idée de ce qui m’attendait parce que j’avais vu la même chose arriver à d’autres femmes, dont beaucoup avaient risqué leur carrière et, parfois, leur intégrité physique. Très peu de femmes en vue – à d’honorables exceptions près, notamment dans le sport, telles que Martina Navratilova et Sharron Davies en tête – semblaient prêtes à se lever et à offrir leur soutien et leur protection à ces femmes. Le temps était venu pour moi de prendre la parole.

Dans ce qui s’apparentait à ma communauté professionnelle, les gens étaient perplexes à l’idée que j’abandonne une position sécure et bien vue dans le but de soutenir Maya et de faire campagne contre le projet de loi écossais sur la réforme de la reconnaissance du sexe. À quoi diable étais-je en train de jouer ?!

Des gens avec lesquels j’avais travaillé se sont empressé·es de prendre leurs distances ou de condamner publiquement mes opinions blasphématoires (je dois ajouter que beaucoup de collègues, ancien·nes et actuel·les, m’ont apporté un soutien indéfectible). En vérité, les condamnations de certains m’ont bien moins surprise que le fait que d’autres m’ont envoyé des courriels ou des messages par l’intermédiaire de tiers pour s’assurer que nous restions ami·es.

Le fait est que ceux qui se sont offusqués de mes positions étaient loin de comprendre à quel point je trouvais les leurs méprisables. « Pas de débat » (no debate) était devenu le slogan de prédilection de ceux qui se posaient autrefois en défenseurs de la liberté d’expression. Des hommes prétendument progressistes soutenaient que les femmes n’existaient pas en tant que classe biologique observable et n’avaient pas besoin de droits sexo-spécifiques. Des femmes célèbres affirmaient avec insistance que le fait que tout homme s’identifiant comme femme soit autorisé à pénétrer dans des espaces non mixtes réservés aux femmes, y compris les vestiaires, les salles de bains ou les refuges pour victimes de viols, ne posait pas le moindre risque pour les femmes et les jeunes filles.

Manifestation « Let Women Speak »  (Laissez parler les femmes) à Édimbourg le 6 avril. JEFF J MITCHELL/GETTY IMAGES

J’ai alors demandé à des personnes qui se considéraient comme socialistes et égalitaires quelles pourraient être les conséquences pratiques de l’effacement de mots vernaculaires tels que « femme » et « mère », et de leur remplacement par « personnes avec utérus », « personnes menstruatrices » et « parent gestant », en particulier pour celles chez qui l’anglais étaient une seconde langue, ou pour les femmes avec une compréhension limitée de leur propre corps. Les personnes interrogées semblaient confuses et irritées par cette question. Mieux valait qu’une centaine de femmes avec des difficulté à maîtriser la dernière mouture du jargon de l’identité de genre passent à côté d’informations de santé publique plutôt qu’une seule personne transidentifiée se sente invalidée. Telle était apparemment la ligne suivie.

Lorsque que je posais des questions sur les conséquences de l’absence d’espaces non mixtes sur les femmes appartenant à certains groupes religieux ou sur les survivantes de violences sexuelles, les réponses s’apparentaient à un haussement d’épaules. J’entendais en boucle qu’« aucune personne transgenre n’avait jamais fait de mal à une femme ou à une fille dans un espace réservé aux femmes », la conscience des prosélytes n’étant apparemment pas troublée par le fait de répéter un mensonge aisément réfutable : il  était abondamment prouvé que des hommes revendiquant une « identité féminine » avaient bel et bien commis des délits et des crimes sexuels, des actes de violence et de voyeurisme, aussi bien à l’intérieur d’espaces réservés aux femmes qu’à l’extérieur. En effet, les chiffres du ministère de la justice montraient que les hommes transidentifiés [« femmes trans »] incarcérés au Royaume-Uni étaient plus susceptibles de l’être pour des délits et crimes sexuels que le reste des prisonniers masculins. Lorsque j’évoquais ce fait embarrassant, on me répondait parfois que les délinquants sexuels transidentifiés « ne sont pas vraiment trans, qu’ils ne font qu’abuser du système ». Oui, c’est vrai. C’est bien le problème. Si un système repose sur un sentiment de soi [absurde et sexiste] invérifiable plutôt que sur le sexe [matériel], il est impossible d’empêcher des individus malintentionnés d’en tirer parti.

L’une des choses qui m’ont le plus choquée dans toute cette débâcle, c’est l’aveuglement délibéré de tant de leaders d’opinion à l’égard des lanceurs et lanceuses d’alerte de la clinique britannique Tavistock, spécialisée dans l’identité de genre et aujourd’hui désavouée. Des médecins qui démissionnaient en proportions inhabituelles affirmaient que de jeunes autistes homosexuel·les, ainsi que des jeunes qui avaient été victimes d’abus – groupes surreprésentés parmi les jeunes cherchant à transitionner – faisaient l’objet d’une procédure accélérée en vue d’interventions médicales irréversibles dont les bienfaits étaient douteux, le tout sous la pression de groupes de militants et de médecins endoctrinés. Ces lanceuses et lanceurs d’alertes ont depuis été réhabilité·es : une enquête indépendante a fait fermer le service.

Aujourd’hui, avec le recul, et malgré toutes les fois où j’ai connu des moments très déplaisants, je constate que le fait de m’être ouvertement affichée comme critique du genre a apporté bien plus de positif que de négatif. L’avantage le plus important de cette prise de parole, c’est qu’elle m’a permis d’agir librement.

L’une de mes écrivaines préférées, Colette, a écrit dans Mes apprentissages que : « Parmi les courages hors de raison, la bravoure des jeunes filles est insigne. » Pendant trop longtemps, je me suis contentée d’observer en silence des filles et des femmes qui avaient tout à perdre se dresser contre cette chasse aux sorcières des temps modernes, braver les menaces et les intimidations, proférées non seulement par des militants cagoulés brandissant des pancartes d’appels au meurtre et à la violence, mais aussi par des institutions et des employeurs les exhortant de renoncer à leurs droits et d’adhérer à une idéologie à laquelle elles ne croyaient pas. Dans un sens, bien sûr, tout courage est « hors de raison ». Les êtres humains sont programmés pour survivre, se mettre en sécurité et rechercher le confort. N’est-il pas plus raisonnable de rentrer la tête dans les épaules, d’espérer très fort que quelqu’un d’autre se charge du problème pendant que nous vaquons à satisfaire notre intérêt personnel et cherchons l’approbation de nos pairs ? Certes.

Mais je pense que ce que l’on fait subir à des jeunes en difficulté au nom de l’idéologie de l’identité de genre est un scandale médical et que nous assistons à la plus importante atteinte que j’ai pu observer de mon vivant aux droits des femmes que nos aïeules pensaient avoir garantis à toutes. En fin de compte, j’ai parlé parce que j’aurais eu honte jusqu’à la fin de mes jours si je ne l’avais pas fait. Si je devais avoir un regret, ce serait de ne pas l’avoir fait plus tôt.

Si nous parlons en tant que parents, nous sommes critiqués – ou dénoncés aux services sociaux

Une mère décrit le cauchemar dystopique dans lequel a sombré sa famille depuis que sa fille a trouvé une nouvelle « tribu » à l’école. Par Susan Dalgety (en photo ci-dessous).

SUSAN DALGETY: Esther est une mère au cœur brisé. Maman de trois filles, l’identité de genre domine la vie de sa famille depuis bientôt cinq ans. Son aînée, Lily, aujourd’hui âgée de 17 ans, pense être un homme piégé dans un corps de femme après avoir traversé une période « non binaire ». Sa sœur cadette, Rachel, est âgée de 15 ans. Elle a essayé de se bander les seins et de prendre de la testostérone achetée en ligne, croyant pouvoir changer de sexe. Toutes deux ont été « affirmées » par des enseignants de leur lycée contre l’avis de leurs parents, mais conformément aux directives du gouvernement écossais émises à l’intention des écoles en 2021.

Esther, épuisée par des années passées à essayer d’aider ses filles aux prises avec des problèmes de santé mentale a un message simple pour Nicola Sturgeon et ses ministres, qui ont promu l’identité de genre dans les écoles : « À quoi pensiez-vous ? Pourquoi avoir imposé un programme d’adultes à des enfants ? Ne vous rendez-vous donc pas compte de ce que vous avez fait ? »

Esther et son mari, Chris, sont accablés par l’épreuve que traverse leur famille. Dans son salon cosy, elle se souvient de la joie qu’elle et Chris ont ressentie lorsque Lily s’était fait des amis pour la première fois. « Elle est sur le spectre autistique et a du mal à se faire des amis. Elle n’en avait pas lorsqu’elle est entrée au lycée. Elle a repéré le drapeau arc-en-ciel lors d’une journée portes ouvertes à l’école – c’est le drapeau qui l’a attirée, elle ne savait pas ce qu’il signifiait. Il s’agissait du Pride club (Club des fiertés) et elle s’y est rapidement inscrite. Elle avait trouvé une “tribu”. »

Esther décrit comment Lily est devenue obsédée par l’identité de genre. « C’était une discussion non-stop sur le genre et la sexualité. À un moment donné, elle a parlé de 96 genres différents. Elle cherchait une réaction de notre part. Nous en parlions sans cesse, à chaque repas de famille. Et sa cadette a fini par s’intéresser à la question. Nous avons essayé de la soutenir autant que possible en tant que parents. Elles voulaient les drapeaux, les badges, tout l’attirail, et nous les avons soutenues. Après tout, qu’est-ce qu’un badge ? Ce n’est qu’un badge. »

Et puis il y a eu le Covid. Lily et sa sœur Rachel se sont confinées en ligne, comme la plupart des adolescent·es. « Au début du confinement, nous faisions beaucoup de choses en famille, comme aller nous promener ensemble. Mais ce n’était pas des fréquentations normales pour les ados et les filles ont commencé à passer le plus clair de leur temps sur leur ordinateur. Nous ne savions pas que l’idéologie de l’identité de genre était omniprésente sur TikTok et YouTube, et bien sûr, les algorithmes les ont aspirées de plus en plus profondément. »

Esther et Chris ont accepté les conseils de l’école les pressant de reconnaitre les nouveaux prénoms de leurs filles, car elles avaient déjà changé leurs pronoms à l’école à leur insu. Esther explique : « Le guide pour l’intégration des élèves transgenres promeut le modèle affirmatif, nous avons donc accepté à contrecœur. » Désespérés, ils ont cherché de l’aide auprès des services de santé mentale pour enfants et adolescents (CAMHS), mais cette prise de contact s’est soldée par un signalement aux services sociaux pour « abus émotionnel non intentionnel » parce qu’ils refusaient d’affirmer le changement d’identité de leur fille en refusant d’utiliser à la maison les pronoms qu’elle avait choisis.

Après sept mois d’attente, les travailleurs sociaux ont finalement décidé qu’Esther et Chris n’avaient rien à se reprocher et ont orienté la famille vers le CAMHS pour obtenir un soutien. « J’ai ri », dit Esther.

Cinq ans après que leur fille aînée a commencé à explorer son identité de genre, Esther et son mari ont désormais adopté une approche d’« attente vigilante ». « Nous avons passé du temps à essayer de réparer nos relations avec elles pour reconstituer notre unité familiale… Il est important de rester proches. Mais elles sont profondément endoctrinées par l’idéologie en ligne, qui ne présente qu’une image positive [du transgenrisme] et rien de la réalité ou des risques. »

« C’est une génération idéaliste, qui refuse la dichotomie homme-femme. Comme l’a écrit JK Rowling dans son tweet, “habillez-vous comme vous voulez…” Mais c’est différent. En disant aux enfants qu’il est possible de changer de sexe, on a semé la confusion dans l’esprit de tout le monde, et c’est désastreux. Je vois le monde entier affirmer mes enfants – l’école, les médecins, même les opticiens, partout où elles vont, et tout ça sous le couvert de l’injonction à être gentil (be kind). C’est un cauchemar dystopique. Et si nous nous exprimons, en tant que parents, nous sommes critiqués ou signalés aux services sociaux. Pourtant, tout le monde ne fait qu’affirmer une illusion. »

Esther dit que son seul espoir est le temps. « Si nous parvenons à les éloigner le plus possible de la testostérone et de la chirurgie durant que leur cerveau mûrit, nous espérons que lorsqu’elles atteindront l’âge “magique” de 25 ans*, elles seront parvenues à être à l’aise dans leur corps. »

*Consensus scientifique sur la maturité cérébrale.

Les femmes incarcérées n’ont pas le choix – elles ne peuvent pas s’enfuir.

Rhona Hotchkiss : « Je me souviens avoir dit à mon adjoint : « jamais sous ma garde. » »

L’ancienne gouverneure Rhona Hotchkiss explique pourquoi les hommes transidentifiés n’ont pas leur place dans les prisons réservées aux femmes.

RHONA HOTCHKISS: En 2014, j’ai réalisé l’ambition qui m’animait depuis mon entrée dans l’administration pénitentiaire cinq ans auparavant et j’ai pris mes fonctions à HMP Cornton Vale – la seule prison écossaise réservée aux femmes – en tant que gouverneure en charge.

Au cours de mes deux années en fonctions, j’ai rencontré plusieurs détenus hommes transidentifiés et j’ai acquis l’inébranlable certitude qu’ils ne devraient pas se trouver dans une prison pour femmes. Je connais bien tous les arguments : ce sont des femmes, ils vivent en tant que femmes, ils sont particulièrement vulnérables. Mais aucune de ces affirmations ne résiste à un examen approfondi. Les hommes transidentifiés posent les mêmes problèmes aux femmes que les autres hommes – et c’est pourquoi les hommes en tant que groupe ne sont pas autorisés à accéder librement aux espaces, aux services et aux sports réservés aux femmes. Les hommes transidentifiés ne sont pas exclus de ces espaces parce qu’ils sont trans, mais parce qu’ils sont des hommes. Il doit en aller de même dans les prisons.

J’aimerais que les gens se souviennent que les femmes incarcérées n’ont pas le choix : elles ne peuvent pas s’enfuir. Elles ne peuvent pas éviter de partager leurs espaces intimes. Elles ne peuvent pas « reprogrammer leur traumatisme », comme l’a scandaleusement suggéré un éminent militant écossais à des survivantes de viols mal à l’aise avec des hommes dans des espaces non mixtes. [Il s’agit de Mridul Wadhwa, un autogynéphile : un homme hétérosexuel transidentifié qui prend son pied en se déguisant en femme, et qui est devenu responsable d’un refuge pour femmes victimes de violences sexuelles, le Edinburgh Rape Crisis Centre.]

Les femmes détenues doivent vivre dans une proximité accrue, parfois très étroite, avec ces hommes placés par l’administration pénitentiaire. Elles ne doivent rien dire pendant qu’un homme, avec une érection bien visible à travers ses leggings moulants, jouit de leur malaise évident. Elles ne doivent rien dire pendant qu’un homme agressif tape dans les murs, déclenchant des poussées d’adrénaline et de peur en elles en leur faisant revivre la violence et les sévices que des hommes leur ont infligés. Elles ne doivent rien dire lorsqu’un homme déguisé en femme décrit en détail ce qu’il compte faire avec son pénis à sa petite amie lorsqu’il sortira de prison. Et elles doivent garder le silence lorsqu’une « femme trans » leur dit qu’il n’a pas la moindre intention de vivre comme une femme à l’extérieur .

Hotchkiss, à droite, avec JK Rowling, à gauche, et les autres directrices du refuge Beira’s Place, Susan Smith, Johann Lamont et Margaret McCartney. NICOLE JONES/PA

Ces incidents bien trop communs et dont j’ai été témoin ou qui m’ont été rapportés sont aggravés par le fait qu’au Royaume-Uni, mais pas seulement, un nombre disproportionné d’hommes transidentifiés incarcérés sont des délinquants ou des criminels sexuels. Sachant cela, personne ne devrait soutenir qu’il est acceptable de soumettre les femmes détenues à de tels niveaux de malaise et de menace au quotidien. Aucun autre groupe vulnérable n’est à ce point ignoré au profit d’un autre groupe – celui des hommes transidentifiés placés dans le système pénitentiaire – dont les revendications, auto-exprimées et ne faisant l’objet d’aucun examen, posent un risque aussi flagrant.

Bien sûr, tous les hommes transidentifiés que j’ai rencontrés en prison ne représentaient pas une menace manifeste pour l’intégrité physique des femmes. Cependant, j’ai réalisé que les menaces émotionnelles et psychologiques moins flagrantes sont tout aussi importantes, et que les prisons n’ont aucun moyen effectif d’évaluer ou d’éliminer ces risques. Il ne s’agit pas d’opposer les gentils aux méchants, il s’agit d’hommes. Pas tous les hommes, loin s’en faut, mais comme dans tous les autres espaces où cela compte, les femmes en prison doivent être protégées des hommes dont la présence est susceptible de représenter une menace.

Le dernier point qui est venu étoffer mes inquiétudes est en rapport avec le fait qu’il n’y a pas la moindre nécessité de placer les hommes – même ceux qui sont le plus à risque – avec les femmes. En effet, l’administration pénitentiaire écossaise (SPS) a d’excellents antécédents en matière de protection des hommes vulnérables : homosexuels, anciens hommes politiques, anciens policiers et agents pénitentiaires, informateurs et, oui, tueurs et violeurs d’enfants. Ils sont détenus, en nombre considérable, de manière routinière et généralement en toute sécurité. Personne n’a jamais suggéré que le seul endroit sûr pour ces hommes vulnérables était une prison pour femmes. Pourtant, au cours de mes derniers mois passés à la tête de Cornton Vale, il a été question qu’un homme – l’un des prisonniers les plus notoires, les plus violents, les plus manipulateurs et les plus dangereux parmi les 8 500 détenus en Écosse – soit transféré dans la prison pour femmes, car il avait commencé à « s’identifier comme femme ». Je me souviens avoir dit à mon adjoint : « Pas sous ma garde. » Le projet a été abandonné.

Durant l’été 2017, je suis devenue gouverneure responsable de HMP Greenock – une prison dont la population est majoritairement masculine, avec une unité pour femmes qui représente environ un cinquième de la population carcérale. Le comportement des hommes transidentifiés qui y étaient détenus m’a finalement décidée à soulever la question à l’interne, ce que j’ai fait dès que j’en ai eu l’occasion, forte des expériences rapportées par les membres du personnel, dont beaucoup m’avaient confié n’être pas d’accord avec le règlement [concernant le placement des hommes transidentifiés]. En effet, nul ne l’a jamais approuvé.  

Adam Graham, alias Isla Bryson

J’ai pris ma retraite de l’administration pénitentiaire en 2019, à l’âge de 57 ans. Dès le moment où je me suis sentie enfin en mesure de m’exprimer, les invitations à parler du sort des femmes en prison ont afflué. Ces sollicitations ont atteint un pic au cours des premières semaines de 2023, avec l’incarcération d’un violent criminel sexuel, Adam Graham (également connu sous le nom d’Isla Bryson). Après avoir été reconnu coupable du viol de deux femmes, il a été envoyé à Cornton Vale en attendant sa condamnation. Il s’est par la suite avéré que l’administration pénitentiaire avait annulé la décision initiale du tribunal d’envoyer Graham/Bryson à Barlinnie, une prison pour hommes.

Pendant trois ou quatre jours, j’ai eu l’impression d’être la seule voix que les médias étaient disposés à entendre. Nicola Sturgeon a semblé perdre sa sérénité habituelle. Des milliers d’Écossaises ont crié « nous vous avions prévenus ». Ses positions sur les conséquences de ses réformes en matière de reconnaissance du sexe ont échoué face au test le plus rigoureux qui soit : celui de la réalité.

Extraits de The Women Who Wouldn’t Wheesht : Voices from the Front-Line of Scotland’s Battle for Women’s Rights (« Les femmes qui ont refusé de s’écraser : Voix du front de la bataille écossaise pour les droits des femmes »), édité par Susan Dalgety et Lucy Hunter Blackburn (Constable), paraît le 30 mai. Susan Dalgety et Lucy Hunter Blackburn 2024. Pour commander un exemplaire, rendez-vous sur timesbookshop.co.uk. Les frais de port sont gratuits à partir de 25 € d’achat. Remise spéciale pour les membres de Times+.

Traduction : Audrey A.

Relecture : Nicolas Casaux

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