Steph Pike : Unissons-nous et agissons !

par Steph Pike

Aujourd’hui, en tant que femmes, nous avons encore à nous battre pour tant de choses – malgré les décennies passées depuis que l’égalité salariale est entrée dans la loi, nous n’avons toujours pas des salaires égaux à ceux des hommes, les femmes restent sous représentées en politique, la violence contre les  filles et les femmes s’est globalement maintenue à des proportions épidémiques, les rôles genrés et les stéréotypes sont encore fermement ancrés et le corps des femmes est sujet à la fois à l’hyper-sexualisation et à la violence. Nous vivons dans un monde où tout est à vendre, y compris nos propres corps.

Dans le même temps, les aides et les protections durement arrachées par les femmes sont menacées. Les politiques d’austérité du parti conservateur ont vu beaucoup d’aides indispensables aux femmes être coupées. Ces mêmes politiques d’austérité ont disproportionnellement affecté les femmes sur tous les plans. Les campagnes et les aides à destinations des femmes ont été à la fois réduites et dépolitisées. Les programmes d’aide aux victimes de violences conjugales sont étendues afin d’inclure les hommes victimes. Cela détourne loin des femmes les ressources déjà insuffisantes et masque la réalité politique : les violences conjugales et sexuelles sont en grande majorité commises par des hommes, contre des femmes, et font partie de l’oppression sexuelle à laquelle nous faisons face. Par exemple, le nouveau président du collectif de Liverpool contre les violences faites aux filles et aux femmes, qui est un homme, a récemment demandé à ce que les missions du collectif soient étendues pour inclure les hommes et que le nom en soit changé afin de correspondre à cette nouvelle orientation. Jamais un mouvement féministe offensif n’a été si nécessaire pour défendre les progrès pour lesquels nous nous sommes si durement battues et poursuivre la lutte jusqu’à ce que nous obtenions la libération complète.

Un des enjeux de cette lutte concerne la possibilité de nommer notre oppression, le droit de formuler et d’articuler une analyse des causes de cette oppression qui repose sur la réalité matérielle de nos vies en tant que femmes, et de nous organiser collectivement contre ces systèmes qui nous oppriment.

La campagne de la Women’s Place UK existe pour garantir que les voix des femmes seront entendues dans le débat autour de la réforme du Gender Recognition Act (2004). Nous sommes convaincues que les aides, les listes électorales et les espaces réservés aux femmes n’existent que grâce à la lutte des femmes pour leurs droits et leur libération. Nous pensons que la violence misogyne existe toujours et que les femmes ont besoin de lieux réservés, d’espaces distincts, et d’aides particulières. Nous affirmons qu’il est nécessaire que des discussions et consultations aient lieu autour des conséquences d’une réforme du Gender Recognition Act -en particulier autour de ce qui touche à l’identité personnelle- pour les droits des femmes, leurs espaces et leurs aides.

L’oppression n’est pas une question de décision individuelle ou de choix personnel. L’oppression des femmes affecte chaque aspect de nos vie de manière systémique. C’est une oppression basée sur notre sexe biologique et qui s’appuie en partie sur une stricte binarité de genre. La plupart d’entre nous comprenons le genre comme un construit social. Mais soyons claires – ce n’est pas quelque chose que nous pouvons construire ou déconstruire à l’échelle individuelle. Ce n’est pas un spectre le long duquel nous pourrions choisir de nous identifier. C’est le produit et l’outil d’un système d’exploitation à l’origine de l’oppression des femmes.

Notre objectif n’est pas de troubler le genre, mais de l’éradiquer. Nous n’y parviendrons pas grâce à des choix d’identités individuels, mais seulement par la lutte et l’action collective.

Nous pensons que les personnes trans subissent une oppression et qu’elles devraient pouvoir vivre sans peur de subir toute forme de violence, de persécution ou de discrimination. Elles ne devraient plus être attaquées, abusées, discriminées ou voir leurs droits niés d’aucune manière que ce soit. Les questions soulevées par les amendements au Gender Recognition Act sont des questions complexes qui demandent débats et discussions afin que les droits des personnes trans puissent progresser sans compromettre ou affecter les droits des femmes. Nous devrions toutes être impliquées dans un débat respectueux et sororal.

Mais dans ce débat les voix des femmes ont été, comme c’est arrivé si souvent au cours de l’histoire, marginalisées et étouffées. Une lesbienne a du démissionner de son poste de déléguée aux femmes, plusieurs femmes membres du Parti Travailliste ont été suspendues. Le Women’s Equality Party a forcé sa porte-parole contre les violences faites aux femmes à démissionner.

Encore et encore on traite les femmes d’intolérantes, de fanatiques. Ces femmes sont des militantes socialistes, syndicalistes, féministes : des femmes qui ont dédié leur vie à combattre non seulement l’oppression des femmes mais toute forme d’injustices pour une société juste et égalitaire. Voir leurs inquiétudes, nos inquiétudes, niées et réduites au silence est simplement inacceptable.

A l’intérieur de ce débat, la question de l’identité individuelle est une des plus conflictuelle. Le discours qui consiste à dire qu’une femme peut être n’importe qui qui s’identifie comme femme impose aux femmes de comprendre leur oppression comme découlant de l’identité et non du sexe. Nous devons pouvoir parler d’oppression fondée sur le sexe car c’est la réalité matérielle de la vie des femmes. Nous devons pouvoir parler de la biologie féminine, des corps féminins; des corps mis sous contrôle par la législation, par la violence, par les stéréotypes de genre, par l’oppression systémique. Le sexe est une caractéristique protégée par l’Equality Act de 2010. Le sexe est important car si nous ne pouvons pas parler de sexe, comment pourrions-nous parler de sexisme ?

Nous vivons dans une société dans laquelle les femmes sont toujours sujettes au risque de violences masculines et d’oppression systémique. Nous avons besoin de pouvoir nous organiser avec les autres femmes quand nous le décidons. Nous avons le droit à des espaces spécifiques comme les vestiaires, les refuges ou les services d’accueil aux femmes victimes de violences conjugales.

De véritables solutions peuvent être trouvées en proposant plus d’infrastructures pour celles qui sont opprimées, et en ne mettant pas en concurrence les différents groupes opprimés. Il y a de réelles différences entre la manière dont les femmes sont opprimées et celle, distincte mais liée, dont les personnes trans le sont. Il existe une base sur laquelle construire une lutte commune, mais ça ne peut se faire dans une atmosphère d’injures et d’intimidations.

Ce ne sera possible qu’à travers un débat respectueux, même si nous ne sommes pas d’accord, et par la solidarité contre ceux qui nous oppriment tou.te.s : la presse et les institutions de droite, qui soufflent à la fois sur les flammes de la misogynie et de la transphobie, et le gouvernement conservateur qui a brutalement coupé le financement des aides destinées aux personnes trans et aux femmes ; un gouvernement qui cherche à nous diviser et à nous monter les unes contres les autres, nous déchirant pour des ressources largement insuffisantes.

Nos meetings et nos discussions sont un bon départ, mais nous devons devenir plus offensives dans les campagnes pour défendre les infrastructures et droits des femmes, dans nos syndicats, dans les campagnes contre l’austérité. Ce n’est qu’à travers l’action collective que nous obtiendrons la libération des femmes.

Steph Pike est une féministe socialiste, co-fondatrice de la Woman’s Place UK. Voici le discours qu’elle a donné au meeting de la Woman’s Place à Londres le Mardi 27 Février 2018. Elle peut être contactée par mail spikewords@hotmail.co.uk et son twitter @spikeword, ainsi que le lien vers le site de la WPUK: https://womansplaceuk.org/voices/

Traduction : Tradfem

Version originale : https://womansplaceuk.org/lets-unite-and-take-action/

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