Nous ne devons pas rejeter les préoccupations des femmes ayant été traumatisées par de la violence masculine
Par Meghan Murphy, billet affiché sur le site Web de CBC News, le 21 juin 2017
Un spa santé de Toronto, le Body Blitz, fait présentement l’objet de virulentes attaques de la part de transactivistes sur des médias sociaux pour avoir refusé l’entrée à un homme non-opéré s’identifiant comme femme. La chroniqueuse invitée Meghan Murphy soutient que cet établissement ne devrait pas succomber aux pressions visant à faire changer sa politique d’admission.
Dans un monde idéal, peut-être les femmes n’auraient-elles pas besoin d’espaces réservés aux femmes. Malheureusement, nous ne vivons pas dans ce monde. Body Blitz, un spa populaire de Toronto, offre un espace où les femmes sont libres de se détendre parmi d’autres femmes – de se déshabiller, faire de la natation et recevoir des traitements de spa sans avoir à s’inquiéter que des hommes ne se présentent sur place et ne gâchent l’atmosphère.
Mais Body Blitz est présentement attaqué après avoir été accusé d’avoir refusé ses services à une personne s’identifiant comme transfemme. Sur Twitter, Jia Qing Wilson-Yang, de Toronto, a affiché le message suivant : « Mon épouse a essayé de réserver pour moi une session surprise au @bodyblitzspa, mais les « parties génitales masculines » ne sont pas autorisées au spa et on nous a dit de ne pas nous y rendre. »
Cette nouvelle a rapidement été propagée parmi les transactivistes d’Internet, et la direction de Body Blitz s’est tout de suite vue accusée de « transphobie » et de « transmisogynie ». Des gens ont envahi la page Facebook du spa, en y laissant des critiques et des commentaires négatifs.
La controverse autour de Body Blitz est particulièrement poignante dans la mesure où le Sénat canadien vient d’adopter le projet de loi C-16.
Bien que le spa n’ait pas de politique en ce qui a trait aux personnes trans, c’est bel et bien un « établissement réservé à un sexe » où est autorisée la nudité complète. En tant que tel, il serait équitable pour les femmes qui fréquentent ce spa de tenir pour acquis qu’elles ne seront pas confrontées à des parties génitales masculines.
Certains transactivistes soutiennent que la distinction entre les femmes et les transfemmes est sans importance — que les personnes qui s’identifient comme transfemmes sont des femmes comme toutes les autres. Mais la réalité est que les sentiments intérieurs ne changent pas les impressions données à l’extérieur. Il y a certaines femmes et filles chez qui la vue de parties génitales masculines peut créer de l’inconfort, du malaise et même une impression de menace.
Projet de loi C-16
La controverse entourant le Body Blitz est particulièrement poignante du fait que le Sénat canadien vient d’adopter le projet de loi C-16, qui modifie la Loi canadienne sur les droits de la personne et le Code criminel pour interdire toute discrimination fondée sur l’expression et l’identité de genre. (Pour ne rien cacher, j’ai moi-même témoigné contre le projet de loi C-16 devant le Sénat le 14 mai).
Il ne fait aucun doute que les personnes trans méritent d’être traitées avec respect et dignité. Mais comme l’ont fait valoir plusieurs groupes féministes et de femmes, le projet de loi C-16 risque de saper réellement les droits des femmes.
Jusqu’à récemment, les femmes n’étaient pas traitées comme des personnes en vertu de la loi ou autorisées à participer à la vie publique. Les femmes ont dû se battre pour accéder à des emplois dans les lieux de travail dominés par les hommes et se battre pour être protégées du harcèlement dans ces espaces. Et même maintenant, des femmes sont encore licenciées — ou tout simplement pas embauchées en premier lieu — en raison de leur capacité de reproduction, parce que des employeurs s’inquiètent de ce que les femmes deviennent enceintes et bénéficient de congés.
La Loi canadienne sur les droits de la personne protège les femmes parce que, en tant que société, nous comprenons que les femmes se heurtent à une discrimination fondée sur leur sexe biologique. Mais notre capacité à nous organiser au nom de la libération des femmes et à préserver des espaces réservés aux femmes est menacée par une législation qui protège les personnes en fonction de « l’identité de genre » et de « l’expression de genre ». Comment pouvons-nous plaider en faveur des droits de la femme, en nous basant sur le fait que les femmes sont opprimées spécifiquement en raison de leur sexe biologique, si nous affirmons simultanément que le sexe n’a pas d’importance, contrairement à « l’identité de genre » et « l’expression de genre » ?
Au Canada, c’est tous les six jours qu’une femme est tuée par son partenaire intime. Plus d’une femme sur trois subira une agression sexuelle à l’âge adulte. C’est pour ces raisons que les femmes devraient avoir droit à certains espaces — tels que des gymnases, des vestiaires, des maisons d’hébergement et de transition — où elles se sentent en sécurité. Nous ne devons pas rejeter les préoccupations des femmes ayant été traumatisées par de la violence masculine.

Une campagne de salissage cible présentement le spa Body Blitz.
Il est vrai que la politique de Body Blitz peut avoir des inconvénients pour quelques personnes trans (les transfemmes pré-op tenant à une nudité complète), qui devront s’adresser à un autre spa. Mais en tant que classe de personnes opprimées, les femmes dans leur ensemble méritent le droit à la préservation d’espaces pour femmes. Et pour les femmes qui ont été agressées sexuellement — celles pour qui voir un pénis peut avoir un effet déclencheur, en particulier dans ce qu’elles perçoivent comme un espace sûr — cette expérience va bien au-delà d’un simple « inconvénient ».
Compte tenu de la mesure dans laquelle la violence masculine et la peur de la violence masculine façonnent la vie des femmes, il ne devrait pas être déraisonnable de garder certains espaces libres de corps masculins — même si les personnes habitant ces corps s’identifient comme femmes.
En tant que classe de personnes opprimées, les femmes dans leur ensemble méritent le droit à la préservation d’espaces pour femmes.
Meghan Murphy est une écrivaine de Vancouver, C.-B. Son site Web est Feminist Current, www.feministcurrent.com
Source : http://www.cbc.ca/news/opinion/women-only-spa-counterpoint-1.4170158
Traduction : TRADFEM