Voici pourquoi les « sorcières » écossaises se sont défendues

Un nouveau livre fait le point sur les cinq dernières années de lutte contre l’idéologie du genre.

Les femmes écossaises se battent pour leurs droits

Julie Bindel, sur la plate-forme UNHERD, le 8 juin 2024

Les chasses aux sorcières ont longtemps tourmenté l’Écosse. Des milliers de femmes y ont été torturées et exécutées au début de l’ère moderne, pour le crime opaque de « sorcellerie ». Au cours des cinq dernières années, une campagne tout aussi insensée, même si elle est légèrement moins violente, a été menée contre les féministes qui rejettent l’idéologie du genre. Mais cette fois, les femmes se sont défendues.

La bataille du XXIe siècle a commencé en 2019, alors que l’Écosse s’apprêtait à déposer une loi autorisant les hommes à « s’identifier comme femmes ». Cette année-là, Katie Dolatowski, un pédophile transgenre mesurant 1,80 m, a été reconnu coupable d’infractions sexuelles à l’encontre de deux fillettes âgées de 10 et 12 ans dans des toilettes pour femmes à Fife. Dolatowski, né de sexe masculin mais s’identifiant comme femme, a été incarcéré dans un établissement réservé aux femmes, mettant ainsi en danger des femmes vulnérables. Malgré cela, la première ministre écossaise Nicola Sturgeon, qui se dit « féministe jusqu’au bout des ongles », est allée de l’avant en adoptant une législation sur l’autodéclaration du sexe que la plupart des Écossais-es ne comprenaient pas ou ne voulaient pas. M. Dolatowski, quant à lui, l’a félicitée d’être un « excellent premier ministre ».

A peu près au même moment, un nouveau hashtag est né : #WomenWontWheesht (LesFemmesRefusentDeS’Écraser). Il a été inventé par une mère qui craignait que, compte tenu de la législation proposée, sa fille handicapée reçoive des soins intimes de la part d’un soignant de sexe masculin. Lorsqu’elle a fait part de ses inquiétudes, elle a été accusée d’être une transphobe bourgeoise. Ses inquiétudes pour la dignité et la sécurité de sa fille ont été considérées comme ne tenant pas suffisamment compte des sensibilités d’hommes adultes. Et on l’a enjointe à « s’écraser ». En conséquence, ce hashtag est devenu un cri de guerre : le symbole de la résistance féministe au silence. Cette semaine, leur livre a été publié. The Women Who Wouldn’t Wheesht (Constable, Little & Brown) raconte l’histoire de femmes qui se sont battues pour protéger les droits sexuels des femmes: il comprend notamment les témoignages d’une députée du Parti National Écossais, d’une gouverneure de pénitencier et de l’écrivaine J.K. Rowling.

Comme l’explique ce livre, le réseau internet Mumsnet s’est avéré être un forum inattendu de mobilisation pour les femmes. En réponse à de nouvelles directives de la fédération Swim England, publiées en 2018, les Mumsnetters ont organisé des événements « Man Friday », au cours desquels elles « se sont identifiées comme hommes » et se sont présentées à des séances de natation dans certains parcs qui étaient réservées aux hommes, la poitrine dénudée et parfois même en portant de fausses moustaches.

En l’espace de deux semaines, les nouvelles directives ont été retirées. Ces manifestations s’apparentaient aux marches « La Rue, La Nuit, Femmes Sans Peur », à l’occupation du terrain Greenham Common et au Mouvement de libération des lesbiennes et des gays, marquant un retour à un vaste féminisme populaire. C’était un antidote aux nouvelles horreurs infligées aux femmes sous le prétexte de droits des transsexuels.

Cependant, ces mouvements ont souvent été entravés par des contraintes financières. Les organisations favorables à l’idéologie du genre étaient souvent financées par le gouvernement écossais, tandis que les femmes qui résistaient devaient se contenter de moyens dérisoires. Elles ont dû se résoudre à agiter des boîtes de conserve en public pour solliciter de la monnaie afin de payer leurs avocats, et des campagnes de financement participatif ont été lancées sur tous les médias sociaux. Dans la plus pure tradition de l’activisme féministe, ce travail n’était pas rémunéré.

« Les organisations favorables à l’idéologie du genre étaient souvent financées par le gouvernement écossais, tandis que les femmes qui résistaient devaient se contenter de moyens dérisoires. »

Les militantes de cette période ont été confrontées à des sévices effroyables. En 2018, la Rectrice de l’université d’Édimbourg, Ann Henderson, qui venait alors d’être nommée, a fait l’objet de plaintes sans fondement et vexatoires soutenues par le syndicat University and College Union. Dans ce nouveau livre, elle revient sur son expérience : « Les membres lesbiennes du personnel se sont senties exclues des réseaux. Les événements réservés aux femmes étaient de plus en plus difficiles – voire impossibles – à organiser, et les femmes craignaient de perdre les installations qui leur étaient réservées. »

Puis, en juin 2019, j’ai pris la parole à l’Université d’Édimbourg pour parler de la campagne féministe visant à mettre fin aux violences des hommes à l’égard des femmes. Alors que je quittais la salle, j’ai été attaquée par un transactiviste masculin de deux mètres, qui hurlait que j’étais une « cunt » (vulve) et que j’étais responsable du suicide de plusieurs personnes trans. Le lendemain, le député écologiste Andy Wightman a cédé à la pression de son parti et s’est excusé d’avoir simplement assisté à cette conférence.

Le même mois, la poétesse Jenny Lindsay s’est plainte sur Twitter d’un article paru dans une publication artistique, The Skinny, qui prônait la violence à l’encontre des militantes lesbiennes lors du défilé de la Pride. Le retour de bâton contre elle a été odieux : un ami s’est retourné contre elle et a écrit une « lettre ouverte sur la transphobie » que plus de 250 personnes ont signée. Lindsay se souvient : « J’ai ressenti comme un coup de poignard émotionnel chaque nom que j’ai reconnu parmi ces signataires. »

La campagne féministe a toutefois reçu un coup de pouce important à la fin de l’année 2019, lorsque l’écrivaine et philanthrope écossaise J.K. Rowling a publiquement exprimé son soutien à Maya Forstater, une chercheuse qui avait perdu son emploi après avoir tweeté des points de vue critiques sur le genre. Rowling se souvient : « J’avais observé en silence des filles et des femmes qui avaient tout à perdre et qui s’étaient levées face à une chasse aux sorcières des temps modernes, bravant les menaces et les intimidations, non seulement de la part d’activistes en cagoule noire tenant des pancartes promettant de les agresser et de les assassiner, mais aussi de la part d’institutions et d’employeurs leur disant qu’elles devaient accepter et épouser une idéologie à laquelle elles ne croyaient pas, et renoncer à leurs droits. »

Mais même Rowling n’a pas réussi à faire entendre raison au monde. Elle aussi s’est vue chassée des tribunes, de même que tous ses partisans.

Par exemple, après avoir exprimé son admiration pour Mme Rowling sur Twitter, l’auteure de livres pour adolescent-es Gillian Philip a elle aussi été exclue des cercles de l’édition et s’est depuis reconvertie dans le métier de chauffeur de poids lourds. Elle déclare : « Je crois beaucoup à la fiction fantastique pour les enfants, mais je ne peux aller jusqu’à leur dire que ces fictions sont une réalité – surtout quand elles menacent de les blesser physiquement. »

Ensemble, ces femmes ont contribué à la chute de Nicola Sturgeon. Au début du mois de janvier 2023, le gouvernement britannique a empêché l’adoption de son projet de réforme sur la reconnaissance du sexe, arguant qu’il avait un impact illégal sur la législation du Royaume-Uni en matière d’égalité. Quelques jours plus tard, Adam Graham (également connu sous le nom de Mme Isla Bryson) a été reconnu coupable de deux viols, qu’il avait commis avant de décider qu’il était une femme. Graham a été envoyé dans une prison pour femmes : une photo de lui portant une perruque blonde et un legging moulant – ses parties génitales masculines étant clairement visibles – a été publiée. Lors d’une entrevue catastrophique pour elle, Sturgeon a été interrogée sans relâche sur la question de savoir si Graham était un homme ou une femme. Un peu plus de deux semaines plus tard, elle a démissionné sans donner de raison.

Je ne suis pas du genre à faire la fine bouche mais je dois reconnaître que j’ai trouvé la lecture de ce livre exceptionnellement difficile à certains moments. Il m’a rappelé les dizaines de scénarios infernaux que j’ai dû endurer au cours des 20 années écoulées depuis que je me suis exprimée pour la première fois contre l’idéologie du genre. Je me suis souvenue d’agressions physiques et de menaces, de l’humiliation de me voir chassée de certaines tribunes, des trahisons de la part de femmes que je pensais être des féministes convaincues.

Mais le livre m’a également rappelé la force durable du mouvement féministe. Bien qu’elles soient confrontées au pire recul masculiniste depuis plus de 40 ans, je vois des féministes de toutes les générations s’unir pour y riposter. C’est l’histoire d’une guerre, écrite alors que les bombes explosent encore. Mais c’est aussi l’histoire de notre résistance – qui est loin d’être terminée.

Julie Bindel est journaliste d’investigation, autrice et militante féministe. Son plus récent livre s’intitule Feminism for Women : The Real Route to Liberation. Elle écrit également sur un site Substack.

Traduction: TRADFEM

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