Lettre ouverte à l’organisation Survivors’ Agenda qui prétend parler au nom des survivantes de l’exploitation sexuelle

NousContestons (#WeDissent)

Lettre ouverte à la direction de Survivors’ Agenda

Condamnation mondiale de l’appel lancé par le Survivors’ Agenda en faveur d’une dépénalisation des proxénètes et du système prostitueur

Vous êtes à la tête de militantes américaines pour la justice sociale (en plus, des femmes de couleur) qui se sont donné pour mission de veiller à ce que les travailleuses domestiques et agricoles, les victimes et survivant.e.s de violences sexuelles, de harcèlement sexuel, d’abus de la part d’un partenaire et de discrimination, aient des droits.

En septembre 2020, vous avez lancé la plateforme Survivors’ Agenda, que vous décrivez comme « un guide mû par la communauté vers la justice pour les survivant.e.s que nous méritons tous… une offrande d’amour à ceux qui ont dû surmonter des abus sexuels et d’autres formes de violences sexuelles ».

Il est donc d’autant moins compréhensible que Survivors’ Agenda appelle de ses vœux des lois qui dépénalisent le système prostitueur, l’achat d’actes sexuels, le proxénétisme, ainsi que la propriété et la gestion des maisons closes, de « salons de massage » illicites, d’agences de « tourisme sexuel » et d’innombrables autres établissements dont l’activité est le commerce du sexe. Vous appelez donc à la perpétuation et à l’expansion, et non à l’extinction, de systèmes d’exploitation et d’oppression qui détruisent des existences pour que certains puissent réaliser des profits incalculables.

Nous, les soussigné.e.s, sommes des féministes, des militant.e.s pour la justice sociale et des défenseu.r.se.s des droits humains, ainsi que des prestataires de services de première ligne qui luttent pour l’égalité et les droits des femmes et des filles, des immigrants et des populations LGBTQ+. La majorité des signataires ont elles-mêmes et eux-mêmes survécu à des violences sexuelles et au commerce du sexe, notamment à la prostitution et à la pornographie.

Survivors’ Agenda est basée aux États-Unis, mais les signataires américain.e.s ci-dessous sont rejoints par d’autres militant.e.s du monde entier, qui partagent des systèmes étatiques cautionnant l’oppression, le patriarcat, le néocolonialisme, ainsi que la discrimination basée sur le sexe et le genre. Nous savons tous que la justice et l’égalité, la paix et les droits humains demeureront hors de portée partout dans le monde tant que l’achat et la vente d’êtres humains dans le système prostitutionnel continueront à exister.

Il est déconcertant que Survivors’ Agenda ne comprenne pas que le commerce du sexe est profondément ancré dans l’histoire et les structures du racisme et du colonialisme, et qu’il porte les marques infamantes de l’esclavage, qui se sont cristallisées aux États-Unis en 1619. En se faisant les promoteurs du commerce du sexe et en invitant les hommes (pour la plupart blancs aux États-Unis) à tirer profit des corps noirs, indigènes et d’autres personnes de couleur pour l’argent et le plaisir, les membres de Survivors’ Agenda reprennent à leur compte ce sinistre patrimoine.

En dépit de preuves indiscutables, vous vous refusez à comprendre que le commerce du sexe est un phénomène planétaire qui se chiffre en milliards de dollars et dont le socle est l’exploitation, la violence et les violences sexuelles abjectes. Vous vous refusez à admettre que chaque dollar généré par le commerce du sexe provient de l’achat, par des acheteurs d’actes sexuels, d’un accès aux corps des plus démunis aux États-Unis et ailleurs, c’est-à-dire, dans une majorité écrasante, des femmes, des enfants et des jeunes de couleur transgenre.

Des survivant.e.s du système prostitutionnel aux États-Unis vous ont tendu la main de bonne foi, elles/ils ont partagé avec vous leurs expériences vécues des souffrances irréductibles, y compris des tortures, que leur ont infligé les acheteurs d’actes sexuels et ceux qui les ont exploité.e.s à cette fin. Vous les avez écartés d’un revers de la main. Vous avez aussi ignoré une lettre signée de plus de 200 leaders survivant.e.s qui vous adjuraient de revenir sur votre préjugé consistant à envisager la prostitution comme un fait inéluctable et impossible à éviter. Ces leaders vous ont demandé, en revanche, de les soutenir dans l’appel de rédiger des lois qui dépénalisent uniquement les personnes prostituées. Vous leur avez à nouveau tourné le dos et fait montre de votre indifférence pour vous ranger à la place aux côtés du système prostitueur et de la légitimation de tous les aspects de la prostitution pour les générations à venir.

Nous sommes la résistance mondiale de la base à vos tentatives grassement financées pour légitimer les violences et l’exploitation sexuelle dont sont victimes des millions de personnes parmi les plus marginalisées dans nos pays respectifs. Nous vous invitons à revenir sur votre appel en faveur de la dépénalisation du commerce du sexe, qui compromet gravement tous vos efforts pour obtenir justice pour les survivant.e.s.

Nous vous exhortons également à vous joindre à nous pour militer en faveur de l’adoption de lois qui s’inscrivent dans le contexte du Modèle d’égalité (également connu sous le nom du Modèle nordique ou Modèle abolitionniste) qui dépénalise uniquement les personnes prostituées, et qui leur offrent des parcours de sortie du système prostitutionnel, mais qui placent devant leurs responsabilités les clients de la prostitution. Nous espérons que vous accepterez cette invitation.

Tant que tel n’est pas le cas,

NousContestons (#WeDissent).

Pour cosigner cet appel, visitez le site: https://docs.google.com/forms/d/16-PD4IzFoH3gfcRkzJF39hChladAQkmSR2LfO19hihw/edit

PRIÈRE DE FAIRE CIRCULER

VERSION LONGUE DE CET APPEL

NousContestons (#WeDissent)

Lettre ouverte à la direction de Survivors’ Agenda
Condamnation mondiale de l’appel lancé par le Survivors’ Agenda en faveur de la dépénalisation des proxénètes et du système prostitueur

Vous êtes à la tête de militantes américaines pour la justice sociale (en plus, des femmes de couleur) qui se sont donné pour mission de veiller à ce que les travailleuses domestiques et agricoles, les victimes et survivant.e.s de violences sexuelles, de harcèlement sexuel, d’abus de la part d’un partenaire et de discrimination, aient des droits.

En septembre 2020, vous avez lancé la plateforme Survivors’ Agenda, que vous décrivez comme « un guide mû par la communauté vers la justice pour les survivant.e.s que nous méritons tous… une offrande d’amour à ceux qui ont dû surmonter des abus sexuels et d’autres formes de violences sexuelles ».

Vos objectifs sont louables et le travail que vous proposez d’organiser ― et en particulier, les actions de défense et de promotion visant à combattre les violences et la discrimination dont sont victimes les femmes et les filles, ainsi que les personnes transgenres/au genre non conforme ― est urgent.

Il est donc d’autant moins compréhensible que Survivors’ Agenda appelle de ses vœux des lois qui dépénalisent le système prostitueur, l’achat d’actes sexuels, le proxénétisme, ainsi que la propriété et la gestion des maisons closes, de « salons de massage » illicites, d’agences de « tourisme sexuel » et d’innombrables autres établissements dont l’activité est le commerce du sexe. Vous appelez donc à la perpétuation et à l’expansion, et non à l’extinction, de systèmes d’exploitation et d’oppression qui détruisent des existences pour que certains puissent réaliser des profits incalculables.

Nous, les soussigné.e.s, sommes des féministes, des militant.e.s pour la justice sociale et des défenseu.r.se.s des droits humains, ainsi que des prestataires de services de première ligne qui luttent pour l’égalité et les droits des femmes et des filles, des immigrants et des populations LGBTQ+. La majorité des signataires ont elles-mêmes et eux-mêmes survécu à des violences sexuelles et au commerce du sexe, notamment à la prostitution et à la pornographie.

Nous sommes des autochtones, des représentant.e.s des premières nations, des « intouchables », des métis.ses, des Européen.ne.s et des descendants d’Européen.ne.s, des Africain.ne.s et des descendant.e.s d’Africain.ne.s, des Latino-Américain.e.s et des Antillais.es, mais aussi des Asiatiques et des Océanien.ne.s des six continents. Survivors’ Agenda est basée aux États-Unis, mais les signataires américain.e.s ci-dessous sont rejoints par d’autres militant.e.s du monde entier, qui partagent des systèmes étatiques cautionnant l’oppression, le patriarcat, le néocolonialisme, ainsi que la discrimination basée sur le sexe et le genre. Nous savons tous que la justice et l’égalité, la paix et les droits humains demeureront hors de portée partout dans le monde tant que l’achat et la vente d’êtres humains dans le système prostitutionnel continueront à exister. Nous ne parvenons pas à croire qu’en dépit des conclusions de l’Organisation des Nations Unies, de leurs agences, ainsi que des gouvernements du monde entier, vous vous refusiez à admettre que le commerce du sexe est un phénomène qui se chiffre en milliards de dollars, qui se caractérise par une exploitation honteuse, et qui fonctionne comme un marché, soumis aux forces de l’offre et de la demande, où l’incitation à réaliser des profits importants est considérable.

Dans ce contexte, l’« offre » est constituée de personnes en situation de grandes vulnérabilités, pour la plupart des femmes, des filles et des jeunes transgenres/au genre non conforme, en particulier appartenant à des minorités visibles. La « demande » pour leurs corps émane d’acheteurs d’actes sexuels ― quasiment tous des hommes ― tout cela pour les profits de tout un éventail d’exploiteurs.

Le Survivors’ Agenda ne paraît pas comprendre que chaque dollar généré par le commerce du sexe provient de chaque centime que les acheteurs d’actes sexuels paient pour cet accès. Dans votre plateforme, vous plaidez en faveur d’un « changement culturel », mais vous ne semblez pas comprendre que le commerce du sexe, y compris la prostitution et la pornographie, sont autant d’exemples des pratiques culturelles préjudiciables, qui sont ancrées dans la misogynie, le patriarcat, le colonialisme, l’esclavage et le militarisme.

Votre emploi de l’expression « travail sexuel » (« sex work »), qui est un euphémisme pour désigner la prostitution, montre que vous ne comprenez pas qu’elle a été forgée aux États-Unis au cours des années 80 par des personnes qui avaient part au commerce du sexe. Ils ont popularisé avec succès les maux liés au système prostitutionnel, et ont créé des mythes dangereux sur le commerce du sexe avec l’aide des médias, d’Hollywood et de soutiens financiers.

Vous affirmez condamner la « traite d’êtres humains à des fins d’exploitation sexuelle », sans comprendre néanmoins que le commerce du sexe est le lieu où se produit cette traite. Tous deux sont liés, inextricablement et inexorablement. La traite d’êtres humains n’est que le vecteur dont usent des exploiteurs pour acheminer leurs victimes jusqu’à leur destination finale, où elles sont vouées à la prostitution et à l’exploitation sexuelle.

Vous affirmez avoir écouté la voix de survivant.e.s « adulte[s] » exerçant un « travail sexuel consensuel » sans pourtant définir le mot « consensuel ». Si un pourcentage infinitésimal des personnes qui se livrent à la prostitution peuvent affirmer qu’elles ont fait ce choix alors qu’elles étaient adultes et sans implication, de quelque nature que ce soit, d’exploiteurs tiers, en ligne ou hors ligne, tel n’est pas le cas de l’écrasante majorité de celles-ci. La quasi-totalité des femmes prostituées sont sous le contrôle d’un trafiquant, proxénète ou autre exploiteur et le consentement ne saurait en aucun cas, conformément aux principes des droits humains, un moyen de défense dans les situations d’exploitation sexuelle.

Vous ne vous contentez pas d’approuver la dépénalisation du commerce du sexe, vous encouragez également sa réglementation, puisque, dans l’hypothèse où la loi que vous proposez serait adoptée, tout établissement de commerce sexuel devrait demander son immatriculation aux autorités publiques, ainsi que requis de toute entreprise légale, ce qui entraînerait sa conformité aux règles administratives. Dans l’hypothèse où cette calamité surviendrait, des maisons closes réglementées apparaîtraient partout, et notamment dans les quartiers les plus défavorisés où les personnes les plus vulnérables deviendraient les proies idéales d’un système prostitueur approuvé par les pouvoirs publics.

Vous affirmez avoir organisé « des réunions publiques à l’échelon national…et des ateliers pour mettre l’accent sur certaines populations et questions pertinentes pour notre public », mais vous avez exclu à dessein les survivant.e.s du système prostitutionnel.

Vous avez écarté d’un revers de la main une lettre adressée à Survivors’ Agenda signée de 200 leaders survivant.e.s aux États-Unis contenant le récit d’une déshumanisation incessante, et souvent de tortures, qu’aucune loi ne saurait atténuer. Parlant à vos instances dirigeantes, elles/ils ont évoqué les violences, le harcèlement sexuel, le viol, la dégradation et les tortures qui leur sont infligés par les acheteurs de sexe, les proxénètes, les trafiquants, les forces de l’ordre, et les acteurs étatiques et non étatiques.

Quoique les signataires aient été prostituées à l’âge adulte, elles vous ont expliqué que la plupart d’entre elles avaient été vendues dans la prostitution lorsqu’elles étaient enfants. Votre plateforme fustige « la traite d’enfants aux fins d’exploitation sexuelle », mais vous ne comprenez pas comment le système prostitutionnel fonctionne. En vertu des lois nationales et internationales, toute personne de moins de 18 ans impliquée dans ce système est réputée victime de la traite, un statut légal qui ne s’évapore pas lorsqu’un.e adolescent.e de 17 ans devient majeur-e. En outre, les acheteurs d’actes sexuels se soucient peu de savoir s’ils violent une adolescente ou une jeune adulte de 20 ans. Nos sœurs autochtones et des premières nations n’ont toujours pas de mot dans leur langue maternelle pour désigner la notion de prostitution qui n’existe pas chez elles. La prostitution n’a jamais rien eu d’inéluctable ; elle a été inventée comme outil d’oppression et de domination masculine sur les corps des femmes, et elle est arrivée sur les rivages du supposé Nouveau monde en 1492.

Il est déconcertant que Survivors’ Agenda ne comprenne pas que le commerce du sexe est profondément ancré dans l’histoire et les structures du racisme et du colonialisme, et qu’il porte les marques infamantes de l’esclavage, qui se sont cristallisées aux États-Unis en 1619. En se faisant les promoteurs du commerce du sexe et en invitant les hommes (pour la plupart blancs aux États-Unis) à tirer profit des corps noirs, indigènes et d’autres personnes de couleur pour l’argent et le plaisir, les membres de Survivors’ Agenda reprennent à leur compte ce sinistre patrimoine.

Vous parlez de mettre un terme à l’abus de pouvoir, à la culture du viol et aux violences patriarcales, mais vous les faites vôtres lorsqu’il s’agit de vente à l’enchérisseur le mieux disant. Vous vous faites entendre au sein du mouvement #MeToo, mais vous ne voyez pas que le harcèlement sexuel, les stéréotypes négatifs et les violences sexuelles s’ancrent dans la prostitution.

Des survivant.e.s du commerce du sexe vous ont raconté l’expérience qui était la leur des violences sexuelles subies au cours de leur enfance, de la pauvreté, du placement en famille d’accueil, des migrations forcées, de l’inceste, des dysfonctionnements familiaux et d’autres facteurs de vulnérabilité qui conduisent à l’exploitation sexuelle. Ces personnes s’appellent des survivant.e.s car tant de leurs ami.e.s qu’elles/ils ont connu.es sur les trottoirs, dans les clubs de striptease et dans les maisons closes se sont éteint.e.s, tué.e.s par des clients ou par leurs proxénètes, ou du fait de la prostitution elle-même. Et pourtant, vous leur avez tourné le dos avec indifférence pour vous ranger aux côtés des magnats du commerce du sexe et pour appeler nos gouvernements à légitimer la prostitution pour les générations à venir.

Nous sommes la résistance mondiale de la base à vos tentatives grassement financées pour légitimer les violences et l’exploitation sexuelle dont sont victimes des millions de personnes parmi les plus marginalisées dans nos pays respectifs. Nous vous invitons à revenir sur votre appel en faveur de la dépénalisation du commerce du sexe, qui compromet gravement tous vos efforts pour obtenir justice pour les survivant.e.s.

Nous tirons cependant un peu de réconfort du fait que vous confirmiez que le programme de Survivors’ Agenda « est un travail inachevé… ». Nous vous exhortons également à vous joindre à nous pour militer en faveur de l’adoption de lois qui s’inscrivent dans le contexte du Modèle d’égalité (également connu sous le nom du Modèle nordique ou Modèle abolitionniste) qui dépénalise uniquement les personnes prostituées, et qui leur offrent des parcours de sortie du système prostitutionnel, mais qui placent devant leurs responsabilités les clients de la prostitution. Nous espérons que vous accepterez cette invitation.

Tant que tel n’est pas le cas, #NousContestons (#WeDissent).

Pour cosigner ce texte avec déjà plus d’un millier d’opposant-e-s à la décriminalisation du proxénétisme: https://docs.google.com/forms/d/16-PD4IzFoH3gfcRkzJF39hChladAQkmSR2LfO19hihw/edit

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