La prostitution, la traite des personnes et la pandémie de COVID-19

Date : printemps 2020

par Melissa Farley1, de l’organisme Prostitution Research & Education, dans LOGOS  (printemps 2020)  

La pandémie de COVID-19 a eu des répercussions immédiates et graves sur les femmes travaillant dans l’industrie du sexe – femmes que l’on compte déjà parmi les femmes plus vulnérables de la planète. En raison des quarantaines, de la distanciation sociale, de la négligence des gouvernements à l’égard des pauvres, du racisme systémique dans tous les pans de la vie (y compris les soins de santé), de l’incapacité à protéger les enfants contre les agressions, et de la prédation des acheteurs de sexe et des proxénètes; la pandémie de coronavirus menace la capacité de survie de femmes déjà marginalisées. Même avant la pandémie, les acheteurs de sexe et les proxénètes infligeaient plus de violences sexuelles aux femmes au sein du commerce du sexe que dans tout autre groupe de femmes ayant été étudié par des chercheuses (Hunter, 1994 ; Farley, 2017). Plus la pauvreté est grande, plus forte est la probabilité d’une exploitation violente dans le commerce du sexe, comme l’a signalé il y a 26 ans la chercheuse néerlandaise Ine Vanwesenbeeck (1994). Cet article examinera l’impact qu’a la COVID-19 en augmentant les préjudices résultant de la pauvreté et de l’exploitation violente de la prostitution, une institution oppressive construite sur des bases de sexisme et de racisme.

Les femmes qui travaillent dans le commerce du sexe sont en difficulté pour de nombreuses raisons, notamment le manque de nourriture, d’abri et de soins de santé, autant de facteurs qui augmentent leur risque de contracter la COVID-19. Comprendre les risques que courent par les personnes en situations de prostitution exige de comprendre l’anxiété liée au manque d’accès à de quoi manger et à un logis. C’est en sachant qu’elles risquaient leur vie que de nombreuses femmes se sont prostituées pendant la pandémie. « La pauvreté nous tuera avant le coronavirus », a déclaré une Indienne qui se prostitue (Dutt, 2020). Une femme vivant aux États-Unis a expliqué : « Vous pouvez survivre au virus, mais vous ne survivrez pas si vous ne mangez pas pendant deux mois. Si vous demandez à n’importe quelle personne rationnelle si elle préfère contracter le virus, ou ne pas manger, elle vous répondra sans aucun doute. » (Gentile, 2020). La pandémie révèle l’exploitation et la violence présentes dans toutes les formes de prostitution, y compris la prostitution des sugar daddy/sugar baby, la prostitution via téléphone portable et escorting, la prostitution dans les salons de massage, la prostitution de rue et la prostitution par webcam (Moran & Farley, 2018 ; Farley, 2016). Un groupe de San Francisco qui promeut la prostitution comme un travail légitime a tout de même admis que « les personnes qui font du travail sexuel de rue ne peuvent pas nécessairement arrêter de le faire, pour des raisons de survie » (Naftulin, 2020). Mais ce commentaire occulte le chevauchement entre toutes les branches du commerce du sexe, que ce soit la rue, le téléphone portable/escorting, le massage, le club de strip-tease, la webcam/le porno.  Les femmes ne restent pas dans un endroit, elles se déplacent d’un lieu physique et en ligne à un autre, allant là où se trouvent les acheteurs de sexe ou celui où les proxénètes les envoient (conférences électroniques grand public, événements sportifs, bases militaires, de l’escorting à la rue et rebelote).

« La prostitution est un microcosme de toutes les formes imaginables de violence patriarcale exercées sur le corps d’une femme. Elle combine la déshumanisation avec l’inégalité économique, l’exploitation reproductive avec les propos haineux, la violence sexuelle avec la discrimination raciale. Dans la prostitution, tout cela est fait à une femme tandis que son droit à la liberté de parole et d’expression lui est enlevé.  La prostitution est une victimisation multiple et croisée qui produit certains des traumatismes mentaux les plus extrêmes que les femmes ne sont même pas autorisées à nommer, ou à chercher de l’aide pour y remédier, parce que la société préfère la considérer [la prostitution] comme étant « le choix des femmes ». En cela, il y a une différence avec de nombreuses autres formes de violence ou de discrimination – violence domestique, viol ou racisme – qui ont été reconnues, du moins sur papier, comme des actes illégaux.

Dans les pays qui n’ont pas institué le modèle nordique2 et où l’achat masculin d’accès sexuel des femmes n’est pas considéré comme socialement inacceptable et légalement un crime, la pandémie de coronavirus pour les femmes dans la prostitution signifie que toutes les violences susmentionnées seront mises de côté dans toutes les mesures étatiques en appui à tout groupe discriminé, comme les victimes de violence masculine. Et cela signifie que les femmes en prostitution continueront non seulement à souffrir des conséquences de l’industrie du sexe, mais aussi qu’elles ne bénéficieront d’aucune disposition pour les protéger de la COVID-19 en tant que groupe particulièrement vulnérable. L’absence de protection peut prendre différentes formes – il pourra s’agir d’expulser les femmes des appartements où elles sont prostituées par les proxénètes, de les priver de leur statut juridique ou de leur refuser l’accès aux prestations sociales – dans tous ces scénarios, la logique sous-jacente est que les femmes sont les agentes de leur propre exploitation et qu’elles ne devraient donc pas avoir droit à une protection. En contrepartie, dans les États qui adhèrent au modèle nordique, les femmes sont autorisées à réclamer et à recevoir une protection en tant que groupe victimisé. Dans cette formule du modèle nordique, les ONG qui offrent une assistance aux femmes de l’industrie du sexe peuvent tenir les États pour responsables du soutien – plutôt que de l’abandon – des femmes en situation de prostitution. Cela signifie que les femmes se voient offrir un véritable choix pour échapper à la prostitution,  plutôt qu’un choix entre se retrouver sans abri ou contracter la COVID-19 auprès de leurs acheteurs de sexe. »

– Anna Zobnina, Réseau européen des femmes migrantes, 3 avril 2020

Des êtres humains jetables

Certaines personnes sont considérées comme moins humaines que d’autres. Elles ont longtemps été traitées comme si elles étaient jetables, par exemple, les Afro-Américain˴e˴s du Michigan dont l’approvisionnement en eau a été sciemment empoisonné alors que les citoyens affluents blancs des villes buvaient de l’eau en bouteille ; pensons aussi aux Yakamas de l’État de Washington dont l’eau et la nourriture ont été contaminées en connaissance de cause parce qu’ils et elles vivaient sous le vent d’une centrale nucléaire, et aux Portoricains qui n’ont pas reçu d’aide fédérale dans le sillage dévastateur de l’ouragan de 2017.  Pendant la pandémie de la COVID-19, les politiciens d’extrême droite et leurs alliés médiatiques3 aux États-Unis ont laissé entendre que la mort de certaines personnes devrait être tolérée ou autorisée, que certaines personnes âgées ne devraient pas être traitées, et que certains enfants allaient « inévitablement » mourir.

En Afrique, en Asie du Sud et dans certaines régions d’Amérique latine et des Caraïbes, des milliards de femmes n’ont qu’un travail irrégulier et vivent en marge sans aucun filet de sécurité sociale (Tharoor, 2020). Ces femmes courent un risque élevé de contracter le coronavirus et de chuter dans la prostitution. Une survivante sud-africaine de la prostitution a expliqué que personne n’accepterait volontiers de « prendre un travail où leur vie est garantie d’être à risque » (Naik, 2020). Les femmes pauvres d’Écosse et d’Allemagne n’ont pas la possibilité de rester en quarantaine chez elles (McEwen, 2020; Nasir, 2020). Certaines femmes peuvent être obligées de « choisir » entre l’exposition à la COVID-19 et la famine pour leur famille. Les pratiques qu’on  leur prescrit pour éviter la transmission du virus sont impossibles. Une femme de Mubi a déclaré : « Se laver souvent les mains?,  Je dois parfois me priver du bain pour économiser de l’eau pour cuisiner. » (Tonga, 2020)4. Les femmes thaïlandaises captives de l’industrie du sexe craignaient pour leur propre approvisionnement alimentaire et celui de leurs familles car les touristes/acheteurs de sexe se faisaient rares pendant la pandémie (ASP, 2020). Prenant des risques cauchemardesques afin de nourrir leur famille, les femmes prostituées du Cameroun ont cherché des acheteurs de sexe dans des hôtels qui servaient à isoler les hommes européens qui signalaient des symptômes de coronavirus. Et leurs proxénètes se sont approprié une grande part des revenus de survie de ces femmes (Nid, 2020 ; Larno, 2020).

Pour certaines femmes qui sont dans le commerce du sexe, la COVID-19 est moins dangereux que la violence de la prostitution. Une femme qui se prostitue en Floride a expliqué qu’elle est « toujours inquiète des violeurs et des tueurs en série », mais qu’elle n’était « pas aussi inquiète d’être exposée au virus » (Avanie, 2020). « Chaque fois qu’il y a ce type de panique », a déclaré une prostituée, « les clients [les acheteurs de sexe] y voient un changement du rapport de pouvoir. » Pour les femmes qui n’ont pas de solution de rechange, « certains clients essaient d’en profiter. Ils vont faire pression pour des prix plus bas, pour éviter tout dépistage, pour des pratiques de travail dangereuses – que ce soit refuser le préservatif ou coucher avec quelqu’un que vous ne connaissez pas, ou le rencontrer dans un endroit dangereux, ou être forcée de repousser vos propres limites de ce que vous êtes prête à faire », a-t-elle expliqué. » Parce qu’ils savent que les travailleuses sont vraiment désespérées pour obtenir de l’argent. » (Tadman, 2020). Amplifiant leur abus des femmes, les acheteurs de sexe exploitent la pandémie de coronavirus.

Des acheteurs de sexe discutent en ligne de la pandémie de COVID-19

Quand des acheteurs de sexe discutent sur Internet du commerce du sexe, leur exploitation des femmes à l’occasion de la pandémie est explicite. Leurs messages sur les forums en ligne montrent exactement comment ils déshumanisent les femmes de l’industrie du sexe. Les forums allemands d’acheteurs de sexe ont été examinés en avril 2020 par la sociologue Manuela Schon5.

Acheteur allemand de sexe légal n°1 : « Aujourd’hui, j’ai été me promener et bien sûr j’ai poursuivi notre hobby… A tous ceux qui vont maintenant être scandalisés : Oui, je suis conscient de la situation actuelle et je ne me plaindrai pas s’il n’y aura pas de lit en soins intensifs ou de respirateur pour moi, tout comme je ne me plaindrai pas si un jour j’attrape le virus VIH. » Il est prêt à risquer sa vie pour exploiter une femme dans la prostitution – mai dans les calculs de risque de cet homme, il ne tient pas compte du risque que court celle-ci. Certains des hommes qui acheteurs de services sexuels sont excités sexuellement par le danger d’un contact intime pendant la pandémie de coronavirus (voir Boruff, 2020).

Acheteur allemand de sexe légal n°2 : « J’ai peur que les bordels ne rouvrent pas avant l’année prochaine… il y aura plus d’agressions sexuelles contre les femmes, car beaucoup de gars ne peuvent pas se débarrasser de leur pression.  Beaucoup de choses vont changer. Peut-être qu’il y aura beaucoup de viande fraîche. » La rationalisation de la prostitution par certains hommes est la suivante : si je ne peux pas violer une femme qui m’est disponible  parce qu’elle a besoin de mon argent pour survivre, alors je violerai les « gentilles femmes » qui sont dehors.  Alors donnez-moi ce que je veux ou j’aurai une furieuse crise de viol (rapetantrum). Bien sûr, la prostitution n’empêche pas le viol. Mais même des femmes en prostitution ont intériorisé ce mythe. Une femme qui fait de l’escorting à Seattle a fait remarquer que pendant la pandémie de coronavirus, « lorsque le stress complique les choses, nous pouvons servir d’exutoire à beaucoup de gens » (D’Adamo, 13 mars 2020).

Acheteur allemand de sexe légal n°3 : « Je continue de baiser les putes sans préservatif. OA peut lécher le caviar de mon cul ». Cet homme déteste les femmes.

Acheteur allemand de sexe légal n°4 : « Comment baiser de manière catholique [sans préservatif] en temps de corona ? On pourrait la prendre en levrette, en espérant que le virus n’entre pas par le gland. Il s’agirait d’un virus respiratoire, qui ne serait absorbé que par la bouche, les yeux et le nez. » Il veut ce qu’il veut et au diable la santé de la femme, sa propre santé et celle de sa communauté et de sa famille.  Il se ment à lui-même à propos des risques.

Acheteur allemand de sexe légal n°5 : « Anita vaut beaucoup en temps de crise (ce qui veut dire maintenant). Elle ne fait que des rencontres en plein air. Pas sans préservatif, c’est à regret. Mais elle offre un service oral assez bon sans préservatif avec éjaculation dans la bouche ou sur les tétons. Que puis-je dire ? Nécessité fait loi, tu sais. « 

Pour cet homme, la valeur des femmes est basée sur à quel point il les perçoit comme baisables. Il s’apitoie sur son sort parce qu’il n’arrive pas à lui faire faire *exactement* ce qu’il veut qu’elle fasse. 

Acheteur allemand de sexe légal no 6 : « En ce moment, elles sont toutes effrayées. Habituellement, ici dans la région de Brême, vous devez payer 200€ pour commander quelqu’une chez vous. Je n’ai payé que 130 €. Les putes ont besoin d’argent, donc elles le font pour moins d’argent afin d’avoir des clients ».  Il a dû se dire : J’ai économisé de l’argent en négociant avec une femme qui avait peur et faim. Quel plaisir !

Acheteur allemand de sexe légal n°7 : « J’ai trouvé une bonne solution [à la fermeture des bordels légaux allemands], je baise maintenant ma secrétaire. J’en ai toujours eu envie, mais maintenant c’est arrivé à cause de la crise du coronavirus. Je suis très satisfait d’elle ».

Pour cet homme,  toutes les femmes sont des putains.

Acheteur allemand de sexe légal n°8 : « Les clubs et les bordels ne rouvriront pas de sitôt… nous avions peur du modèle nordique… maintenant nous avons le modèle COVID…. zéro prostitution. » La loi nordique sur la prostitution entrave les acheteurs de sexe et les proxénètes, mais décriminalise la femme qui se prostitue et lui offre des possibilités de sortie. Cet acheteur de sexe se plaint que le COVID-19 l’empêche d’acheter du sexe encore plus que ne le fait la loi du modèle nordique.

Les forums américains où communiquent les acheteurs de sexe ont été examinés en avril 2020 par la chercheuse Megan Lundstrom6.

Acheteur de sexe américain n°1 : « Certaines de ces grosses vieilles grand-mères vont vite réaliser ce que valent vraiment leurs vieilles chattes….rien!!!! La moitié de la population en a et la plupart savent comment écarter les jambes ou sucer une bite pendant 30 minutes… alors bonne chance avec toutes ces conneries à 300$ de l’heure que nous avons supportées ces derniers temps… faites-moi savoir quand votre loyer est dû et nous aurons une discussion sur votre « tarif » préconçu. » À part pour l’usage sexuel qu’il en fait, les femmes ne valent rien pour cet homme. Il aime les avilir.

Acheteur de sexe américain n°2 : « J’irai toujours dans les restaurants, conduire pour Uber, peut-être aller à des événements sportifs, etc. Je continuerai à m’adonner à mon hobby [acheter des actes sexuels] comme avant. Aucun changement à ce niveau ». Et un autre homme : « Je me conformerai à la demande la plus raisonnable pour être en sécurité.  Mais un masque signifie qu’il n’y aura pas de sexe oral et ce serait un peu trop pour moi. Pendant la crise du sida, j’ai vu une prestataire insister pour que j’utilise deux préservatifs.  Je n’avais pas de problème avec un seul, mais deux, c’était trop et je ne l’ai plus jamais rappelée ». Les acheteurs de sexe exigent l’accès sexuel aux femmes pendant les crises sanitaires. Le deuxième homme ne comprend pas pourquoi une femme en prostitution utiliserait plusieurs préservatifs. Des femmes ont dit que les préservatifs sont des barrières entre leur corps et l’agression intrusive que les hommes leur infligent. Pour elle, plus il y a de barrières, mieux c’est.

Acheteur de sexe américain n°3: « Les prestataires qui voient des clients en ce moment CHOISISSENT d’adopter un comportement à haut risque avec des conséquences potentiellement mortelles.  Les raisons de ce choix sont sans importance, le résultat est le même.  C’est toujours un choix… De plus, je suis un peu ennuyé d’être constamment bombardé du discours « les pauvres prostituées sont désespérées, elles ont perdu tous leurs revenus ».  Il y a des emplois là-dehors auxquels vous pouvez postuler dès maintenant ». C’est un blâme de victime de premier ordre.  Il comprend qu’elle est dans le commerce du sexe à un moment où il peut avoir des conséquences fatales pour elle. On constate un déni délibéré de sa pauvreté, de son proxénète, ou d’autres facteurs qui l’ont contrainte à la prostitution.

Acheteur de sexe américain n°4: « Elles ne verront pas un sou de MON argent.  Je suis un fervent adepte de la GFE (girlfriend experience – simulation d’un rapport affectif réel).  Si nos langues ne se touchent pas, alors je me tire. »  Et un autre homme : « Il est temps de vous réveiller, mesdames. Au cours des dix dernières années, le prix du temps passé avec une dame a plus que doublé: dommage que la plupart des dames n’aient aucune idée de la façon dont une petite amie traite un homme » ; et un autre : « Et que se passe-t-il si ledit homme avait une crise familiale. Deux enfants ont perdu leurs bourses et ont besoin d’une aide financière pour poursuivre leurs études de médecine. Un autre membre de la famille est hospitalisé pour un cancer ; l’homme continue-t-il à verser 3 000 dollars par mois à son bébé en sucre (sugar baby)? Dans cette période difficile, lui apporte-t-elle du réconfort et des solutions à ces problèmes familiaux, ou va-t-elle se contenter de faire ce qu’elle fait, c’est-à-dire acheter des vêtements et s’occuper de ses affaires dans son appartement hors-de-prix , tout en baisant d’autres types ». Ces hommes attendent une performance convaincante d’une relation intime par une femme qu’ils paient, pour une « expérience de petite amie ».  Ils ne comprennent pas le stress émotionnel généré par une telle performance, ni le stress financier qu’elle subit pendant une pandémie. L’acheteur de sexe GFE exige qu’elle le trompe en lui faisant croire qu’il s’agit d’une « vraie relation », mais c’est en fait une relation feinte, qu’il conçoit et contrôle. Tout ce qu’elle amène à la relation est une simulation, excepté son besoin d’argent.

Les forums d’acheteurs de sexe de Nouvelle-Zélande ont été examinés en avril 2020 par Ally-Marie Diamond 7 et Angie Henderson8.

Acheteur de sexe n°1 en Nouvelle-Zélande: « Disons juste qu’en ce moment, ils retracent toutes les sources d’infection. Cela pourrait être très délicat pour moi, et pour beaucoup d’autres je crois, si je devais révéler toutes celles avec qui j’ai été en contact étroit dans un délai donné… » En raison du confinement en Nouvelle-Zélande, et parce que les acheteurs de sexe pouvaient être suivis grâce au retracement des contacts pendant la pandémie, certains hommes sont obsédés par la possibilité que la police les localise.

Acheteur de sexe n°2 en Nouvelle-Zélande: Un acheteur de sexe néo-zélandais a énuméré les mesures de protection contre la COVID-19 pour les clients : « se laver les mains, porter un masque et placer l’argent sur une table, disposé en éventail, pour qu’il puisse être facilement compté sans y toucher ».  Un autre Néo-Zélandais a cité les pratiques du commerce du sexe en Australie, où la prostitution est également légale : »En Australie, certaines travailleuses du sexe prennent encore des réservations avec la seule condition que vous n’ayez pas de rhume ou de toux.  Des « précautions » inefficaces contre la COVID-19 ont été vantées par des acheteurs de services sexuels dans tous les endroits.

Acheteur de sexe n°3 en Nouvelle-Zélande : « Les filles, retournez au travail … Vous avez une clientèle qui a besoin de se décharger de son stress … C’est essentiel pour arrêter la propagation des dépressions. Des chagrins d’amour dus au stress … même des problèmes psychologiques, sauver des mariages. » Ignorant les risques pour la santé des femmes qu’il cherche à acheter, le narcissisme de ces acheteurs de sexe est monnaie courante.

Acheteur de sexe n°4 en Nouvelle-Zélande : Un acheteur de sexe a laissé entendre que le viol d’un mouton serait un moyen de survivre à la pandémie. « Pour les mecs, nous pouvons inventer une foule de moyens de se soulager, du porno à d’autres moyens (j’écris ceci en regardant un mouton marcher sur le paddock d’à côté) ».

Acheteur de sexe n°5 en Nouvelle-Zélande : Excédée par les nombreux appels qu’elle recevait d’hommes qui voulaient avoir des rapports sexuels en personne, une femme qui annonçait de la prostitution par webcam a rapporté l’échange suivant pendant la quarantaine de COVID-19 en Nouvelle-Zélande (Conner, 2020) :

SB : Est-ce que vous acceptez les rencontres pour des rapports sexuels en ce moment ?

Une femme : Seulement avec des personnes qui ont déjà le virus, et vous ?

SB : Je n’ai pas le virus mais je veux avoir des relations sexuelles

Une femme : Si je vous accorde une réduction, que pensez-vous des deux ?

SB : Avez-vous le virus ?

Femme : Avez-vous de l’argent liquide ?

SB : Oui, j’en ai.

Une femme : Parfait, je peux probablement trouver le virus pour vous alors

SB : WTF !

Racisme, prostitution et pandémie de COVID-19

La prostitution cause des préjudices exceptionnels aux femmes de couleur et aux femmes anciennement colonisées dans le commerce du sexe (Nelson, 1993; Carter & Gobbe, 1999; Der, 2010; Butler, 2015). Le racisme est un facteur qui pousse de nombreuses femmes à la prostitution, faute de solutions de rechange. Les proxénètes et les clients sont particulièrement vicieux envers les femmes de couleur. Il y a moins de possibilités de sortie et d’évasion pour les femmes de couleur, qui écopent souvent de mesures de soutien et de traitement inférieurs aux normes ou culturellement inappropriés.   Pendant de nombreuses années, les pornographes ont érotisé le racisme et monétisé l’esclavage dans la prostitution filmée. Les préjudices subis par toutes les femmes dans la prostitution sont amplifiés en fonction de leur race/ethnicité et de leur pauvreté.

Les femmes de couleur sont surreprésentées dans la prostitution et elles sont également surreprésentées parmi les victimes de la COVID-19 aux États-Unis (Lindsey, 2020), le racisme du milieu contribuant à leur victimisation (Cabrera, 2020). On constate le plus grand nombre de décès dus au COVID-19 chez les groupes ethniques ayant le plus souffert historiquement davantage de maladies chroniques et ayant eu le moins accès à des soins de santé (Durkin, 2020 ; Johnson et Bufo rd, 2020, Horton, 2017). En avril 2020, les Afro-Américainˑeˑs ont représenté environ 81 % des décès dus à la COVID-19 dans le comté de Milwaukee, dont la population ne compte que 26 % d’Afro-Américainˑeˑs. A New York, les Latino-américainˑeˑs souffraient des mêmes taux élevés de morbidité et de mortalité liés à la COVID-19 que les Afro-Américainˑeˑs de Milwaukee. Début avril, les New-Yorkaisˑeˑs noirˑeˑs et latinas mouraient du coronavirus à un taux deux fois plus élevé que celui des blancˑheˑs (Mays & Newman, 2020)9.

En avril 2020, 31 % de tous les cas de COVID-19 au Nouveau-Mexique étaient des autochtones, alors qu’elles et ils ne représentent que 10,6 % de la population de l’État (Childress, 2020). Le peuple Zuni a de nouveau exprimé son inquiétude quant à l’extinction de leur nation (Agoyo, 2020 ; Chisolm, 2020). Les indigènes du Brésil sont particulièrement vulnérables aux infections respiratoires (Fellet, 2020).

Le racisme à l’endroit des Asiatiques s’est accru pendant la pandémie de coronavirus, les politiciens et les acheteurs de sexe accusant à qui-mieux-mieux les « Chinois » d’être responsables de la COVID-19. Cette récente flambée de comportements racistes se confond avec le racisme bien documenté des acheteurs de sexe, qui stéréotypent les femmes asiatiques comme étant soumises, exotiques ou nouvellement immigrées, c’est-à-dire plus vulnérables, une qualité recherchée par les acheteurs de sexe (Asian Women Coalition Ending Prostitution, 2020 ; Bindel, 2017). La plate-forme Pornhub, qui distribue de la pornographie raciste élaborée, a rapidement mis sur le marché des productions racistes anti-asiatiques pendant la pandémie de COVID-19. La pornographie raciste se vend bien; en mars 2020, il y a eu au moins 115 téléchargements de vidéos racistes concernant  la COVID-19 sur Pornhub uniquement. La pornographie sur le coronavirus affichée sur Pornhub a fusionné la xénophobie à l’égard des Asiatiques « infectées » ou « étrangères » avec la fétichisation des femmes asiatiques comme étant dociles et hypersexuelles (Lopez, 2020).

Les hommes d’affaires de l’industrie du sexe exploitent la pandémie à des fins financières

Le marketing des proxénètes s’est avéré efficace durant la pandémie de coronavirus. Se présentant comme de bons gars qui « aidaient les femmes à augmenter leurs revenus », les proxénètes des clubs de strip-tease d’Atlanta ont transféré les femmes en ligne où elles ont vendu des lap-dances Instagram à 20 dollars (BET, 2020).  Certains proxénètes du porno se sont proposés comme « banquiers centraux » pour les femmes. « En agissant comme une banque centrale, nous pouvons augmenter la masse monétaire et aider la nouvelle vague de prestataires à survivre à la crise », a déclaré un pornographe londonien (Shehadi & Partington, 2020). Lorsque les lieux légaux de prostitution (salons de massage, clubs de strip-tease, bars) étaient fermés pour cause de quarantaine, les proxénètes maintenaient la circulation de l’argent en changeant d’endroits. Lorsque son club de strip-tease de Portland a été fermé à cause de la COVID-19, le proxénète du club a fait passer ses femmes à des emplois de livreuses d’aliments à seins nus. Un club de strip-tease de Las Vegas a vendu des spectacles de strip-tease en vitrine aux automobilistes pendant la pandémie (Campamour, 2020). La distribution de masques par Pornhub aux hôpitaux pendant la pandémie est le genre de manœuvre à laquelle s’est livré  le célèbre proxénète du Nevada, Dennis Hof, qui distribuait des dindes à l’occasion de la Fête de l’Action de Grâces (Kaye, 2020). Le but est de paraître humanitaire : je suis un gentil mac, juste un gars altruiste qui essaie simplement d’aider les filles. Regardez les dindes, regardez tous ces masques ! Ne regardez pas dans les yeux des femmes !

Les proxénètes sont flexibles dans leurs communications. Par le passé, les promoteurs de l’industrie du sexe on claironné l’éclate et les revenus élevés mythiques qui peuvent accompagner le « travail du sexe ». Face à la pandémie de COVID-19, les syndicats du travail du sexe et de proxénètes ont mis l’accent sur des messages liés à la survie économique des prostituées. On a même vu certains de ces groupes pro-industrie du sexe reconnaître le danger de la prostitution et l’extrême vulnérabilité des femmes dans ce commerce (Agence France-Presse, 2020). « Sans sécurité financière ni aucun filet de sécurité, les travailleuses du sexe sont parmi les plus durement touchées par la COVID-19 », ont fait remarquer les syndicats britanniques du sexe (Wilson, 2020). En plus de chercher de l’argent pour une aide d’urgence, les promoteurs du commerce du sexe ont simultanément cherché du soutien pour les syndicats promouvant la dépénalisation du proxénétisme et de l’achat de services sexuels (SWOPLA, 2020)9. Cette même manœuvre a été observée en avril 2020 en Argentine, où Alika Kinan a signalé que les lobbyistes du commerce du sexe recevaient des fonds d’urgence destinés aux femmes prostituées ; mais ô surprise !, ces fonds ont été détournés et ne sont jamais parvenus aux femmes.11 Le détournement de fonds d’urgence pour promouvoir la prostitution comme « travail » pour les femmes pauvres n’est pas une nouvelle tactique; cela s’est aussi fait pendant l’épidémie de VIH (Farley, 2004).  Cette tactique est utilisée de manière experte par Trump, ainsi que par les proxénètes du commerce du sexe. Trump promet de soutenir les « travailleurs » et ne tient pas ses promesses, mais verse des millions de dollars dans les coffres de ses riches sociétés commanditaires.

Les proxénètes et les syndicats de travailleurˑeuseˑs du sexe ont fait une promotion intense de la prostitution/pornographie en ligne et du webcamming pendant la pandémie de COVID-19.

Les proxénètes ont profité de la pandémie de COVID-19.  Depuis la fermeture (alléguée) des entreprises de sexe en intérieur comme les clubs de strip-tease, les salons de massage et la prostitution en hôtel, par téléphone ou sur appel, la prostitution en ligne a augmenté12. La prostitution en ligne comprend la pornographie téléchargée soit via un site web privé, soit via un site de proxénète/distributeur comme Chaturbate, StripChat ou PornHub de l’entreprise MindGeek. La prostitution en ligne comprend le webcamming (diffusion en temps réel de racolage prostitutionnel par ordinateur ou par téléphone).  Une survivante a expliqué que « le webcamming était pire que le reste de l’industrie du porno parce que nous avions un contact direct avec le consommateur, des gens qui étaient souvent très cruels et exigeants en menaçant de laisser des critiques négatives et donc d’affecter votre salaire si vous ne faisiez pas exactement ce qu’ils voulaient » (Anonyme, 2018). Dans le webcamming comme dans la prostitution de type girlfriend-experience, les survivantes ressentent une détresse intense à devoir jouer tout ce que l’acheteur de sexe réclame et à devoir être gentilles avec des hommes aux comportements agresseur. « Le travail émotionnel qu’implique le webcamming est extrême : il faut constamment bavarder, essayer d’être soi-même et agréable (Shedahi et Partington, 2020). Nos recherches sur la prostitution et la traite des êtres humains menées dans neuf pays confirment ce que les femmes nous disent sur le stress traumatique causé par la production de pornographie. Lorsque nous avons comparé des centaines de personnes prostituées qui se livraient à des actes sexuels en étant (ou non) filmées, nous avons constaté que les femmes dont la prostitution faisait l’objet de tournages pornographiques présentaient des taux de stress post-traumatique nettement plus élevés que les femmes dont la prostitution n’était pas filmée (Farley, 2007).

De nombreux sites en ligne vendent des images de femmes qui sont contraintes ou asservies par des proxénètes et des groupes criminels organisés. Les proxénètes de la pornographie ont exploité les femmes pendant la pandémie, tout comme les autres proxénètes. « Ils achètent une bonne image, génèrent des clics et des revenus publicitaires, mais rien ne nous est redistribué », a déclaré une survivante du porno. Des trafiquants ont annoncé sur le réseau Craiglist « du travail pour les femmes licenciées en raison du coronavirus » (Moseley, 2020). Un autre proxénète a recruté des femmes au chômage pour des emplois de « mannequins » sur son site porno (Baah, 2020). Les proxénètes roumains et américains du porno ont signalé une forte augmentation de nouveaux modèles pendant la pandémie. Les proxénètes ont promu la prostitution par webcam comme une « expérience interactive en direct dans laquelle les mannequins font preuve de communication et d’empathie » ou comme une « expérience de petite amie virtuelle » (Barbera, 2020). Pornhub, un distributeur de prostitution en ligne, a aussi recruté des mannequins et vendu la pornographie que produisaient ces femmes, en prenant 35% des bénéfices, tout comme les autres proxénètes13.

Dans la vie réelle des femmes, les différents tentacules de l’industrie du sexe sont indiscernables. Les médias colombiens14 ont activement promu les sites de webcamming comme une solution à la pandémie de COVID-19, en présentant la prostitution par webcam comme un « privilège » pour les femmes qui peuvent en faire à domicile. Les Colombiennes et les Vénézuéliennes victimes de la traite dans les quartiers chauds de Bogota vivent dans des chambres surpeuplées payées à la journée. Ces femmes essaient la webcam pour découvrir qu’elles n’ont aucun contrôle sur l’utilisation et la revente de leurs images sur les sites pornographiques. Comme elles ne maîtrisent pas l’internet ou n’ont pas accès à des services bancaires, elles sont trompées et souvent non payées. Nombre d’entre elles sollicitent des acheteurs de sexe toutes nues dans la rue, car elles sont en manque criant d’argent pour survivre. D’autres sont forcées par des proxénètes à se rendre dans les maisons des acheteurs de sexe ou à des fêtes où elles sont souvent victimes de violence, et parfois tuées. Une femme a expliqué que « le coronavirus n’est qu’un danger, à peine perceptible, qui s’ajoute aux dangers auxquels nous sommes confrontées au quotidien afin d’envoyer de l’argent à nos familles (Iniciativa ProEquidad, 2020). 

Les dangers et les inconvénients sont nombreux pour les femmes qui recourent à la prostitution en ligne.

….la demande de nouveaux contenus de la part d’internautes qui disposent de plus de temps que d’habitude pourrait inciter des groupes criminels à contraindre les travailleuses du sexe, les toxicomanes ou d’autres personnes vulnérables à une exploitation sexuelle en direct et enregistrée. De même, ceux qui ont des goûts encore plus déviants peuvent en profiter pour rechercher des sites proposant l’exploitation sexuelle d’enfants en direct sur Internet, où l’offre se développe facilement car les enfants sont tenus à l’écart de l’école et les groupes criminels et les familles pauvres cherchent de nouvelles sources de revenus. Le FBI a averti les gens que les enfants qui font l’école à la maison, jouent à des jeux en ligne et utilisent les médias sociaux pendant les fermetures d’écoles peuvent être ciblés et amenés à la prostitution (groomed) par des prédateurs sexuels, car ils passent beaucoup de temps en ligne. (Initiative mondiale contre la criminalité transnationale organisée, 2020)

 Les femmes qui se prostituent en ligne via des webcams se heurtent à des « atteintes à la vie privée, à des interactions potentiellement dangereuses avec les clients et à des lois qui ne sont pas conçues pour les protéger » (Drolet, 2020). Beaucoup ont exprimé des craintes face au manque de confidentialité dans la pornographie en ligne, certaines se résignant à d’inévitables violations de leur vie privée (Deliatto & Fenton, 2020). Une femme a dit craindre d’être harcelée, de subir du chantage ou de faire l’objet de pornographie de vengeance (revenge porn) si elle mettait en ligne des vidéos sur des sites pornographiques. Les vidéos sont souvent volées sur les sites pornographiques : « Les plateformes manquent de sécurité et de confidentialité. Tout le monde peut se livrer à une capture d’écran et ensuite la partager », a-t-elle déclaré. En février 2020, 1,5 téraoctets de vidéos et d’images préenregistrées de femmes ont été volés et ont fait l’objet d’une fuite à partir du site pornographique britannique OnlyFans (Shehadi & Partington, 2020).

Les femmes étaient bouleversées du fait que des proxénètes leur extorquaient leurs revenus. Les revenus venant du porno et du webcamming sont nettement inférieurs à ceux des autres types de prostitution, et beaucoup n’ont pas les fonds nécessaires pour acheter du matériel vidéo au départ (France24, 2020). Une femme qui ne gagnait pas assez pour couvrir ses dépenses de base grâce à la prostitution par webcam privée a décidé de mettre ses vidéos sur OnlyFans, où les acheteurs de sexe paient pour ce qui est prétendument un contenu privé. Mais, dit-elle, « avec les caméras, votre visage est là ». Elle a décidé de ne pas montrer son visage, puis a découvert que les acheteurs de sexe payaient encore moins pour cela.

Que ce soit en période de pandémie ou non, les femmes qui travaillent dans l’industrie du sexe prévoient généralement d’y entrer, d’obtenir l’argent dont elles ont urgemment besoin et d’en sortir aussi vite que possible. Elles ne veulent pas que leurs images circulent à l’infini sur le web où leurs enfants, futur˴e˴s employeur˴euse˴s, partenaires ou maris pourraient les voir. Néanmoins, les syndicats de travail du sexe ont fait la promotion de la prostitution en ligne. En Nouvelle-Zélande, un syndicat de travail du sexe, dont l’effectif  compte des proxénètes, a exhorté les femmes à passer des maisons closes à la pornographie par webcam pendant la pandémie. Pour contrer les campagnes trompeuses du New Zealand Prostitutes Collective concernant la prostitution en ligne et le webcamming, des groupes de survivantes néo-zélandaises ont décrit les risques de la cyber prostitution ainsi que les obstacles financiers qui empêchent de passer de la prostitution de rue, d’escorte ou de bordel à la prostitution en ligne (Shehadi & Partington, 2020).

Les syndicats du sexe exploitent la pandémie pour généraliser la prostitution en tant que travail

Les proxénètes et leurs amis politiques néolibéraux exploitent la pandémie de coronavirus afin de promouvoir et de normaliser l’industrie du sexe. Durant les premières semaines de la pandémie, avec une approche « Trumpienne » exempte de faits, le syndicat néo-zélandais et les syndicats néerlandais favorables au commerce du sexe ont cherché à minimiser les dommages de la pandémie, en préconisant le maintien du statu quo. En mars 2020, le Collectif des prostituées de Nouvelle Zélande (NZPC) a suggéré que les femmes en prostitution devraient faire preuve d’une « attention particulière » pendant la pandémie et a recommandé de « dépister les symptômes et les antécédents de voyage des clients avant de leur concéder une réservation ». Le NZPC a faussement rassuré les femmes en leur disant que cela « réduirait les risques et que les clients pourraient se sentir plus à l’aise de faire une réservation s’ils savent que vous prenez des précautions raisonnables » (African News Agency, 2020; Hendry-Tennent, 2020). Comme le président des États-Unis qui avait suggéré d’ingérer un désinfectant en guise de protection contre la COVID-19, la NZPC a été contrainte de revenir sur leur dangereux conseil. Les mensonges sur la sécurité, l’hygiène et la « réduction des risques » de la prostitution de la part des syndicats de prostituées et de proxénètes sont dangereux pendant la pandémie de COVID-19 et à tout moment. Un autre proxénète néo-zélandais, qui tentait de normaliser le commerce du sexe en pleine pandémie, a déclaré : « Du point de vue de l’hygiène, l’industrie du sexe est sans doute l’endroit le plus sûr qui soit ».  Un syndicat britannique de travailleurs du sexe a recommandé les techniques suivantes pour réduire les risques liés à la COVID-19 : eau de Javel, désinfectant, éviter les baisers et changer les draps de lit aussi souvent que possible (Bindel, 2020). En Russie, des syndicats de travail du sexe ont distribué des listes de positions saines à utiliser pour éviter d’être à proximité du visage d’un prostitueur. Une promotrice canadienne du travail du sexe a déclaré : « Il y a des services que beaucoup d’entre nous essaient d’éviter, comme le baiser ou la position du missionnaire. Tout moyen de dissuader le client d’approcher son visage du vôtre est indispensable… » (Grossman, 2020).  Ces techniques de réduction des risques ne protègent pas les femmes de l’industrie contre la COVID-19 et échouent à protéger les femmes contre des viols, des coups et des agressions verbales perpétrées par les acheteurs de sexe et les proxénètes.

Les hommes d’affaires du commerce du sexe ont durant la pandémie fait la promotion des habituelles « idées zombies ». Il s’agit d’idées dont on a démontré la fausseté par des preuves accablantes, et qui devraient être mortes et enterrées mais qui continuent à tituber dans le paysage, dévorant le cerveau des gens (Krugman, 2020). Ces idées bidon refont surface parce qu’elles génèrent beaucoup d’argent pour les proxénètes et leurs copains du marché libre. La « notion zombie » la plus populaire veut que selon laquelle la prostitution puisse être sécurisée en la légalisant ou en la décriminalisant (Moran & Farley, 2018). Un de ses clichés se lit comme suit : « Lorsque le travail du sexe sera traité comme un véritable travail et totalement dépénalisé, les travailleuses et travailleurs du sexe auront accès aux mêmes droits humains que tous les autres travailleurs » (Shehadi & Partington, 2020). Le message zombie est ici que face à une pandémie et à une catastrophe financière, les femmes en prostitution seront sauvées en décriminalisant les proxénètes. Pourtant rien ne prouve que la décriminalisation des proxénètes protège les femmes contre le sans-abrisme et l’adversité financière – ou contre le racisme, le sexisme et l’exploitation violente propres à l’industrie du sexe. Soutenir les proxénètes en tant que gestionnaires en dépénalisant la prostitution est une manœuvre trompeuse qui crée de la confusion en exploitant l’anxiété d’une survie économique pendant la pandémie de coronavirus. Oui, les femmes du commerce du sexe ont besoin d’un soutien d’urgence pendant la pandémie parce qu’elles vivent en marge, mais pas parce qu’elles ont besoin de se définir légalement comme « travailleuses du sexe ». Ce dont les femmes de l’industrie du sexe ont besoin – elles nous l’ont dit clairement – c’est de sortir de la prostitution, d’avoir un logement, des soins médicaux et un emploi significatif et durable. La dernière chose dont elles ont besoin, c’est d’une manœuvre habile et bien typique d’un pimp qui tente de relooker une violation des droits humains – la prostitution – comme un « travail ». La dépénalisation du proxénétisme aide les pimps, mais elle ne permet pas de payer le loyer d’une femme, ni de mettre de la nourriture sur sa table.  Décriminaliser les proxénètes en faisant croire aux gens que vous décriminalisez les femmes de l’industrie du sexe est une manœuvre Trumpienne semblable au « projet de loi de relance » COVID-19 qui renfloue les milliardaires (les compagnies aériennes et les banques), mais échoue à tirer d’affaire les personnes qui ont urgemment besoin d’aide économique pour payer leur loyer, leur hypothèque et les dépenses du ménage, telles la nourriture.

Un autre thème-zombie propre à la COVID est celui voulant que « Briser les stigmates autour du travail du sexe et faire campagne pour sa décriminalisation sont d’autres moyens de s’assurer que les travailleuses du sexe survivent à des moments comme celui-ci et que leurs besoins soient pris en charge à l’avenir » (Wilson, 2020).  Les promoteurs du commerce du sexe ont raison de dire que la personne qui est vendue dans la prostitution doit être stigmatisée et ne jamais être arrêtée. Mais les proxénètes et les acheteurs de sexe devraient être stigmatisés, eux. Les proxénètes et les acheteurs de sexe devraient être arrêtés15. Par ailleurs, il n’existe aucune preuve que la décriminalisation de la prostitution assure la survie des femmes en cas de pandémie ou d’autre crise, ni que la décriminalisation de la prostitution assure l’avenir des femmes en des moments difficiles. Leur stigmatisation demeure, quel que soit le statut juridique de la prostitution : les femmes de Nouvelle-Zélande et des Pays-Bas évitent d’adhérer aux syndicats de prostituées et elles évitent de s’inscrire aux allocations gouvernementales parce que le gouvernement tient des registres et qu’elles ne veulent pas être socialement étiquetées comme prostituées. Pendant la pandémie, les préjugés à l’encontre des femmes dans le commerce du sexe les empêchent de bénéficier des avantages économiques et sanitaires comme les autres citoyen.nes.  La solution est l’égalité économique et le soutien social pour tous.tes, y compris pour les personnes qui sont dans l’industrie du sexe.

Malgré le mythe selon lequel il existe un endroit où « les travailleurs du sexe sont en sécurité et où les préservatifs sont toujours utilisés », le fait est que les femmes dans le commerce du sexe ne sont pas en sécurité et que les clients exigeront toujours des actes sexuels sans préservatifs en les menaçant physiquement ou en payant plus cher (Rao, Gupta, Lokshin et Jana, 2003 ; Farley, 2004 ; Brody, Reno, Chhoun, Kaplan, Tuot, Yi, 2020). Cela est aussi vrai pendant la pandémie de COVID-19 que ce l’était pendant l’épidémie de VIH, lorsque cette crise a également été exploitée par les proxénètes qui ont utilisé les fonds alloués au VIH pour promouvoir leur propre décriminalisation. Les stéréotypes misogynes sur les femmes sales ou « vecteurs de maladie » pendant l’épidémie de VIH, ont été bien en évidence lors de la pandémie de coronavirus de 2020, alors que des riverains Bruxellois ont qualifié les femmes prostituées de « vecteurs de maladie » (Chini, 2020).

Les femmes qui sont dans la prostitution font ce qu’elles peuvent pour éviter le VIH, la COVID-19 et la menace omniprésente d’une violence extrême. Elles font appel à leur intuition, demandent ou exigent l’utilisation de préservatifs, demandent l’utilisation du masques, portent une arme pour se protéger lorsqu’elles sont violemment menacées, disent à un proxénète ou à un ami où elles se trouvent, essaient de trouver des clients qui ne sont pas trop intoxiqués (car ceux qui sont ivres ou sous métamphétamines peuvent être les plus violents), suivent les règles des syndicats du travail du sexe pour vérifier s’il y a des armes sous l’oreiller ou le lit, et ne portent jamais de collier ou d’écharpe car on peut les étrangler à mort (Farley, 2004). Mais rien de tout cela ne suffit. Les femmes de l’industrie du sexe sont violées, et même tuées, à un taux plus élevé que ceux de toutes les femmes de la planète. Les femmes en prostitution ont des taux élevés de VIH parce que les clients les violent et aussi parce que les clients paient beaucoup plus cher pour des rapports sexuels sans préservatif. Les femmes du commerce du sexe seront décimées par la COVID-19 pour les mêmes raisons : leurs vies ne valent pas grand-chose pour les acheteurs de sexe et les proxénètes. Leurs vies ne semblent pas non plus avoir beaucoup de valeur pour certains gouvernements.

Même les milliardaires du secteur humanitaire ont bu la potion «zombie». La Fondation Bill et Melinda Gates, en collaboration avec les autorités sanitaires indiennes, a cherché à généraliser la prostitution des Indiennes pauvres pendant plus d’une décennie (Farley & Seo, 2006). Dans un complexe de bordels à Kolkata, Gates a mis en place des programmes de distribution de préservatifs et a soutenu des syndicats qui font la promotion de l’industrie du sexe comme moyen de sortir de la pauvreté. Mais lorsque les femmes indiennes actives dans le commerce du sexe sont interviewées, elles nous disent qu’elles veulent avoir des comptes bancaires qui ne sont pas contrôlés par des proxénètes mafieux. Leurs objectifs de vie ne sont pas de mettre correctement des préservatifs et de continuer à se prostituer jusqu’à devoir quitter le marché, faute de ressources. Au lieu de cela, les femmes cherchent à se loger à distance des maisons closes, et elles nous disent vouloir un petit lopin de terre où jardiner ou de quoi lancer une petite entreprise. Aucun financement de Gates n’a été consacré à ces préférences exprimées par les femmes elles-mêmes. L’ « idée zombie » selon laquelle la distribution de préservatifs résout les problèmes de la prostitution continue à faire des ravages. Mickey Meji a cité d’autres survivantes sud-africaines qui affirment fermement que « les préservatifs ne changent pas notre destin ; nous demeurons pauvres »16. Dans la foulée de la Fondation Gates, George Soros a financé de nombreuses campagnes visant à dépénaliser la prostitution, mais a totalement échoué à fournir des logements ou des options pour échapper à la prostitution (Raphael, 2018).

Un manque de protection

La pandémie de coronavirus a mis en évidence l’incapacité de la prostitution légale et dépénalisée à protéger les femmes de la violence des proxénètes, des trafiquants et des acheteurs de sexe. En réponse au COVID-19, l’Allemagne a fermé ses bordels légaux et a jeté les femmes dehors parce qu’elles n’avaient pas les moyens de payer les proxénètes des bordels pour les chambres où elles vivaient17. Le Nevada a également fermé ses bordels légaux et a jeté les femmes dehors18 sans aide financière de la ville, de l’État ou du gouvernement fédéral, et sans aide alimentaire ni abri. La crise financière des femmes dans l’univers de la prostitution légale allemande est à peu près identique à celle que subissent les femmes dans la prostitution illégale. En mars 2020, le Sénat de Berlin et le Ministère fédéral des familles, des personnes âgées, des femmes et de la jeunesse ont demandé à une association de proxénètes légaux (la BesD) si les femmes qui fuient de la violence conjugale pouvaient être hébergées dans les bordels fermés pendant la pandémie. Parce que les femmes étant mises en quarantaine avec leurs agresseurs et cherchaient à s’échapper, il y avait une pénurie nationale d’abris pour les femmes battues en Allemagne19. Comme leurs bordels étaient fermés, les proxénètes furent ravis de cette occasion lucrative d’héberger des femmes battues dans leurs maisons closes, contre rémunération. L’ironie et la folie de la proposition du gouvernement n’ont pas échappé à l’historienne Inge Kleine (2020) qui a souligné que la prostitution elle-même est une cruelle variante de la violence conjugale. Bien que la proposition du Sénat concernant l’hébergement des femmes battues par des proxénètes ait été discrètement annulée, une solution alternative n’a même pas été envisagée : les municipalités auraient pu reprendre les maisons closes, en chasser les proxénètes et transformer les bâtiments en logements à long terme pour les femmes victimes de la traite.

Après avoir fermé les maisons closes légales en réponse à la pandémie, la ville de Stuttgart a totalement interdit la prostitution.  Cela signifiait que si une femme sans moyens de survie avait été expulsée d’un bordel légal, et qu’elle avait ensuite recours à ne passe pour se nourrir ou nourrir sa famille, elle pouvait être arrêtée.  La cruauté de cette politique a été contestée par la survivante Huschke Mau, qui a fait remarquer qu’en plus d’avoir été contraintes au commerce du sexe par la pauvreté, 80% des femmes des maisons closes allemandes y avaient été contraintes par des proxénètes, des petits amis ou des maris abusifs.  Ainsi, arrêter les femmes serait aggraver le mal et blâmer les victimes, plutôt que les responsables. Mau a décrit cette politique d’arrestation comme une « catastrophe » qui mettait en danger la santé des femmes et leur survie.  Elle a également fait remarquer que la pandémie offrait aux villes allemandes l’opportunité de mettre en œuvre le modèle de loi nordique sur la prostitution. En vertu de la loi nordique, les acheteurs de sexe, les tenanciers de bordels et les proxénètes sont accusés de crimes, mais la victime du crime n’est pas arrêtée.  Mau a noté que la pandémie offrait aux Allemands l’occasion de faire preuve de solidarité avec les plus vulnérables – celles et ceux qui sont payé˴e˴s pour se prostituer- en leur fournissant des services de soutien et de sortie plutôt qu’en les arrêtant (Mau, 2020).

Bien que les bordels légaux et la prostitution en vitrines aient été fermés en réponse à la pandémie, de nombreuses femmes des Pays-Bas, contraintes par la pauvreté ou par des proxénètes, ont continué à se prostituer chez elles, dans des hôtels ou dans des bordels illégaux.

Les publicités en ligne pour la prostitution étaient courantes pendant la pandémie (Pieters, 2020). La journaliste Renate van der Zee a observé que les groupes néerlandais de promotion de l’industrie du sexe ont encouragé les femmes à continuer à se prostituer même si la prostitution légale était arrêtée. Par contre, des femmes ont saisi l’occasion d’échapper à la prostitution, même avec une petite allocation gouvernementale de 1 050 euros par mois. « Beaucoup de femmes demandent de l’aide et certaines utilisent l’allocation pandémique comme une occasion de sortir de la prostitution », a déclaré Mme van der Zee. « Il est temps de renforcer les programmes de sortie de la prostitution car ils sont la première priorité. Le counseling ne suffit pas. Les femmes ont besoin d’appartements et d’un emploi ». Au cours des cinq dernières années, Mme van der Zee et des coalitions de citoyens néerlandais, de travailleurs sociaux et de politiciens progressistes ont proposé que les Pays-Bas adoptent la loi nordique sur la prostitution, plutôt que de poursuivre son expérience ratée de la prostitution légale.

Alors que le syndicat néo-zélandais des prostituées-et-proxénètes a fait la promotion de la prostitution par webcam comme solution à la fermeture des bordels légaux, une organisation abolitionniste dirigée par des survivantes, Wahine Toa Rising Aotearoa, a demandé des allocations d’urgence comme celles fournies aux Pays-Bas, afin que les femmes en prostitution « n’aient pas l’impression que le seul choix qu’elles ont est de rester actives dans le commerce du sexe pour garder un toit sur la tête et de la nourriture sur la table » (Kronast, 2020)20. Dans cette optique, une coalition mondiale de survivantes et d’organisations sans but lucratif a envoyé un message urgent au Secrétaire général des Nations unies proposant un fonds similaire et multilatéral pour les femmes cherchant à échapper à la prostitution21.

Le sans-abrisme, la prostitution et la pandémie

Le capitalisme mortel des proxénètes de la pandémie qui battent les femmes si elles résistent à la prostitution offre une parodie grotesque des politiques étasuniennes d’État et fédérales tout aussi inhumaines qui affectent les personnes sans abri pendant la pandémie. Alors qu’un gouverneur américain a cherché à utiliser les hôtels pour les personnes se retrouvant sans domicile pendant la pandémie, d’autres villes ont fortement résisté à la proposition de partager des ressources dans un esprit de compassion, même temporairement (Har & Nguyen, 2020).  À Las Vegas, alors que les hôtels de la ville étaient vides, des fonctionnaires municipaux ont peint des « cases de distanciation sociale » sur un parking en béton pour que les sans-abri puissent y dormir (Lee, 2020).

Le pape François a critiqué la réaction de Las Vegas à l’épidémie de COVID, déclarant que les sans-abri devraient être vivre leur mise en quarantaine dans des hôtels et non sur des places de parkings. Le pape a noté que les personnes dans le besoin sont souvent traitées comme des « animaux rescapés » (Gallagher, 2020). Pendant ce temps, un ministre du Bengale occidental, Monsieur Panja, a distribué de la nourriture à 1500 femmes affamées, prostituées et désespérées dans le complexe de bordels Sonagachi à Kolkata. Avec une attitude rappelant celle d’un gardien de zoo, il a déclaré : « Nous allons leur faire comprendre ce qu’il faut faire ou ne pas faire. Nous leur ferons comprendre qu’il faut se conformer à la distanciation sociale » (Sonevane, 2020).

« Comment se laver les mains sans évier ? Faire des réserves de nourriture sans argent ? Ou s’abriter sur place quand on est sans domicile ? », a demandé une défenderesse italienne des sans-abri (Povoledo, 2020).  Les personnes sans domicile et celles qui vivent dans des voitures ou des abris de fortune sont plus vulnérables aux maladies hautement contagieuses comme la COVID-19. Le US National Center on Homelessness and Poverty (Centre national américain du sans-abrisme et de la pauvreté) (2020) a attribué une grande partie de cette vulnérabilité à « la promiscuité, à un système immunitaire compromis et au vieillissement de la population » ainsi qu’au fait que « sans logement adéquat, permanent et stable, les gens n’ont pas de toilettes pour se laver fréquemment les mains, de buanderie et d’équipements d’hygiène personnelle ».

Conclusion

« Le virus biologique affectant les individus est aussi un virus social », a écrit Viet Thanh Ngyuen (2020) ; « ses symptômes comprennent « l’inégalité, l’insensibilité, l’égoïsme et une motivation par le profit qui sous-estime la vie humaine au bénéfice des produits de consommation. Notre véritable ennemi n’est pas le virus mais notre réaction au virus – une réaction qui a été avilie et déformée par les inégalités structurelles de notre société ». Ces inégalités structurelles affectent tout le monde, mais pour les femmes qui travaillent dans l’industrie du sexe pendant la pandémie, l’inégalité est mortelle, et la transformation de soi en marchandise sexuelle inflige un sentiment lancinant d’avilissement et de honte.

La pandémie de coronavirus a mis en évidence l’échec du capitalisme. « Qui va payer pour cela ? » ont été les derniers mots d’un homme mourant alors qu’il était mis sous respirateur (Elassar, 2020). « Je pense que [la pandémie] a mis en lumière la manière dont nous échouons systématiquement à protéger les travailleuses indépendantes et les gens en général« , a déclaré une prostituée américaine (Campoamor, 2020). Un grand nombre de personnes pauvres et de la classe ouvrière aux États-Unis sont à la merci de crises alimentaires et de logement22. Des ressources financières de réparation des dommages économiques causés par la COVID-19 ont été déclenchées rapidement pour les riches, mais pas pour les pauvres (Goldstein, 2020).

Les échecs du capitalisme toxique sont vite apparus lors de la pandémie américaine où ce sont les moins vulnérables qui ont eu droit à l’aide de l’État, plutôt que les plus vulnérables (Ngyuen, 2020). Qualifiant le commerce du sexe de « services véreux », le premier paquet d’aide économique américain a exclu du soutien d’urgence: les femmes dans la prostitution légale, la prostitution dans les clubs de strip-tease, les femmes dans le porno et la prostitution par webcam (Mansfield, 2020). Le projet de loi sur l’aide liée au coronavirus exclut de nombreuses autres catégories de personnes, notamment les sans-abri, les personnes incarcérées et les étudiantes endettées(Poor Peoples’ Campaign, 2020).  L’Afrique du Sud et le Japon ont également proposé des politiques qui limitent les subventions accordées aux femmes de l’industrie du sexe. L’avocate des droits des femmes Yukiko Tsunoda (2020) a critiqué l’exclusion des femmes prostituées du programme, déclarant que « c’est comme leur dire d’aller mourir ».

Les campagnes de désinformation toxiques et hypocrites à propos de qui mérite de la nourriture et de l’eau et qui n’en mérite pas, qui mérite d’être sacrifié˴e à la prostitution ou non – doivent être remises en question. Il nous faut rejeter l’idée qu’il existe une classe de femmes – jeunes pour la plupart, pauvres pour la plupart, et habituellement marginalisées au plan ethnique et racial – qui méritent d’être prostituées comme condition de survie. Et nous devons rejeter le budget cruel de l’administration Républicaine états-unienne qui prévoit la suppression des soins de santé pour les mineurs du charbon souffrant de maladies respiratoires (Taylor, 2020).  Ces manœuvres politiques sont les symptômes d’un système qui marginalise certaines catégories d’êtres humains comme moins méritantes que d’autres.

Les réponses toutes faites qu’offrent aux des médias de nombreux États capitalistes en matière de pauvreté sont souvent inadéquates et corrompues. Les allocations d’urgence, les colis de nourriture et les logements à court terme ne répondent pas aux besoins réels des cultures ségréguées qui ont été décimées par le capitalisme d’entreprise. Dans plusieurs pays du « Sud global », les femmes sont ballottées d’un programme d' »intégration sociale » à un autre, où les gouvernements locaux ferment les yeux sur le fait que les femmes sont brutalement exploitées dans la prostitution. Il n’existe simplement pas de protection (par le gouvernement ou par la société civile) pour les femmes et les jeunes filles pauvres, migrantes et victimes de la traite qui ont été traumatisées par la guerre civile et/ou la violence familiale. Comme au Nevada et en Allemagne, les fonctionnaires locaux corrompus d’Amérique latine collaborent étroitement avec les proxénètes. Les préjudices de la prostitution sont passés sous silence, et les femmes se voient épuisées dans la prostitution et mises au rebut. Elles sont alors vendues à des réseaux de trafic de drogue ou à d’autres entreprises criminelles. Le système est conçu pour faire disparaître les pauvres après les avoir exploitées tout au long de leur vie.

Les inégalités qui menacent la vie [des femmes] ont été rendues plus visibles à cause de la pandémie de COVID-19. Bien qu’il n’y ait pas encore eu de sérieuse contestation de la classe la plus riche des États-Unis, de la Colombie ou d’ailleurs, on constate des premiers signes de résistance. Le défaut du milliardaire Jeff Bezos de payer un salaire équitable à ses employés d’Amazon et de Whole Foods et son refus de leur accorder des congés de maladie et des conditions de travail sécuritaires ont provoqué l’indignation et des grèves aux États-Unis. En avril 2020, l’administration républicaine de Trump a légalement forcé la réouverture d’une usine de conditionnement de viande, malgré les multiples éclosions de COVID sur place et les conditions de travail dangereuses.  Certaines travailleuses et travailleurs ont refusé de céder à l’exigence patronale de travailler dans des conditions dangereuses (Telford, Kindy, & Bogage, 2020).

La pandémie de COVID-19 met en lumière quelques leçons urgentes. Une d’entre elles est la nécessité d’une élimination des dommages causés par le coronavirus (via un vaccin), plutôt que de nous en tenir à une réduction des dommages causés par ce virus (via la distanciation sociale ou le traitement des seules urgences médicales). Il nous faut également une élimination des dommages liés à la prostitution : l’abolition de cette institution raciste et sexiste et la mise à disposition des gens d’alternatives significatives et durables. Nous ne nous contentons pas de la politique de réduction de risques avec sa distribution de préservatifs, ses listes de « mauvais clients » et ses « cafés amicaux ». Les dons d’urgence de nourriture et d’abris ne réduisent que brièvement les méfaits de la prostitution. Est-ce là tout ce que les femmes prostituées et victimes de la traite méritent ?  Non. Les femmes (et aussi les hommes) aux prises avec le commerce du sexe méritent des soins de santé universels, un revenu de base universel, un logement sûr, y compris un moratoire indéfini sur les expulsions et les saisies, l’annulation des dettes de prêts étudiants, et l’annulation de toutes les réductions de bons d’alimentation (Taylor, 2020). Aux États-Unis, les citoyens riches possèdent plus que leur part de ressources qui devraient être partagées équitablement. Cela nécessite une restructuration financière de grande envergure qui favoriserait une distribution égale de ressources à l’ensemble des citoyennes et citoyens. La prévention de la pauvreté et du sans-abrisme diminuerait le flot de femmes et de jeunes filles acculées à la prostitution et permettrait la survie des femmes auxquelles nous pourrions nous joindre pour combattre le sexisme et le racisme intégraux à leur pauvreté.

NOTES

[1] L’autrice remercie Harvey Schwartz pour du contenu et des conseils de révision de cet essai. Elle remercie Debra Boyer pour avoir inspiré et soutenu ce travail. On peut communiquer avec Madame Farley à l’adresse mfarley@prostitutionresearch.com.

[2] Le politicien Républicain Texan Dan Patrick (Stieb, 2020). et le Dr. Phil et le Dr. Oz (qui ont suggéré qu’il pourrait y avoir des facteurs pour « équilibrer » les décès d’enfants) (Scott, 2020). Voir aussi les propos de Sean Hannity, Tucker Carlson, et du politicien Républicain de Géorgie Brian Kemp (Mull, 2020). Les attaques fielleuses de l’administration Trump contre l’OMS se traduiront bientôt par de nouveaux décès au Yemen, dans certaines parties de l’Afrique et parmi les Palestinien˴ne˴s des Territoires occupés. (Polychroniou, 2020).

[3] La race/ethnie affecte le taux d’exposition au coronavirus. La distanciation sociale est un privilège qui manque à plusieurs personnes, surtout les pauvres ou les ouvriers˴ères, et les personnes de couleur. Celles et ceux qui sont économiquement et racialement privilégiés peuvent se permettre une distanciation sociale, avoir accès aux soins de santé, éviter les transports en commun et peuvent souvent travailler à domicile. (Blow, 2020) 

[4] Manuela Schon est co-fondatrice d’Abolition 2014: Pour un monde sans prostitution. http://abolition2014.blogspot.com/

[5] Megan Lundstrom est directrice générale de Free our Girls, aux États-Unis. www.freeourgirls.orgwww.gettingoutthegame.com

[6] Ally Marie Diamond est co-fondatrice de Wahine Toa Rising Aotearoa, une organisation abolitionniste néo-zélandaise pilotée par des survivantes.

[7] Angie Henderson est professeure de sociologie à l’Université du Northern Colorado, États-Unis.

[8] Comme dans les maisons de retraite, la proximité forcée des personnes en prison fait que les femmes et les hommes incarcéré˴e˴s sont les plus exposé˴e˴s au risque de COVID-19. De nombreuses femmes sont incarcérées pour des crimes résultant du racisme ou de la pauvreté, comme le vol de nourriture ou de vêtements. Elles sont également accusées du « crime » d’être victimes de proxénètes. Les États-Unis incarcèrent des nombres écrasants de Latino-Américain˴e˴s, d’Afro-Américain˴e˴s et de pauvres. Les prisons américaines sont une entreprise à but lucratif plutôt qu’un système de justice. (California Coalition for Women Prisoners, 2020).

[9] Ces groupes encouragent également la décriminalisation de la personne payée pour se prostituer.  L’autrice est d’accord avec cela, et a clairement indiqué qu’aucune personne vendue pour un usage sexuel ne devrait jamais être arrêtée.  Mais les proxénètes et les acheteurs de sexe sont des prédateurs et devraient être à la fois stigmatisés et arrêtés.

[10] Alika Kinan, le 30 avril 2020. “At the Edge of the Margins: COVID-19’s impact on women in the sex trade”.  (Au bord des marges: L’impact de la COVID-19 sur les femmes de l’industrie du sexe. Conférence en ligne sponsorisée par la Coalition internationale contre la traite des femmes (CATW).

[11] Selon des rapports de défenseur˴e˴s, de survivantes et de sources policières, le commerce du sexe aux États-Unis est resté stable ou a augmenté en mars et avril 2020. Le détective Joseph Scaramucci, du bureau du shérif du comté de McLennan à Waco, au Texas, a déclaré qu’il n’avait constaté aucun changement significatif en réponse aux annonces de prostitution et aucun changement dans l’ampleur de la traite à des fins sexuelles. À Phoenix, en Arizona, la demande des hommes pour des rapports sexuels tarifés a augmenté pendant la pandémie, peut-être parce que Phoenix faisait partie d’une minorité de villes américaines qui sont restées ouvertes pendant la pandémie. Le sergent Mark Doty, du département de police de Phoenix, a indiqué que la prostitution de rue, la traite et la prostitution en ligne ont toutes augmenté, les proxénètes amenant des femmes et des jeunes filles de villes en quarantaine (Houston, Miami, Las Vegas et Los Angeles) vers Phoenix, car cette ville est restée ouverte pendant la pandémie. L’activiste Nick Lembo, de JustMenAz, a déclaré qu’il n’avait eu aucune difficulté à prendre des rendez-vous dans des bordels de massage à Phoenix.

[12] Merci à Laila Mickelwait, directrice générale, Abolition : Exodus Cry, pour ses renseignements à propos de Pornhub. ModelHub fait partie de l’entreprise de prostitution et de traite de personnes en ligne gérée par les entreprises Pornhub et MindGeek. ModelHub fait la promotion de sa production de porno sur les sites https://www.modelhub.com/model-program, https://www.modelhub.com/information/about et https://www.modelhub.com/blog/7341.

[13] Par exemple, le 19 avril 2020, l’Agence France-Presse a présenté avantageusement la prostitution par webcam pratiquée en Colombie. Beaucoup de médias états-uniens manifestent une attitude pro-pornographie semblable.

[14] Le modèle de loi nordique en matière de prostitution fait précisément cela : le femmes en situation de prostitution sont dépénalisées, tandis que les proxénètes et les acheteurs de sexe sont pénalisés. 

[15] Mickey Meji est une leader du mouvement des survivantes Kwanele et directrice du plaidoyer à l’organisation Embrace Dignity, de Cape Town en Afrique du Sud. Elle a pris la parole le 30 avril 2020 lors d’une conférence en ligne sponsorisée par la Coalition internationale contre la traite des femmes (CATW) : « Au bord des marges: L’impact de la COVID-19 sur les femmes de l’industrie du sexe ». 

[16] Les femmes qui sont prostituées et trafiquées louent des chambres dans les bordels où elles vivent. “Les principaux revenus du Pascha (un grand bordel allemand) est le loyer que nous percevons auprès des filles,” déclare Hermann Müller, le proxénète/gestionnaire du Pascha. Les femmes paient 175 euros pour 24 heures d’utilisation d’une chambre de Pascha. Elles doivent desservir au moins quatre hommes pour se rembourser. (Dia, 2015)

[17] Comme en Allemagne, beaucoup de femmes qui seraient autrement sans abri vivent dans les bordels légaux du Nevada.

[18] Les femmes battues sont en grand danger de leurs agresseurs lorsqu’elles sont en quarantaine sans porte de sortie de la violence ou sans espace privé où appeler à l’aide par téléphone.

[19] Il y avait des obstacles au financement d’urgence pour les femmes du commerce du sexe en Nouvelle-Zélande. Ally-Marie Diamond, co-fondatrice de l’organisation Wahine Toa Rising Aotearoa, explique : « De nombreuses femmes du commerce du sexe n’ont pas les dossiers et les preuves qu’exige le gouvernement pour démontrer ce qu’étaient leurs revenus afin d’accéder à un soutien financier, et de nombreuses femmes travaillant dans le commerce du sexe en Nouvelle-Zélande ne sont pas des résidentes de ce pays, donc peuvent penser qu’elles ne remplissent pas les conditions requises » pour obtenir une aide gouvernementale. (Kronast, 2020).

[20] Cette lettre adressée au Secrétaire général des Nations Unies peut être consultée au https://prostitutionresearch.com/un-response-to-covid-19-must-include-exploited/.

[21] Durant la pandémie, on a vu une filée de voitures longue de plus d’1,5 km attendre des dons d’urgence de nourriture en Californie du Sud. (Nicholson, 2020).

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VERSION ORIGINALE: http://logosjournal.com/2020/prostitution-the-sex-trade-and-the-covid-19-pandemic/

Traduction: Sarah Vercamst pour TRADFEM

Tous droits réservés à Melissa Farley, 2020

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