Commentaire de l’autrice Helen Joyce* au moment où l’Irlande s’apprête à condamner comme propos haineux toute critique de l’idéologie genriste.

Je publie en accès libre l’édition de cette semaine de mon blogue afin de diffuser largement mes préoccupations concernant un projet de loi irlandaise draconienne sur les crimes désignés comme haineux.

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*Helen Joyce, TRANS : Quand l’idéologie rencontre la réalité, M Éditeur, Montréal, 2022

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Le 13 juin, j’ai fait un voyage éclair à Dublin pour parler aux sénateurs irlandais d’un projet de loi sur les crimes de haine qui fait son chemin au sein du corps législatif. Il a déjà été adopté par la chambre basse, avec seulement une poignée de voix contre lui ; le soir du 13 juin, il a été discuté au Seanad (Sénat), où la ministre de la justice, Helen McEntee, a écarté sommairement toutes les critiques et où très peu de voix ont exprimé une dissidence. Un article d’opinion paru le même jour dans le Irish Times s’est avéré tout aussi évasif. Rédigée par Seamus Taylor, universitaire et ancien haut fonctionnaire du bureau britannique du directeur des poursuites publiques, cette opinion concluait qu’il suffisait d’ajouter une définition de la haine (pour l’instant, il n’y en a aucune) pour améliorer un projet de loi déjà bon.

La réunion à laquelle j’ai pris la parole a été convoquée par Rónán Mullen, un sénateur catholique conservateur qui dirige l’Alliance pour la dignité humaine, un parti anti-avortement créé en 2018. Lorcan Price, un avocat irlandais qui travaille pour ADF International, et Jill Nesbitt, l’une des femmes intrépides qui s’efforcent de sensibiliser les législateurs irlandais aux dangers de l’auto-déclaration de sexe, faisaient également partie du panel. J’ai parlé de l’effet paralysant de ce projet de loi, en particulier en ce qui concerne le discours sur les questions relatives aux transsexuels. Lorcan a expliqué pourquoi, selon lui, la nouvelle loi contreviendrait à la fois à la constitution irlandaise et à ses engagements au titre de la Convention européenne des droits de l’homme. Jill s’est concentrée sur les problèmes susceptibles de découler de l’ajout de l’identité de genre en tant que caractéristique protégée aux fins des crimes de haine.

On ne sait jamais qui va se présenter à de telles réunions d’information – ni même si quelqu’un va y venir. En l’occurrence, il y avait environ cinq sénateurs et quelques assistants, ce qui n’est pas mal pour un projet de loi que les législateurs irlandais semblent déterminés à ne pas soumettre à un examen approfondi. Une demi-douzaine de journalistes ont assisté à la conférence de presse qui a suivi, soit plus que la maigre réception que Rónán et moi avions crainte. Il est tout de même décourageant de constater le peu d’attention portée à ce projet de loi, compte tenu de ses dispositions radicales et de la probabilité qu’il soit adopté avec peu ou pas d’amendements.

Voici mes notes d’allocution remaniées, avec quelques ajouts pour situer le contexte. Mes lectrices et lecteurs réguliers en reconnaîtront la mise en contexte initiale.

Il y a cinq ans, je travaillais comme rédactrice internationale pour The Economist, où je commandais et rédigeais des articles sur un large éventail de sujets, allant de l’avenir de l’énergie nucléaire à la question de savoir si les processus de « vérité et réconciliation » fonctionnaient suffisamment bien pour justifier la remise en liberté de personnes coupables de crimes de guerre. Un jour fatidique du premier semestre 2017, le rédacteur en chef du journal était assis à côté de moi au déjeuner et m’a demandé : « Pourquoi les enfants continuent-ils à rentrer à la maison et à dire « untel est trans » ? ». J’ai répondu que je n’en savais rien, mais que j’allais me pencher sur la question et essayer de trouver quelqu’un pour rédiger un article à ce sujet. Même si je n’en avais aucune idée à l’époque, cette conversation allait changer le cours de ma vie.

J’ai fini par écrire moi-même sur le sujet – un article qui ne fut que partiellement satisfaisant, car il s’avérait très difficile de comprendre ce dont les gens parlaient. De nombreux interlocuteurs potentiels que j’ai contactés ne m’ont pas répondu ou ont balayé mes questions du revers de main en énonçant des lieux communs. Ils semblaient penser que je commettais une faute grave en posant simplement des questions évidentes – le genre de questions que les journalistes posent constamment à toutes sortes de gens, des questions de base comme : que signifie le mot « trans » ? Qu’est-ce qu’une « transition » ? Les gens se sentent-ils mieux après ? Pourquoi certaines personnes disent-elles qu’elles « se sentent » comme des membres du sexe opposé ? Et le plus important : ces sentiments doivent-ils leur donner le droit de se prévaloir de ressources réservées au sexe envié?

La difficulté d’obtenir des réponses factuelles, le déni de la science qui semblait universel parmi les partisans des « droits des trans » et la circularité de leur mantra principal, à savoir que « les femmes trans sont des femmes », tout cela n’a cessé de me troubler. Environ un an plus tard, j’ai commencé à m’inquiéter sérieusement des graves préjudices causés au nom de cette idéologie : des torts causés aux femmes, qui perdaient des espaces, des services et des sports non mixtes ; aux enfants, à qui l’on enseignait que le sexe d’une personne était une question de sentiments; et aux lesbiennes, qui subissaient des pressions pour inclure parmi leurs fréquentations des hommes qui s’identifiaient comme femmes. J’ai rédigé un autre article, plus long, qui a été publié dans Quillette, un nouveau média en ligne spécialisé dans les enjeux complexes. Personne d’autre n’a voulu le publier.

J’ai commencé à envisager d’écrire un livre sur le sujet. Mais à ce moment-là, j’étais rédactrice en chef de la section financière de The Economist, un travail qui exigeait de moi beaucoup d’heures et de responsabilités, mais qui n’avait évidemment rien à voir avec les questions relatives aux transgenres. Pendant des mois, j’ai tergiversé, préoccupée par le temps que le projet allait exiger de moi – un temps dont je ne disposais pas vraiment. Je savais déjà que des femmes perdaient leur emploi et étaient menacées de mort pour avoir exprimé le moindre scepticisme à l’égard de la soi-disant « inclusion des trans ». Mais ce qui m’inquiétait le plus était de savoir si j’étais la bonne personne pour relever ce défi. Je n’avais pas d’implication personnelle dans ce dossier. Je ne souffre pas de troubles du genre et je ne suis pas transidentifiée, pas plus que mon mari ou que l’un ou l’autre de mes enfants.

Et puis, fin 2018, j’ai rencontré des détransitionnistes pour la première fois, lors d’une réunion organisée à Manchester par un collectif féministe radical, Make More Noise. Elles étaient une demi-douzaine de jeunes femmes, qui s’identifiaient toutes désormais comme femmes et comme lesbiennes. La plupart d’entre elles avaient souffert de problèmes de santé mentale, notamment d’anxiété, de boulimie et d’automutilation. Des médecins leur avaient diagnostiqué une dysphorie de genre (un terme sophistiqué pour désigner la détresse) et leur avaient administré de la testostérone, ce qui avait causé chez elles une voix rendue plus grave en permanence, une pilosité faciale et corporelle abondante et des modifications pénibles de leurs organes génitaux. Certaines avaient subi une double mastectomie ; l’une d’entre elles, à l’âge de 21 ans, avait subi une ablation de l’utérus et des ovaires.

C’est ce soir-là que, pour la première fois, j’ai formulé la pensée qui me trottait dans la tête depuis des mois : « Ils stérilisent les enfants homosexuels ». Mes hésitations se sont envolées. En tant que journaliste, on est censé courir vers l’information. Un scandale étouffé pour des raisons de commodité politique n’est pas le genre de récit qu’il faut passer sous silence.

Il y a deux ans, j’ai rédigé mon livre, Trans : When Ideology Meets Reality (récemment réédité sous le titre Trans : Gender Identity and the New Battle for Women’s Rights). Et bien que ma carrière à The Economist ait continué à prospérer, j’étais de plus en plus convaincue que ce livre à lui seul ne suffirait pas à la tâche. Après avoir pris une année sabbatique à partir d’avril 2022, j’ai décidé de ne pas reprendre mon poste et de commencer à travailler pour Sex Matters, un nouveau groupe militant à but non lucratif de défense des droits de la personne.

Sex Matters a été cofondé par Maya Forstater, qui a perdu son emploi au sein d’un think tank basé aux États-Unis, le Center for Global Development (CGD), après avoir énoncé sur Tweeter ses préoccupations au sujet de « l’auto-déclaration du sexe » – la politique qui permet aux gens de modifier leur dossier d’identité pour refléter le sexe auquel ils veulent appartenir, plutôt que celui qu’ils ont en réalité. Le procès qu’elle a intenté au CGD devant le Tribunal du travail a débouché sur une décision qui fait maintenant jurisprudence : la conviction dite « critique à l’égard du genre » – selon laquelle le sexe est réel, binaire et immuable, et que ces faits matériels devraient être reconnus par la loi – est protégée au titre de la catégorie « religion ou croyance » dans la législation britannique relative à l’emploi et à la lutte contre les discriminations. C’est le principe qui anime le travail de Sex Matters : dans de nombreuses situations, le sexe n’est pas pertinent, mais lorsqu’il l’est, c’est le sexe qui l’est, et non le « genre » ou l' »identité de genre » que l’on s’attribue.

Je pense aujourd’hui que ce que j’appelle dans mon livre « l’idéologie de l’identité de genre » – l’affirmation selon laquelle le genre autodéfini devrait l’emporter sur le sexe lorsqu’il s’agit de classer les êtres humains – est loin d’être l’approche libérale et bienveillante qu’on lui prête. En fait, c’est tout le contraire : elle fait partie d’une menace commune à toute une génération pour le libéralisme et le rationalisme, et elle est aussi profondément cruelle. Je ressens quotidiennement cette menace et cette cruauté, au travail et dans ma vie privée.

Cette idéologie est particulièrement néfaste pour les femmes, car la capacité des femmes à jouer un rôle à part entière dans la vie publique exige que nous soyons capables de tracer occasionnellement des frontières qui excluent tous les hommes. Je parle de tous les hommes. Y compris les hommes qui souhaiteraient ne pas être des hommes, les hommes qui pensent ne pas être des hommes et les hommes qui s’identifient comme des femmes. Tous les hommes, quelle que soit la manière dont ils s’identifient.

Cette idéologie est particulièrement dommageable pour les enfants, parce que les enfants croient ce que les adultes leur disent. Ils sont influençables, leur identité est encore en formation, et l’idée que l’on peut vraiment être membre du sexe opposé au sien est séduisante pour beaucoup d’entre eux. De manière disproportionnée, ces jeunes sont ceux qui vont devenir homosexuel-les, ceux qui souffrent de troubles du spectre autistique, ceux qui sont anxieux, qui s’automutilent ou qui sont dépressifs, et ceux qui sont victimes d’agressions.

Cette idéologie est aussi particulièrement préjudiciable aux adultes homosexuel-les, pour deux raisons. La première est que sans une définition significative du sexe, il ne peut y avoir d’orientation sexuelle. Que signifie être attiré par le même sexe, si le « sexe » est une simple question d’auto-identification ? Deuxièmement, les adultes homosexuel-les ont une probabilité disproportionnée d’avoir été non conformes aux stéréotypes de genre dans leur jeunesse – il existe un lien étroit entre une préférence précoce pour les activités et la présentation stéréotypées du sexe opposé et le fait de grandir pour devenir homosexuel-le. Aujourd’hui, on dit à ces enfants que leur atypisme fait d’eux de « vrais » membres du sexe opposé. Ce mensonge engage certains d’entre eux sur la voie des hormones transsexuelles, de la chirurgie génitale et, finalement, de la stérilité.

Tout ce que j’ai dit jusqu’à présent est un discours profondément impopulaire auprès de certaines personnes. Parce qu’il heurte des croyances intouchables sur l’identité des personnes, certains ressentent ce que je dis comme désobligeant, voire haineux. Et je le regrette. Je ne me délecte pas d’être désobligeante, et encore moins « haineuse ». Je ne suis pas quelqu’un qui cherche la controverse pour elle-même. Mais je ne m’en prive pas non plus. Et sur ce sujet, je parle pour contrer des préjudices graves, et pour entraver une forme de cruauté.

Passons encore une fois en revue les trois groupes qui, selon moi, sont les plus lésés par les politiques publiques fondées sur la substitution de l’identité de genre autodéclarée à la réalité matérielle objective du sexe.

Tout d’abord, les femmes. À l’heure où je vous parle, Cameron Dixon, un homme qui se prénomme désormais Cara et se considère comme une femme, est l’une des 13 personnes inscrites dans la catégorie « femmes » de la TransAtlanticWay, un défi cycliste de traversée de l’Irlande. Dixon, originaire de Stokesley, en Angleterre, est en tête du classement des femmes, avec 350 km d’avance sur la première participante.

Il est déjà assez grave que les femmes perdent des prix et des opportunités ; pour les femmes les plus vulnérables de la société irlandaise, les enjeux sont bien plus importants. Depuis que l’Irlande a introduit l’auto-déclaration légale du genre en 2015, ce qui signifie que toute personne qui le souhaite peut remplir un formulaire en ligne, le faire notarier, l’envoyer avec son certificat de naissance original et obtenir un certificat de remplacement avec le sexe falsifié, plusieurs hommes violents et dangereux ont obtenu d’être incarcérés aux côtés de femmes.

Barbie Kardashian – un homme qui a récemment été emprisonné pendant quatre ans et demi pour avoir menacé de torturer, de violer et d’assassiner sa propre mère, et qui est « légalement une femme » et universellement désigné au féminin dans les médias grand public irlandais corporatistes et complaisants – était jusqu’à récemment détenu dans la seule prison irlandaise réservée aux femmes, à Limerick. Il n’a finalement été transféré dans une prison pour hommes uniquement parce que le personnel de Limerick ne se sent pas en sécurité lorsqu’il doit s’occuper de lui – personne ne semble avoir eu à cœur les intérêts des détenues.

Quant aux enfants, en leur racontant des faussetés sur leur corps et sur la réalité matérielle de l’appartenance à notre espèce évoluée de mammifères, nous créons chez eux de la détresse mentale et de la confusion. Nous tourmentons de charmants petits enfants atypiques en leur disant que leur caractère atypique n’est pas seulement une caractéristique (et alors ?) mais un signe qu’ils sont réellement du sexe opposé. Nous leur disons que s’ils ne rentrent pas dans la boîte rose ou bleue réservée à leur propre sexe, ils doivent déclarer qu’ils sont du sexe opposé pour être acceptés. C’est de l’homophobie et c’est tout à fait horrible. C’est tout le contraire du progressisme. C’est de la cruauté.

En ce qui concerne les homosexuel-les, une fois que le sexe devient une question d’auto-identification, l’orientation sexuelle le devient aussi. Les hétérosexuels et les hommes ne sont pas, dans l’ensemble, ceux qui souffrent. Ce sont les lesbiennes qui se font dire qu’elles doivent considérer les hommes qui se déclarent femmes comme des partenaires sexuels convenables, sous peine d’être qualifiées de sectaires faute d’obtempérer. Mes amies lesbiennes me disent que d’un quart à un tiers des profils affichés sur les applications de rencontres lesbiennes appartiennent désormais à des hommes, et que si elles précisent dans leur propre profil qu’elles n’envisagent que les partenaires qui sont réellement des femmes, et non des soi-disant femmes, elles sont bannies de ces sites pour « propos haineux ».

Tout cela se produit en grande partie parce que l’idéologie de l’identité de genre qui s’est emparée de nombreux pays de l’anglosphère, dont l’Irlande, est par nature une fiction linguistique. La notion d’identité de genre n’a aucune réalité matérielle ; il s’agit d’une croyance qu’une minorité de personnes éprouvent à leur propre sujet, une croyance actualisée par des paroles et rien d’autre. Une personne déclare son sexe, déclare ses pronoms, et tout le reste du monde est censé ignorer l’évidence de leurs propres sens, leur propre compréhension de la nature humaine, et accepter que « les gens sont ce qu’ils disent être ». Quiconque s’oppose à ces propositions linguistiques doit être réduit au silence parce qu’il détruit une fiction chère à certains yeux.

Ce n’est donc pas une coïncidence si ce projet de loi draconien et orwellien sur les crimes de haine contient une définition circulaire et non réaliste du « genre » ou de l' »identité de genre ». Voici cette définition, dans toute sa splendeur :

    « Le terme « genre » désigne le genre d’une personne ou le genre qu’une personne exprime comme son genre préféré ou auquel elle s’identifie, y compris le transgenre et un genre autre que ceux du masculin et du féminin. »

Il s’agit là d’un pur charabia, circulaire de surcroît (une définition circulaire est une définition dans laquelle le terme à définir apparaît dans la définition, de sorte qu’elle ne désigne rien de concret). Le fait est qu’il n’existe pas de définition non circulaire de l' »identité de genre » qui ne dépende pas des attentes stéréotypées à propos des sexes – et ces attentes apparaissent ici sous la forme de l' »expression de genre ».

Quant à la haine, je sais ce que l’on ressent quand on en est la cible. J’ai reçu de sérieuses menaces de mort – un homme transidentifié est actuellement en garde à vue pour avoir menacé de me tuer, ainsi que Kellie-Jay Keen, une autre militante des droits de la femme, de manière horrible et sexualisée. Il s’agit d’un homme qui s’identifie comme femme et qui a déjà été condamné pour avoir menacé une autre cliente d’un supermarché avec un marteau à griffes lors d’une altercation alors qu’il essayait de voler de l’alcool. Cet homme est terrifiant.

Voilà ce qu’est de la haine. Il a menacé publiquement de me taillader le visage, de m’arracher les yeux. Il a menacé d’incendier la maison de Kellie-Jay. Et il n’est pas le seul à avoir proféré de telles menaces à mon encontre et à celle d’autres militantes. Il est juste l’un des rares à avoir été assez stupide pour le faire avec un pseudo Twitter lié à un nom qu’il utilise, et en disant où il est basé, alors qu’il a déjà été condamné pour des crimes violents.

Voilà ce qu’est de la haine. Mon assertion que les hommes sont des hommes, qu’aucun homme ne peut devenir ou être une femme, qu’un homme qui « se sent femme » vit une expérience entièrement masculine, bien qu’atypique, n’est pas de la haine. Ces affirmations ne sont pas seulement vraies, mais dans certaines situations, il est essentiel de les formuler, afin de défendre les droits humains d’autres personnes.

La liberté d’expression n’est pas seulement une activité gratuite. Elle est censée être légalement protégée parce qu’elle est précieuse. Les législateurs irlandais sont invités à adopter une loi qui criminalisera une « haine » – qui demeure indéfinie. Cette loi protège le « genre », défini de manière circulaire, c’est-à-dire indéfini.

Cela signifie que personne ne pourra parler dans un langage clair et ordinaire de ce dont je parle dans mon livre, à savoir l’un des pires scandales médicaux de l’histoire, perpétré contre des enfants.

Sérieusement, l’Irlande est sur le point d’adopter une loi qui pourrait criminaliser la simple possession du livre pour lequel j’ai sacrifié ma vie. Je sais qu’il existe une « clause de sécurité » qui excuse les œuvres ayant une valeur scientifique ou artistique, mais s’il-vous-plaît, gardez à l’esprit que les personnes qui me traitent de nazi, de génocidaire, d’antisémite, de raciste, d’homophobe, etc., et qui me menacent, moi et ma famille, ne pensent pas que mon travail a quelque valeur scientifique ou artistique. Cette clause ne les empêchera pas de s’en prendre à moi.

Le problème n’est pas tant que je puisse être inculpée et reconnue coupable. C’est que je ne peux pas être certaine de ne pas l’être. C’est ce qu’on appelle l’effet dissuasif.

Je reçois constamment des nouvelles de collègues accusé-es de crimes de pensée (thought crimes). La plupart des gens sont tout à fait d’accord avec moi sur les questions de sexe et de genre : le sexe est réel, binaire et immuable et, dans certaines circonstances, ce facteur a de l’importance ; les sentiments d’identité de genre qu’éprouvent des personnes peuvent être très importants pour eux, mais ils ne devraient pas être autorisés à prendre le pas sur le sexe dans les cas où le sexe a de l’importance ; la croyance en l’identité de genre en tant que construction n’est que cela – une croyance – et c’est une croyance que beaucoup de gens, moi y compris, n’ont pas.

Mais de plus en plus, les gens n’osent pas dire ces choses.

C’est pourquoi je souhaite profiter de cette occasion pour dire certaines choses qu’il pourrait bientôt devenir criminel d’énoncer en Irlande. Elles sont toutes vraies et toutes importantes :

  • Les hommes ne peuvent pas être des femmes. Aucun d’entre eux, même s’ils pensent qu’ils sont censés être des femmes.
  • Les enfants ne devraient jamais se voir prescrire des agents bloqueurs de puberté ou des hormones du sexe opposé au leur. Jamais. Il s’agit d’une violation grotesque des droits de l’homme. On ne devrait pas leur dire qu’ils peuvent changer de sexe. On ne devrait pas leur dire que leurs sentiments définissent leur identité. Cela attise chez eux un mal-être mental.
  • Aucun homme, y compris les hommes qui se disent femmes, ne devrait être autorisé à pénétrer dans les espaces ou les sports réservés aux femmes.
  • Être un homme ou une femme est entièrement une question de biologie et pas du tout une question d’identité.

Je ne dis pas ces choses par persiflage, ou encore moins pour exprimer de la haine. Je les dis parce qu’il est essentiel de le faire pour protéger les droits des personnes.

Le droit des enfants à être informés de la vérité, à grandir en bonne santé et en pleine possession de leur fécondité.

Le droit des femmes à affirmer leurs limites qui, parfois, pour notre sécurité, notre dignité et notre vie privée, devront exclure tous les hommes, quelle que soit leur identité.

Le droit des homosexuel-les d’affirmer leur orientation identitaire de même sexe et non de même genre.

Vous pensez peut-être que cette loi ne peut pas vous concerner, que vous ne pouvez pas vous retrouver ciblés par la police de la pensée. Que la seule raison pour laquelle je dis ces choses est que je suis une mauvaise personne. Vous vous trompez. Si je peux devenir une criminelle de la pensée, ce qui est le cas, tout le monde peut l’être.

Je suis une électrice technocrate centriste non alignée, qui a voté à divers moments pour les trois principaux partis britanniques. En tant que journaliste senior pour The Economist, je n’aurais pas pu être plus proche de l’establishment. J’ai été à Davos. J’ai interviewé Tony Blair et Lula da Silva. J’ai dîné avec Bill Gates et George Soros. Ces jours-ci, je passe beaucoup de temps en va-et-vient à Westminster ; le 12 juin, le Parlement a débattu d’une pétition lancée par ma collègue Maya, pour laquelle elle et moi avons organisé plusieurs réunions d’information avec des députés et des pairs.

Je dis ces choses parce que je ressens un impératif moral. Vous ne ressentez peut-être pas cet impératif, mais tout ce que cela signifie, c’est que vous êtes comme la personne qui ne se rend pas compte qu’elle est dans une prison, parce qu’elle n’est pas, en ce moment même, en train de se presser contre ses barreaux. Il suffit que la personne commence à se déplacer un peu pour se rendre compte qu’elle est dans une prison depuis le début. Et soudain, elle se retrouve contre les barreaux.

Ma liberté d’expression est votre liberté d’expression. Vous ne savez pas quelle chose impopulaire vous pourriez un jour ressentir un impératif moral à dire. Je ne savais pas, il y a cinq ans, que je me retrouverais ici, à dire à des gens qui appellent cela un discours de haine, que des droits de la personne dépendent de la reconnaissance de la réalité immuable et binaire du sexe humain, et de la possibilité de désigner parfois le sexe des gens, même contre leur gré.

J’invite les législateurs irlandais à réfléchir à nouveau avant de voter en faveur de cette loi sous sa forme actuelle. Je laisse à d’autres personnes juridiquement qualifiées le soin d’aborder ses enjeux de constitutionnalité et de proportionnalité, et la compatibilité de cette loi avec les obligations de l’Irlande en vertu de la Convention européenne.

Peut-être que si vous l’introduisez, elle sera contestée et renversée. J’espère et je m’attends à ce que ce soit le cas. Mais entre-temps, il y aura eu un sérieux effet dissuasif ; des choses vraies, importantes et urgentes n’auront pas été dites alors qu’elles auraient dû l’être ; et des personnes vulnérables – parmi lesquelles des enfants – auront subi un préjudice évitable et irrévocable.

Enfin, je m’excuse d’avoir manqué un événement important la semaine dernière – mon temps a été entièrement consacré à la préparation du débat de Westminster Hall sur la proposition de Sex Matters visant à clarifier la signification du terme « sexe » dans la Loi britannique sur l’Égalité. Ce débat a eu lieu le 12 juin et a été absolument brillant. Les députés qui se sont exprimés en faveur de la clarté ont présenté tous les points forts de notre argumentaire, tandis que ceux qui réclamaient le maintien d’un certain flou ont mal représenté la loi, tenté un chantage émotionnel et se sont tout simplement ridiculisés (Kirsty Blackman – mère de deux enfants – déclarant qu’elle ne savait pas quel était son sexe, mais qu’elle pensait avoir des chromosomes XY et qu’elle avait simplement une « idée juste » de l’apparence de ses organes génitaux, a été sans aucun doute le point le plus faible du débat). L’organisation Sex Matters a commenté tout cela ici.

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