Rebecca MOTT: L’enfer est ici, sur Terre

 

Par Rebecca MOTT, le 8 août 2017, sur son blogue

Je veux aujourd’hui, par ce billet, explorer l’intérieur de mon silence.

Je ne sais pas si cela va fonctionner, ou même si ce sera compréhensible. Mais pour atteindre le lieu de mon enfer, je dois creuser profondément.

Je n’ai pas de mémoire visuelle — quand je pense, je ne vois pas d’images, je me vois simplement entourée d’émotions ou de l’absence d’émotions.

Je crois que j’ai arrêté de voir parce que mon esprit ne pouvait contenir la réalité de cet enfer, alors il l’a stockée dans le reste de mon corps.

Donc, cet enfer m’a valu de nombreux cadeaux.

Le cadeau de la souffrance de souvenirs inscrits dans mon corps, qui dictent à mon esprit certaines vérités.

Le cadeau de l’hypervigilance et d’un sommeil qui refuse d’être trop profond.

Le cadeau d’émotions mortes qui entravent mes liens avec les autres.

L’enfer qui a pour nom la prostitution d’intérieur — que ce soit la « GirlFriend Experience », la fonction d’escorte ou la danse sexuelle — et qui reste inscrit dans chaque cellule de mon corps.

Je suis fière d’être une femme sortie du milieu, fière que mon blogue atteigne et transforme autant de gens, fière d’être toujours en vie et en mouvement dans la bonne direction.

Mais l’enfer que j’ai vécu à l’intérieur ne me quitte jamais complètement.

C’est l’enfer qui me saisit à la gorge et m’étouffe alors que je suis déterminée à vivre.

C’est l’enfer d’une nausée permanente.

C’est un enfer qui se moque de chacune de mes tentatives d’être simplement normale et libérée de l’industrie du sexe.

Je me bats tous les jours en vue de cette liberté.

Le chemin de la liberté est long, pénible et truffé de pièges.

Pour vraiment nous libérer de l’industrie du sexe et de toutes ses violences affectives, il nous faut en détruire les racines et les branches — sans nous contenter de discussions sans fin ou de lois déficientes.

Les femmes — et les hommes — sorties de cette industrie ont besoin de justice.

Pour obtenir justice, il nous voir ce qu’elle signifie. Je peux écrire de mon point de vue, mais j’espère que mes idées peuvent s’intégrer à celles d’autres personnes sorties de l’industrie.

La justice, selon moi, consiste à punir réellement chaque homme qui fait le choix de consommer des personnes prostituées.

Et par punition, je ne parle pas d’une amende minuscule ou d’une quelconque thérapie pour les prostitueurs.

Les prostitueurs ne sont ni des victimes ni inconscients des méfaits qu’ils exercent.

Non, ce sont des criminels, et généralement des criminels vicieux.

Les prostitueurs ne cueillent pas des prostituées par accident, par désœuvrement, parce qu’ils sont solitaires ou parce qu’ils sont trop moches pour se trouver une vraie femme.

Non, ces hommes-là planifient leur achat de personnes prostituées.

La plupart d’entre eux sont dans une relation stable : les prostitueurs sont simplement cupides, insensibles et froids.

Quand je parle de justice, je veux dire que les prostitueurs devraient écoper de peines de prison ou, au moins, être condamnés à une amende de l’ordre d’un dixième de leurs gains.

S’il existait une véritable justice, ce sont les prostitueurs qui se sentiraient stigmatisés — et non les prostituées.

Pour une véritable justice, tous les profiteurs de l’industrie du sexe devraient pourrir en prison.

Je pense qu’une sentence minimale de vingt ans serait une forme de justice pour avoir fait le choix d’enfermer les personnes prostituées dans une condition sous-humaine.

Les profiteurs de l’industrie du sexe se sont tous enrichis en facilitant la torture, les viols en série, l’agression psychologique et les disparitions des personnes prostituées.

Nous devons cesser de légitimer cette crise des droits de la personne.

Les profiteurs de l’industrie du sexe ont tous fait le choix de créer un génocide — mais ce génocide est trop souvent rendu invisible en étant qualifié de divertissement pour adultes.

Si nous choisissons de ne pas voir comme des criminels les profiteurs de l’industrie du sexe et les prostitueurs, nous contribuons à ce génocide.

La situation où les prostituées brûlent dans cet enfer ne se prête pas au voyeurisme.

Vous pouvez soit être solidaire avec nous et lutter pour une véritable justice, soit être honnête avec vous même et reconnaître que vous ne pouvez jamais voir les personnes prostituées comme étant pleinement humaines et méritoires de pleins droits humains.

Je suis fatiguée d’écrire ceci.

Fatiguée de parler de ce génocide, de parler de la torture, de parler du viol en série, de parler des disparitions massives des prostituées.

Fatiguée d’aider d’autres femmes vivant avec les traumatismes complexes que leur ont infligés durant des années les prostitueurs qui les ont enfermées dans une sous-humanité.

Fatiguée de vivre un traumatisme complexe, fatiguée d’un mode de sommeil entièrement désorganisé.

Merde, je suis écœurée de fatigue de voir aussi peu de gens prendre la peine de créer des changements réels et permanents en appui aux personnes prostituées.

Alors, s’il vous plaît, faites-en plus, parce que nous nous noyons.

Rebecca MOTT

Version originale : http://wp.me/paIl9-1WN

Traduction : TRADFEM — avec l’autorisation de l’autrice.

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