Lettre ouverte au Nouveau Parti Démocratique de la Colombie-Britannique concernant la conduite de M. Oger, qui en occupe la vice-présidence

Plus de 170 Canadiennes et Canadiens ont déjà cosigné la lettre ci-dessous exigeant que le NPD de la Colombie-Britannique condamne le comportement de M. Oger.

10 février 2018, par l’équipe de FEMINIST CURRENT

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La présente lettre a été envoyée aux destinataires ci-dessous, par courriel, le 2 février. Une réponse a été demandée dans les sept jours. À ce jour, nous n’avons reçu aucune réponse.

À l’attention de : Nouveau Parti démocratique de la Colombie-Britannique (NPD de la C.-B.);

Le Conseil provincial du NPD de la Colombie-Britannique;

Le premier ministre John Horgan;

Craig Keating, président, NPD de la Colombie-Britannique;

Erin Arnold, directrice de la sensibilisation, Comité des droits des femmes du NPD de la Colombie-Britannique;

Sheila Malcolmson, porte-parole du NPD pour la condition des femmes;

Sheri Benson, porte-parole adjointe du NPD pour les questions LGBTQ2 +

 

Messieurs, Mesdames,

Nous, les soussigné·e·s, sommes des Canadien·ne·s profondément préoccupé·e·s par les récentes déclarations publiques et comportements de M. Oger, qui occupe la vice-présidence du NPD de la Colombie-Britannique.

Le 20 janvier dernier, des Marches des femmes ont eu lieu partout en Amérique du Nord. D’abord mises sur pied par indignation face à l’élection de Donald Trump et à ses vantardises d’inconduite sexuelle, ces marches ont été galvanisées cette année partout au monde par la campagne #MeToo, dans un élan de solidarité et d’action. Nous ne pouvons plus nier que les femmes et les filles du monde entier continuent de subir des agressions et du harcèlement dans tous les domaines de la vie, aux mains des hommes.

À Vancouver, une des participantes à cette marche des femmes a porté une pancarte où l’on pouvait lire :

« Les transfemmes sont des hommes. La vérité n’est pas la haine. Ne croyez pas le discours promotionnel : l’idéologie trans est misogyne et homophobe. La femme n’est pas un « sentiment », un costume ou la performance d’un stéréotype. La femme est une réalité biologique. Il n’existe aucune raison éthique ou morale de mentir pour flatter l’ego masculin. »

Et au verso : « Ne me qualifiez pas de cisgenre. Arrêtez les stéréotypes. Je ne suis ni conforme ni non-conforme. Mon préfixe préféré n’est ni ‘cis’, ni ‘trans’. Je suis femme. Résistez à la novlangue orwellienne. »

Après avoir été affichée sur des médias sociaux, une photo de la femme tenant ce panneau a connu une diffusion immense. Cette femme a, conséquemment, reçu de nombreuses menaces de violence et de mort.

M. Oger a également partagé cette photo sur Internet, en réclamant publiquement qu’on lui écrive l’identité et l’adresse de la femme, indiquant son intention de déposer contre elle une plainte pour violation de droits de la personne. Sur Facebook, M. Oger a écrit:

« Il semble que tous les participants à la Marche des femmes de Vancouver n’étaient pas aussi éclairés quant aux raisons pour lesquelles les transfemmes sont des femmes … Un citoyen inquiet m’a transmis cette photo. Il s’agit de propos haineux. Quelqu’un sait-il qui est cette personne? J’aimerais lui parler.

… La personne sur cette photo est libre d’avoir des croyances et d’exprimer ces croyances sans enfreindre la loi, mais j’ai l’impression qu’elle a été trop loin. Ce que cette personne a fait, c’est passer à l’étape suivante, comme publier ses propos dans un journal ou les distribuer dans des envois postaux. Je considère que ce qu’elle a fait est interdit en Colombie-Britannique. Elle est invitée à communiquer avec moi pour en jaser ou à adresser un courriel à mon bureau, au morgane@morganeoger.ca. »

Dans un commentaire sous le même message, M. Oger a ajouté :

« Ce qui détermine une femme au Canada et en Colombie-Britannique n’est pas basé sur sa plomberie mais sur notre identité de genre. Les femmes sont des femmes parce que nous disons l’être. Qu’elles les possèdent ou non, les attributs habituellement associés aux femmes, comme la plomberie ou la fonction biologique, sont des motifs protégés pour toutes les femmes. Nous avons six mois pour que quelqu’un dépose une plainte contre cette femme sur la base de l’identité de genre. Mais pour ce faire, son nom doit être connu. Si quelqu’un sait qui elle est, veuillez m’envoyer ce renseignement à morgane@morganeoger.ca. »

Ces commentaires équivalent à une menace publique et à de la diffamation, et ont conduit à davantage de harcèlement envers la femme photographiée. M. Oger a sciemment continué à alimenter ces menaces et ce harcèlement par de nombreux messages sur des médias sociaux. Nous nous demandons pourquoi le NPD de la Colombie-Britannique tarde encore à réagir à ce comportement. Dans le cas présent, ces déclarations sont particulièrement troublantes, car elles ont mis en danger la vie et le gagne-pain d’une femme.

M. Oger a fait à plusieurs reprises sur les réseaux sociaux mention d’une « équipe d’avocats ». Un de ses tweets indiquait, par exemple :

« La Cour suprême du Canada a confirmé à deux reprises des décisions du tribunal des droits de la personne concernant les propos haineux. Mon équipe juridique est confiante que le fait de publier du matériel haineux est le seul test valable dans ce cas et que les déclarations inscrites sur ce panneau satisfont au test de la haine. »

Dans un autre message, M. Oger a déclaré :

« Il y a des lois mises en place pour protéger de la transphobie les personnes transgenres. Une de ces lois interdit la publication de haine en public. Je m’attends à ce que les lois du Canada soient appliquées. »

Nous nous demandons qui est cette « équipe d’avocats » et comment ils ou elles sont financé·e·s. Soit M. Oger est assez riche pour embaucher une « équipe d’avocats » pour intimider et faire taire des femmes qui ne peuvent se permettre un tel luxe, soit les avocats auxquels il fait allusion sont l’équipe juridique du NPD de la Colombie-Britannique. Le NPD-BC utilise-t-il oui ou non ses ressources gouvernementales pour persécuter et harceler des citoyennes qui ont une autre opinion que ses représentant·e·s? Le NPD-BC appuie-t-il l’intention de M. Oger de risquer d’appauvrir une femme en l’obligeant à engager elle aussi « une équipe d’avocats » pour défendre son droit de porter, lors d’un défilé de protestation, un panneau qui déplaît à M. Oger?

Nous trouvons préoccupantes ces tactiques et la volonté exprimée de bâillonner les personnes dont les opinions dérogent à celles de la personne qui occupe la vice-présidence du NPD de la Colombie-Britannique. Nous trouvons aussi préoccupant que beaucoup de personnes se sont retenues de mentionner ou de commenter le geste de M. Oger par peur de représailles, en grande partie à cause du ton dont Oger a réagi envers cette femme et son panneau. M. Oger fait usage du pouvoir politique d’une manière profondément troublante, avec l’intention d’imposer la crainte et le silence à ses collègues et commettant·e·s du NPD.

Les politiciens devraient s’attendre à ce que des gens ne montrent en désaccord avec eux; c’est normal dans ce domaine. Mais les politiciens devraient se montrer aimables et respectueux des gens qui les critiquent lorsqu’il s’agit de simples membres de la population. D’éventuelles électrices et électeurs sont aujourd’hui insultés, méprisés, tyrannisés et diffamés par un représentant du NPD. Ce n’est pas ainsi que les politiciens canadiens devraient gérer les conflits et les désaccords. Au lieu d’engager un débat significatif, M. Oger provoque et aggrave le conflit, se montrant incapable de négocier ou de parvenir à un consensus avec une grande partie de l’électorat. En les diffamant et les insultant, M. Oger impose à des personnes des campagnes de harcèlement et de dénigrement implacables, en préconisant de véritables sanctions matérielles   à leur égard (p. ex. : perte d’emploi, de réputation, accusations criminelles, ruine financière, etc.). Nous nous demandons réellement si le NPD-BC croit que ce comportement reflète les valeurs du Parti et les valeurs de ses électrices et électeurs.

La femme que M. Oger intimide de la sorte exprimait des idées et des sentiments qui sont importants pour elle et pour beaucoup d’autres membres de la population canadienne. Tous les Canadiens et les Canadiennes devraient se sentir à l’aise d’exprimer des idées qui sont significatives et importantes pour eux, sans subir d’intimidation, de tyrannie et harcèlement.

Le concept d’« identité de genre » demeure lui-même très mal défini. Il repose sur une idéologie qui prétend que le genre est inné, alors qu’en fait les rôles de genre sont imposés socialement, et basés sur le sexe biologique comme moyen de normaliser la hiérarchie instaurée entre hommes et femmes par le patriarcat. Par contre, les droits qu’ont les femmes sur la base de leur sexe reposent sur la réalité matérielle : nous savons que dans notre société les femmes sont discriminées et soumises à la violence masculine du seul fait d’être nées de sexe féminin. Nous disposons de décisions judiciaires protégeant les femmes contre la discrimination basée sur des motifs comme la grossesse, la fausse couche, l’avortement et l’allaitement maternel, sur la base du raisonnement explicite qu’un seul sexe donne naissance et qu’un seul sexe allaite au sein. La notion que les hommes peuvent réellement être des femmes s’ils le « ressentent » ou s’ils concurrencent des stéréotypes féminins entre en conflit avec les droits des femmes basés sur leur sexe, car non seulement elle réduit « la femme » à quelque chose d’intangible et d’indéfinissable, mais elle affirme que l’oppression des femmes s’ancre dans un « sentiment » ou une identité personnelle plutôt que dans le sexe biologique. Les contestations du concept d’« identité de genre » devraient donc non seulement être acceptables mais encouragées.

Nous nous attendons à ce que le NPD de la Colombie-Britannique condamne les actions et le comportement de la personne qui en occupe la vice-présidence et qu’il demande à ce que M.  Oger cesse ses activités et s’en abstienne. Au Canada, nous nous attendons à ce que nos représentant·e·s politiques ne s’engagent pas dans l’intimidation publique des femmes ou dans des campagnes de harcèlement coordonnées contre les personnes avec lesquelles ils/elles sont en désaccord, et nous nous attendons à ce qu’ils/elles s’abstiennent de menacer leurs commettant·e·s. Le NPD de la Colombie-Britannique devrait informer la personne qui occupe sa vice-présidence – et les femmes en général – que l’intimidation et la censure ne sont pas des valeurs de ce parti.

(Cette pétition a recueilli plus de 200 signataires jusqu’à présent – Pour y ajouter votre nom, si vous êtes citoyen·ne canadien·ne, cliquer sur http://bit.ly/2ElAu5e ou
https://docs.google.com/document/d/1FRbWuyKjDMDQ5cKSu-HYfDI1byMghar9L4T3IhIPtEc/edit

Version originale : http://www.feministcurrent.com/2018/02/10/open-letter-bc-ndp-regarding-conduct-bc-ndp-vice-president-morgane-oger/   ou  http://bit.ly/2G8qAk9

Traduction: TRADFEM

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Avec amour et solidarité,
Les femmes de Feminist Current

2 réflexions sur “Lettre ouverte au Nouveau Parti Démocratique de la Colombie-Britannique concernant la conduite de M. Oger, qui en occupe la vice-présidence

  1. Beaucoup d’hommes identifiés trans reconnaissent demeurer des hommes. C’est le cas de Caitlyn Jenner, par exemple. Le NPD intentera-t-il une poursuite contre lui pour l’avoir affirmé?

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