L’identité de genre est le produit d’un esprit déconnecté – Quand l’irréel devient plus que réel

EVA KURILOVA
01 JUIN 2024

Jeune fille devant un miroir, Pablo Picasso (1932)


Il n’est pas surprenant que l’« identité de genre » soit devenue un concept à propagation virale à une époque où nous sommes si nombreux-ses à vivre notre vie en ligne. D’une certaine manière, nous passons une grande partie de notre temps dans un état désincarné et capables de nous présenter d’une manière qui n’est peut-être pas tout à fait réelle. Le problème est que les idéologues du genre ont essayé d’appliquer ce mode d’être au monde réel, avec des effets désastreux. Le fait que cette tentative ait été reprise par la société dans la mesure où elle l’a été montre le triomphe de l’esprit déconnecté, ce qui est préjudiciable pour nous tous.

Le problème de l’esprit déconnecté est qu’il ne voit pas la réalité « là, à l’extérieur ». Il pense que la seule réalité est celle qu’il s’est construite. Il s’agit d’une entreprise paradoxale et contradictoire, car tout ce qui est construit à l’intérieur de l’esprit est basé sur quelque chose qui existe à l’extérieur.

Par exemple, le concept même d’identité de genre ne serait pas possible si l’on ne savait pas d’abord ce que sont réellement les hommes et les femmes. Cela peut sembler évident, mais nier l’existence des deux sexes est exactement ce que les idéologies du genre tentent de faire. Néanmoins, la réalité était et devait nécessairement être leur point de départ. Ils ont observé le monde et ont vu non seulement les hommes et les femmes, mais aussi les différentes tendances associées à chaque sexe.

Certain-es pourraient qualifier ces différences de « stéréotypes », mais pour moi, il est évident que nos différences sont plus profondes. Il ne fait aucun doute qu’une grande partie de ce sur quoi repose l’« identité de genre » n’est rien d’autre que des stéréotypes superficiels et des choix de mode, mais les hommes et les femmes ont également, en moyenne, des différences comportementales, émotionnelles et psychologiques.

Les idéologies de genre reconnaissent donc ces tendances qui existent dans la réalité. Mais au lieu de simplement reconnaître que les sexes présentent en moyenne des différences statistiques, elles ont construit des « identités de genre » à partir de ces différences. Les comportements et tendances typiquement masculins sont devenus l’identité de genre « masculine », tandis que les comportements et tendances typiquement féminins sont devenus l’identité de genre « féminine ». Il n’était absolument pas nécessaire de procéder de la sorte. Mais, à tout le moins, ces « identités de genre » étaient encore vaguement liées aux véritables sexes masculin et féminin. Même si elles étaient souvent stéréotypées, elles étaient au moins fondées sur quelque chose.

Mais les idéologues du genre, parce qu’ils sont des postmodernistes avoués, sont allés plus loin. Ils et elles ont dissocié l’« identité de genre » de toute idée de sexe physique et ont insisté sur le fait qu’il s’agissait d’un concept flottant sans lien avec le monde réel. L’identité de genre est devenue quelque chose de semblable à une âme, bien qu’une âme dépourvue de toute divinité. N’importe quelle identité de genre peut désormais habiter n’importe quelle personne, quel que soit son sexe physique et quel que soit son comportement. C’est ainsi que l’on voit sur TikTok des filles très féminines déclarer qu’elles sont « transmasculines » et insister sur les pronoms « ils/elles ».

Tout cela n’a aucun sens. Alors qu’auparavant, par exemple, on pouvait dire que les personnes plus typiquement masculines avaient une « identité de genre » masculine, aujourd’hui, une personne féminine qui agit de manière typiquement féminine peut également en avoir une, car l’identité de genre, en règle générale, ne peut plus être fondée sur quoi que ce soit de réel. Ne vous méprenez pas, je pense que l’ancienne conception est également ridicule, mais elle représente au moins une étape avant que l’esprit purement déconnecté ne prenne entièrement le dessus.

Mais la représentation est devenue réalité, avec des effets dévastateurs. C’est cette évolution qui a permis aux gens de défendre avec véhémence des affirmations aussi absurdes que la prétention que le sexe n’est pas réel ou que les femmes peuvent avoir un pénis. Il s’agit d’une perversion de la capacité humaine à conceptualiser et à représenter. Cette capacité n’est pas mauvaise en soi : elle est à l’origine d’une grande partie du succès de notre espèce. Mais elle s’est aujourd’hui emballée.

Nous devons retrouver notre ancrage dans la réalité, pour le bien de tous : pour le bien des femmes, pour le bien des hommes, pour le bien des enfants, et même pour le bien des personnes qui s’identifient comme « trans ». Il n’y a rien de bon à placer des idées, des conceptions et des représentations au-dessus de la réalité. Nous en avons la preuve dans l’horrible médicalisation des enfants et dans la destruction des espaces et des services non mixtes.

Nous n’avons certainement pas besoin d’ignorer la réalité pour être des personnes bienveillantes et tolérantes. C’est un autre mensonge de l’esprit déconnecté. Reconnaître ce que quelque chose est vraiment (par exemple, qu’un homme est un homme) ne peut être conceptualisé comme « haineux » que par un esprit qui déteste la réalité parce qu’il considère que ses propres idées sont plus réelles. En fait, il s’agit d’une entreprise fondamentalement narcissique, et c’est pourquoi l’idéologie du genre est si dépourvue de véritable compassion.

La personne qui a arraché des concepts à la réalité commune à laquelle nous participons tous et toutes et qui exige ensuite que nous appliquions ces concepts uniquement en fonction de ses préférences personnelles est entièrement égocentrique et ne veut pas reconnaître que d’autres personnes ont leur propre esprit et leur propre point de vue. Cette impulsion autoritaire est le véritable danger d’une rupture aussi complète du lien avec la réalité.

Lorsque nous perdons le sens de quelque chose de véritablement objectif « là », en dehors de nous-mêmes, nous perdons la capacité de reconnaître que nous devons coopérer, faire des compromis et vivre avec d’autres personnes. On se retrouve avec des idéologues qui essaient de forcer tout le monde à croire qu’un homme est une femme et qui les punissent s’ils ne s’y conforment pas. C’est pourquoi je ne peux pas concevoir l’idéologie du genre comme une simple misogynie, bien qu’une forme très sadique de misogynie soit certainement bien vivante dans le mouvement.

Je pense que le problème est encore plus profond – et par là, je ne veux pas minimiser la misogynie, je veux souligner avec force l’ampleur du problème. Il s’agit, comme je l’ai dit, d’un type d’autoritarisme très narcissique, qui englobe d’autres modes de contrôle, y compris le sexisme.

L’objectif est de contrôler le monde dans son ensemble, car le monde fonctionnant indépendamment du mien déconnecté représente une menace pour lui. À chaque instant, le monde et les autres personnes qui le composent ont la capacité de montrer à l’esprit déconnecté que ses constructions sont erronées et creuses. C’est pourquoi les idéologues du genre doivent faire taire les autres et clore le débat. Derrière leurs fanfaronnades, ils sont incroyablement peu sûrs d’eux.

Bien qu’ils aient fait beaucoup de dégâts, je me console en me disant qu’on ne peut pas s’opposer à la réalité et gagner, pas à long terme en tout cas. Tout ce qu’il faut, c’est qu’un nombre suffisant de personnes affirment qu’elles ne seront pas, en fait, contrôlées par le fantasme intérieur de quelqu’un d’autre.

Traduction: TRADFEM

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