Nicolas Casaux écrit:
« Je suis en train de lire le nouveau livre de la féministe et marxiste suédoise Kajsa Ekis Ekman intitulé « On the Meaning of Sex: Thoughts about the New Definition of Woman » (« Sur la signification du sexe : Réflexions sur la nouvelle définition du mot femme »). Son précédent, paru en français sous le titre « L’Être et la marchandise », chez M Éditeur, (que je n’ai pas lu mais dont j’ai entendu beaucoup de bien), est une critique de la prostitution et de la GPA.
Son dernier ouvrage traite lui des fondements idéologiques de la transidentité et des implications pour les femmes et les enfants (notamment) de l’essor du transgenrisme, et tout particulièrement des effets des changements juridiques et institutionnels qu’il produit. Jusqu’ici, il est excellent. Ekman écrit vraiment très bien, est très claire, érudite et incisive.
J’ai traduit une courte section du livre, qui permet de comprendre en quoi le transgenrisme est une religion du genre, un culte voué au genre (le genre est une sorte de Dieu, au centre de tout, toujours présent, qui domine tout). »
Voici :
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L’outil pédagogique appelé « Personne gingenre » (on en trouve un autre similaire appelé « licorne du genre » [voir en commentaire sous cette publication]), utilisé dans les écoles américaines, explique ce que sont le sexe et le genre à travers une représentation d’un corps humain. Le sexe anatomique est ce qui se trouve entre vos jambes, tandis que l’identité de genre est située dans votre cerveau/esprit. La sexualité ou l’attirance, selon les termes du graphique, se trouve dans votre cœur, et l’expression de genre correspond à vos actions, vos vêtements et votre comportement. Sam Killermann, écrivain célèbre pour sa présentation Ted et activiste, se vante que son affiche ait été téléchargée des centaines de milliers de fois et que cela ait fait de lui une sorte d’autorité en matière de genre. Killermann affirme que l’identité de genre est « la façon dont vous interprétez intérieurement la chimie qui vous compose ». Il n’explique pas comment il est possible d’interpréter sa chimie, mais affirme que cette interprétation est complète dès l’âge de trois ans. « Il est généralement admis que notre identité de genre est formée à l’âge de trois ans et qu’il est très difficile de la changer après cela. » Cependant, Killermann explique que l’identité de genre doit être considérée comme quelque chose de distinct de l’expression de genre :
« Vous vous réveillez en portant un pantalon de survêtement gris et ample et un T-shirt. Lorsque vous entrez dans votre cuisine pour préparer le petit-déjeuner, vous exprimez un genre androgyne à légèrement masculin. Cependant, si vous voyez votre partenaire dans la cuisine et décidez de rôder comme Halle Berry dans Catwoman, vous exprimez alors un genre beaucoup plus féminin. Vous vous versez un bol de céréales, enroulez votre poing autour d’une cuillère comme un Viking et commencez à vous empiffrer de Corn Flakes, et tout d’un coup vous augmentez votre niveau de masculinité. Après le petit-déjeuner, vous vous précipitez dans votre chambre et vous vous amusez malicieusement à placer différentes tenues devant vous, en suppliant votre partenaire de vous aider à décider quoi porter. Votre genre redevient féminin. »
Selon Killermann, être masculin, c’est porter des T-shirts et des pantalons larges, s’empiffrer de céréales et tenir sa cuillère « comme un Viking ». Être féminine, c’est rôder comme un chat, être dans la chambre à coucher en pensant à des vêtements et être tellement indécise que vous devez demander à votre partenaire de vous aider à accomplir une tâche aussi banale que vous habiller. Personnellement, je ne connais personne, quel que soit son sexe, qui fasse tout cela (qui place ses vêtements devant lui en « s’amusant malicieusement » ?), mais Killermann pense manifestement qu’avoir beaucoup de temps libre et errer sans but sont des caractéristiques féminines. Si vous pensiez que le petit-déjeuner était simplement un moment où l’on mange pour se nourrir, vous vous trompiez lourdement. Satisfaire ses besoins fondamentaux est en fait quelque chose de masculin, comme l’explique Killermann.
La petite conférence de Killermann est censée nous signaler qu’il est ouvert d’esprit. Il souligne à plusieurs reprises qu’il est erroné et démodé de penser qu’il n’y a que deux sexes. Il veut mettre en évidence la diversité et les multiples facettes des individus. Mais, selon lui, cette diversité ne se crée pas en s’affranchissant des catégories de genre. Au contraire, il enferme toute action humaine dans les catégories masculine ou féminine. On ne peut même pas sortir du lit sans être classé dans une catégorie de genre. Les êtres humains du futur devraient donc s’interpréter et se genrer en permanence, trouver leur identité de genre, puis genrer continuellement leurs moindres expressions. On attend de l’individu qu’il connaisse toutes ces expressions — mais les expressions elles-mêmes ne sont pas ouvertes à la discussion.
Mais attendez une minute. Le genre n’était-il pas censé être dissous ? Cette nouvelle idéologie n’était-elle pas censée remettre en question les vieux schémas et nous permettre d’« oser être nous-mêmes » ? Eh bien voilà, quand on gratte la surface, on s’aperçoit que la réalité n’a rien à voir. Le genre est au contraire très fixe et déterminé, non pas par le corps, mais par notre comportement. Nous nous retrouvons face à un déterminisme biologique sans la biologie, où le féminin et le masculin se voient attribuer certains comportements et caractéristiques. Ceux-ci semblent déconnectés du corps, exister dans leur propre monde, éthéré. S’il est désormais interdit de faire le lien vagin = femme, il est encouragé de faire le lien : futile, vulnérable, affecté = femme. Au départ, on nous présente une histoire d’« ouverture » et d’« acceptation » indépendamment du sexe, une chose qui ressemble tellement aux récits du mouvement pour les droits des homosexuels et du féminisme que nous ne faisons pas attention. Cependant, lorsque nous y regardons de plus près, nous constatons quelque chose de très différent.
Les rôles de genre font leur retour sans que nous l’ayons remarqué ! C’est simplement que sexe et genre ont été intervertis. Le genre est désormais réel tandis que le sexe est une construction. Le sexe est dit « assigné » à la naissance, c’est-à-dire qu’il est considéré comme une construction sociale que la société applique de force à l’enfant. L’identité de genre, en revanche, est dite innée. Il s’agit d’essentialisme du genre : le genre comme une essence indépendante du corps.
Le genre n’est pas du tout dissous, contrairement à ce que nous pensions au départ. En fait, c’est exactement le contraire. Le genre règne en maître, ayant vaincu le sexe, et il repose toujours sur les mêmes vieux stéréotypes. On assiste à une sorte de refonte idéologique. La théorie de l’identité de genre emprunte des termes fondamentaux au féminisme, mais leur attribue des significations opposées. L’expression « construction sociale » est conservée, faisant ainsi allégeance à la théorie féministe, ainsi que l’expression sexe biologique, qui désignait ce qui est fixe, immuable — mais ces deux expressions ont été permutées. Désormais, les rôles de genre constituent le vrai sexe. Le fait d’être femme (womanhood) n’est plus synonyme d’utérus, mais de rubans roses et de poupées. Le fait d’être homme (manhood) n’est plus synonyme d’avoir un pénis mais de guerre et de machines. Et, ces rôles de genre, nous dit-on, sont innés. (…)
Kajsa Ekis Ekman
Préface du livre (en anglais)
Pour consulter la Table des matières et commander le livre, c’est ici.
Il y aura un lancement en ligne du livre le 8 mars. On s’inscrit ici.
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« Les rôles de genre font leur retour sans que nous l’ayons remarqué ! C’est simplement que sexe et genre ont été intervertis. Le genre est désormais réel tandis que le sexe est une construction. »
et
« refonte idéologique. La théorie de l’identité de genre emprunte des termes fondamentaux au féminisme, mais leur attribue des significations opposées. L’expression « construction sociale » est conservée, faisant ainsi allégeance à la théorie féministe »
= excellente explication de la théorie des transactivistes et exprimée simplement, merci beaucoup pour la traduction.
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Cette reprise du vocabulaire de gauche, de la socio, explique peut-être pourquoi les hommes qui se disent de gauche, et qui sur certains sujet le sont, soutiennent sans plus réfléchir le transactivisme.
Exemple caricatural, Médiapart, dont, au pifomètre, la moitié des articles axés féministes sont aujourd’hui dédiés au transactivisme, aux problèmes des hommes donc, ou au soutien de cette nouvelle forme d’anorexie, la rédaction suivant sans doute les quelques journalistes estampillés « féministes » de leur groupe relationnel. Mais bon, le vocabulaire y est, les formes y sont, alors pourquoi soupçonner leurs relations de se fourvoyer ?
Cette adhésion rapide à l’idéologie transactiviste chez les hommes de gauche montre à quel point leur vision du monde est sexiste, ils ne voient même pas ce qui cloche, quand un homme qui a des problèmes d’identité peut avoir accès à un vestiaire pour femmes…
Ils ne voient même pas le problème, quand un groupe d’homme s’appuie sur un groupe de femmes, souvent jeunettes ou ambitieuses sans convictions politiques fermes, pour faire taire un autre groupe de femmes.
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