C’est ce qu’écrit JULIE BINDEL, après que 1 000 d’entre eux aient échappé à un casier judiciaire simplement en s’excusant auprès de leurs victimes.
Par Julie Bindel, The Daily Mail, le 27 mars 2023
Après des années de gros titres dévastateurs, j’en étais venue à penser que ma colère viscérale face au traitement réservé aux femmes par la police et l’appareil de justice pénale ne pouvait être attisée encore plus.
J’avais tort.
Quelques jours à peine après la publication du rapport accablant de la baronne Casey sur la police métropolitaine de Londres et ses multiples manquements en matière de protection des victimes de la criminalité, entre autres, nous avons appris hier une autre façon révoltante dont les femmes sont trahies par un système censé les protéger.
Comment décrire autrement la révélation par le Daily Mail que plus de 1 000 délinquants sexuels ont échappé à toute forme de sanction formelle pour leurs crimes en ne présentant guère plus que des « excuses » à leurs victimes ?
Il s’agit notamment de violeurs – et parmi eux d’agresseurs d’enfants – qui s’en tirent avec l’équivalent judiciaire d’une poignée de main.
Ayant passé la majeure partie de ma vie adulte à faire campagne pour mettre en lumière le fléau de la violence masculine à l’égard des femmes, j’ai rarement été aussi furieuse.
Les primo-délinquants coupables de délits « moins graves » et qui acceptent une « responsabilité » peuvent maintenant contourner le système judiciaire en présentant des excuses et, dans certains cas, en versant une compensation.
On appelle cela une « résolution communautaire », bien qu’une mesure qui ne prévoit aucune sanction réelle pour les délinquants ne constitue en aucun cas une « résolution ». Il s’agit d’une odieuse trahison des victimes de délits sexuels.
Alors oui, je suis en colère. Moi qui ai passé la majeure partie de ma vie adulte à faire campagne pour mettre en lumière le fléau de la violence masculine à l’égard des femmes, j’ai rarement été aussi furieuse.
Malheureusement, je ne peux pas dire que je suis choquée.
C’est ainsi que fonctionne notre système de justice pénale depuis 20 ans.
Afin de réduire les retards de traitement et d’économiser de l’argent, on s’est progressivement orienté vers une prétendue « justice réparatrice ».
Les primo-délinquants coupables de délits « moins graves » et qui acceptent une « responsabilité » peuvent éviter le système judiciaire en présentant des excuses et, dans certains cas, en versant une compensation.
Lorsqu’elle est utilisée correctement, j’y suis tout à fait favorable. Pour la petite délinquance, elle peut parfois être bénéfique à la fois pour la victime et pour le délinquant : la première se voit épargner l’épreuve d’un procès, le second bénéficie d’une seconde chance sans avoir à subir un séjour derrière les barreaux parfois brutal et corrupteur.
Mais depuis quand les délits sexuels sont-ils mis dans la même catégorie qu’un hangar vandalisé ou un vélo volé ?
Nous savons déjà que les condamnations pour viol représentent moins d’un pour cent des cas signalés au niveau national.
Et le rapport de la baronne Casey – commandé, ne l’oublions pas, à la suite du meurtre brutal de Sarah Everard par l’officier en service Wayne Couzens il y a deux ans – a révélé les horribles lacunes de la police métropolitaine en matière de traitement des délits sexuels.
Outre notre culture sexiste généralisée, l’accent promis sur la lutte contre la violence à l’égard des femmes et des jeunes filles après la mort de Sarah ne s’est jamais concrétisé.
En fait, elle a été prise moins au sérieux que d’autres crimes en termes de priorité.
Comme l’a reconnu un officier, dans un aveu surprenant, à l’enquête de Mme Casey, à Londres, le viol a été effectivement décriminalisé. Aujourd’hui, nous disposons de nouveaux éléments prouvant que les violences sexuelles et leur impact sur les victimes sont systématiquement minimisés par notre système de justice pénale.
L’année dernière, le nombre de « résolutions communautaires » prononcées à l’encontre de délinquants sexuels a doublé, avec 1 064 cas de ce type en 2021 et 2022.
Parmi ces cas, plusieurs ont été sanctionnés pour des viols d’enfants, dont un impliquant une fillette de moins de 13 ans.
Peut-on croire qu’une résolution communautaire puisse être appropriée pour un crime aussi horrible ?
Mais de telles mesures soulignent une philosophie bien trop répandue, en particulier lorsque la victime et l’auteur d’un crime sexuel se connaissent, selon laquelle il est « plus facile » pour toutes les parties concernées de régler le problème en dehors d’une salle d’audience. Il s’agit d’une stratégie profondément erronée.
Les recherches montrent que les auteurs de crimes sexuels, en particulier dans un cadre domestique contre un partenaire, ont des taux de récidive élevés.
Ces crimes sont commis par des hommes qui savent qu’il est très peu probable qu’ils soient dénoncés, et encore moins inculpés.
Il s’agit d’hommes qui – mis à part le nombre minuscule de personnes condamnées pour viol chaque année – ont peu de chances de rester longtemps derrière les barreaux, même s’ils font l’objet d’un verdict de culpabilité de la part d’un jury.
Le système judiciaire conventionnel n’est donc guère dissuasif. Pourtant, au lieu d’affronter le processus judiciaire, certains délinquants se voient offrir la possibilité de « reconnaître leur responsabilité » et de « s’excuser ». On ne peut qu’imaginer le message que cela envoie à ceux qui sont prédisposés à s’en prendre à des femmes vulnérables.
Naturellement, la police s’est empressée de défendre cette politique, en soulignant que cette sanction n’est normalement utilisée que dans le cas d’infractions sexuelles où la victime est d’accord pour que le crime soit traité de cette manière.
Mais ce n’est aucunement une justification, et il est difficile de ne pas y voir une solution de repli commode qui ne tient absolument pas compte de la dynamique souvent complexe entre les victimes et les délinquants, en particulier dans un contexte domestique.
Faut-il s’étonner que certaines femmes victimes – dont beaucoup ont du mal à porter plainte auprès de la police – puissent se sentir attirées par une option dans laquelle la perspective de comparaître au tribunal en tant que témoin est remplacée par cette solution « commode » ?
Les femmes ne sont pas forcées d’accepter une résolution communautaire, mais une femme traumatisée peut penser qu’elle devrait l’accepter.
Les conséquences de cette politique se répercutent sur nous toustes. Contrairement aux avertissements ou aux condamnations, les résolutions communautaires ne créent pas de casier judiciaire et ne sont pas enregistrées dans l’ordinateur national de la police. Cela signifie que des milliers de délinquants sexuels sont remis en complète liberté.
L’ironie de cette mascarade réside dans le fait que les résolutions communautaires ne peuvent être prononcées que si le délinquant a reconnu son crime – en partie, du moins.
Alors pourquoi ne pas tirer parti de cette situation en aidant les victimes à porter leur affaire devant les tribunaux ?
La réponse, bien sûr, est qu’il est plus facile et moins coûteux de ne pas le faire. Ainsi, une fois de plus, la sécurité des femmes est sacrifiée sur l’autel des chiffres de la criminalité et de l’opportunisme politique.
Chaque fois qu’un nouveau scandale d’abus sexuel éclate, les hommes politiques et les chefs de police insistent sur la nécessité d’en tirer les leçons, comme ils l’ont fait la semaine dernière dans le sillage du rapport brûlant de la baronne Casey. C’est stupéfiant et déplorable.
C’est pourquoi j’appelle à une interdiction générale des résolutions communautaires en matière de criminalité sexuelle, à une exception près. Dans les cas où deux adolescents consentants ont eu des relations sexuelles alors qu’ils étaient mineurs, il n’est peut-être pas approprié de criminaliser l’un d’entre eux ou les deux.
Dans tous les autres cas, la police doit engager des poursuites. Cela signifie qu’elle doit recueillir des preuves – même si elles semblent être du type « sa parole à lui contre celle de la femme » – que le service des poursuites de la Couronne doit ensuite évaluer et, le cas échéant, porter devant les tribunaux.
Cela se traduira-t-il par un taux de condamnation de 100 % ? Non. Mais il sera certainement plus élevé que celui que nous avons, et il enverra un message fort : les violences sexuelles, quelles qu’elles soient, seront prises au sérieux.
Bien sûr, à court terme, cela prendra plus de temps et coûtera plus cher. Mais si nous continuons sur la voie actuelle, nous infligerons un coût bien plus grave aux femmes les plus vulnérables de Grande-Bretagne.
Julie Bindel
Traduction: TRADFEM