Sous prétexte de rendre la Californie plus accueillante pour les jeunes LGBTQ, un sénateur de cet État, Scott Wiener, est en train de le transformer en paradis pour la traite des personnes.
Par Abigail Shrier, autrice de l’ouvrage Dommages irréversibles, sur son site Substack The Truth Fairy
Ce texte est un peu long, mais je crois que vous trouverez qu’il établit des liens substantiels entre les efforts législatifs ostensiblement destinés à « protéger les personnes LGBTQ » et une augmentation stupéfiante de l’exploitation sexuelle des femmes et des jeunes. Dans l’État natal où je suis née, la Californie, toutes ces manœuvres législatives proviennent d’un seul homme : le sénateur californien Scott Wiener. J’ai eu la chance de pouvoir interviewer le sénateur Wiener en préparation de cet article.
Si vous vivez dans un État plus raisonnable, ne vous sentez pas à l’abri. Ces idées sont présentement exportées à l’échelle nationale et les politiciens californiens invitent explicitement les jeunes – des mineur-es – à fuir leur État pour venir en Californie s’ils et elles n’arrivent pas à obtenir à domicile les transitions sexuelles qu’elles et ils sont amené-es à réclamer.
Tout cela se fait au nom de l’idéologie « LGBTQ », mais les jeunes affiliés à cette communauté vont compter parmi ses pires victimes.
Merci, encore une fois, pour tout vos appuis – et pour rendre possible ce type d’enquête grâce à ce soutien. Veuillez svp partager ce message à très grande échelle – son accès est gratuit. Il est important que ce récit soit partagé à l’échelle de tout le pays.
Avec tout mon amour,
Abigail Shrier
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Un samedi soir dans le secteur sud de Los Angeles, les voitures s’arrêtent, moteur tournant au ralenti, le long des rues secondaires de l’avenue Figueroa, tous phares allumés, afin que les conducteurs puissent bien « mater les filles ». Les femmes se tiennent par groupes de trois au milieu de la rue, affichant des couvre-mamelons et des bikinis « string » sous des robes de résille. Elles portent à l’épaule des manteaux déboutonnés ; même sous le climat tempéré de Los Angeles, le froid de la bise de janvier est mordant. Avec leurs talons hauts en Lucite de 15 cm, elles titubent vers le conducteur de chaque voiture comme on marcherait pieds nus sur du gravier. À moins d’un pâté de maisons, leurs proxénètes sont assemblés au coin d’un trottoir, en sweats à capuche et jeans surdimensionnés, surveillant leurs proies, attendant la paie. On remarque l’absence du seul facteur qui pourrait typiquement entraver la fête : une voiture de police.
Au début de janvier, j’ai rejoint Erin Wilson et Stephany Powell pour une visite de « la piste » sur l’avenue Figueroa, l’une des zones de prostitution les plus achalandées de Californie. Depuis des décennies, Erin Wilson, qui travaille bénévolement avec sa mère, Stephany Powell, pour l’organisation de lutte contre la traite des personnes Journey Out, s’efforce de combattre la traite des personnes à Los Angeles et d’aider les femmes et les enfants victimes à échapper à ce monde brutal.
Dans notre ère post-féministe, la prostitution est si souvent idéalisée – au nom du slogan « le travail du sexe est un travail » – qu’il est facile d’ignorer la cruelle réalité de ce que signifie dépendre d’un proxénète, un arrangement plus proche de l’esclavage que de tout emploi légitime. « Je pourrais vous relater des histoires horribles sur les prostituées battues, étouffées, brûlées et violées à plusieurs », m’a dit Vanessa Russell de Love Never Fails, une autre association de lutte contre la traite des personnes basée près de la ville d’Oakland. « Il y a aussi le syndrome de stress post-traumatique et tout l’enjeu de la santé mentale, le lien avec les traumatismes, les ruptures psychotiques. Vous êtes peut-être quelqu’un qui aime faire l’amour plus d’une fois par jour. Mais de 9 à 21 fois avec différents types, dont certains ont 90 ans et sentent mauvais ? »
« Neuf à 21 fois sur quelle période ? », demandé-je.
« En une journée! », répond-elle. « Est-ce une vie saine ? Je ne pense pas. Le corps n’est même pas fait pour ça. Il y a les inflammations pelviennes que l’on constate. » Elle énumère les autres façons dont le corps de ces femmes est soumis à des agressions microbiennes : les MST, les infections à levures et les infections urinaires qui sont fréquentes chez les femmes qu’elle voit. « Leurs dossiers hospitaliers prouvent, dit-elle, que le corps humain n’est pas fait pour une activité aussi intense. Et puis les filles qui sont là – là où elles sont vendues – n’ont même pas la possibilité de prendre des douches entre deux clients. »
Si les dernières décennies ont vu une augmentation de la traite des personnes, les femmes des trois groupes de lutte contre la traite avec lesquels j’ai parlé dans diverses villes californiennes sont d’accord : rien n’est comparable à l’augmentation stupéfiante de la traite qu’elles ont observée ces derniers mois. Stephany Powell, qui a été sergent à la section des mœurs du service de police de Los Angeles, connaît bien les rues de la ville. Au cours des six derniers mois, le nombre de prostituées a doublé, dit-elle. « Sur Figueroa, entre la 68e et la 75e, en une heure, vous pouviez voir environ 30 filles dehors. Maintenant, vous pouvez en voir de 60 à 65 en une heure. »
Au cours des six derniers mois, le nombre de prostituées a doublé, selon Powell. « Sur Figueroa, entre la 68e et la 75e, en une heure, vous pouviez voir environ 30 filles dehors. Maintenant, vous pouvez en voir de 60 à 65 en une heure. »
Qu’est-ce qui a changé ? La réponse, m’ont dit ces militantes, est le projet de loi 357 du Sénat californien. Signée par le gouverneur Gavin Newsom en juillet dernier, cette mesure dépénalise le fait de flâner dans l’intention de se livrer à la prostitution. La loi n’est officiellement entrée en vigueur que le 1er janvier de cette année, mais dès qu’elle a été adoptée en juillet, la réalité sur le terrain a changé, disent-elles. « Dès que le gouverneur l’a signée, on a commencé à voir une recrudescence des prostitueurs dans les rues », déclare Mme Powell. Et sur les médias sociaux, les proxénètes disaient : ‘Vous faites mieux de sortir et d’aller travailler parce que les rues nous appartiennent maintenant’. »
Les proxénètes avaient raison : la police a cessé de procéder à des arrestations pour des crimes qui ne seraient plus poursuivis. La loi contre le proxénétisme avait permis aux agents d’interroger les femmes et les jeunes qu’ils soupçonnaient d’être aux prises d’un réseau de prostitution. « En tant qu’officier de police, vous devez avoir une cause probable pour arrêter et enquêter, m’explique Mme Powell. Donc si j’ai une loi qui dit que vous ne pouvez pas flâner dans cette zone, en collants et en string, en faisant signe aux voitures, je pourrais vous arrêter pour flânage. Mais si je dis juste que je vous arrête parce que vous me semblez trop jeune, c’est un peu faible. Donc, ça enlève un outil ». En l’absence de cette loi, les mains de la police sont soudainement liées. Désormais, interroger les femmes – et potentiellement provoquer une confrontation violente avec leurs proxénètes – apparaissait comme un pari perdant, un risque que les policiers californiens allaient désormais éviter.
La prostitution reste illégale en Californie. Mais la police a perdu beaucoup de terrain dans ses efforts pour la contenir, m’ont souligné les femmes des associations de lutte contre la traite des personnes de la Bay Area, de San Diego et de Los Angeles. « Le seul moment où ils ont le droit d’intervenir et d’enquêter, c’est s’ils entendent une transaction en cours entre l’acheteur et la personne exploitée », déclare Mme Russell, qui travaille en étroite collaboration avec le département de police d’Oakland. « Cela signifie qu’il doit s’agir d’une opération d’infiltration dans laquelle un agent se fait passer pour une personne exploitée qui peut réellement entendre la transaction. Tout autre scénario ne serait pas un motif suffisant pour que la police s’implique. »
Le sergent Marcos Campos du service de police d’Oakland m’a dit que son service avait permis à 24 mineures d’échapper à la rue en 2021. Mais en 2022, ce nombre a chuté à 14 – la plupart avant la signature de la loi. « Depuis, je crois, le mois de juillet, lorsqu’on nous a officiellement dit que la loi avait été adoptée, le bureau du procureur nous a demandé de ne plus procéder à des arrestations pour le statut 653.22, qui concerne le vagabondage », m’a-t-il déclaré.
À cette étape, vous pourriez vous demander qui bénéficie réellement du projet de loi SB 357. Le sergent Campos se le demande aussi. Pas les communautés locales, dit-il, pour qui l’augmentation du trafic entraîne une augmentation de la violence armée, qui accompagne souvent la prostitution. Pas les travailleuses du sexe, dont beaucoup comptent sur les policiers pour les aider à échapper à leurs proxénètes.
« Je pense qu’en fait, cela a surtout aidé les trafiquants sexuels », opine le sergent Campos du service de police d’Oakland.
Pourquoi avoir proposé une telle loi ? Pourquoi la législature de l’État de Californie a-t-elle jugé nécessaire de l’adopter ? J’ai posé la question à l’auteur de cette loi, Scott Wiener, un sénateur de l’État qui vit à San Francisco. La réponse qu’il m’a donnée est celle qu’il présente pour tant de projets de loi dont il est l’auteur : il était nécessaire de faire progresser les droits des personnes LGBTQ. « Si vous vous tenez sur le trottoir avec des talons hauts, que vous vous coiffez d’une certaine manière et que vous portez des vêtements moulants, un agent peut dire : ‘Je pense que vous flânez dans l’intention de vous prostituer’ et vous arrêter », m’a déclaré M. Wiener. « Ce n’est pas comme cela que nous devrions faire les choses aux États-Unis d’Amérique – arrêter les gens pour leur apparence. Et lorsque vous faites cela, il n’est pas surprenant que seules certaines catégories de personnes soient arrêtées : les transfemmes, les femmes Noires… C’est par nature une loi fondée sur le profilage des gens », a-t-il dit. « Arrêter des transfemmes Noires au hasard en raison de leur apparence ne protège pas les personnes menacées par la traite à des fins sexuelles. »
Mais la police arrêtait-elle réellement « des transfemmes Noires au hasard » ? Les militantes de la lutte contre la traite des personnes avec qui j’ai parlé contestent cette affirmation. Pour commencer, Wilson, Powell et Russell (qui sont toutes des Afro-Américaines) affirment que les femmes et les filles biologiques – et non les transfemmes – constituent l’immense majorité des victimes de la traite. Presque tous les comptes rendus de la traite publiés par les organisations mondiales de défense des droits humains confirment cette observation.
De plus, à en juger par les femmes que j’ai vues sur l’avenue Figueroa, discerner celles qui se livrent à la prostitution ne nécessite pas de jugement sophistiqué d’ordre vestimentaire, mais seulement deux yeux et un cerveau. Si une femme porte un bikini de type string au milieu de la rue et qu’elle fait signe d’arrêter aux automobilistes – tandis que des hommes vêtus de sombre montent la garde, comme s’ils tenaient une laisse invisible – il y a gros à parier qu’elle est une esclave sexuelle contemporaine.
Mme Russell, qui travaille dans le secteur des technologies depuis 20 ans, s’est intéressée à la lutte contre la traite des personnes alors qu’elle enseignait la danse aux enfants de quartiers défavorisés. Il y a douze ans, l’une de ses élèves, âgée de 15 ans, a été violée à Hayward, puis soumise à la traite partout en Californie durant environ un an. La jeune fille n’avait ni père ni mère dans sa vie. « Elle était élevée par des membres de sa famille. Puis un proxénète s’est servi de la stratégie de « lover boy » pour lui faire croire qu’il était son petit ami. Il a ensuite introduit de la violence dans leur relation », m’a expliqué Russell. « Et elle a fini par être vendue par plusieurs exploiteurs dans toute la région de la baie, à Vallejo, en Californie du Sud, à Oakland, etc. »
Mme Russell a créé l’organisation Love Never Fails dans le cadre d’une mission salvatrice de soutien aux filles comme son ancienne élève. « Il y a douze ans, les gens ne savaient même pas ce qu’était la traite des personnes. Il y avait tous ces mythes selon lesquels c’était quelque chose qui n’arrivait qu’aux gens d’autres pays. On véhiculait des mythes du genre ‘il n’y a plus d’esclaves chez nous’. Je pense donc que nous avons bien réussi à démontrer que non, l’esclavage moderne est bien vivant et qu’il prolifère ici aux États-Unis. 83 % de tous les cas d’esclavage qui surviennent chez nous affectent des personnes nées au pays. »
Lors de mon équipée en voiture avec Powell et Wilson dans les rues de Los Angeles, juste après 22 heures – avant que la « piste » ne s’active vraiment – j’ai vu plusieurs files de véhicules s’étendant sur tout un pâté de maisons, chacune étant occupée par un éventuel client, attendant sa chance avec l’une des femmes. Au moins 35 d’entre elles faisaient la queue, la plupart blanches ou latinas. Beaucoup semblaient très jeunes, soit moins de 18 ans. Je n’ai identifié qu’une seule qui semblait transsexuelle, bien que Powell ait noté qu’il y en avait probablement d’autres à un deuxième endroit sur Western Avenue. Powell et Wilson m’ont dit que le trafic commence à s’intensifier à 23 heures et culmine à minuit. À l’approche de 23 heures, de plus en plus de femmes apparaissaient effectivement le long de Figueroa. Mais Powell et Wilson ont pris soin que nous repartions avant minuit. Après 23h30, on voit augmenter le risque de violence armée autour des proxénètes. Nous n’aurions pas été en sécurité.
À Oakland et dans la région de San Diego, Russell et Marisa Ugarte, une femme qui dirige un groupe de lutte contre la traite des personnes dans le comté de San Diego, m’ont répété que la grande majorité des victimes de la traite sont des femmes – des femmes et des filles afro-américaines à Oakland, a pris soin de préciser Russell. Mais il y a une autre population que Mme Russell a vu augmenter ces dernières années dans les rangs des victimes : « les gens qui s’identifient comme LGBTQIA+. »
Les frasques de Scott Wiener sur les réseaux sociaux pourraient inviter à des comparaisons avec celles des politiciennes Alexandria Ocasio-Cortez ou Ilhan Omar. Sur Twitter, Wiener a affiché des photos de lui posant torse nu à la Folsom Street Fair de San Francisco, bras dessus-bras dessous avec des hommes en tenue de bondage. Lors de l’épidémie de monkeypox l’été dernier, il a tweeté en l’approuvant un article encourageant les homosexuels à cacher leurs excroissances avec des pansements et à continuer à faire la fête. Et il a menacé de faire du cours « Drag Queen 101 » un élément obligatoire de l’enseignement primaire et secondaire, affirmation qu’il a par la suite justifiée comme étant un trait d’humour. Comme d’autres politiciens avides d’attention médiatique, Wiener semble prendre plaisir à provoquer ses détracteurs.

Pourtant, dans une ère politique marquée par une impasse législative à Washington, Wiener se distingue comme l’un des législateurs les plus performants du pays.
Au cours des six années qui ont suivi l’entrée en fonction de ce diplômé de Harvard, il a réussi à rédiger et à faire adopter une série de projets de loi radicaux liés au genre et au sexe. Ces mesures ont permis à des criminels de sexe masculin de s’autodéclarer « femmes » pour imposer leur présence dans des pénitenciers féminins ; ses lois ont infligé des sanctions pénales aux professionnel-les de la santé dont les soins n' »affirment » pas suffisamment le genre ; elles ont fait de la Californie un « État sanctuaire » pour les jeunes LGBTQ ; elles ont élargi l’accès aux « soins affirmant le genre » pour les jeunes identifiés comme LGBTQ, avec ou sans l’accord des parents ; elles ont menacé de peines de prison les travailleuses et travailleurs de la santé qui « mégenrent volontairement et systématiquement » des patients (c.-à-d. s’y réfèrent d’une façon discordante avec leur « identité de genre »); elles ont également décriminalisé l’exposition délibérée d’un-e partenaire sexuel-le au VIH et réduit les sanctions pénales pour les délinquants sexuels.
Dans une ère politique marquée par une impasse législative à Washington, le sénateur Scott Wiener se distingue comme l’un des législateurs les plus performants au pays.
Un autre projet de loi de Wiener, présenté en 2021, visait à décriminaliser le recours à la psilocybine et la kétamine, mais il n’a pas été adopté, en partie à cause de l’opposition énergique d’une ancienne sénatrice républicaine de l’État, Melissa Melendez, qui s’est élevée contre l’assouplissement des restrictions sur la kétamine, une drogue notoire pour son effet de facilitation des viols. « Je leur ai dit: ‘Ne comprenez-vous pas le programme mis en œuvre ici?’ Je pense honnêtement, que les gens de la législature en sont venus à accepter ce type de projets de loi de sa part parce que Wiener est de San Francisco », m’a-t-elle dit lors d’une conversation téléphonique. Avec obstination, Wiener a réintroduit en décembre une version modifiée de ce projet de loi.
Dans une Californie acquise au parti Démocrate, puisque les législateurs de ce parti jouissent, depuis 2018, d’une supermajorité à l’épreuve du veto dans les deux chambres, les législateurs républicains n’ont pratiquement aucun poids et le gouverneur Newsom n’est plus qu’un caniche savant dans le spectacle législatif. C’est Wiener qui mène la barque. Les Républicains et les Démocrates centristes sont souvent frustrés lorsqu’ils tentent de contrer les projets de loi venus des progressistes.
Comme me l’ont dit un ancien assistant sénatorial et un stratège du parti républicain californien, il est particulièrement difficile de s’opposer à Wiener, l’un des défenseurs les plus éminents et les plus vocaux des droits LGBTQ du pays. Dès que vous vous prononcez contre l’un de ses projets de loi, il se retourne comme il le fait face à moi et vous lance : « Vous êtes homophobe ou transphobe. Vous êtes ceci ou cela », m’a dit Mme Melendez. « Je m’en fiche. Vous pouvez me traiter de tous les noms que vous voulez. Cela ne change pas les effets qu’aura votre projet de loi ».
C’est un fait que Wiener soutient habituellement que ses projets de loi politiquement subversifs liés au genre et au sexe sont nécessaires pour lutter contre la discrimination à l’encontre des personnes LGBTQ. « Lorsque le gouverneur texan Greg Abbott a annoncé que son État allait enquêter sur les parents qui avaient permis à leurs enfants transgenres de recevoir des soins d’affirmation du genre afin de leur intenter des procès, nous avons su que nous devions faire quelque chose », m’a-t-il déclaré. « Et puis nous avons vu que cela commençait à s’étendre à d’autres États, alors nous nous sommes lancés dans l’action et avons élaboré ce projet de loi sur un « État sanctuaire » pour préciser que si des enfants ne se sentaient pas en sécurité au Texas ou dans d’autres États, ils pouvaient venir en Californie, et nous ferions de notre mieux pour les protéger. »
Mais si certains des projets de loi de Wiener visent à protéger les jeunes LGBTQ, ils représentent aussi une occasion en or pour un autre groupe : les adultes qui veulent exploiter ces jeunes. Wiener « est une personne extrêmement dangereuse, [si] extrêmement dangereuse que je ne peux pas croire que les gens ne peuvent pas lire entre les lignes », a déclaré Marisa Ugarte, qui dirige l’association sans but lucratif de lutte contre la traite des personnes, Bilateral Safety Corridor Coalition, basée à National City, juste au sud de San Diego. M. Wiener est en train de transformer la Californie, a-t-elle prévenu, en « un paradis pour la traite à des fins sexuelles ».
M. Wiener est en train de transformer la Californie, a prévenu Mme Ugarte, en « un paradis pour les trafiquants sexuels ».
Quelle que soit l’intention qui sous-tend nombre de ses projets de loi, il semble que ce soit leur effet : rendre la vie plus facile aux prédateurs sexuels. Mme Ugarte donne l’exemple de la loi SB 145, une mesure avancée par Wiener en 2020 qui modifiait les lois sur l’enregistrement des délinquants sexuels en Californie, de sorte qu’un adulte ayant des relations sexuelles anales ou orales avec un mineur pouvait éviter d’être inscrit dans le registre des délinquants sexuels, à condition que l’enfant ait eu au moins 14 ans et que l’adulte n’ait pas eu plus d’une décennie de plus que sa victime.
Les défenseurs de ce projet de loi ont fait valoir qu’il existe depuis longtemps une certaine latitude judiciaire en Californie pour inscrire les auteurs de viols statutaires sur le registre des délinquants sexuels, si le crime impliqué était un rapport vaginal avec une mineure, si la mineure avait au moins 14 ans et si le délinquant était à moins de dix ans de son âge. Le projet de loi de M. Wiener étend cette clémence possible en matière de condamnation au détournement de mineur-es lors de rapports sexuels anaux ou oraux. Il a maintes fois défendu le projet de loi comme étant nécessaire pour « mettre fin à la discrimination flagrante à l’encontre des jeunes LGBT en ce qui concerne le registre des délinquants sexuels de Californie », comme le déclare son site web.
« La seule chose que fait le projet SB 145, c’est de traiter les jeunes LGBTQ exactement de la même manière que les jeunes hétérosexuels ont toujours été traités dans le registre des délinquants sexuels, c’est-à-dire que si vous êtes dans une certaine tranche d’âge, et qu’il y a eu un détournement de mineur-e, alors… les juges ont toujours eu la discrétion de décider si quelqu’un devait être inscrit dans le registre des délinquants sexuels », m’a-t-il dit.
Wiener a raison au plan historique : la loi californienne traitait différemment les violeurs statutaires de 25 ans, en fonction de la manière dont ils avaient eu des rapports sexuels avec leur victime. Cette divergence appelle une correction : le même traitement devrait s’appliquer aux relations sexuelles anales avec un mineur.
Mais si le problème en est un d’inégalité, pourquoi ne pas inscrire les deux catégories de délinquants dans le registre ? Pourquoi ne pas modifier le registre de manière à ce qu’une personne de 24 ans qui a des relations sexuelles avec une personne de 14 ans soit inscrite au registre sexuel, que leur rapport ait été anal ou vaginal ? « Mon travail consiste à obtenir l’égalité pour ma communauté afin que la vie de ces jeunes gays ne soit pas ruinée à cause de cette discrimination », a-t-il répondu. « Nous ne faisons que mettre fin à la discrimination. Et si quelqu’un d’autre veut aller de l’avant et essayer de changer une loi pour tout le monde, il a le droit de présenter ce projet de loi. Personne ne l’a fait. Tout ce que nous demandons, c’est l’égalité de traitement, et c’est l’équité fondamentale. Et ce n’est pas la responsabilité des enfants gays de venir et de changer le registre pour tout le monde afin d’obtenir l’égalité. »
Mais si certains des projets de loi de Wiener visent à protéger les jeunes LGBTQ, ils représentent aussi une occasion en or pour un autre groupe : les adultes qui en profiteraient.
Mais qui sont exactement ces « queer kids » et « gay kids » dont il parle ? Il ne peut pas faire référence aux jeunes adolescents homosexuels qui sont victimes de détournement de mineur-es ; ces mineurs n’étaient pas discriminés par la loi, ils étaient protégés par son insistance sur le fait qu’ils étaient sexuellement hors limites aux prédateurs adultes. Lorsqu’il parle de discrimination à l’encontre des « enfants homosexuels », Wiener semble en fait s’inquiéter de l’injustice de la loi à l’égard des auteurs de détournement de mineur-es. En d’autres termes, il s’inquiète d’un adulte d’une vingtaine d’années – un « gamin », selon son expression – qui a des relations sexuelles avec un-e mineur-e.
Beaucoup d’entre nous s’opposeraient raisonnablement à la poursuite, par exemple, d’un lycéen de 18 ans arrêté pour une relation sexuelle consensuelle avec son petit ami ou sa petite amie de 16 ans. Mais en Californie, ce scénario ne constitue pas un crime et n’oblige personne à s’enregistrer comme délinquant sexuel. Le projet de loi de Wiener concerne les délinquants plus âgés qui ont des relations sexuelles avec des enfants de 14 ou 15 ans. Je lui ai demandé pourquoi ces jeunes adolescents ne devraient pas mériter la protection de la loi. « Alors pourquoi ne demandez-vous pas cela à un autre législateur ? » a-t-il répondu. « Je veux dire, honnêtement, ce que vous faites, c’est dire aux homosexuels qui demandent simplement à être traités de manière égale : ‘Pourquoi ne pas tout changer pour tout le monde ?’ Et personne ne demande cela à un législateur hétéro ».
Cette invocation de l’égalité est le tour de passe-passe classique de Wiener, et il l’a pratiqué à de nombreuses reprises. Lorsqu’il a rédigé le projet de loi visant à supprimer l’aggravation de la peine pour avoir sciemment exposé un-e partenaire sexuel-le au VIH, par exemple, il l’a fait au nom de la lutte contre la « discrimination » à l’encontre des personnes vivant avec la maladie. Mais, en conséquence de ce projet de loi, il n’y a maintenant aucune justice pour un homme gay infecté au VIH par un partenaire sexuel qui a menti à ce sujet. La violation de son consentement et de son intégrité corporelle n’est désormais plus sanctionnée. De même, la réalité violente du commerce du sexe dominé par les proxénètes semble avoir échappé au stylo législatif de Wiener. Comme nous l’avons vu, l’abrogation de la loi contre le proxénétisme est une aubaine pour les trafiquants d’êtres humains, pas pour leurs victimes. « Wiener s’est-il déjà penché sur le Fig ? » a dit Powell, faisant référence au commerce du sexe sur l’avenue Figueroa. « L’a-t-il constaté ? Je me le demande vraiment. »
La déconnexion entre le discours de Wiener sur les droits civils des LGBTQ et les effets sur le terrain de ses projets de loi n’est nulle part plus évidente qu’avec sa législation d' »État sanctuaire », le SB 107. Promulguée en janvier 2023, cette loi vise à faire de la Californie un « État refuge pour les enfants trans et leurs familles », comme l’a déclaré Wiener sur Twitter.
Pour comprendre l’impact de cette loi, il faut commencer par examiner la loi qu’elle modifie : Il s’agit de l’Uniform Child Custody Jurisdiction and Enforcement Act (UCCJEA) de la Californie, qui décourage le « magasinage » interétatique et les enlèvements parentaux en faisant de la compétence en matière de litiges relatifs à la garde des enfants la province exclusive des tribunaux de l’État d’origine. Quarante-neuf des cinquante États américains, dont la Californie, ont adopté cette règle, limitant volontairement la compétence de leurs tribunaux. Par exemple, un père faisant l’objet d’une enquête des services de protection de l’enfance du Wisconsin ne peut pas simplement s’enfuir avec son enfant au Michigan pour faire trancher la question de la garde du petit dans un territoire qu’il estime plus favorable à ses intérêts.
Mais le projet de loi de Wiener sur l’État sanctuaire modifie désormais l’UCCJEA de la Californie, afin de permettre aux tribunaux californiens d’exercer leur compétence lorsque les parents seraient autrement poursuivis dans leur État d’origine pour avoir fait subir une transition médicale à leurs enfants mineurs. En réaction aux lois de plusieurs États qui ont criminalisé les traitements médicaux liés au sexe sur des mineurs, le projet de loi met un terme à l’extradition de ces parents pour des infractions commises dans leur État d’origine et refuse de coopérer à cette fin avec des forces de l’ordre extérieures à la Californie.
Cette disposition pourrait tout simplement s’avérer inconstitutionnelle : le refus des tribunaux californiens de coopérer avec les assignations à comparaître et des ordres d’extradition venus d’autres États dans ce contexte peut violer la clause de pleine foi et de crédit de la Constitution des États-Unis, en vertu de laquelle les États sont tenus d’appliquer les ordres des tribunaux des autres États. Mais il existe une autre disposition, sans doute plus malicieuse, du projet de loi sur les États sanctuaires. Elle stipule : « Un tribunal de cet État a une compétence temporaire d’urgence si l’enfant est présent dans cet État et qu’il a été abandonné ou qu’il est nécessaire, en cas d’urgence, de protéger l’enfant parce que celui-ci, ou un frère ou une sœur ou un parent de l’enfant, est soumis ou menacé de mauvais traitements ou d’abus, ou parce que l’enfant n’a pas été en mesure d’obtenir des soins de santé ou des soins de santé mentale conformes à son identité sexuelle » [c’est nous qui soulignons].
Lisez cela attentivement : un tribunal peut obtenir une juridiction d’urgence temporaire sur la prise en charge d’un enfant si ce dernier n’a pas été en mesure d’obtenir des soins médicaux adaptés à son identité sexuelle dans son État d’origine. La loi semble considérer comme de la maltraitance et de la négligence le fait de ne pas fournir à un enfant des procédures de transition médicale adaptées au sexe auquel il ou elle prétend. À tout le moins, la loi considère ces critères comme équivalents afin de permettre au tribunal de prendre en charge la garde du mineur.
Ce projet de loi va-t-il autoriser ce qu’il semble clairement promettre – inciter les fugueurs à venir en Californie de partout au pays pour subir une transition sexuelle médicale ? Permettra-t-il aux mineur-es californien-nes de se libérer de leur famille en se présentant devant un juge, en déclarant qu’ils ont été empêchés d’obtenir des « soins d’affirmation du sexe » par des parents qui ne les soutiennent pas, et d’échapper ainsi à l’autorité de leurs parents ? J’ai demandé à une spécialiste en droit pénal ayant l’habitude de travailler sur des enquêtes criminelles conjointes entre le gouvernement fédéral et les États de m’interpréter cette disposition. Voici ce qu’elle m’a répondu :
« Cela signifie que l’enfant va venir en Californie et s’adresser à une quelconque association à but non lucratif, qui va l’amener devant le tribunal des affaires familiales. Et le tribunal dira : ‘Nous constatons que tu as été abandonné, ou que tu n’as pas pu obtenir les soins de santé nécessaires. Et donc, nous allons assumer ta garde et te laisser faire’ « .
C’est toute une carotte à tendre à un-e jeune déjà aux prises avec un parent prêt à tout pour lui imposer des limites : venez en Californie, où nous avons le pouvoir de vous libérer des seuls adultes de votre vie qui se consacrent à votre intérêt – la seule source fiable de garde-fous, du « non » démodé mais parfois nécessaire pour vous protéger.
Les jeunes LGBTQ qui arriveront en Californie à la suite de l’adoption de cette loi et rejoindront les rangs des sans-abri seraient également vulnérables aux trafiquants sexuels. Si vous construisez un « État sanctuaire », ceux qui cherchent un refuge viendront probablement, même si le refuge qu’ils cherchent n’est que celui opposé aux volontés de leurs parents. Les jeunes sans-abri affluent depuis longtemps en Californie. Wiener a contribué à faire de l’État un aimant pour beaucoup d’autres jeunes.
En 2019, Wiener a coparrainé le « LGBTQ Foster Youth Bill of Rights« , une autre loi aux implications inquiétantes. Ce projet de loi accordait aux enfants placés en famille d’accueil identifiés comme LGBTQ le droit, entre autres, à l’avortement, à la contraception et au traitement médical en cas d’agression sexuelle, « à l’insu et sans le consentement d’un adulte ». Dans ce projet de nouveaux « droits », on trouve celui-ci : « le droit à l’accès à la technologie informatique et à l’Internet ». Tout à coup, les parents d’accueil se sont trouvés dans l’impossibilité de contrôler l’activité Internet de leurs enfants.
Les partisans du projet de loi affirment que l’accès à Internet permet aux jeunes LGBTQ placés en famille d’accueil d’obtenir un soutien de leurs pairs dont ils et elles ont besoin. Ce soutien est nécessaire, disent-ils, car beaucoup de ces enfants sont extrêmement vulnérables et n’ont pas de famille intacte. Mais cette même vulnérabilité devrait nous rendre extrêmement méfiants à l’idée que le gouvernement accorde à de nombreux adultes ce qui équivaut à un droit d’accès à Internet pour ces enfants. Après tout, les adolescents subissent beaucoup de dommages par le biais des câbles à fibres optiques. Pourquoi empêcher les parents d’accueil – des adultes que l’État a au moins contrôlés – de réglementer la communication des enfants placés avec des adultes non contrôlés ?
Grâce à cette loi, les prédateurs sexuels californiens adultes de toutes orientations ont obtenu un accès accru aux enfants victimes. L’Internet est devenu un outil majeur des trafiquants sexuels – et en particulier des garçons, m’a dit Mme Ugarte. « La sextorsion (chantage sexuel) est la nouvelle tendance, où les trafiquants se dotent d’un avatar féminin, puis se lient d’amitié avec un garçon et les orientent vers un salon de discussion. Puis ils lui disent : ‘Hé, tu sais, je t’aime bien. Pourquoi tu ne me laisses pas voir ton corps ? Je veux voir à quoi tu ressembles parce que tu es si beau.’ Alors le gars se photographie à poil. Et une fois qu’ils ont fait ça, ils lui disent : ‘Si tu ne nous donnes pas 5 000 dollars, nous allons t’exposer sur tout Internet, c’est-à-dire dans tous les médias sociaux.’ »
Les détracteurs de Wiener lui attribuent souvent des intentions malignes, mais tenter de supputer ses intentions est improductif. La vérité est que ses intentions n’ont pas vraiment d’importance. Les effets de la naïveté, de l’ambition ou d’un zèle malencontreux pour la transformation sociale peuvent être tout aussi dévastateurs que tout ce qui procède de motifs plus sombres. « C’est un type intelligent, vous savez », m’a déclaré un ancien membre républicain du personnel du Sénat. « Sur d’autres sujets – ceux qui ne sont pas les questions sociales brûlantes – il aime entendre les opinions opposées et essayer de répondre aux préoccupations que les gens peuvent avoir. » Il a même acquis la réputation, à San Francisco, d’être un modéré, soutenant les promoteurs immobiliers (qui ont largement contribué à ses campagnes), par exemple, et s’opposant aux extrémistes de gauche sur l’environnement. « Wiener se montre souvent ‘diplomate’ et ‘facile à vivre’ », m’a dit l’employé du parti Républicain. Et il serait un candidat formidable pour remplacer Nancy Pelosi dans le 11e district, alors que la carrière de celle-ci au Congrès touche à sa fin.
Mais en termes d’influence législative, ce serait presque certainement un pas en arrière. Depuis son perchoir dans le district le plus progressiste des États-Unis, M. Wiener légifère déjà pour le pays, établissant un modèle à suivre pour les élus progressistes ambitieux et invitant les enfants incompris de l’Amérique à affluer vers le Golden State.
« L’industrie du sexe a historiquement capitalisé sur les personnes qui se sentent perdues, mal aimées et invisibles », a observé Mme Russell. « Et, vous savez, ces gens font un excellent travail, surtout sur le terrain, pour faire croire à ces jeunes qu’ils et elles passent un bon moment. Et puis, plus tard, quand les jeunes ont trouvé plus de stabilité, elles et ils reviennent nous dire : « Oh mon Dieu, c’était si horrible, ça a été l’un des pires moments de ma vie ».
Abigail Shrier, autrice de Dommages irréversibles, Le Cherche-Midi Éditeur
Cet article va être publié dans un numéro spécial de la publication City Journal consacré à la Californie, qui sera publié en mars.
Traduction : TRADFEM