Il est dangereux de confondre l’ancienne lutte pour les droits des homosexuels avec les revendications actuelles des transsexuels, explique la journaliste et militante de longue date Julie BINDEL.
Loin d’être une nouvelle version de la lutte des homosexuel-les pour l’abrogation de l’article 28 de la loi britannique, les revendications actuelles des transactivistes menacent en réalité les droits des gays et des lesbiennes
Julie Bindel, dans The Telegraph, 20 janvier 2023
Une fois de plus, un chroniqueur du quotidien The Guardian vient de comparer toute résistance à l’idéologie transactiviste radicale au climat d’homophobie et de lesbophobie qui sévissait au Royaume-Uni durant les années 1980. Pourquoi est-ce que des gens – en l’occurence Owen Jones, un homme gay qui, en raison de son âge, n’a pas été impliqué dans la longue lutte contre l’infâme article 28 – s’appuient-ils sur cet argument ? Cet amalgame peut séduire certains libéraux, mais le fait d’assimiler ces deux mouvements est dangereusement trompeur.
Cette comparaison a d’abord été faite lors d’une diatribe dans laquelle Jones dénonçait le fait que les personnes transgenres devaient passer par une liste d’attente pour accéder aux soins du National Health Service – tout comme n’importe quel citoyen. Ce que Jones décrivait n’était pas d’ailleurs pas quelque traitement d’urgence mais l’accès à des « cliniques d’identité sexuelle » (gender identity clinics), dont le statut est aujourd’hui extrêmement controversé. C’est ici que l’on constate la confusion qui est au coeur du débat sur les enjeux transgenristes. Et les tentatives de susciter un élan irréfléchi de sympathie pour les personnes trans perturbent des processus de réflexion critique qui s’avèrent incontournables, surtout lorsque des enfants sont concernés.
Je n’ai pas encore trouvé de manière sensée de comparer le mouvement de libération des gays et lesbiennes aux problèmes actuels entourant le dossier transgenre. Chacun présente ses propres enjeux particuliers. Contrairement à quelqu’un qui essaie de modifier son identité physique, les gays et les lesbiennes se battaient alors pour être reconnus dans leur identité réelle. Nous ne cherchions pas à accéder à des chirurgies ou à des traitements hormonaux financés par les contribuables, mais simplement à être reconnus comme égaux devant la loi. Il n’était pas question d’entraver les libertés d’autrui, et nous n’avons jamais affirmé qu’« aucun débat » n’était en cause, ni prétendu que les personnes qui contestaient nos revendications cherchaient à nous « faire disparaître».
Certains soulignent à juste titre qu’une grande partie du discours réactionnaire opposé aux gays consistait à dire qu’ils étaient des prédateurs sexuels et donc un danger pour les enfants. On prétend aujourd’hui que c’est ce que les féministes disent des transfemmes. C’est faux. L’accusation homophobe lancée à l’époque contre les gays était générale et inexacte, alors que ce que nous disons est spécifique et précis : nous faisons valoir que les femmes ont besoin d’espaces non mixtes parce qu’une minorité suffisamment importante d’hommes sont les auteurs de tels actes. Nous reconnaissons qu’il en va de même dans le cas des hommes qui s’identifient comme femmes.
Les transfemmes ne se débarrassent pas soudainement de leur biologie ou de leur socialisation masculine lorsqu’ils se déclarent femmes. Il est arrivé que des efforts déployés pour nier cette réalité ont conduit à l’utilisation de l’expression « droits des trans » pour justifier le placement d’hommes biologiques dans des espaces très sensibles réservés aux femmes, comme les pénitenciers. Qui peut oublier la politique actuelle du Service pénitentiaire écossais qui impose qu’« un détenu de sexe masculin qui vit en permanence comme une femme sans chirurgie génitale devrait être affectée à un établissement pour femmes »?
Cela représente une menace pour les femmes lesbiennes et hétérosexuelles. C’est un fait que bon nombre des revendications formulées par les transactivistes menacent les droits des lesbiennes et des gays. Lorsque des idéologues extrémistes parlent d’« attirance pour les gens du même genre » par opposition à « attirance pour les gens du même sexe », cela signifie en fait qu’une lesbienne pourrait être un homme qui prétend être une femme et qui est attiré sexuellement par les femmes.
Et rien ne distingue plus clairement la lutte pour les droits des gays et la question des trans que la thérapie de conversion, sur laquelle j’ai pu faire enquête en tant que reporter infiltrée. La thérapie de conversion gay consiste à dire aux lesbiennes et aux gays que nous sommes mauvais, tordus, endommagés et bizarres. On nous dit d’ignorer nos sentiments et notre attirance sexuelle, faute de quoi nous serons condamné-es à une vie de misère. Mais lorsque les transactivistes extrémistes dénoncent la « thérapie de conversion » des transgenres, ce qu’ils attaquent en réalité, c’est le soutien offert aux jeunes pour les aider à explorer leurs émotions lorsqu’elles et ils se présentent dans des cliniques axées sur le genre. C’est ainsi que nous en venons à abandonner des enfants, encore une fois en privilégiant un langage censé privilégier la sympathie contre tout autre critère.
Les personnes transgenres bénéficient déjà de la protection de nos lois. À l’époque de la lutte contre l’article 28, je n’avais guère droit à une telle protection en tant que lesbienne. Aujourd’hui, le transactivisme extrême s’avère de plus en plus hostile aux besoins des autres groupes marginalisés.
Julie BINDEL
Version originale : https://www.telegraph.co.uk/news/2023/01/20/dangerous-conflate-gay-trans-rights-struggles/
Traduction : TRADFEM