La question du genre est maintenant une religion. La peur de blasphémer fait taire les gens sensés.

par Sarah Ditum, le 24 décembre 2022, dans The Sunday Times

Lors de sa création, le parlement écossais, Holyrood, était censé être une instance favorable aux familles. Finies les sessions interminables qui se prolongeaient dans la nuit, empêchant les représentants de voir leurs enfants – et dissuadant les mères d’entrer en politique. Ce serait un parlement où l’égalité des sexes serait intégrée.

On peut donc supposer qu’il faudrait une question de droit assez importante pour que les député-es restent dans l’hémicycle après minuit mardi et mercredi dernier, et au-delà du jeudi midi, alors que les vacances de Noël auraient dû commencer. Mais selon les partisans du projet de loi en question – le projet de loi sur la réforme de la reconnaissance du sexe, qui a été adopté jeudi – cette législation n’aurait… aucun effet. Il s’agissait, nous disait-on, d’un simple détail administratif.

Pourquoi cette précipitation, alors ? Parce que, selon ces mêmes partisans, la réforme de la loi de 2004 sur la reconnaissance du sexe était absolument vitale pour les personnes trans. Nancy Kelley, directrice du lobby transgenriste Stonewall, a déclaré que ces réformes permettraient aux personnes transgenres de ressentir « une joie pure le jour de leur mariage » et d’être « enterrées avec dignité ». Ce qui ne ressemble pas à une loi qui n’a aucun effet.

Auparavant, le changement de sexe légal en Écosse suivait le même processus qu’en Angleterre et au Pays de Galles : il fallait avoir plus de 18 ans, avoir reçu un diagnostic médical de dysphorie sexuelle et avoir vécu au moins deux ans selon le sexe choisi.

Désormais, en Écosse, toute personne de plus de 16 ans peut faire cette demande. Aucun diagnostic médical n’est nécessaire – attendre d’un changement de sexe qu’il implique un véritable changement de sexe serait « traumatisant et déshumanisant », lance la première ministre Nicola Sturgeon, qui a soutenu le projet de loi de toutes ses forces. Après une « période de réflexion » de trois mois (six pour les moins de 18 ans), le certificat de reconnaissance du sexe (CRS) sera dans la poche.

En effet, l’Écosse va désormais délivrer des certificats de reconnaissance du sexe sur une simple requête. Tout homme qui souhaite être légalement reconnu comme une femme n’a qu’à le demander. Comme l’ont souligné les détractrices du projet de loi, cela risque d’être très attrayant pour les types d’hommes qui souhaitent particulièrement avoir accès aux espaces réservés aux femmes – autrement dit, les délinquants sexuels.

Une inquiétude inutile, selon les partisans de la réforme, car la nouvelle loi comprend une disposition selon laquelle toute personne faisant une fausse déclaration peut être poursuivie. Ce qui serait un moyen de dissuasion utile, s’il était possible de prouver qu’une personne ment lorsqu’elle déclare sous serment qu’elle a vraiment, vraiment, l’impression d’être une femme.

Mais ne vous inquiétez pas, disent les partisans de cette réforme, car la Loi sur l’égalité (qui couvre l’Angleterre, le Pays de Galles et l’Écosse) s’appliquera toujours. Et de toute façon, selon Mme Sturgeon : « Un homme qui veut violenter une femme, même s’il est prêt à se faire passer pour une femme, n’a pas besoin d’un CRS pour le faire ». Comme cela doit être rassurant pour les femmes écossaises que leur gouvernement accepte les agressions à leur encontre comme allant de soi.

En fait, Sturgeon a raison de dire que dans de nombreux domaines, l’Écosse a déjà adopté l’auto-identification sexuelle. Par exemple, l’établissement de soins de santé NHS Lothian a déclaré que les patientes qui demandent des soins livrés par un personnel féminin peuvent se voir attribuer un membre du personnel qui se dit transgenre – en d’autres termes, quelqu’un qui semble être un homme à tous égards, à l’exception de la sensation dans sa tête. Peu importe les sentiments de la personne femelle allongée nue sur une table d’examen.

Depuis 2014, la politique de l’administration pénitentiaire écossaise consiste à loger les détenus en fonction de leur sexe déclaré plutôt que de leur sexe réel. Cette politique comprend les délinquants sexuels : plus tôt cette année, des protestations ont eu lieu lorsque la pédophile condamnée Katie Dolatowski a été transférée dans un pénitencier féminin. Le fait qu’il puisse être « traumatisant et déshumanisant » pour des femmes vulnérables d’être emprisonnées avec un prédateur sexuel ne compte apparemment pour rien.

Les parlementaires d’Holyrood auraient pu adopter un amendement interdisant aux violeurs condamnés de demander un CRS. Mais cet amendement a été rejeté parce que, selon les réformateurs, il faisait un amalgame injuste entre les délinquants sexuels et les personnes transgenres. Je dirais que l’amalgame se produit lorsque l’on permet aux délinquants sexuels d’opter sans encombre pour le statut de transgenre, mais cela fait longtemps que je ne m’attends plus à trouver une logique à tout cela.

Les partisans du projet de loi affirment qu’il a fait l’objet d’un examen minutieux pendant six ans et qu’il faut lui faire confiance sur cette base. Mais une semaine seulement avant les débats finaux, la Cour de session écossaise a déterminé que la réforme du processus de reconnaissance du sexe aura priorité – contrairement à toutes les platitudes rassurantes qui ont été avancées à ce sujet – sur la Loi sur l’égalité. Holyrood aurait pu, et aurait dû, réserver plus de temps pour examiner la législation à cette étape.

Au lieu de cela, l’ensemble du projet a été adopté à la hâte, grâce au soutien désinvolte des travaillistes écossais, et malgré les objections d’une majorité de la population. Une épreuve de force constitutionnelle avec le gouvernement britannique s’annonce déjà, et les député-es s’y préparent : on a beaucoup entendu à Westminster la phrase « Kemi Badenoch a un plan » (NdT: Mme Badenoch est ministre des Femmes et des Égalités au parlement britannique). En d’autres termes, la réforme du sexe en Écosse s’avère déjà une catastrophe colossale, qui aura des répercussions sur la dévolution même du Royaume-Uni.

C’est ce qui arrive quand on légifère sur la base d’une conviction d’ordre religieux. Et l’identité sexuelle en est une. Dans une chronique de la semaine dernière, Kezia Dugdale, membre du parti travailliste écossais et partisane des réformes, s’est plainte que les opposant-es à la nouvelle loi « ne croient tout simplement pas que changer de sexe soit possible ». Il m’a fallu un certain temps pour saisir toute la bizarrerie de cette déclaration : Mme Dugdale croit bel et bien que les êtres humains peuvent, littéralement, changer de sexe.

C’est si manifestement faux que le simple fait d’argumenter contre cette assertion revient à sombrer dans l’absurdité. Il est évident que les humains ne peuvent pas changer de sexe. Nous sommes des mammifères, pas des poissons-clowns. Vous naissez homme ou femme, vous restez homme ou femme, et votre nature masculine ou féminine affectera votre vie d’une multitude de façons – y compris votre salaire et le fait que vous soyez plus susceptible d’être victime ou auteur de violences.

Mais dans la nouvelle religion de l’identité sexuelle, le ressenti personnel prime sur toutes ces réalités matérielles. Pendant ce temps, la peur de blasphémer fait taire des gens autrement sensés. Et Holyrood, le parlement qui était censé intégrer l’égalité des sexes, a maintenant décidé que le sexe n’existe pas. La nouvelle religion exige des sacrifices : ce sont les femmes qui en paieront le prix.

Sarah Ditum

Version originale

Traduction: TRADFEM

Votre commentaire

Entrez vos coordonnées ci-dessous ou cliquez sur une icône pour vous connecter:

Logo WordPress.com

Vous commentez à l’aide de votre compte WordPress.com. Déconnexion /  Changer )

Photo Facebook

Vous commentez à l’aide de votre compte Facebook. Déconnexion /  Changer )

Connexion à %s

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur la façon dont les données de vos commentaires sont traitées.