par Genevieve Gluck, Reduxx, le 21 décembre 2022
Traduction par un camarade de « Le Partage » d’un article de Genevieve Gluck initialement paru, en anglais, le 21 décembre 2022 sur le site du média féministe Reduxx. Le traducteur écrit: « Le lien (ou l’intersection, pour reprendre un terme en vogue) entre industrie du sexe, proxénétisme et transgenrisme est beaucoup trop peu discuté.«
En Allemagne, des femmes, dont une mère enceinte de six mois, qui assistaient à un événement critiquant l’industrie du sexe, ont été agressées par des transactivistes hostiles à la tenue de cette rencontre.
Le dimanche 11 décembre, une conférence intitulée « La nouvelle pseudo-gauche » s’est tenue au centre culturel de Conne Island à Leipzig. L’événement, auquel participait l’auteur communiste Jörg Finkenberger, visait à critiquer l’acceptation par la gauche politique de l’industrie du sexe (dont le soutien de la gauche à une légalisation de la prostitution en Allemagne), ainsi que sa maltraitance et sa suppression des féministes critiques de l’idéologie du genre.
Une déclaration de Sisters, une organisation qui défend les femmes qui cherchent à sortir de l’industrie du sexe, a été distribuée pendant la conférence. Sisters promeut une législation communément appelée « modèle nordique », qui pénalise les proxénètes et les acheteurs de sexe dans le but de réduire la demande de trafic sexuel plutôt que de criminaliser les femmes contraintes de travailler dans cette industrie.
Le groupe activiste transgenriste Linksjugend Leipzig Ost [un sous-groupe de l’aile jeunesse officielle du parti politique appelé « La Gauche », Die Linke, en Allemagne, NdT] a rassemblé ses membres pour protester à l’extérieur du lieu sous prétexte d’une « transphobie » et d’une « hostilité à l’égard des travailleuses du sexe ».
Selon des témoins oculaires, des membres du groupe ont bloqué l’entrée du bâtiment tout en criant des jurons sur les « TERF » — un acronyme anglais signifiant « Trans Exclusionary Radical Feminist » (« Féministe radicale excluant les trans ») qui est souvent utilisé comme une injure à l’encontre des femmes critiques de l’idéologie genriste.
Les femmes ont également été traitées de « SWERFs », une insulte utilisée pour dénigrer les personnes critiques de l’industrie du sexe. Cet acronyme signifie « Sex Worker Exclusionary Radical Feminist » (« Féministe radicale qui exclut les travailleuses du sexe ») et est fréquemment utilisé en conjonction avec « TERF ».
Le groupe d’activistes transgenristes, composé d’une quarantaine de personnes vêtues de noir, s’est efforcé d’empêcher l’auditoire d’entrer, et certain-es ont même agressé physiquement les participant-es.
L’une des femmes de l’auditoire, Marie, une survivante de l’industrie du trafic sexuel, a raconté à Reduxx les attaques dont ont été victimes les participantes à l’événement. Marie décrit comment l’agression s’est rapidement intensifiée tandis que les gens tentaient d’entrer dans le centre de Conne Island, et explique que chaque membre de l’auditoire a été fouillé afin de s’assurer qu’ils et elles ne possédaient pas d’armes, en raison des menaces proférées à l’encontre des organisatrices de l’évènement.
Selon Marie, une femme, en particulier, était la cible des activistes, la célèbre biologiste et féministe Marie-Luise Vollbrecht. Celle-ci fait l’objet d’agressions de la part des transactivistes depuis l’annulation forcée d’une conférence qu’elle devait présenter en début d’année sur l’évolution du sexe biologique.
Sa conférence, intitulée « Genre et sexe sont deux choses différentes : le sexe, le genre et pourquoi il n’existe que deux sexes en biologie », était destinée à présenter les recherches qu’elle mène à l’université dans les domaines de la neurobiologie et de la physiologie animale. Marie explique que Vollbrecht avait été placée au centre de leur groupe afin d’être protégée des pires agressions, en raison des appels à la violence à son encontre qui avaient circulé dans les médias sociaux.
« Nous savions qu’ils détestaient surtout Vollbrecht et voulaient la voir blessée », explique Marie. « Cela a commencé lorsque nous avons essayé d’entrer. Marie-Luise [Vollbrecht] a reçu un coup de coude dans les côtes. Ils essayaient de nous bousculer. »
À l’extérieur de la salle, des membres de Linksjugend Leipzig Ost ont lu une déclaration qu’ils avaient préparée, qui désignait nommément Vollbrecht comme une « TERF » et dénonçait Sisters comme une association composée de « féministes radicales anti-trans et anti-travailleuses du sexe ».
Marie décrit comment une de ses amies ayant quitté l’événement tôt a été agressée en sortant du bâtiment. Le groupe de transactivistes s’était rassemblé devant l’entrée, et en sortant, cette amie a été frappée au visage par l’un d’eux. « Après ça, mes amis masculins sont sortis pour voir ce qui se passait. L’un des manifestants lui a arraché son chapeau et l’a jeté. C’est là que les choses ont dégénéré. » Marie raconte qu’un de ses amis hommes a été aspergé de spray au poivre au visage par un transactiviste tout habillé de noir qui lui a crié comme un reproche qu’il n’était qu’un « homme cis ».
Même une femme enceinte de six mois a été la cible des agresseurs, ayant été attaquée tandis qu’elle tentait de quitter les lieux.
Alors qu’elle était malmenée, la femme a essayé de dire aux transactivistes qu’elle était enceinte afin qu’on cesse de la brutaliser. Mais le fait de les en informer n’a pas mis fin à l’attaque, et l’un des manifestants lui a délibérément soufflé de la fumée de cigarette au visage et l’a harcelée de manière intimidante tandis qu’elle fuyait vers sa voiture. Selon Marie, l’ami de la femme est intervenu, lui épargnant des blessures graves. « Elle a été attaquée spécifiquement parce qu’elle était enceinte. Ce n’est pas comme s’ils ne savaient pas qu’elle l’était », a dit Marie.
La police était présente à l’extérieur de la salle, mais Marie dit que certaines femmes étaient réticentes à porter plainte par peur pour leur réputation. D’autres hésitaient en raison de leurs positions politiques. Une femme qui avait été frappée au visage voulait aller à la police, mais a eu du mal à trouver des personnes prêtes à étayer sa déclaration, craignant pour leur propre sécurité. « La police n’a pas la meilleure réputation… Et nous sommes tous et toutes des gauchistes. Certain-es ne veulent pas aller voir la police et collaborer avec eux », explique Marie. « Mais les gestionnaires de la conférence ont mis en place une adresse e‑mail où ils sollicitent des messages de toute personne ayant été agressée. »
Dans les jours qui ont suivi ces agressions, Linksjugend Leipzig Ost a publié sur Twitter un fil de discussion pour se moquer des participantes, et de Vollbrecht en particulier, avec des vidéos représentant des soldats gisant morts et ensanglantés sur un champ de bataille.
Marie ajoute que les personnes agressées ont été « présentées comme les agresseures » sur les réseaux sociaux par les transactivistes. Marie et d’autres femmes assistant à la conférence avaient amené des amis masculins avec elles, dit-elle, parce qu’elles s’attendaient à être attaquées — ce que les transactivistes ont qualifié d’incitation à la violence. « Ces gens sont très dangereux, et ils dévoilent notre identité (doxxing) au sein de leurs groupes », ajoute Marie. « Ils savent où nous vivons, ils connaissent nos noms, et je sais que certains d’entre eux sont des proxénètes, que d’autres sont des consommateurs de porno, qu’ils sont très misogynes, qu’ils haïssent les femmes. »
Marie explique que l’hostilité des transactivistes ne cesse d’augmenter et qu’elle provoque un climat de peur parmi les femmes en Allemagne qui s’opposent à l’industrie du sexe et à l’idéologie du genre. « Nous ne nous sentons pas en sécurité en allant à des événements de gauche », explique Marie. Elle a également constaté que les transactivistes infiltrent des événements organisés par des groupes de soutien aux femmes ayant quitté l’industrie du sexe ou qui s’opposent au modèle légal de la prostitution, afin de les intimider.
Les groupes de transactivistes « menacent massivement » les femmes de violence, selon Marie, ce qui a pour effet de décourager les femmes de protester publiquement contre la puissante industrie du sexe allemande. L’Allemagne est souvent appelée familièrement le « bordel de l’Europe » en raison de l’ampleur de son marché de la prostitution légale, dans lequel de nombreuses pratiques très inquiétantes ont été normalisées.
Ces dernières années, il y a eu des cas documentés de violeurs condamnés ayant été autorisés à se rendre dans des maisons closes dans l’intention explicite d’« accumuler de l’expérience avec les femmes » comme une forme de thérapie. Des femmes migrantes désespérées ont également été la cible de sollicitations de la part de l’« industrie »: certains collectifs de « travailleuses du sexe » dirigés par des transactivistes ont récemment été critiqués pour avoir tenté d’approcher des Ukrainiennes fuyant le conflit. En mars, Reduxx rapportait comment une organisation de « travailleuses du sexe » dirigée par un transactiviste avait utilisé les réseaux sociaux afin de faire parvenir à des réfugiées ukrainiennes des informations sur la manière d’entrer dans le commerce légal du sexe en Allemagne .
L’organisation berlinoise Trans*Sexworks, qui se décrit comme « une structure et un réseau de soutien entre pairs pour les travailleuses et travailleurs du sexe trans et non binaires », a publié des annonces de services de conseil à l’intention des femmes ukrainiennes qui « ont besoin de soutien ou d’informations sur la manière de commencer à travailler dans le marché du sexe en Allemagne ». Le même mois, les forces de police de Berlin publiaient une déclaration mettant en garde le public contre la présence de trafiquants d’êtres humains tentant d’attirer des réfugiées d’Ukraine à partir de la gare centrale de la ville.
Huschke Mau, autrice et défenseuse du modèle de législation nordique, a déclaré à la Deutsche Welle : « Chaque jour, dans ce pays, 1,2 million d’hommes exploitent une prostituée. L’Allemagne est le principal pays de destination de la traite des personnes à des fins sexuelles au sein de l’Union européenne, ajoutant que les trafiquants et les proxénètes « savent que les réfugiées peuvent leur rapporter beaucoup d’argent ».
Genevieve Gluck
Traduction : Nicolas Casaux
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Le transgenrisme satisfait à la fois les patriarcaux et les capitalistes du lobby pharmaceutique et chirurgical. Pas étonnant qu’il trouve des soutiens des deux côtés, puisque les hommes dominent dans le système politique des partis de nos sociétés sexistes.
On voit bien en France que des hommes soit-disant de gauche ont du mal à reconnaître l’humanité des femmes, et à se positionner contre la prostitution, au minimum. En Allemagne, ils doivent avoir le même problème, surtout si leur État admet officiellement ce crime contre l’Humanité banalisé qu’est la prostitution.
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J’ajouterais à ces deux groupes celui des libertariens, car qu’y a-t-il de plus enthousiasmant pour ces hommes que de pouvoir « être » ce que l’on choisit d’être, en échappant à toute critique justifiée?
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Oui, ce serait plus précis. L’expression « néo libéraux » pourrait peut-être permettre de pointer les deux idéologies en un même mot ?
En pratique, les libertariens sont quand même une sous-catégorie de capitalistes, même si, en théorie, ils aiment souvent à dire qu’ils n’en sont pas tout à fait et que c’est juste un hasard si les deux idéologies ont beaucoup de points communs.
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(bien sûr eux ne disent pas « juste un hasard », c’est un raccourci ironique)
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