Et si je n’avais pas eu d’enfants ? Une route non empruntée.

par Suzanne Moore, sur son blog, le 30 octobre

Je n’avais pas de poussette haut de gamme dans le hall d’entrée qui aurait détruit mes chances de faire du grand art. J’avais une poussette d’occasion. J’avais très peu de choses en fait, pas seulement par pauvreté, mais aussi parce que lorsque j’ai eu un bébé, l’idée, qui peut sembler folle aujourd’hui, était de me déplacer avec le minimum d’objets.

De rester sur la route, mon enfant à la traîne. J’ai poursuivi mes études, car j’étais en deuxième année de licence lorsque je suis tombée enceinte. Elle est née en octobre, j’ai travaillé pendant ses siestes et j’ai obtenu un premier diplôme. J’ai eu deux autres enfants, et la route n’était pas seulement prise, elle était bien tracée.

Aujourd’hui, je me retrouve souvent dans des discussions avec des femmes qui veulent désespérément avoir un bébé et n’y arrivent pas physiquement, ou qui ne le veulent pas pour une série de raisons stupides : attendre le bon moment, ou le bon conjoint. Malheureusement, elles ne s’adressent pas à la bonne personne, car je sais ce que les « mères » sont censées répondre, mais je ne peux pas vraiment me donner la peine de ressortir ces clichés.

Pour commencer, je n’y crois pas vraiment. La maternité est censée vous faire comprendre l’amour d’une manière que vous ne soupçonniez pas. L’état émotionnel de la maternité est censé être élevé, de sorte qu’il n’existe aucun soutien concret pour quiconque n’est pas dans cet état élevé. La maternité est l’endroit où l’auto-indulgence et l’auto-sacrifice se rencontrent. C’est très bizarre.

C’est pourquoi je pense souvent à la route que je n’ai pas empruntée, celle de la merveilleuse existence sans enfant — et je ne dis pas cela par sarcasme. Je pense que ma vie aurait été différente mais géniale. Quand mes filles me criaient – et elles l’ont souvent fait – « Je ne sais pas pourquoi tu m’as eue », ma seule réponse est l’égoïsme. Pourtant, ce sont les personnes sans enfant qui sont considérées comme égoïstes dans notre culture. Dans mon autre vie, non encombrée de bambins, j’aurais voyagé davantage, pris plus de risques, écrit des livres merveilleux, eu plus d’hommes ou peut-être moins d’hommes stupides.

J’aurais peut-être appris ce que font les autres ? La pâtisserie ? Le jardinage ? La trépanation ? Un genre de pleine conscience débile ? Peut-être que je serais moins agitée. Mais même en écrivant cela, je sais que c’est du pipeau. Mes enfants m’ont donné une structure que je n’aurais jamais pu m’imposer. Contrairement à la célèbre citation de Connolly, j’aurais pu facilement m’égarer et produire précisément nada. Je pense à l’autre vie sur la grande route enviable de l’absence d’enfants, et une partie de ce fantasme est que j’aurais concentré mes énergies et fait quelque chose de vraiment valable. Sans la domesticité ennuyeuse, j’aurais été libérée. Comme tous ces idiots qui disent n’avoir besoin de personne d’autre.

Je crains juste que pour moi, cela aurait consisté à tourner en rond et à décrire cela comme de la liberté.

La route que je n’ai pas prise est un chemin noble pour certains. Une traditionnelle ascension escarpée. Je la respecte totalement et je m’incline devant elle. J’aimerais que les enfants appartiennent vraiment à chacun d’entre nous et qu’ils ne deviennent pas l’ultime marchandise privatisée. C’est le chemin que j’aimerais que nous parcourions toustes ensemble.

Suzanne Moore

Votre commentaire

Entrez vos coordonnées ci-dessous ou cliquez sur une icône pour vous connecter:

Logo WordPress.com

Vous commentez à l’aide de votre compte WordPress.com. Déconnexion /  Changer )

Photo Facebook

Vous commentez à l’aide de votre compte Facebook. Déconnexion /  Changer )

Connexion à %s

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur la façon dont les données de vos commentaires sont traitées.