Un psychiatre espagnol de renom appelle les législateurs à ne pas aggraver la situation.
par Bernard Lane, dans Gender Clinic News, le 16 octobre

Un amphithéâtre bondé pour les débuts publics du groupe de parents AMANDA au Collège des médecins de Madrid.
L’essentiel
L’un des psychiatres les plus réputés d’Espagne, le Dr Celso Arango, a prévenu qu’une augmentation alarmante du nombre de jeunes se déclarant par erreur « transgenres » pourrait causer beaucoup de tort.
« C’est de la folie, cela va faire du mal à beaucoup de gens, beaucoup de jeunes qui ont des troubles pensent qu’ils vont les réparer en devenant trans – alors qu’ils ne le sont pas [trans] », a-t-il déclaré au journal populaire El Mundo le samedi 8 octobre.
Le Dr Arango, chef du service de psychiatrie de l’enfance et de l’adolescence dans l’un des principaux hôpitaux universitaires publics du pays, a fait valoir que le projet de loi sur les transgenres du gouvernement national, qui autoriserait le changement de sexe auto-déclaré dans les dossiers officiels à partir de l’âge de 12 ans, ne ferait que jeter de l’huile sur le feu.
« Au quotidien, à l’hôpital Gregorio Marañón [de Madrid], nous assistons à une explosion, un boom, une augmentation exponentielle du nombre d’adolescents qui se disent trans – beaucoup pour des raisons de mode », a-t-il déclaré.
Ce même samedi, le groupe de parents AMANDA a organisé un rassemblement historique dans la capitale espagnole et a rempli le grand amphithéâtre du Collège des médecins de Madrid, avec des personnes brandissant des affiches telles que « Moins de chirurgie, plus de psychologie » et « Loi trans = un danger pour nos enfants ».
Le collège a publié une déclaration exprimant « son inquiétude au sujet de la situation actuelle de la dysphorie de genre à apparition rapide (ROGD) » et il a noté que les parents regroupés dans AMANDA demandaient une réponse prudente à leurs enfants trans-identifiés.
Le groupe – dont le nom « AMANDA » est un acronyme espagnol incorporant une référence au concept ROGD de la médecin étasunienne Lisa Littman – a été fondé l’année dernière par huit mères isolées qui se sont découvertes sur les médias sociaux et représente aujourd’hui quelque 300 parents à travers l’Espagne.
Le groupe, qui appelle à l’exploration plutôt qu’à la médication de la détresse sexuelle, a déclaré que l’intervention du Dr Arango et du collège des médecins était une étape importante et que les familles touchées par le ROGD s’étaient vu « donner une voix publique ».
« Pour la première fois [en Espagne], une organisation représentant la profession médicale s’est exprimée publiquement en faveur d’une position prudente, scientifique et non idéologique sur cette question », a déclaré une porte-parole du groupe au média GCN.
« Et l’un des plus grands représentants de la psychiatrie au niveau européen et espagnol [le Dr Arango] a exposé qu’il y a effectivement une crise de contagion sociale en ce qui concerne les identités de genre, une crise qui peut causer des dommages irréversibles aux adolescents et aux jeunes ».
« La percée nécessaire est que nos décideurs politiques adoptent une position prudente, qu’ils comprennent que dans le contexte actuel, une loi trans ne peut être adoptée dans l’urgence, sans écouter les spécialistes et les familles concernées. »
(Le groupe de parents AMANDA)
Le Dr Arango, qui est un ancien président de la Société espagnole de psychiatrie et a un profil international avec des nominations universitaires aux États-Unis et au Royaume-Uni ainsi qu’en Espagne, a parrainé l’événement du 8 octobre au Collège des médecins.
« Il y a quelques années, nous n’avions qu’un seul cas par an d’une personne qui prétendait s’identifier à l’autre sexe », a-t-il déclaré à l’auditoire.
« Cette dernière année, le boom est tel que nous avons déjà 20 % des adolescent-es admis-es qui se déclarent trans.
« Il est dangereux de pousser des jeunes désorientés vers un changement hormonal irréversible. L’expérience dit que jusqu’au moment de la maturation mentale, les [jeunes] doivent être protégé-es des décisions qui peuvent affecter le reste de leur vie. »
Dans les 72 heures suivant l’événement du 8 octobre, le groupe AMANDA a été contacté par 35 nouvelles familles.
Le projet de loi transgenre autorise un changement de sexe dans le registre officiel – sans nécessité d’évaluation psychologique – à partir de 12 ans avec l’approbation d’un juge ; à partir de 14 ans avec le soutien des parents (mais un juge peut passer outre le refus des parents) ; et à partir de 16 ans de manière indépendante.
La loi interdit la « thérapie de conversion » et prétend protéger « l’expression de genre », « l’orientation sexuelle » et « l’identité sexuelle ».
Ce regroupement de termes n’est pas clair, mais les critiques disent que tout ce qui n’est pas l’approche thérapeutique « d’affirmation du genre » est susceptible d’être interdit. Les professionnels de la santé mentale reconnus coupables d’une telle thérapie de conversion seraient passibles d’une amende maximale de 150 000 euros.
Le projet de loi vise également la « LGTBI-phobie », les discours « désobligeants » étant passibles d’amendes pouvant atteindre 10 000 euros. Selon les critiques, cela pourrait rendre illégale toute dissidence de bonne foi par rapport à l’idéologie du genre ou même de simples énoncés sur la réalité biologique.
« L’objectif principal de la [loi trans] est d’imposer à la société espagnole dans son ensemble, par un impératif juridique, la croyance [quasi-religieuse] qu’il existe une ‘identité sexuelle ressentie’ en chaque personne », déclare un groupe de coordination, connu sous le nom de La Confluencia Movimiento Feminista, qui défend les droits des filles et des femmes en fonction de leur sexe biologique.
Cette « identité sexuelle ressentie », totalement distincte du sexe [biologique] de chaque personne, est [proposée comme] la source d’information « authentique » – prévalant sur la réalité matérielle du corps – pour déterminer si une personne est un homme ou une femme.
« Le [projet de loi] entend que cette « identité sexuelle ressentie » bénéficie d’une reconnaissance juridique dans l’appareil juridique espagnol, en remplacement de la catégorie biologique du sexe. »
La chambre basse du parlement espagnol, le Congrès des députés, a approuvé l’utilisation d’une procédure d’urgence pour accélérer l’adoption du projet de loi trans, et a délégué le pouvoir d’approbation de l’ensemble du Congrès au Comité pour l’égalité. (L’étape suivante serait l’examen du projet par la chambre haute, le Sénat).
La procédure accélérée a été calculée « pour empêcher tout débat public sur le projet de loi et rendre plus difficile pour tout le monde de comprendre son objectif et sa portée », a déclaré Amparo Domingo, une représentante espagnole de l’organisation féministe Women’s Declaration International.
Le gouvernement espagnol dirigé par le premier ministre Pedro Sánchez, du parti socialiste, affirme que l’urgence est justifiée pour protéger les « personnes LGBTI » de la discrimination et pour dépathologiser l’identité trans.
Mais sa collègue socialiste et ancienne vice-première ministre, la Dre Carmen Calvo – qui est en charge de la commission de l’égalité du Congrès – a déclaré son opposition au changement de sexe auto-identifié prévu dans la loi trans.
Elle a déclaré que cette loi « pourrait détruire la puissante législation sur l’égalité de notre pays », une législation qui protège les femmes en fonction de leur sexe biologique et non de leur sexe auto-déclaré.
La Dre Calvo, qui a une formation juridique, a le pouvoir d’appeler des spécialistes à témoigner devant sa commission.
Vidéo : Amparo Domingo parle (en anglais) de la politique de loi trans espagnole : https://www.youtube.com/watch?v=w4Lvpzywlpo&t=14s