Nouvelle offensive de l’industrie de la grossesse pour autrui

Nous avons traduit en français cet article paru il y a quelques jours dans The Guardian parce que, même si nous en trouvons la rhétorique manipulatrice, il reflète l’accélération actuelle de l’appropriation des femmes par l’achat d’enfant – une pratique historique que l’on justifie aujourd’hui par des filières technologiques et par un discours sur le « droit à la parentalité ». Il est ici transposé dans une lutte pour un droit réclamé par des hommes – des gays qui contestent une politique d’assurance-santé aux États-Unis qui exclut les couples d’hommes.


C’est aussi une occasion de faire le point sur une lutte que mène depuis trente-cinq ans la féministe étasunienne PHYLLIS CHESLER à l’appui des droits des mères face à l’institution hyper-capitaliste des grossesses commerciales pour autrui.

« On attend de nous que nous acceptions de ne pas avoir d’enfants » : comment l’homoparentalité par mère porteuse est devenue un champ de bataille.

Illustration : Les mains d’un homme noir et d’un homme blanc se touchent devant le ventre d’une femme blanche enceinte. (NOTA : Aucun des deux requérants dans cette affaire n’est Noir.)

À New York, un couple d’homosexuels qui se bat pour que leurs assureurs leur paient un traitement de fertilité s’est retrouvé au cœur d’une guerre culturelle. Que se passe-t-il lorsque le droit à la parentalité implique le corps d’autrui ?

Autrice: Jenny Kleeman, dans The Guardian, 1er oct. 2022

Corey Briskin et Nicholas Maggipinto se sont rencontrés à la faculté de droit en 2011, se sont fiancés en 2014 et ont vu leur mariage de 2016 annoncé dans le New York Times. Ils ont emménagé dans un immeuble d’appartements situé en bordure de l’océan Atlantique à Brooklyn, avec une salle de jeux lumineuse pour les familles au rez-de-chaussée.

« Nous nous sommes mariés, puis nous avons voulu tous les pièges classiques : maison, enfants, plan d’épargne retraite 401K, etc », me dit Maggipinto, 37 ans, dans la salle de réunion commune de leur immeuble, en ponctuant de tapes sur la table chacune de ses phrases.

Briskin, 33 ans, a grandi en supposant qu’il aurait des enfants. Il a révélé son homosexualité dès l’université. « Une fois que j’ai eu fait mon coming out à moi-même et à d’autres, je ne pense pas que mon attente de ce à quoi ma vie ressemblerait ait tellement changé. » Avec l’égalité du mariage gagnée il y a des années, ils s’attendaient à pouvoir jouir d’une vie de couple conventionnelle.

Six mois avant leur mariage, une publicité ciblée d’une organisation appelée Gay Parents to Be a atterri dans le fil Instagram de Maggipinto, proposant des consultations gratuites avec un médecin spécialiste de la fertilité qui leur donnerait « tout le topo » sur la façon dont ils pourraient fonder une famille. « Nous avons pris rendez-vous et nous étions à 100 % sur la même longueur d’onde : allons de l’avant avec ça », dit Maggipinto.

C’est à ce moment-là qu’ils ont pris conscience du coût exorbitant de la parentalité biologique pour les homosexuels. M. Maggipinto énumère la liste des prix d’une façon que seule peut faire une personne qui en a soupesé le coût de chaque élément. Il y a la rémunération de la donneuse d’ovules : pas moins de 8 000 dollars US. Les frais d’agence de la donneuse d’ovules : 8 000 à 10 000 dollars. La facture de la clinique de fertilité (y compris les tests génétiques, les analyses de sang, le dépistage des MST et une évaluation psychiatrique pour toutes les parties, les tests de sperme, l’extraction des ovules, l’insémination, la croissance, la sélection, la congélation et l’implantation des embryons obtenus) : jusqu’à 70 000 dollars. Et cela, c’est si tout se passe bien : si aucun embryon n’est créé au cours d’un cycle, ou si les embryons créés ne mènent pas à une grossesse réussie, il faut recommencer.

Ensuite, il y a le coût d’une mère porteuse (désignée « porteuse gestationnelle » lorsqu’elle porte des embryons créés à partir des ovules d’une autre femme). Maggipinto et Briskin ont appris que les frais d’agence pouvaient atteindre 25 000 dollars et que les mères porteuses devaient être rémunérées pour un minimum de 60 000 dollars (selon l’association Men Having Babies, les frais habituellement ajoutés s’élevaient à 38 000 dollars en 2020 ; au Royaume-Uni, il est illégal de rémunérer les mères porteuses, mais leurs dépenses sont couvertes par les parents d’intention). Selon Nicholas Maggipinto, « ce paiement n’inclut pas le remboursement de choses comme les vêtements de maternité, les salaires perdus si elle s’absente du travail pour des rendez-vous chez le médecin ou si elle est mise au repos au lit, le transport, la garde de ses propres enfants, [ou] le logement ».

Il faut 15 minutes à Maggipinto pour me faire passer en revue tous les frais qu’ils pourraient encourir s’ils essayaient d’avoir un enfant génétiquement lié à l’un d’entre eux. Le résultat ? « Deux cent mille dollars, au minimum », dit-il en tapant son index sur la table à chaque mot, incrédule.

Ils ne pouvaient pas se le permettre. Maggipinto gagne un salaire d’avocat d’affaires mais croule sous les dettes d’études. Briskin travaillait pour la ville de New York en tant qu’assistant du procureur de district et gagnait environ 75 000 dollars par an. Ses avantages professionnels comprenaient une généreuse assurance maladie. Mais lorsqu’ils ont lu la police d’assurance, ils ont découvert qu’ils étaient la seule catégorie de personnes à être exclue de la couverture de fécondations in vitro (FIV). L’infertilité était définie comme l’incapacité d’avoir un enfant par des rapports hétérosexuels ou par insémination intra-utérine. Cela signifiait que les hétérosexuels et les lesbiennes travaillant pour la ville de New York verraient leurs coûts de FIV couverts, mais que les couples d’hommes homosexuels ne pourraient jamais y avoir droit.

Que se passe-t-il lorsque le droit à la parentalité implique le corps d’autrui ?

Il ne s’agit pas d’un oubli, mais d’une discrimination, selon M. Briskin. « Cette politique est le produit d’une époque où existait une idée fausse, un stéréotype, un préjugé contre les couples composés de deux hommes – à savoir qu’ils n’étaient pas capables d’élever des enfants parce qu’il n’y avait pas de figure féminine dans cette relation. »

Briskin travaillait aux côtés de collègues qui se prévalaient allègrement des avantages auxquels lui n’avait pas droit. L’une de ses collègues – une femme célibataire plus âgée – est devenue mère grâce au sperme d’un donneur, à une FIV et à une mère porteuse. « C’était pénible », me dit-il doucement. « On a envie d’être heureux pour les gens. » Leur frustration de ne pas pouvoir avoir leurs propres enfants s’est transformée en angoisse. « Ma sœur, qui a plus de six ans de moins que moi, vient de donner naissance à son deuxième bébé », dit Maggipinto en faisant tourner son alliance. « J’étais d’accord pour ne pas être parent à 30 ans, j’estimais que c’était très normal pour notre génération et l’éthique actuelle de l’équilibre entre vie professionnelle et vie privée. Mais sept ans plus tard, je ne suis vraiment pas heureux. »

Des homosexuels très en vue, de Brian Dowling à Tom Daley, ont été accusés d’exploitation, de « location d’utérus » et même de « maltraitance d’enfants » pour avoir eu recours à une mère porteuse.

En avril, Briskin et Maggipinto ont déposé contre la ville de New York une plainte en recours collectif auprès de la Commission américaine pour l’égalité des chances en matière d’emploi (EEOC), poursuivant les anciens employeurs de Briskin pour discrimination illégale sur le lieu de travail. S’ils obtiennent gain de cause, les employeurs et les compagnies d’assurance maladie des États-Unis seront contraints de modifier leurs politiques afin d’accorder aux homosexuels le même accès aux prestations de fertilité qu’aux autres personnes. Mais leur affaire est devenue bien plus importante que la volonté d’un couple de fonder une famille : ils sont devenus les figures de proue de la bataille pour le droit à la fertilité pour tous les hommes homosexuels.

Maggipinto et Briskin s’attendaient à une réaction négative lorsque la nouvelle de leur demande a été rendue publique. Mais il y en a eu un déluge : sur Instagram et Facebook, dans des messages audio et dans leurs boîtes aux lettres électroniques professionnelles, sur le réseau Reddit et sous les articles de presse. Partout où vous pouviez poster des commentaires publics, il y a eu des condamnations.

Une réponse très appréciée des internautes à un article sur leur histoire disait : « Le fait de ne pas avoir d’utérus parce que vous êtes un homme ne vous rend pas « infertile » – cela fait de vous un HOMME. Personne – et je dis bien personne – n’a le droit de louer le corps et l’utérus d’un autre être humain pour l’utiliser comme incubateur. Ce n’est pas un droit de l’homme. »

La réponse internationale a été encore plus cinglante.

« Un article paru dans un journal allemand expliquait que la maternité de substitution était une forme d’esclavage. On nous décrivait comme des personnes qui asservissaient les mères porteuses », me dit Briskin, les yeux écarquillés.

La plupart des critiques ne tenaient pas compte de l’objet du litige : il s’agit de l’accès à la FIV et de l’égalité des droits en matière d’emploi, et non du droit à la gestation pour autrui. Mais en présentant une demande d’égalité en matière de fertilité qui tenait pour acquis le recours éventuel à une mère porteuse, Maggipinto et Briskin se sont involontairement retrouvés dans la ligne de mire de l’une des grandes guerres culturelles de notre époque : la question de savoir si tout le monde – mais surtout les homosexuels – devrait pouvoir payer pour exploiter le corps d’une femme.

Les progrès des techniques de reproduction permettent à presque tout le monde de devenir parent, à condition de disposer des gamètes nécessaires et d’avoir accès à un traitement de fertilité, mais les personnes ayant un corps masculin sont confrontées à des problèmes spécifiques : quelqu’un doit effectuer la gestation. Depuis que le mariage homosexuel a été légalisé dans le monde occidental, la demande de mères porteuses a explosé. En Angleterre et au Pays de Galles, le nombre de parents ayant recours à une mère porteuse a quadruplé au cours des dix dernières années, mais cette pratique est toujours controversée : des homosexuels très en vue, de Brian Dowling à Tom Daley, ont été accusés d’exploitation, de « location d’utérus » et même de « maltraitance d’enfants » lorsqu’ils ont annoncé publiquement avoir fondé une famille en recourant à une mère porteuse.

La maternité de substitution s’accompagne toujours de sérieux défis juridiques et éthiques, qu’elle soit traditionnelle (utilisation des ovules de la mère porteuse) ou gestationnelle, altruiste ou commerciale, gay ou hétérosexuelle. Il est arrivé que l’on demande aux mères porteuses d’avorter contre leur gré lorsque les parents intentionnels se séparent, lorsque trop d’embryons s’implantent avec succès ou lorsque l’on découvre que le bébé qu’elles portent présente des malformations congénitales. La maternité de substitution commerciale est interdite dans la quasi-totalité de l’Europe, ce qui pousse certains à se tourner vers l’étranger. Après que l’Inde et la Thaïlande ont fermé leurs portes aux touristes de la fertilité en 2015, l’Ukraine est devenue la destination privilégiée ; lorsque la guerre a éclaté en février dernier, des milliers de femmes enceintes d’enfants d’autrui se sont retrouvées dans la tourmente, tandis que les parents intentionnels paniqués essayaient de trouver un moyen de les faire sortir du pays avec leur précieux chargement. En 2020, des centaines de bébés nés d’une mère porteuse sont restés bloqués à Kiev en raison des restrictions de voyage imposées par la Covid. La maternité de substitution est légale à un certain degré dans presque tous les États américains. Des Américaines sont mortes ces dernières années au cours de grossesses et d’accouchements de mères porteuses, tandis que des donneuses d’ovules sont restées stériles et gravement malades après le prélèvement de leurs ovules.

« Personne ne demande à la personne qui a des enfants naturellement pourquoi il l’a fait au lieu d’adopter. J’aide les autres d’une autre manière, mais ce n’est simplement pas comme ça que j’ai choisi de le faire. »

Alors pourquoi ne pas adopter ?

Briskin et Maggipinto marquent une pause avant de répondre à ma question. « Je n’ai jamais été opposé à l’adoption, [ou] même à l’idée d’avoir un enfant en famille d’accueil pour voir où cela mène », finit par dire Maggipinto. « Mais en tant que couple, nous avons décidé qu’il était important d’avoir un enfant qui soit biologiquement lié à nous. »

« Je ne vais pas me tordre les mains ce sujet,  dit Briskin. « Je ressens vraiment comme un affront le fait qu’on me pose cette question. Je la trouve profondément offensante. Personne ne demande à la personne qui a des enfants naturellement pourquoi elle l’a fait au lieu d’adopter. J’aide les autres d’autres manières; mais ce n’est tout simplement pas comme ça que j’ai choisi de le faire. »

« L’adoption privée est submergée par les organisations d’obédience religieuse », ajoute Maggipinto.

« Qui nous excluraient. »

« Par définition. »

Les requérants n’ont jamais revendiqué un quelconque droit à la gestation pour autrui, affirme Maggipinto. « Je pense qu’une femme prête à faire cela est très généreuse. De la même manière que j’ai l’impression qu’on m’a volé du temps dans ma vie parce que je n’ai pas encore d’enfant, j’ai l’impression que le sacrifice qu’une femme fait pour être enceinte pour quelqu’un d’autre est un énorme morceau de temps de sa vie qu’elle ne récupérera jamais, et la compensation offerte n’est vraiment qu’un geste symbolique en échange de cela. »

« Je suis pro-autonomie, dit Briskin. Je crois que les gens devraient pouvoir prendre des décisions concernant leur vie, leur corps. C’est tellement pertinent aujourd’hui, avec la décision de la Cour suprême [renversant l’arrêt Roe v Wade]. Pour moi, cela entre dans la même catégorie que le travail du sexe : il y a cette croyance puritaine selon laquelle les travailleuses du sexe sont forcées de se vendre. Il y a beaucoup, beaucoup de travailleuses du sexe qui ne voient pas leur métier de cette façon. »

Bien sûr, il y a beaucoup de femmes qui sont forcées de se vendre, dis-je – celles qui sont victimes de la traite et de l’exploitation. Briskin le sait bien : il a été procureur en matière de crimes sexuels. « Celles qui sont victimes de la traite ne sont pas rémunérées pour leur travail sexuel ; toute compensation va dans les mains de leur proxénète, répond-il. Ce n’est pas le cas pour une mère porteuse volontaire. »

Il existe un contraste frappant entre les mères porteuses américaines et ukrainiennes, affirme Maggipinto. « Ici, il faut être une femme qui a déjà eu des enfants, qui a dépassé un certain âge, qui peut prouver qu’elle est capable financièrement de manière indépendante de subvenir à ses besoins sans sa rémunération de mère porteuse. Vous ne pouvez effectivement pas être une mère porteuse pauvre. » Il fait référence aux directives de l’American Society for Reproductive Medicine, mais en l’absence de réglementation officielle aux États-Unis, personne n’est obligé de s’y conformer.

En ce qui concerne la crainte que la maternité de substitution homosexuelle n’efface les mères, Maggipinto adopte une attitude de défi. « Notre famille sera une famille sans mère », dit-il en tapant à nouveau du doigt sur la table, « je ne vais pas tourner autour du pot. » Mais la création de cette famille ne dépend pas de l’exploitation de femmes. « Nous n’exploitons pas le corps d’une femme. Nous acceptons la générosité d’une femme qui utilise son corps d’une manière qui lui convient. »

« Je veux être très claire : je ne suis pas homophobe, me dit Phyllis Chesler. Je vis avec une femme. Je suis très progressiste, mais pas de la manière définie par ceux qui pensent que c’est tout simplement génial d’avoir une industrie commerciale basée sur l’exploitation de femmes appauvries. »

Chesler est autrice de plusieurs ouvrages et professeure de psychologie et d’études féminines. Elle critique la maternité de substitution depuis qu’elle a fait campagne pour les droits de Mary Beth Whitehead, la mère porteuse du New Jersey qui s’est battue pour conserver la garde du bébé qu’elle a porté en 1986, un litige que Mme Whitehead a finalement perdu. Lorsque l’État de New York a voté en faveur de la légalisation de la gestation pour autrui à des fins commerciales en 2020, Mme Chesler a été l’une de celles qui s’y sont le plus fermement opposées. Ce combat était encore frais dans son esprit lorsqu’elle a entendu parler de la requête de Briskin et Maggipinto.

« Les hommes gays veulent maintenant que les compagnies d’assurance traitent le fait d’être né homme comme un handicap ou comme une catégorie protégée, qui nécessite une compensation payée », a-t-elle écrit en avril dans un article pour un site féministe (4W), publié quelques jours après que ces hommes aient déposé leur requête. « Ils protestent contre la prétendue « injustice » de ne pas être né biologiquement femme. »

L’autrice et professeure de psychologie et d’études féminines Phyllis Chesler affirme qu’un « narcissisme génétique » pousse des homosexuels à préférer une mère porteuse au recours à l’adoption.

Nous sommes assises à la table de la salle à manger de son appartement de l’Upper East Side, entourées de livres et de documents. Chesler a imprimé le faire-part de mariage de Briskin et Maggipinto, et elle tapote triomphalement son ongle teint en bleu sur le texte qui indique que la mère de Briskin est vice-présidente senior chez Merrill Lynch.

« L’un d’eux vient d’une famille riche. Les riches savent que le monde est leur chasse gardée : ils peuvent acheter tout ce qu’ils veulent et si les pauvres sont mal servis, eh bien, qu’il en soit ainsi, le monde est ainsi fait. Cette façon de penser est impliquée dans la maternité de substitution. Personne ne dit : « Je préfère renoncer à ce désir si cela signifie nuire à un autre être humain ». Les personnes qui optent pour une mère porteuse ont le droit d’obtenir ce qu’elles veulent. J’inclus ici les femmes célèbres qui ne veulent pas ruiner leur silhouette. » Elle rejette l’idée que les agences d’adoption refuseraient de prendre en charge Briskin et Maggipinto. Des hommes gays préfèrent des mères porteuses au recours à l’adoption, dit-elle, à cause d’un « narcissisme génétique ».

Parmi les documents de Chesler figure également une copie de la plainte déposée par Maggipinto et Briskin. Elle l’a lue attentivement. « Dans ce cas particulier, oui, je dois le concéder, c’est de la discrimination. Ça l’est ! Mais faisons la part des choses. Les donneuses d’ovules désespérées et les mères porteuses qui doivent faire cela – elles ont été discriminées. Les femmes ne reçoivent pas la même éducation… Les femmes sont discriminées partout, mais surtout celles qui deviennent des gestatrices. »

Des femmes disent : « Oh, nous sommes d’heureuses mères porteuses » ? Comme la soi-disant travailleuse du sexe, elle doit se dissocier de ce qui arrive à son corps. Ce n’est pas sain.

Selon Mme Chesler, le fait de scinder le rôle de la mère en celui de pourvoyeuse d’ovules et de gestatrice obscurcit et minimise la contribution des femmes à la reproduction, ce qui permet aux parents intentionnels de contrôler plus facilement le processus. « L’effacement de l’espèce féminine se poursuit – il s’agit d’une autre forme d’effacement. Il s’agit d’une appropriation de territoire. » Cet argument semblera familier à quiconque a suivi les positions adoptées par les féministes critiques du genre ces dernières années : les femmes sont effacées, et leur biologie est appropriée.

Là où Briskin invoque le droit de choisir un avortement en même temps que le droit de choisir de porter un enfant pour une autre personne, Chesler voit une contrainte reproductive. « Nous avons perdu le droit de contrôler nos corps, de refuser d’être mères, et en même temps – étant donné les réalités économiques de l’appauvrissement – nous nous voyons obligées de porter des enfants pour les riches. » Elle secoue la tête pour indiquer son désaccord.

« Des femmes disent : ‘Oh, nous sommes d’heureuses mères porteuses’ ? Comme la soi-disant travailleuse du sexe, elle doit se dissocier de ce qui arrive à son corps. Ce n’est pas sain mentalement. Si c’était une chose si merveilleuse à faire, alors pourquoi les riches ne le font-elles pas pour les pauvres, qui sont tout aussi infertiles ? Quant à la femme qui pense que c’est la chose la plus productive, la plus significative ou la plus puissante qu’elle puisse faire, cela me dit tout ce que j’ai besoin de savoir sur ses autres options, qui sont nulles. »

Chesler est une mère et une grand-mère. Elle s’est mariée plusieurs fois, la dernière fois avec une femme. Leur certificat de mariage est encadré sur le mur. « Si vous mettez en balance les femmes qui pourraient mourir pendant la grossesse, les femmes qui pourraient devenir infertiles à cause du prélèvement de leurs ovules, qui doivent endurer la douleur et la perte de temps d’une manière qui n’est pas proportionnelle à ce qu’elles sont payées, et ce nouveau désir d’un couple d’hommes gays de recourir à une mère porteuse comme première option, je pense que l’équilibre de la souffrance penche plutôt du côté des femmes. »

À plus de 200 kilomètres de New York, dans une impasse verdoyante de Columbia, dans le Maryland, Lisa Schuster est recroquevillée dans un fauteuil avec son vieux terrier sourd et aveugle, déconcerté par l’odeur de ma présence. Le bourdonnement de la vie familiale l’entoure. Son fils de 15 ans est sur l’ordinateur à l’étage, son fils de 13 ans rentre du camp et sa fille de 11 ans s’affaire dans la cuisine.

Schuster, 38 ans, a accouché cinq fois : trois fois pour elle et son mari, puis deux fois pour un couple d’homosexuels français. Elle a eu son premier enfant à 23 ans, juste après s’être mariée. « Et ce fut si facile. Nous avons simplement dit que nous voulions avoir des enfants; neuf mois plus tard, nous avions un bébé, me dit-elle. Ma mère est décédée très jeune. J’ai pris du recul et je me suis dit : « Qui sait combien de temps il reste à quelqu’un dans ce monde ? Je voulais donner la priorité à ce que je voulais accomplir. J’ai choisi la famille. » » Mme Schuster a un diplôme universitaire et a toujours travaillé, mais elle est la principale personne à s’occuper des enfants, choisissant des emplois qui s’adaptent à sa vie de famille.

En grandissant, la gestation pour autrui faisait partie du folklore familial. « Ma mère nous racontait toujours l’histoire d’une amie très proche qui, de manière très officieuse, avait été mère porteuse pour quelqu’un d’autre dans sa famille. L’histoire se terminait bien – tout se passait bien. » Lorsque Schuster en est venue à avoir ses propres enfants, elle a réalisé la chance qu’elle avait : alors que ses belles-sœurs ont connu des difficultés de fertilité, elle a conçu facilement, et toutes ses grossesses et naissances ont été simples. La gestation pour autrui était un moyen de « reconnaître la chance que j’avais d’avoir mes propres enfants et de pouvoir la transmettre ».

Elle a su que sa famille était complète à la naissance de sa fille. « Je me suis dit : « Je sais que j’ai fini, mais je suis prête à recommencer ». » Elle a cherché sur Google « agence de mères porteuses du Maryland » et a rempli un questionnaire avec des informations médicales de base. Un gestionnaire de cas l’a contactée pour plus de détails : elle devait fournir des références de caractère et ses précédents dossiers de grossesse et d’accouchement pour qu’ils les examinent. Puis quelqu’un est venu inspecter son domicile. « Ils ont vérifié que tout était en ordre, que ça ne sentait pas la fumée et que c’était sécuritaire, que le futur parent pour lequel que je pourrais porter un enfant se sentirait à l’aise avec l’environnement dans lequel j’étais en gestation. »

Jusqu’à présent, tout cela semble être dans l’intérêt des futurs parents, pas dans le sien. Elle dit qu’elle a également rencontré un prestataire de santé mentale, à la fois avec son mari et dans une session de groupe avec les futurs parents, avant qu’ils n’aillent de l’avant. « Il y avait tellement de choses auxquelles je n’avais pas pensé. Elle m’a demandé comment je me sentirais si je devais interrompre la grossesse ou si le bébé avait des problèmes de santé à l’accouchement. Elle m’a demandé ce que ma famille en pensait et quel impact cela aurait sur mes amitiés. Elle m’a également demandé quels étaient mes projets en matière de compensation pour arriver à ce qui me motivait. »

Schuster a reçu 25 000 dollars pour la première grossesse pour autrui, et 30 000 dollars pour la seconde, versés en plusieurs fois au moment du transfert de l’embryon, du test sanguin positif, de la confirmation des battements du cœur et de l’accouchement. Elle a continué à travailler pendant les deux grossesses et a utilisé les honoraires de la mère porteuse pour rembourser ses prêts étudiants et financer un voyage en France pour toute sa famille, au cours duquel elle a rendu visite à la famille pour laquelle elle avait porté ces bébés. (La fille et le garçon ont maintenant huit et six ans).

Elle se fend d’un large sourire en décrivant sa première rencontre avec « les gars ». « Ce sont des gens vraiment adorables que l’on rencontrerait et avec lesquels on se lierait d’amitié en dehors de cette étrange circonstance qui nous a réunis. J’avais un peu peur de ressentir une sorte de division de classe ou d’inégalité là-bas, et ce n’était absolument pas le cas. Ce n’étaient que des gens ordinaires ». Ils n’ont pas de relation suivie avec la donneuse des ovules qu’elle a portés à terme, ce qui, selon Schuster, est « la norme ». Elle ne sait rien de cette femme.

Ses grossesses pour autrui ont été « faciles, sans incident ». Schuster ne s’est pas inquiétée des conséquences qu’elles pouvaient avoir sur son corps. « Qu’est-ce que quelques vergetures de plus ? Cela ne m’a même pas traversé l’esprit. » Elle aimait sentir le bébé donner des coups de pied et bouger, elle le filmait et envoyait les vidéos aux « gars », mais elle m’assure qu’elle n’a jamais ressenti de lien avec les bébés qui grandissaient en elle. « Vous entrez dans une capacité mentale différente dès le départ. Pour moi, la relation qui se développait était en fait avec les papas plutôt qu’avec le bébé. C’est là que l’énergie du lien s’est transférée. »

« Je ne veux pas que la fille que j’ai portée se demande si elle est là parce qu’on a profité d’elle. Cela a ajouté à ma vie de nombreuses façons positives. »

Ils étaient aux côtés de Schuster lorsqu’elle a accouché de leur fille. « Dès qu’elle est née, ils l’ont mise sur mon ventre pendant qu’ils coupaient le cordon et la nettoyaient. » Puis l’un des papas l’a tenue dans ses bras. « Son père était décédé avant qu’ils n’entament leur voyage, et elle a une petite fossette au menton comme son père. » Schuster est soudain envahie par les larmes. « Cela faisait partie de notre connexion aussi, parce que j’avais perdu ma mère avant de devenir parent. Le voir là, voir le menton de son père dans sa fille, les voir ensemble était juste le moment culminant de tout. C’était juste un moment tellement heureux. » Là où Chesler voit du narcissisme génétique, Schuster voit de la continuité familiale.

« J’ai été un peu prise de court – pas décontenancée, mais surprise – quand les gars sont repartis. Nous avions tellement pris l’habitude de nous voir tous les jours – ils sont restés environ quatre semaines autour de l’accouchement – alors faire cette transition… »; elle hausse les épaules. « Je ne m’attendais pas à ressentir cette tristesse. » Mais ce fut plus facile la deuxième fois, lorsqu’elle a donné naissance à leur fils. « Je savais à quoi m’attendre, et comment nous étions tombés dans le rythme de notre relation. Je pouvais me préparer à la tristesse de leur départ, mais je savais que ce n’était pas la fin. »

Schuster dit que nous ne devrions pas « édulcorer » les problèmes possibles. « La maternité de substitution a la capacité d’exploiter les femmes, et elle est certainement pratiquée actuellement d’une manière qui le fait. Nous devons nous demander quels sont les éléments en place qui font que les femmes sont exploitées. Est-ce vrai pour tous les cas ? Il faut faire cette distinction. »

Le paiement ne crée-t-il pas une incitation qui exploite les femmes ? « C’est certainement une chose très pertinente à laquelle il faut réfléchir, surtout si vous vous intéressez à des pays où la rémunération a un effet sur la vie d’une femme. Aux États-Unis, alors que les taux de compensation continuent d’augmenter, à quel moment cela devient-il une incitation ? La compensation financière ne devrait jamais être le principal avantage. C’est à partir de là que cela peut devenir de l’exploitation. »

Les critiques qui affirment que la maternité de substitution fragmente le rôle reproductif des femmes et les réduit à des parties du corps sont les mêmes qui qualifient ce que Schuster a fait de « location d’utérus », dit-elle. « Toutes ces autres choses que je faisais n’ont aucune valeur dans la société d’aujourd’hui : le temps que j’ai manqué pour m’occuper de mes enfants ou de mon ménage, cette charge mentale que je portais. Si vous n’accordez pas de valeur à tout le travail que cela représente, vous allez attribuer cette valeur à l’utérus. » Elle a été payée pour le temps et les efforts qu’elle a dû fournir pour être enceinte de quelqu’un d’autre, dit-elle, et non pour l’utilisation de son utérus.

Mme Schuster a de nouveau essayé de porter un enfant pour un couple gay local, mais le transfert d’embryons a échoué. Presque aussitôt qu’elle a renoncé à être mère porteuse, elle a vu une annonce de poste à l’organisation de défense des droits Men Having Babies, où elle travaille maintenant comme directrice de la programmation. La campagne pour une maternité de substitution éthique lui tient à cœur sur le plan personnel, dit-elle. « Je ne veux pas que la fille que j’ai portée se demande si elle est là parce qu’on a profité d’elle. Cela a ajouté à ma vie de nombreuses façons positives. Cela a été une expérience vraiment joyeuse pour moi. »

Heather Breault, 30 ans, est également mariée et mère de trois enfants, et a porté deux grossesses pour autrui, la plus récente ayant eu lieu en novembre 2021. Breault considère la gestation pour autrui comme une sorte de service volontaire. « J’ai eu mes enfants jeunes, donc je ne pouvais pas faire de bénévolat ou de don d’argent : Je n’avais pas l’argent, je n’avais pas le temps. Je n’avais ni l’argent ni le temps. Ce que j’avais, c’était mon corps », me dit-elle par Zoom depuis sa maison d’East Haddam, dans le Connecticut. Elle s’est inscrite pour faire un don de moelle osseuse, puis a proposé de porter un bébé pour une amie qui avait des problèmes de fertilité ; lorsque son amie a refusé, elle a consulté Internet et trouvé une agence de mères porteuses qui l’a mise en relation avec un homme gay des îles Caïmans.

Le fait qu’il soit célibataire n’avait aucune importance pour elle. « J’étais très ouverte d’esprit. » Elle et son mari lui ont parlé par FaceTime. « On voyait qu’il voulait vraiment être parent, et c’était la seule chance pour lui de le faire », me dit-elle, les larmes aux yeux. Comme Schuster, Breault n’a aucune idée de l’identité de la donneuse d’ovules, ni des critères utilisés pour la choisir, mais elle me dit qu’il y a de bonnes raisons de séparer la donneuse et la porteuse : les donneuses d’ovules doivent être jeunes, tandis que les mères porteuses devraient idéalement avoir déjà donné naissance à plusieurs de leurs propres enfants avant de devenir enceinte pour quelqu’un d’autre. La séparation l’a aidée à se détacher des bébés qu’elle portait. « Ce n’était pas mon ADN – je suis plutôt une baby-sitter. » Elle a été payée 40 000 dollars pour la première grossesse, et 45 000 dollars pour la seconde. L’argent a servi à verser un acompte sur leur maison, à acheter des meubles et à faire des économies. « Mais je l’aurais fait sans cet argent. Il faut se lancer en voulant le faire pour d’autres raisons. »

Contrairement à Schuster, Breault a eu des accouchements compliqués. Elle a souffert de pré-éclampsie pour la première naissance, ce qui signifie que le bébé a dû être accouché une semaine plus tôt, alors qu’elle était fortement médicamentée. « Je n’ai pas fait les recherches que je pense que j’aurais dû faire. Mais je ne reviendrais en arrière pour rien au monde – l’accouchement a été la meilleure sensation qui soit. » Presque immédiatement, le futur parent a voulu qu’elle porte à nouveau un enfant pour lui. « Il l’a demandé. Il m’a demandé de me dépêcher et de commencer », dit-elle en riant. « Il l’aurait fait tout de suite s’il avait pu. » Breault était anémique après la première naissance, et l’agence a dit qu’il fallait de toute façon attendre au moins neuf mois entre deux grossesses. Dès qu’elle a eu le feu vert, elle a été heureuse d’essayer à nouveau.

« Nous avons fini par avoir une césarienne pour le tout dernier, me dit Breault. Je ne connaissais pas vraiment les césariennes. Je savais qu’on vous ouvrait, qu’on sortait le bébé et qu’on vous recousait, mais on ne m’avait pas vraiment expliqué le processus de guérison. Je n’étais pas préparée à l’ampleur de mon incapacité à bouger après. » Son mari a pris une semaine de congé pour l’aider à s’occuper de leurs trois jeunes enfants pendant sa convalescence, mais après cela, elle s’est retrouvée seule. Je me sens mal à l’aise en entendant cela : Mme Breault apparaît comme si sérieuse, si déterminée à aider les autres, et il semble manifestement injuste qu’elle n’ait pas été correctement prévenue de ce qui pourrait lui arriver. Mais elle s’en moque. « Ça allait, mais j’avais l’impression que mon corps ne pouvait plus le supporter. » Elle ne figure plus sur les registres de l’agence.

Moins d’un an après son accouchement, Breault reçoit des nouvelles par son fil Facebook des enfants qu’elle a portés. « Ce n’est pas comme si lui et moi nous parlions encore, mais nous pouvons toujours voir dans la vie de l’autre. Ça me va très bien. » Elle sourit. « C’est bien de les voir grandir. Ils ressemblent à leur père. »

« De plus en plus de personnes dans la communauté gay masculine envisagent d’être parents de plus en plus jeunes », explique Ron Poole-Dayan, directeur exécutif de Men Having Babies. « Après le bouleversement démographique de la pandémie de sida, les homosexuels sont devenus plus aptes et plus susceptibles de former des relations stables, qui ont obtenu de plus en plus de reconnaissance sociale. Ils ont commencé à être exposés à davantage d’exemples qui réfutent le discours selon lequel il ne faut pas être triste de ne pas avoir de famille. C’était presque cruel de voir beaucoup de ces personnes réaliser qu’elles pouvaient le faire, mais qu’elles n’en avaient pas les moyens. »

Poole-Dayan est le père de jumeaux de 21 ans conçus à l’aide d’ovules donnés par la sœur de son mari et mis en gestation par une mère porteuse. « La gestation pour autrui est un enjeu gay, me dit-il. Ce n’est pas seulement que nous sommes plus visibles quand nous le faisons, c’est que nous en sommes plus dépendants. Le moyen le plus sûr de s’assurer que les homosexuels n’ont pas d’enfants est d’être contre la gestation pour autrui. »

Et l’adoption ? « Nous considérons que l’adoption [est] une forme de bénévolat. Ce n’est pas un moyen de devenir parents, dit-il. En tant que société, nous devrions utiliser tout le pouvoir dont nous disposons pour nous assurer qu’il n’y a pas d’enfants qui nécessitent une adoption. Nous dire que nous devrions dépendre de l’échec de la société, et que c’est une solution pour nous – c’est inacceptable. Pourquoi devrions-nous nous porter volontaires avant tout autre groupe ? » Parce que votre chemin vers la parentalité biologique implique de demander de grands sacrifices et un tribut physique aux femmes, lui réponds-je. « Si vous ne pouvez pas avoir recours à une mère porteuse éthique, ne le faites pas. Personne ne dit que vous devez devenir parents. Cela revient à la simple notion de : sommes-nous tous volontaires, autonomes, sains d’esprit et protégés ? »

 « On attend des hommes gays qu’ils acceptent de ne pas avoir d’enfants. C’est le type de discrimination que nous essayons le plus de combattre. »

Là où Chesler et Briskin font le parallèle avec le travail du sexe, Poole-Dayan parle des militaires. « Savons-nous que les gens qui meurent pour nous dans la plupart des armées professionnelles ne le font pas parce qu’ils n’avaient pas d’autre choix de carrière ? Les pompiers font quelque chose qui affecte gravement leur corps et pourrait entraîner des dommages irréversibles. Nous les payons moins qu’ils ne le méritent parce que nous supposons qu’ils sont patriotes ou d’une certaine manière motivés par l’altruisme. » Ils n’ont personne qui se bat pour leurs droits comme les personnes qui critiquent si vivement la gestation pour autrui. « On pourrait légitimement se demander quelles sont leurs motivations ? »

Poole-Dayan considère que « l’infertilité situationnelle » à laquelle les hommes gays sont confrontés est équivalente à l’infertilité médicale. « Nous définissons l’infertilité non seulement comme un état ou une maladie, mais aussi comme un statut qui définit notre incapacité à procréer avec notre partenaire. » Peu importe que vous ayez des spermatozoïdes, des ovules et des utérus sains ; si vous ne pouvez pas faire un bébé avec le partenaire que vous avez choisi, vous êtes infertile, selon cette définition. « D’un point de vue situationnel, nous sommes les plus infertiles, si l’on mesure le niveau d’intervention nécessaire pour obtenir une grossesse. On attend également de nous que nous acceptions de ne pas avoir d’enfants. C’est le type de discrimination que nous essayons le plus de combattre. »

Aujourd’hui, la paternité biologique n’existe que pour les couples gays riches – ou pauvres, puisque le programme d’aide aux parents gays de Men Having Babies distribue plus d’un million de dollars par an sous forme de services médicaux gratuits ou à prix réduit et de subventions en espèces à ceux qui en ont vraiment besoin. Mais Briskin et Maggipinto ne remplissent pas les conditions requises.

« Je veux être très clair : si nous avions pu nous permettre d’avoir un enfant payé de notre poche, avec tous ces coûts, nous l’aurions fait », déclare M. Briskin.

« Nous avons étudié différents programmes de subventions, de prêts, et nous avons envisagé de lancer un financement participatif. Nous avons envisagé de demander un soutien financier à nos familles », ajoute M. Maggipinto. « Nous ne voulons exclure aucune de ces options, car nous sommes à un point de désespoir. »

L’EEOC se prononcera d’ici quelques semaines sur la question de savoir si les conditions de l’assurance maladie de Briskin étaient discriminatoires. La ville de New York a jusqu’à présent défendu sa politique. L’avocat du couple, Peter Romer-Friedman, me dit : « Ils affirment que leur plan de soins de santé ne prévoit la gestation pour autrui pour personne, donc ce n’est pas de la discrimination de la refuser à Corey et Nicholas. » Comme tout le monde, la première réaction de la municipalité a été de supposer que tout cela concernait l’accès à des mères porteuses.

En attendant une décision, Maggipinto et Briskin doivent supporter la douleur de voir grandir les enfants de leurs riches amis gays. Nous nous rencontrons le lendemain de la fête des pères. « On vient de s’occuper de mon neveu quand ma sœur avait besoin d’aide, me dit Maggipinto. C’est tellement gênant pour moi de souhaiter une bonne fête des pères à mon beau-frère. »

« Tout le monde ne veut pas avoir d’enfants, et je le comprends ; ce n’est pas une partie nécessaire de l’existence d’une personne sur cette Terre, dit Briskin. Mais si vous faites partie de ceux qui ont le désir de procréer, personne ne veut se faire dire qu’il n’y a aucun moyen d’y parvenir. »

Maggipinto acquiesce. « Surtout s’il en existe un. »

Version initiale : https://www.theguardian.com/lifeandstyle/2022/oct/01/how-gay-parenthood-through-surrogacy-became-a-battleground

Traduction: TRADFEM

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