Le 27 septembre 2022
Présentation: Un des enjeux les plus cruciaux du mouvement féministe actuel est la défense de ressources et d’espaces réservés aux femmes, alors que les partis et organisations soi-disant progressistes militent pour l’abolition de ces ressources au nom des « droits » prêtés aux hommes se disant « transgenres » et d’une illusoire « inclusivité ». Cette lutte est particulièrement vive au Royaume-Uni où le parti travailliste espère déloger le parti conservateur au pouvoir depuis 12 ans et courtise le lobby transactiviste à cet effet.
La militante et écrivaine Karen Ingala Smith – qui est administratrice de l’association Women’s Place UK et milite contre les féminicides au Royaume-Uni avec les campagnes Counting Dead Women et The Femicide Census – a soulevé ces questions lors d’une conférence récente de féministes britanniques du parti travailliste, dont voici la traduction.
Qu’est-ce que les femmes attendent du manifeste du parti travailliste ?
Le dernier manifeste travailliste n’a pas réussi à s’engager à développer une stratégie ambitieuse pour mettre fin à la violence et aux abus sexuels et domestiques, ainsi qu’à la prostitution. Toutefois, il indiquait qu’un gouvernement travailliste s’engageait à:
« Veiller à ce que les « exemptions » fondées sur le sexe contenues dans la Loi sur l’égalité de 2010 soient comprises et pleinement appliquées dans la prestation de services dédiés aux femmes. »
Il a également promis un financement durable pour les refuges et les services d’aide aux victimes de viol. Donc, à cet égard, même si ce n’était pas parfait, ce n’était pas mauvais. Il est vraiment honteux que deux ans plus tard, le leader actuel du parti travailliste, Keith Starmer, ne puisse même pas reconnaître que seules les femmes ont un col de l’utérus, ce qui pourrait suggérer qu’il aurait un problème à faire respecter une promesse de protéger leurs services non mixtes.
Je ne suis pas ici ce soir pour vous dire à quoi ressemblerait, selon moi, une stratégie visant à mettre fin à la violence des hommes envers les femmes et les filles. Il suffit de dire que ce sera le sujet de mon deuxième livre et que je ne l’ai pas encore écrit. Ce soir, je suis ici pour vous parler de mon premier livre, qui sera publié dans deux mois, le 25 novembre, et qui est intitulé Defending Women’s Spaces.
Defending Women’s Spaces reflète mes 32 années d’expérience de travail dans des services spécialisés pour les femmes victimes de la violence des hommes, ainsi que les recherches que j’ai lues et les campagnes que j’ai menées en parallèle. Mon expérience, comme celle de nombreuses femmes avec lesquelles j’ai travaillé, ainsi que des recherches indépendantes, me démontrent que les besoins des femmes survivantes sont mieux comblés dans des espaces réservés aux femmes.
Qu’en est-il des hommes en transition d’identité de genre? Ont-ils leur place dans nos services réservés aux femmes ? Je réponds non. Dès que vous dites que vous offrez un accès aux services en fonction de l’identité de genre et non du sexe, vos services deviennent des services mixtes. Les hommes en transition – si nous acceptons qu’une telle transition puisse être une notion significative – ne représentent pas un risque pour les femmes parce qu’ils sont trans, mais bien parce qu’ils sont des hommes. Les données les plus rigoureuses dont nous disposons actuellement sur les hommes transgenres et leur taux de criminalité violente nous indiquent qu’au mieux, leurs crimes sont conformes au modèle de la criminalité masculine, et ce uniquement s’ils bénéficient d’un soutien psychologique en plus d’interventions chirurgicales et hormonale. Sans soutien psychologique, les statistiques indiquent que les taux de criminalité violente des hommes transgenres sont nettement plus élevés que ceux des autres hommes.
Defending Women’s Spaces se concentre sur les espaces réservés aux femmes ayant survécu à la violence des hommes, mais j’y aborde aussi brièvement d’autres domaines. J’examine les différences entre les sexes en matière de perpétration et de victimisation de la violence. Je démonte et réfute le mythe selon lequel les personnes transgenres sont les plus exposées au risque de meurtre. Je démonte le mensonge selon lequel l’évaluation des risques permet aux hommes d’être inclus de façon sécuritaire dans les espaces réservés aux femmes. J’examine comment le fait de dire aux femmes victimes-survivantes que quelqu’un que nous savons être un homme est en fait une femme n’est rien d’autre qu’une variante de la violence psychologique que leur a fait subir l’homme ou les hommes qui les ont agressées. Je me penche sur la réalité du traumatisme et j’explique pourquoi un espace réservé aux femmes est nécessaire à leur guérison. Je me demande également pourquoi tant de prestataires de services soi-disant spécialisés semblent avoir abandonné leurs principes et cessé de placer les femmes au premier rang de leurs priorités.
Inclure les hommes ayant une identité transgenre dans les services destinés aux femmes peut signifier exclure certaines des femmes les plus vulnérables qui ont besoin de soutien. Nous savons que cela signifie que certaines femmes s’auto-exclueront, car elles nous disent déjà qu’elles le feront.
Ce ne sont pas toutes les femmes qui seront soumises à la violence et aux agressions masculines, bien que globalement une sur trois d’entre nous l’est à un moment ou à un autre de sa vie. Toutes les femmes qui subissent la violence des hommes ne développeront pas une réponse traumatique. Mais nous pouvons reconnaître que certaines femmes ont besoin ou bénéficient plus que d’autres de l’existence d’un gouvernement travailliste, engagé à « Veiller à ce que les « exemptions » fondées sur le sexe contenues dans la Loi sur l’égalité de 2010 soient comprises et pleinement appliquées dans la prestation de services dédiés aux femmes. »
Il est vrai que toutes les femmes qui ont été maltraitées par des hommes ne veulent pas d’espaces réservés aux femmes, mais ces femmes ne devraient pas refuser ce droit à celles qui en ont besoin.
Les travaillistes doivent montrer leur engagement à mettre fin à la hiérarchie des sexes. Les travaillistes doivent faire preuve de fermeté. Le parti travailliste doit s’engager à mettre fin à la violence des hommes à l’égard des femmes ; et jusqu’à ce que nous atteignions cette utopie, nous avons besoin d’espaces réservés aux femmes qui ont été victimes de la violence des hommes.
Karen Ingala Smith
Version originale: https://kareningalasmith.com/2022/09/27/my-speech-at-the-labour-womens-declaration-fringe-meeting-at-the-labour-party-conference-2022/
Traduction: TRADFEM
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Défendre l’espace des femmes
Karen Ingala Smith
Qui compte comme une femme ? Cette question est au cœur de nombreux débats publics sur le sexe et le genre aujourd’hui. Même si nous reconnaissons de plus en plus le désir de certains d’éliminer la binarité sexuelle de la sphère juridique, un point d’ébullition particulier émerge à travers les demandes conflictuelles concernant les espaces des femmes. Qu’est-ce qui doit déterminer l’accès à ces espaces – le sexe ou « l’identité de genre » ?
Karen Ingala Smith, une militante chevronnée des droits des femmes et des filles, opte pour le premier choix. Dans sa critique acerbe des politiques d’inclusion, elle affirme que nous ne pouvons ignorer les nombreuses preuves qui montrent que les personnes de sexe féminin ont un ensemble unique de besoins qui ne sont souvent pas satisfaits par les espaces mixtes. S’appuyant sur ses 30 années d’expérience dans la recherche et l’enregistrement de la violence des hommes à l’égard des femmes et des filles, elle explique comment certains espaces, y compris les refuges, gagnent à rester non mixtes – et ce qu’ils risquent de perdre. Écrit avec sensibilité et respect pour toutes les personnes concernées, ce livre réfute néanmoins la notion que nous avons atteint une utopie post-sexe.
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