Quand le Canada comprendra-t-il ?
par Barbara Kay, National Post, 06 août 2022
Le Service de développement de l’identité sexuelle (GIDS) d’Angleterre, connu sous le nom de clinique Tavistock, doit fermer au printemps prochain. Désormais, décentralisé en unités régionales, son personnel « intégrera les soins des enfants et des jeunes souffrant de détresse liée au genre dans un contexte plus large de santé des enfants et des adolescents ». C’est un coup dur pour les théoriciens radicaux du genre.
Un examen indépendant mené sous la direction de la Dre Hilary Cass, ancienne présidente du Collège royal de pédiatrie et de santé infantile, a condamné le modèle GIDS – caractérisé par une « confirmation » immédiate et un passage rapide aux médicaments bloquant la puberté – comme un modèle qui fait courir aux jeunes « un risque considérable » de mauvaise santé mentale, et qui n’est donc « pas une option sûre ou viable à long terme ».
La litanie d’accusations des résultats de cet examen comprend : une évaluation inadéquate, une médicalisation précipitée, des manquements à la protection des enfants, l’indifférence à la vulnérabilité particulière des patients autistes et attirés par le même sexe de façon disproportionnée, des recherches de qualité inférieure, l’influence indue d’acteurs politiques, comme les groupes d’activistes trans Mermaids et Stonewall, et l’intimidation du personnel dénonçant ces abus.
À l’avenir, les cliniques surveilleront activement les enfants qui reçoivent une hormonothérapie et collecteront des données de suivi à leur sujet. (Le fait que les données ne soient pas collectées de manière systématique en dit long sur le manque de professionnalisme du GIDS.)
La Society for Evidence Based Gender Medicine (SEGM) s’est réjouie de la nouvelle, citant les multiples signaux d’alarme qu’elle avait lancés au fil des ans, notamment la « rareté des preuves » justifiant la suppression de la puberté et les problèmes éthiques entourant le consentement éclairé chez les mineurs. Selon la SEGM, « la fermeture du GIDS n’est pas simplement une mesure de restructuration en réponse à l’échec du fonctionnement de la clinique – c’est un abandon du modèle de soins d’intervention « d’afirmation du genre », au profit de soins d’affirmation de la personne entière qui sont ancrés dans la psychologie du développement. »
Ce scandale survenu en Grande-Bretagne est important pour le Canada, car le penchant de la clinique Tavistock pour une médicalisation précipitée trouve un écho dans les cliniques de genre de notre pays. L’Hôpital pour enfants de London, en Ontario, par exemple, distribue désormais des bloqueurs de puberté aux patients sur liste d’attente « avant même leur premier rendez-vous ».
L’existence d’une telle liste d’attente à l’hôpital a été une bénédiction pour « Cara » (ce n’est pas son vrai nom), une jeune fille précoce de 13 ans qui vit dans le sud-ouest de l’Ontario. Enfant, elle était non-conforme. Elle aimait les vêtements de garçon et arborait une coupe de cheveux mohawk. Ses parents éclairés étaient d’accord avec cela. Cara a toujours ressenti une certaine différence par rapport à ses camarades et a « éprouvé des difficultés avec ses rapports d’amitié », comme me l’a dit sa mère, « Christine ». En sixième année, Cara a dit à Christine qu’elle était peut-être lesbienne ou bisexuelle. Cela ne posa pas non plus problème.
Puis, la COVID est arrivée, et avec elle, l’isolement social. Cara a passé un temps fou en ligne. Sur TikTok, elle a découvert des vidéos séduisantes sur la fluidité du genre. Leurs sémillants animateurs vantaient le « confort » que procurait la transition de genre, sans jamais en mentionner les inconvénients. Une vidéo joyeuse a conduit à une autre.
Ne connaissant pas la théorie radicale du genre, Christine a d’abord été insouciante lorsque Cara a demandé un surnom masculin et un changement de pronom. Puis, mal à l’aise, elle a cherché des informations. Une amie ayant une fille transgenre a insisté sur une « politique d »affirmation systématique » des sentiments de l’enfant. Comme Christine me l’a dit, « J’ai tout de suite adhéré à l’idée ».
Dans la petite école privée qu’elle fréquentait, l’enseignante a « affirmé » la nouvelle présentation masculine de Cara. Ce que fit aussi une thérapeute spécialisée dans les questions de genre. Christine était cependant troublée par le fait que cette thérapeute semblait indifférente aux autres domaines de vulnérabilité de Cara dont on l’avait informée.
À la suggestion de cette thérapeute, Cara s’est inscrite à des réunions hebdomadaires au GLO Youth Group, une organisation de sensibilisation LGBT. Toutes les personnes qu’elle a rencontrées au GLO semblaient à Cara être trans ou non-binaires. L’un des participants, âgé de 10 ans, prenait déjà des bloqueurs de puberté. Encouragée par une responsable de GLO (les deux responsables étaient des adultes trans), Cara a porté un bandeau de poitrine 10 heures par jour pendant des mois. (Elle pense que cela a peut-être causé des dommages permanents à ses seins).
La thérapeute a ajouté Cara à la liste d’attente de l’hôpital SickKids pour une évaluation et la prescription de bloqueurs de puberté. À ce stade, Christine était alarmée, à la fois par la rapidité du « traitement » – huit semaines entre la première rencontre et la médicalisation recommandée – et par l’avertissement de la thérapeute selon laquelle Cara pourrait devenir suicidaire sans son soutien. (Cara n’a aucun souvenir d’avoir mentionné des idées suicidaires à sa thérapeute).
Cara était malheureuse et fréquemment hostile à Christine. Elle a cessé de pratiquer la clarinette (qui l’intéressait sérieusement), ne voulait plus skier avec son père et a pris plus de 20 kilos. Heureusement, Christine a trouvé le chemin d’un groupe de soutien aux parents résistants et du Canadian Gender Report, une source d’information fiable pour les parents (et les journalistes) sur l’identité médicalisée. Elle s’est « impliquée de très près en tant que parent », s’est abstenue de tout discours sur le genre et a occupé Cara avec des activités physiques.
Tout cela était très utile. Mais au final, tout dépend de la capacité de l’enfant à évaluer la fiabilité des adultes censés faire autorité dans son orbite. « J’étais tellement crédule », m’a dit Cara. « Je ne savais même pas que j’avais le choix de revenir en arrière ».
Et pourtant, bien que submergée par des forces contraires, sa maturité intellectuelle inhabituelle a prévalu. Cara a lu, à deux reprises, l’exposé approfondi qu’a rédigé la journaliste américaine d’enquête Abigail Shrier sur la « folie » que constitue la dysphorie de genre à déclenchement rapide, « Dommages irréversibles » (Éditions Le Cherche-Midi). En avril 2021, un moment est arrivé où Cara a simplement décidé de « laisser le genre derrière elle ».

La clinique Tavistock est aujourd’hui couverte de disgrâce. La Finlande et la Suède ont toutes deux abandonné le « modèle d’affirmation » – la Suède pour les moins de 18 ans, la Finlande pour les moins de 25 ans. L’Académie nationale de médecine française recommande désormais la plus grande prudence dans l’utilisation des bloqueurs de puberté. Et l’année dernière, le Collège royal australien et néo-zélandais des psychiatres a publié une déclaration sobre sur l’éthique du traitement de la dysphorie de genre que les associations de professionnels de la santé mentale d’ici feraient bien d’imiter.
Mais cela n’arrivera pas – encore – car la théorie radicale du genre règne toujours au Canada. Nos politiciens lâches ignorent cette contagion identitaire qui s’emballe, tandis que les institutions capturées par le lobby du genre – universités, conseils scolaires publics, associations/journaux médicaux et médias de gauche (il semble que la CBC n’ait pas trouvé la débâcle de Tavistock digne d’intérêt) – font l’autruche, feignant d’ignorer le virage actuel vers un professionnalisme fondé sur des principes dans les institutions homologues à l’étranger.
Pendant ce temps, les résistants canadiens à l’idéologie du genre, dont Cara fait maintenant partie, s’obstinent à creuser leur sillon dans un refus de nuire aux jeunes. Il y a un certain réconfort à savoir que, grâce à un leadership éthique ailleurs, les institutions axées sur les enfants ici au Canada devront inévitablement rendre des comptes pour avoir trahi leurs missions – espérons-le, plus tôt que plus tard.
Barbara Kay
National Post
kaybarb@gmail.com
Twitter.com/BarbaraRKay
Traduction: TRADFEM