Quelles leçons tirer de la Suède et de la Finlande en matière de chirurgies du genre?

La Finlande et la Suède peuvent-elles nous aider à résoudre la guerre culturelle la plus vicieuse d’Amérique du Nord ?

Par Lisa Selin Davis, sur le site BROADVIEW, le 22 juillet 2022

Remarque : À l’origine, j’ai d’abord rédigé ce texte pour un autre média, mais ils ont voulu retarder la publication de deux mois, et comme je voulais diffuser l’information sans tarder, je la publie ici. J’ai rendu son accès gratuit pour qu’il puisse être partagé avec le plus grand nombre de personnes possible, mais il m’a fallu beaucoup de temps pour le documenter et l’écrire, alors veuillez envisager un abonnement payant ou un pourboire si possible. Merci.

Au début de l’année, alors que la guerre culturelle menée aux USA à propos des enfants dits transgenres battait son plein, le Conseil national suédois de la santé et du bien-être (CNSSB) a publié de nouvelles directives sur le traitement des jeunes souffrant de dysphorie de genre, ou de ce qu’on appelle de plus en plus « l’incongruence de genre ». On parle ici d’agents bloqueurs de puberté, d’hormones intersexes et des chirurgies de changement de sexe – des méthodes souvent qualifiées de « soins d’affirmation du genre » – pour amener le corps d’une personne à ressembler davantage à celui d’une personne du sexe opposé, ou de plus en plus, dans le cas de la médecine de genre non binaire, à aucun sexe du tout.

On peut lire dans ces directives : « Le CNSSB estime que les risques associés au traitement suppresseur de puberté avec des analogues de la GnRH et du traitement hormonal d’affirmation du genre l’emportent actuellement sur les avantages possibles de cette approche, et que ces traitements ne devraient être proposés que dans des cas exceptionnels. »

Le Conseil finlandais pour les choix en matière de soins de santé (CFCMSS) était arrivé à une conclusion presque identique un an plus tôt, en notant que « l’intervention de première ligne préconisée pour la variance de genre à l’enfance et à l’adolescence est le soutien psychosocial et, si nécessaire, la thérapie d’exploration du genre et le traitement des troubles psychiatriques comorbides. » Et : « À la lumière des données disponibles, la réassignation de genre des personnes mineures constitue une pratique jugée expérimentale. » Les interventions médicales de réassignation de genre « doivent être effectuées avec beaucoup de prudence, et aucun traitement irréversible ne doit être amorcé », a écrit le CFCMSS.

Ces directives contredisent celles formulées par l’Association professionnelle mondiale pour la santé transgenre (WPATH), un lobby composé d’activistes, d’universitaires, d’avocats et de prestataires de soins médicaux et de santé mentale, qui crée des « normes de soins » que de nombreux prestataires choisissent de suivre. WPATH, qui publiera bientôt la 8ème version de ses normes, abaisse les âges minimum recommandés pour l’administration de bloqueurs de puberté, d’hormones et de chirurgies, et a publié de nouvelles sections sur la médecine destinée aux personnes qui présentent des identités de genre comme non-binaire ou eunuque. (WPATH n’a pas répondu à notre demande de commentaire).

Pendant ce temps, aux États-Unis, une grande partie de forces de gauche, des associations médicales et des organisations militantes comme l’ACLU affirment que les médecins conviennent que les interventions médicales d’affirmation du genre sont « salvatrices », et le Secrétaire adjoint à la Santé Rachel Levine a prétend à un consensus médical quant à ses avantages, même si certains pays européens affirment le contraire. Aux États-Unis, certains activistes et cliniciens spécialistes du genre trouvent que même le WPATH est trop conservateur.

En Suède et en Finlande, c’est la communauté des soins de santé elle-même qui a pris en main cette question. Mais ici, aux États-Unis, cette controverse a lieu dans les assemblées législatives et les tribunaux, la science étant tellement politisée qu’elle est devenue une question morale plutôt que médicale. Rien que cet été, les membres républicains du Congrès Jim Banks et Tom Cotton ont introduit la Loi sur la protection des mineurs contre les erreurs médicales, qui laisserait aux mineurs ayant subi une transition de genre jusqu’à 30 ans pour intenter un procès pour erreur médicale. En contrepartie, la Californie a introduit la loi SB107, qui permettrait à n’importe quel·le mineur·e de venir en Californie pour subir une transition médicale sans que ses parents en soient informés ou y consentent. Le Texas a enquêté sur des parents d’enfants trans pour maltraitance d’enfants si ces derniers ont effectué une transition ; auparavant, d’autres parents avaient fait l’objet d’enquêtes, et certains avaient perdu la garde de leurs enfants, pour avoir refusé de leur faire subir une telle opération.

En d’autres termes, les États-Unis semblaient complètement désorientés sur la question des enfants qualifiés de trans. Je me suis demandé pourquoi la Suède et la Finlande procédaient si différemment, et sans l’agitation politique qui a enveloppé ce qui est sans doute la guerre culturelle la plus virulente en Amérique du Nord? Que pouvaient nous apprendre ces pays ?

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À la mi-juillet, j’ai interviewé sur Zoom Thomas Linden, directeur de la politique de soins de santé basés sur des connaissances au CNSSB suédois. Il m’a dit que leurs toutes premières directives pour le traitement des personnes de moins de 18 ans souffrant de dysphorie de genre (DG) n’avaient été créées qu’en 2015, après une sensibilisation accrue des professionnels de la santé à l’existence et aux besoins des jeunes dysphoriques de genre. (Les plus de 18 ans ont leurs propres directives.) « À l’époque, m’a-t-il dit, l’accent était mis sur les questions des droits et sur le fait de rendre visible le besoin de soins pour ce groupe et de garantir l’accès à des soins qui n’étaient pas dispensés de manière uniforme dans tout le pays ». Il y avait encore beaucoup de stigmatisation autour de ce qu’on appelait auparavant les « changements de sexe », et une absence de connaissances réelles sur la dysphorie de genre.

Ces directives ont été largement saluées par les groupes d’activistes, les patients et la communauté médicale, dit Linden, car elles étaient les premières à « rendre visible le besoin de soins d’un groupe marginalisé ». Elles autorisaient l’administration de bloqueurs de puberté et d’hormones, mais exhortaient les cliniciens à faire un suivi à long terme des patients en transition et à collecter des données pour que les politiques puissent être affinées en fonction de ce que l’on apprendrait.

Mais ce qu’ils ont appris – et pas appris – sur ces données scientifiques et ceux qui les génèrent a modifié leur approche. 

Les directives de 2015 ont été créées en pensant à une certaine cohorte. Au début du XXIe siècle, les Néerlandais avaient conçu un protocole médical pour ce qu’on appelait alors le trouble de l’identité de genre, en se basant sur un petit groupe, majoritairement masculin, qui souffrait d’une dysphorie de genre durable apparue dès l’enfance et qui n’avait pas d’autres problèmes graves de santé mentale. Ils semblaient bien s’en sortir après une transition médicale à l’adolescence, mais la méthodologie en cause n’était pas très fiable.

En revanche, les jeunes qui demandaient des soins dans les cliniques suédoises après 2015 étaient de plus en plus des adolescentes affichant de multiples diagnostics psychiatriques, et on a vu apparaître beaucoup plus d’entre elles que jamais auparavant. « Leur nombre est passé de 4 à 77 pour 100 000 habitants, a déclaré Linden. Les directives ont été rédigées pour ce que nous pensions être un groupe de patients plus restreint et plus homogène. »

La même tendance a été constatée en Finlande, où les cliniciens ont commencé à fournir des traitements médicaux aux jeunes dysphoriques de genre de moins de 18 ans en 2011. Cela était dû à la fois à une sensibilisation croissante aux traitements proposés aux Pays-Bas et au Royaume-Uni, et à ce que Riittakerttu Kaltiala-Heino, psychiatre en chef du département de psychiatrie des adolescents de l’hôpital universitaire de Tampere en Finlande, a appelé « la pression politique selon laquelle les enfants et les adolescents devaient également avoir accès à ces évaluations »- et non seulement les adultes. Kaltiala-Heino et ses collègues ont constaté la même augmentation drastique des adolescentes atteintes de DG vers 2015. « Le nombre de références est monté en flèche, m’a dit Kaltiala-Heino. Il y avait cinq fois plus de filles qui arrivaient dans nos cliniques. » De plus, elles ne semblaient pas souffrir d’une sorte de dysphorie de genre organique, mais « semblaient plutôt très influencées par d’autres jeunes ».

Selon le magazine Vogue, 2015 a été « l’année de la visibilité trans », alors que Caitlin Jenner a fait la première page de ce média, un an seulement après que la revue Time ait annoncé un « point de bascule transgenre ». C’était aussi l’année où débuta l’émission étasunienne de télé-réalité « I Am Jazz », sur une jeune fille transgenre en transition sociale, et plus tard médicale.

On ne sait pas si cette infusion de récits trans dans les médias a contribué à ce changement, mais quelle qu’en soit la cause, les jeunes qui se présentaient aux cliniques n’avaient plus rien à voir avec ceux de la cohorte néerlandaise. « Nous avons eu la grande surprise de découvrir que la plupart des jeunes que l’on orientait vers une évaluation de l’identité de genre présentaient de graves problèmes psychiatriques », a déclaré Kaltiala-Heino. Ainsi, les cliniciens ne pouvaient pas être certains que ces problèmes étaient des symptômes d’une DG ou la source de celle-ci, car beaucoup de ces sujets avaient de longs antécédents de problèmes psychiatriques alors que la DG ne s’était développée qu’à l’approche de la puberté.

Cette nouvelle cohorte est celle décrite dans la recherche menée en 2018 par la Dre Lisa Littman – Rapports de parents d’adolescents et de jeunes adultes perçus comme présentant des signes d’apparition rapide de la dysphorie de genre (ROGD) – un document, et un descripteur, que les activistes et certains prestataires de soins de santé en Amérique du Nord ont travaillé sans relâche à discréditer ; le lobby WPATH a également pris pour cible cette recherche. Cette cohorte a également fait l’objet d’une description détaillée dans un bestseller de la journalisteAbigail Shrier, Irreversible Damage (Dommages irréversibles), si controversé qu’il a été brièvement retiré par son éditeur, Target, malgré la qualité de qualité de ce compte rendu.

Pourtant, dans les pays qui ont réellement gardé la trace des demandeurs de ces soins – le Canada, le Royaume-Uni, la Suède et la Finlande, entre autres – cette population émergente a été clairement décrite.

(Graphique créé par l’association Transgender Trend)

Si en Amérique du Nord, ce groupe en pleine expansion était considéré comme une preuve à l’appui d’une déstigmatisation des personnes transgenres et des interventions médicales à leur intention, ainsi qu’une opportunité de croissance du marché des soins de santé, la situation était beaucoup plus inquiétante pour les cliniciens suédois et finlandais. Comme Kaltiala-Heino l’a écrit dans un article de 2018, « l’on ne sait pratiquement rien de la DG à l’adolescence ». De plus, elle craignait que le fait de retarder la maturation du cerveau avec des bloqueurs de puberté empêche la tâche de consolidation de l’identité à l’adolescence, et puisse aggraver l’état de santé mentale.

On observait également un taux très élevé d’autisme chez la nouvelle cohorte de personnes atteintes de dysphorie de genre à l’adolescence. « On constate un trouble du spectre autistique plutôt grave qui a compliqué le développement de l’enfance, a déclaré Kaltiala-Heino. Cela rendait plus compliqué de jauger la compétence de la jeune personne pour décider d’un traitement. »

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Un autre changement majeur dans les connaissances s’était produit dans les deux pays. Parce que le taux de regrets exprimés était très faible dans l’étude néerlandaise, de nombreux cliniciens ont supposé que la détransition – le fait de revenir vivre selon son sexe natal à cause du regret – était rare. Mais en Finlande, « des jeunes exprimant des regrets après une mastectomie ont commencé à se manifester, explique Kaltiala-Heino. Les regrets ne viennent pas immédiatement. Ils surviennent après quatre, cinq ans, peut-être. » Et une étude a montré que 76% de ces détransitionnaires n’avaient pas informé leur clinique de leur insatisfaction et de leurs regrets; il n’y a donc aucun moyen de calculer le taux réel de détransition. « Nous avons un grand angle mort car nous ne savons pas combien il existe réellement de détransitionnaires », a déclaré Linden, ajoutant qu’il pense que c’est plus fréquent qu’on ne le pensait, mais probablement pas omniprésent.

Une petite étude menée récemment au Royaume-Uni a montré un taux de détransition de 10 pour cent, et une série suédoise, The Trans Train (qui a remporté l’équivalent suédois du Prix Pulitzer cette année), a fait écho aux récits de détransitionnaires et de regretteurs qui se sont sentis bousculés dans le traitement ou ont réalisé plus tard qu’ils étaient gays et non conformes aux impératifs du genre, et qu’ils et elles n’auraient pas dû transformer leur corps. Comme le notent les directives suédoises : « Bien que la prévalence de la détransition soit encore inconnue, le fait de savoir qu’elle se produit et que le traitement de confirmation du genre peut donc entraîner une détérioration de la santé et de la qualité de vie (c’est-à-dire un préjudice) est important pour l’analyse et les recommandations en général. »

Aux États-Unis, en revanche, à part un segment de l’émission d’affaires publiques 60 Minutes, les médias ont presque complètement fait l’impasse sur le phénomène des détransitionnaires, puisque les groupes transactivistes et même les médias affirmant qu’il était trop dangereux de leur accorder la parole car cela pourrait affecter l’accès aux interventions médicales et alimenter les tentatives législatives républicaines de retarder ces interventions jusqu’après 18 ans.

Pendant ce temps, les traitements en Finlande avaient été conçus sur la base de l’idée que certains hommes et garçons voulaient être des femmes et des filles, et vice versa. Mais vers 2015, a dit Kaltiala-Heino, le paysage a commencé à changer pour inclure de nouvelles identités de genre, comme celles de non-binaire ou genderqueer, et des désirs d’interventions à la carte pour y correspondre ; la même chose s’est produite en Suède. Il n’existait aucune recherche sur cette cohorte ou sur ce type de soins. « Nous avons hésité à conclure que des interventions de réassignation de genre seraient bénéfiques dans ces cas », a déclaré Kaltiala-Heino. Les médecins s’inquiétaient d’intervenir « sur un corps complètement sain et fonctionnel » alors que les impacts sur la santé osseuse, l’influence métabolique ou la fonction sexuelle n’avaient pas été complètement étudiés. Comme le notent les recommandations du CNSSB, « les risques potentiels de la thérapie GnRH incluent la perturbation de la minéralisation osseuse et les effets encore inconnus sur le système nerveux central ». Elles ajoutent que, chez les garçons s’identifiant comme filles, « la suppression pubertaire précoce inhibe la croissance du pénis, ce qui nécessite l’utilisation de sources alternatives de greffes de tissus pour une éventuelle vaginoplastie. Enfin : « L’effet de la suppression pubertaire et des hormones transsexuelles sur la fertilité n’est pas encore connu. »

« Les médecins individuels étaient soumis à de fortes pressions, a déclaré Kaltiala-Heino. Par conséquent, nous avons demandé à cet organisme national d’évaluer la situation et de créer des directives nationales. »

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Le CNSSB a commencé par un examen systématique de la littérature portant sur la sécurité et l’efficacité des traitements, mené par un groupe de spécialistes neutres. Ils ont découvert que même les études sur les patients adultes étaient de si mauvaise qualité qu’il était impossible d’affirmer que la réassignation médicale et chirurgicale améliorait les problèmes psychiatriques. De plus, les études sur les enfants n’affirmaient pas de corrélation claire entre les interventions médicales et l’amélioration de la fonction mentale. Après l’examen des preuves, l’équipe de Kaltiala-Heino a publié un article révélant que les hormones transsexuelles n’amélioraient pas les problèmes liés au « fonctionnement, à la progression des tâches de développement de l’adolescence et aux symptômes psychiatriques ».

« Les données scientifiques probantes concernant toute intervention sur les mineurs présentant un problème d’identité de genre sont en fait inexistantes », m’a dit Kaltiala-Heino. C’est-à-dire qu’il y a quelques études qui montrent une amélioration grâce à certaines interventions, mais elles sont de si faible qualité et si peu sûres, qu’il est impossible d’extrapoler sur leur base. En particulier, une étude de suivi néerlandaise souvent citée à l’appui d’interventions hormonales précoces a en fait comparé des personnes qui avaient déjà une bonne santé mentale, autre que la dysphorie, à un groupe dont la santé mentale était si mauvaise qu’elles ont été jugées inadmissibles à une intervention précoce. Pourtant, ce groupe se portait également mieux lors du suivi. D’autres études étaient trop restreintes, ou avaient des suivis courts, et aucune d’entre elles n’a été reproduite.

Les conclusions obtenues par la Suède ont été similaires. Ces deux jeux de directives suggèrent une approche thérapeutique comme traitement de première ligne pour la DG. « Nous continuons à manquer de preuves scientifiques vraiment fiables concernant l’efficacité et la sécurité de ces traitements, a déclaré Linden. Il nous faut de meilleures données. Il n’y avait vraiment aucun moyen d’évaluer correctement les risques en cause sans des preuves plus nombreuses et de meilleure qualité. » Ainsi, l’accent des directives s’est déplacé vers le suivi, la prudence et la sécurité des patients, en mettant l’accent sur une évaluation approfondie « pour minimiser le risque d’administrer le mauvais traitement ». Ces traitements ont été déclarés soins hautement spécialisés, nécessitant l’autorisation du CNSSB pour être effectués, et ne seront donnés que dans trois hôpitaux universitaires nationaux, ce qui aidera au suivi et à la collecte de données. Les bloqueurs de puberté et les hormones transsexuelles ne doivent être administrés que dans des contextes de recherche.

Dans les deux pays, les interventions médicales pour la dysphorie de genre ne sont pas interdites, ni complètement abandonnées. « Il ne s’agit pas d’arrêter tous les traitements. C’est que le traitement [de blocage de la puberté et hormonal] ne devrait être proposé que dans des cas exceptionnels. Et c’est le langage que nous utilisons pour amener les cliniciens à une plus grande sensibilisation aux risques en cause, a déclaré Linden. Mais, a-t-il ajouté, d’autres mesures de soins de santé, comme le soutien psychosocial doivent être disponibles pour toutes les personnes qui en ont besoin. »

En Finlande, pour les patients qui correspondent au profil des participants à l’étude néerlandaise, après une période d’évaluation prolongée, et avec une équipe multidisciplinaire comprenant un psychiatre, un psychologue, un travailleur social et une infirmière, les bloqueurs de puberté peuvent être prescrits près du début de la puberté et les hormones transsexuelles peuvent être administrées à partir de 16 ans. La transition sociale pour les jeunes n’est pas conseillée. Mais même pour ceux qui souffrent de dysphorie de genre à l’adolescence, l’intervention médicale n’est pas complètement hors de question. « Ce n’est pas que personne ne peut l’obtenir, mais c’est qu’une évaluation clinique très intensive a lieu avec le jeune et ses parents », a déclaré Kaltiala-Heino. Les évaluations ont lieu dans deux cliniques d’identité de genre centralisées au niveau national, qui initient également tout traitement et suivent les patients pendant les premières années de traitement basé sur l’identité de genre ; les chirurgies de réassignation de genre sont proposées uniquement dans l’un de ces centres.

Les prestataires de soins de santé suédois ont toujours pour tâche de déstigmatiser les personnes atteintes de dysphorie de genre et les interventions qu’elles peuvent souhaiter ou dont elles ont besoin. « C’est un groupe de personnes qui souffrent et auxquelles il faut accorder de l’attention. Et si on ne leur propose pas de traitement hormonal ou de chirurgie, explique Linden, il faut prendre soin d’elles d’autres façons », principalement par le biais d’une évaluation et d’une thérapie psychologiques. Les directives suédoises encouragent les cliniciens à « veiller à ce que tous les jeunes souffrant de dysphorie de genre voient leur cas pris au sérieux et soient validés dans leur identité de genre ».

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Pourquoi, alors que nous avons le même changement de cohorte et la même absence de données probantes de qualité, l’Amérique ne suit-elle pas la direction de la Suède et de la Finlande ? Aux États-Unis, il n’y a eu qu’un seul examen de preuves non partisan, mené en Floride plus tôt cet été. Cet examen aussi a conclu à « des preuves insuffisantes que le changement de sexe par intervention médicale est un traitement sûr et efficace de la dysphorie de genre ». Cet événement important n’a pratiquement pas été couvert par les médias, même si certaines de ces preuves déficientes avaient bénéficié d’une promotion dans des publications réputées, comme « preuve » que les hormones de changement de sexe et les bloqueurs de puberté diminuaient la suicidalité.

Notre propre angle mort vient peut-être du fait que nous n’avons pas de groupe national et non partisan pour créer des directives, que nous nous sommes appuyés sur des groupes comme WPATH pour faire ce travail. Ce qui s’en rapprochait le plus chez nous a été une agence gouvernementale appelée l’Agency for Healthcare Research and Quality (Agence pour la rcherche et la qualité en matière de soins de santé), à qui le président Trump a coupé les vivres dès 2018. Cette agence avait constaté « un manque de directives à jour fondées sur des preuves pour les soins des enfants et des adolescents qui s’identifient comme transgenres concernant les avantages et les inconvénients de la suppression de la puberté, de l’affirmation médicale avec l’hormonothérapie et de l’affirmation chirurgicale ». On voit plutôt bon nombre de nos organisations de défense des intérêts médicaux, comme l’American Academy of Pediatrics, promouvoir le modèle de soins affirmatifs ; ce groupe est aujourd’hui accusé de censurer des dissidences et de refuser de mener un examen non partisan des preuves, malgré les requêtes de plusieurs pédiatres.

Ce que nous avons à la place, ce sont des batailles qui se déroulent dans les assemblées législatives et les tribunaux, et qui pourraient durer des années. Et pendant tout ce temps, nous ne menons pas de recherches à long terme, ne faisons pas de suivi des jeunes patients et ne prenons pas au sérieux le changement de cohorte des demandeurs et l’augmentation des détransitions. Ce que nous avons ici, au lieu d’une collecte de données et d’un examen des preuves, c’est une guerre culturelle.

Linden dit que les nouvelles directives suédoises n’ont pas émergé sans controverse, ou aux termes d’un consensus. « Il est toujours difficile de défendre une sorte de position mitoyenne raisonnable. Les extrêmes sont toujours plus bruyants », dit-il. Avant de publier ses directives, le CNSSB en a envoyé un avant-projet projet à des groupes de médecins, des groupes de patients et des lobbies tgransgenristes pour obtenir leurs réactions. Les groupes trans, a déclaré Linden, « ont exprimé des inquiétudes quant aux risques associés à des recommandations plus restrictives, que les patients se détériorent mentalement ou cherchent des soins non sécurisés à l’étranger et ainsi de suite, tandis que d’autres ont trouvé les recommandations trop libérales au vu des différents facteurs d’incertitude. Il y a un peu de guerre de tranchées ici aussi, mais je pense qu’on est très loin de la situation aux États-Unis. »

« Bien sûr, il y a des gens qui ne sont pas satisfaits », a déclaré Kaltiala-Heino. Mais parmi les cliniciens qui travaillent avec des jeunes dysphoriques de genre, « nous trouvons ces directives nationales appropriées vu la grande faiblesse de la base de preuves ».

Au final, ce qui rend peut-être les approches suédoise et finlandaise si différentes de l’approche étasunienne, c’est qu’elles se basent sur une médecine socialisée, et non le modèle de consommation d’ici, où les chirurgiens du genre ont d’énormes incitatifs financiers à ignorer les risques, et où certains médecins font de la publicité pour des opérations chirurgicales directement auprès des enfants sur la plate-forme TikTok. « Notre point de vue est qu’il s’agit d’un traitement médical : tu ne peux pas entrer dans une clinique et le commander, a déclaré Linden. L’on doit être évalué en fonction de ses besoins et l’on doit être informé des risques en cause. »

Linden a déclaré que même si les traitements médicaux sont désormais beaucoup plus rares, les autorités suédoises espèrent que d’autres recherches seront menées afin de pouvoir donner des recommandations plus précises à mesure que des connaissances sont assemblées et que le suivi à long terme est terminé. « Il y a beaucoup d’études, a-t-il dit, mais nous voulons en voir davantage. »

Version originale : https://lisaselindavis.substack.com/p/letter-from-finland-and-sweden

Traduction : TRADFEM

BROADVIEW, qui publie Lisa Selin Davis, est une publication financée par les lecteurs. Merci d’envisager de devenir un abonné payant.

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