par Lavy Shwan
Le 24 avril 2022 – https://reduxx.info/opinion-refugee-from-liberal…/…
En préparation d’une opération d’extraction de mes implants mammaires, j’ai trouvé du réconfort dans la littérature féministe radicale. J’étais loin de me douter qu’il s’agissait d’une étape qui me conduirait à être qualifiée de « transphobe » et à être excommuniée des seuls espaces que j’ai toujours connus.
Le chirurgien qui m’avait posé ces implants m’avait dit que sans l’industrie du sexe, il n’aurait pas de carrière aujourd’hui. De la même manière, l’industrie du sexe n’existerait pas sans l’agenda impérialiste que le monde occidental a mis en place dans le pays déchiré par la guerre que ma famille a fuie il y a plusieurs décennies.
Arrivée d’Irak en Amérique en 1997, ma famille a été particulièrement touchée par les vulnérabilités sociales et économiques auxquelles sont confronté.es de nombreuses personnes réfugiées lorsqu’elles fuient leur pays. Mais en grandissant, ma vie n’est pas devenue plus facile. J’ai passé mes « seize ans » à regarder ma famille traverser la crise financière mondiale, et le cocktail toxique de difficultés qui a persisté à mesure que je vieillissais m’a obligée à occuper trois emplois au salaire minimum tout en fréquentant un collège communautaire local.
À 20 ans, j’ai pris la décision que beaucoup trop de jeunes femmes prennent et j’ai commencé à travailler dans un club de strip-tease.
« Le travail du sexe est un travail », n’est-ce pas ? C’était un travail comme un autre, mais qui offrait la promesse superficielle d’un certain soulagement économique. Mais lorsque vous devenez un produit, vous cessez d’être un être humain, et l’industrie du sexe a possédé mon humanité pendant près de dix ans.
Pendant mon séjour dans le métier, j’ai vu des femmes faire une overdose dans des cabines de toilettes, des proxénètes battre mes collègues et j’ai eu des altercations avec des clients violents qui ont modifié la façon dont je voyais les hommes. Je me sentais piégée et j’ai adopté des méthodes d’adaptation qui m’ont désillusionnée en rationalisant des choses que je n’aurais pas faites autrement.
J’ai déménagé à Las Vegas sur un coup de tête et je me suis fait poser des implants mammaires. Par survie, j’avais créé une identité autour de l’une des facettes les plus horribles de l’oppression sexuelle féminine et cette mutilation n’a fait que la confirmer.
Lorsque j’ai commencé à prendre conscience de l’obscurité dans laquelle j’avais vécu pendant trop longtemps, les autres m’ont considérée comme ternie. Les employeurs ne voulaient pas d’une personne comme moi parmi leur personnel, et le manque de soutien économique a fait que mon départ a pris des années. Ce n’est qu’après avoir pu obtenir une aide financière et fréquenter un collège municipal où j’ai étudié la philosophie et le droit que j’ai pu laisser l’industrie derrière moi.
Mais… une partie de cet univers est venue avec moi.
Les implants dans ma poitrine étaient plus que de simples rappels de mon passage dans le commerce miteux de la chair des femmes, ils étaient des fardeaux pour ma santé. La maladie associée à ces implants m’a laissé une douleur débilitante que j’ai dû supporter jour après jour.
Pourtant, malgré cette agonie, j’ai passé une année entière à m’inquiéter du fait que si je faisais retirer ces implants, je n’aurais plus de valeur ni de rentabilité.
Personne n’a pu me convaincre davantage de la nécessité d’aller jusqu’au bout de l’opération que Sheila Jeffreys, dont les écrits dans « Beauty and Misogyny » ont résonné dans ma tête lorsque je me suis réveillée de la procédure d’explantation de trois heures que j’ai entreprise en février de cette année.
Quelques semaines après l’opération de retrait de mes implants, la maladie qu’ils m’avaient infligée s’est dissipée, mais la contrariété persistante que j’avais en moi s’est transformée en une colère passionnée. J’ai parcouru rageusement les écrits existants pour en apprendre davantage sur les oppositions féministes aux industries de la prostitution et de la beauté, et j’ai trouvé une confirmation de la fureur que j’éprouvais face aux expériences que j’avais subies en raison de mon sexe.
Mais lorsque j’ai porté mes connaissances sur Twitter, avec l’intention de partager mes sentiments avec mes collègues « progressistes », j’ai immédiatement été confrontée à des critiques selon lesquelles mon dégoût pour les industries du sexe et de la chirurgie esthétique était enraciné dans des phobies inacceptables.
La transphobie.
La putophobie.
Ces tentatives de diffamation m’ont paru étranges.
J’étais une réfugiée. Une survivante. Une femme de couleur qui avait été débilitée par une industrie capitaliste. Comment pouvais-je être intolérante ?
Mais il m’est rapidement apparu que les perspectives que j’avais adoptées à partir des écrits que j’avais découverts n’étaient tout simplement pas les bienvenues dans les espaces que j’avais autrefois considérés comme progressistes et féministes. Décrier les luttes uniques des femmes me rangeait parmi les « TERFs » et m’opposer au commerce du sexe faisait de moi une « SWERF », Et contester la nécessité de la chirurgie esthétique était un affront aux « transfemmes ».
Plus je me faisais entendre, plus je recevais de contrecoups de la part de personnes que je considérais autrefois comme des ami.es.
Mes profils de médias sociaux ont fait l’objet de signalements massifs. J’ai reçu des menaces de mort. Même un organisateur particulier – un homme trans-identifié – que je respectais autrefois profondément pour son plaidoyer en faveur de l’abolition du commerce du sexe, a participé à une campagne de diffamation de quatre jours qui m’a dépeinte comme souffrant d’une crise de santé mentale en raison de mes opinions.
Mais n’ayant jamais été du genre à céder, plus la résistance à laquelle je faisais face était grande, plus je poussais mes recherches sur les réalités mêmes que l’on me disait d’ignorer. Le dernier clou de mon cercueil social potentiel a été mon opposition à la mutilation des jeunes femmes au nom du « genre ».
En y repensant, le retour de bâton n’a pas été le moins du monde choquant.
Il y a un moment où quelqu’un peut devenir si « ouvert d’esprit » que son cerveau tombe à terre, et les « organisateurs » gauchistes en ligne en phase terminale étaient devenus si consumés par l’idolâtrie de la vertu libérale qu’ils étaient incapables de reconnaître les contradictions flagrantes de leur idéologie.
Les soi-disant « féministes » de la gauche libérale ne comprenaient pas du tout pourquoi j’étais devenue opposée aux choses qui avaient failli me tuer. Elles étaient tout aussi sidérées de découvrir pourquoi les menaces de mort et les exigences pur ma soumission idéologique ne fonctionnaient pas pour me ramener dans leur giron.
Hors du champ de mines de leur jugement, j’ai commencé à réaliser que ceux qui se targuaient de la vertu de défendre les opprimé.es étaient devenu.es incapables d’aborder la réalité matérielle de l’oppression des femmes fondée sur le sexe. Ils ne savaient presque plus ce qu’était une femme. Et comment pouvez-vous vous battre pour quelque chose dont vous ne pouvez même pas reconnaître l’existence ?
Le fait d’occulter ma féminité ou de m’identifier autrement ne m’aurait pas épargné le tourment très particulier que j’avais subi dans l’industrie du sexe. Le fait de rejeter avec désinvolture la réalité de mon sexe n’aurait pas rendu la trajectoire de ma vie moins féminine.
J’ai dû dire « au revoir » aux personnes que j’appelais autrefois « camarades ». Je les ai retirées de ma vie tout comme j’avais explanté les implants toxiques de mes seins. Et tout comme après cette opération, je me suis sentie guérir – devenir plus forte, plus saine.
Ce n’est pas la première fois dans ma vie que je me découvre réfugiée.
Lavy Shwan
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Lavy Shwan est rédactrice et créatrice de contenu pour les médias sociaux chez Reduxx. Réfugiée d’Irak, elle vit actuellement dans le nord-ouest de la région du Pacifique, où elle se plonge dans la théorie marxiste et féministe, et milite pour les droits des femmes.
Version originale: https://reduxx.info/opinion-refugee-from-liberal-feminism/?fbclid=IwAR22vkCpuI93qgLjLwYLOToOOOs31tI0rVXbKXYfAheSiQ-BHecyXLTONs4
C’est exactement comme ça que fonctionnent les sectes : dès qu’un adepte veut s’en aller, on le désigne à la vindicte des autres membres de la secte, et on lui fait payer (pour que d’autres membres n’osent pas eux aussi remettre en cause le dogme).
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