Bannir les « thérapies de conversion » n’est pas aussi simple qu’il n’y paraît.

Par Kathleen Stock, The Critic, 14 décembre 2021

Comme le gouvernement canadien vient de le faire avec la loi fédérale C-2, adoptée sans débat contradictoire avant Noël, le gouvernement britannique veut interdire la thérapie de conversion, y compris toute thérapie par la parole ayant « l’intention de modifier l’orientation sexuelle d’une personne ou de la faire passer à l’état de transsexuel ou non ».

Pour l’observateur occasionnel, cela peut ressembler à une tentative louable de mettre fin aux interventions thérapeutiques lourdes dans la vie des minorités sexuelles. Comme le dit l’avant-propos ministériel à la consultation actuelle sur l’interdiction : « Nous voulons que chaque individu ait la liberté d’être lui-même ». Malheureusement, le raisonnement confus qui sous-tend les propositions du gouvernement risque d’aboutir à l’effet exactement opposé.

Le problème fondamental des propositions parrainées par Stonewall, un lobby transgenriste, réside dans le fait qu’elles regroupent l’orientation sexuelle et l’identité de genre sous l’appellation « identité LGBT ». En cela, elles suivent la logique transactiviste standard, qui a déjà réussi à faire interdire les thérapies de conversion dans d’autres pays (dont le Canada). Mais il n’existe pas d’identité LGBT – à moins que vous ne vouliez parler du nombre croissant d’hétéros aux coupes de cheveux avant-gardistes qui se disent « queer ». Il existe plutôt quatre groupes potentiellement concernés par les propositions du gouvernement britannique : a) les homosexuels masculins, b) les lesbiennes, c) les bisexuels, d) les personnes ayant une identité de genre insolite.

Pour appartenir aux trois premiers groupes, il faut être attiré par des personnes de son propre sexe, au moins une partie du temps. Si cela s’applique à vous, il ne s’agit pas tant d’une identité que d’un fait concernant votre sexualité. Ainsi, seule l’appartenance au quatrième groupe peut être caractérisée de manière plausible en termes d' »identité » (comme le suggère d’ailleurs l’expression d' »identité de genre »).

Avoir une identité de genre insolite signifie que vous vous identifiez fortement, psychologiquement parlant, à un idéal du sexe opposé, ou à l’androgynie (si vous êtes « non binaire »). Les hommes peuvent avoir une identité de genre féminine, les femmes peuvent avoir une identité de genre masculine, et les deux sexes peuvent avoir une identité non binaire. Ces identités s’accompagnent souvent d’une dysphorie, c’est-à-dire d’une aversion pénible pour son propre corps sexué.

Il est logique d’interdire la thérapie de conversion pour les orientations sexuelles car, selon les experts, celles-ci sont fixées au moins à la fin de l’adolescence, voire plus tôt. Toute tentative d’intervention thérapeutique semble futile et potentiellement traumatisante. Il en va exactement de même pour les tentatives de conversion à l’hétérosexualité.

        Criminaliser une exploration thérapeutique appropriée pourrait bien être considéré comme une thérapie de conversion par défaut.

Mais contrairement à l’orientation sexuelle, les identités de genre peuvent émerger, changer ou disparaître à différents stades de la vie – ce qui correspond à ce que l’on attend d’un acte d’identification psychologique. Le mouvement transactiviste s’emploie souvent à nier ce fait, et Stonewall définit même l’identité de genre comme « innée ». Pourtant, sa mutabilité potentielle est mise en évidence par les rangs croissants des détransitionneurs-euses – des personnes qui se classaient auparavant comme trans sur la base d’une identité de genre insolite, mais qui ne le font plus.

Nous constatons donc d’emblée un problème avec l’argument du gouvernement qui consiste à donner aux gens « la liberté d’être eux-mêmes » en ce qui concerne l’identité de genre. Pourquoi une identité de genre insolite, et éventuellement temporaire, devrait-elle être automatiquement traitée comme le véritable soi ? Il se pourrait tout aussi bien que la version abandonnée, dans le contexte d’une thérapie, soit plus authentique.

Cette question peut sembler purement théorique, mais elle devient urgente si l’on se rappelle que le fait d’avoir une identité de genre insolite est associé à des actes de modification corporelle permanente, comme la prise de bloqueurs de puberté, d’hormones ou une chirurgie.

Les personnes ayant une identité de genre insolite comprennent des enfants, des adolescent·es et de jeunes adultes. Actuellement, au Royaume-Uni, les moins de 16 ans peuvent avoir accès aux bloqueurs de puberté, et les plus de 16 ans peuvent avoir accès aux hormones et à la chirurgie transsexuelles. Toutes ces pratiques laissent une marque indélébile sur le corps. En présence de jeunesse et d’inexpérience, il semble essentiel de laisser la place à une exploration thérapeutique sans entrave de ce qui se passe réellement. Criminaliser à l’avance certaines discussions ne peut que nuire à ce processus.

Et ce n’est pas tout. Tout comme les autistes et les personnes ayant subi des abus sexuels, les jeunes gays et lesbiennes sont plus susceptibles de présenter des identités de genre insolites que les autres groupes. Les cliniciens du Tavistock Gender Identity Service ont observé à leur clinique un nombre plus élevé que la moyenne de jeunes attirés par des personnes de leur sexe. Le gouvernement laisse entendre, par exemple, qu’une femme ayant une identité de genre masculine doit être trans et stabilisée en tant qu’homme, mais il se peut qu’il s’agisse en fait d’une jeune lesbienne qui doit encore faire face à des sentiments contradictoires concernant son orientation sexuelle.

Selon l’individu·e en cause, la criminalisation d’une exploration thérapeutique appropriée de sa situation pourrait bien équivaloir à une thérapie de conversion par défaut, c’est-à-dire la convertir d’un chemin dans lequel elle finirait par accepter avec bonheur son homosexualité – avec une fertilité et des caractéristiques sexuelles natales intactes – pour la pousser vers un parcours trans médicalisé qu’elle pourrait regretter plus tard, même si elle l’accepte avec enthousiasme au moment de sa transition.

Le gouvernement semble penser qu’il peut contourner ces problèmes en ne ciblant explicitement que les thérapies par la parole qui ont l’intention de transformer une personne … pour la rendre transgenre ou la dissuader d’une transition. La directrice de Stonewall, Nancy Kelley, semble être d’accord avec cette idée, en tweetant de manière apaisante que « rien dans l’interdiction des thérapies de conversion n’empêche ou ne restreint l’exploration de l’identité de genre dans la relation thérapeutique. » Mais cette affirmation est manifestement fausse.

Un thérapeute qui utilise des années d’expérience pour explorer le récit d’une jeune femme se sentant « comme un garçon », dans le but de lui faire reconnaître son homosexualité, peut, de l’extérieur, ressembler à quelqu’un qui a l’intention de la « changer » d’une personne trans en quelqu’un d’autre. Aucun test juridique ne pourrait facilement marquer la différence.

Il est clair que les propositions de l’État doivent être repensées. En l’état actuel des choses, ce qui est envisagé comme un moyen de protéger les jeunes gays et lesbiennes est susceptible, dans la pratique, de nuire gravement à certains d’entre eux et d’entre elles. Sous la pression des critiques, le gouvernement a récemment accordé huit semaines supplémentaires pour l’examen de la question. On peut s’en réjouir, mais on peut craindre qu’aucune retouche ne permette de résoudre les graves problèmes qui ne manqueront pas de se poser lorsque la loi s’immiscera dans une relation thérapeutique dont l’issue peut impliquer un changement corporel irrévocable.

KATHLEEN STOCK est professeure de philosophie et l’autrice de Material Girls: Why Reality Matters for Feminists

Traduction: TRADFEM

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