La majorité silencieuse doit tenir tête aux étudiants tyranniques.

par Janice Turner

Alors que des réputations sont déjà détruites et que des vies ont été gâchées, un dirigeant universitaire vient enfin de défendre la liberté d’expression dans la controverse sur le « genre ».

Janice Turner

Vendredi 08 octobre 2021 The Times

Mardi dernier, dix minutes avant sa conférence, la professeure britannique de philosophie Kathleen Stock a trouvé dans les toilettes des femmes des autocollants l’accusant d’exprimer des « conneries transphobes ». Secouée, elle a déplacé sa conférence pour la donner plutôt sur internet. Le mercredi matin, elle a trouvé le passage souterrain menant au campus de l’université du Sussex tapissé d’affiches demandant son licenciement. « Le tunnel était rempli d’étudiants et de personnel. Quand j’ai vu mon nom, je me suis arrêtée net. C’était comme un cauchemar terriblement stressant », raconte-t-elle.

Hyperventilant et pleurant, Stock a eu une crise de panique. Elle est rentrée chez elle, manquant de peu des personnages masqués lâchant des fusées éclairantes à côté d’un panneau indiquant « Stock Out« . Un nouveau compte Instagram menaçant, Anti Terf Sussex, qui compte 1 100 abonnés, déclare : « Notre exigence est simple : virez Kathleen Stock. Sinon, vous continuerez à nous voir dans les parages. »

Qu’une historienne de l’art qui s’était assise à côté de Stock lors de la dernière journée portes ouvertes de l’université ait tweeté son soutien à ses tyrans n’est pas surprenant. Il y a deux ans, lorsqu’on a demandé à Madame Stock de donner une conférence, des étudiants diplômés ont organisé une conférence simultanée pour la dénoncer. « Quarante enseignants y ont assisté », raconte-t-elle. « J’étais très contrariée. J’ai annulé ma conférence et je suis partie en congé maladie en raison d’une dépression. »

Au cours de ces deux années de menaces, Stock n’a reçu aucun soutien de la part de son syndicat, l’University and College Union. Certains responsables syndicaux ont pris le parti de ses bourreaux. Mais ces intimidations et ce tollé ont finalement conduit le vice-chancelier du Sussex, Adam Tickell, à prendre parti pour la liberté académique. « Dans les débats polarisés », a-t-il déclaré à l’émission Today sur Radio 4, « nous devons retrouver la nuance et la compassion, plutôt que si je crie fort, je serai celui qui dominera. » L’université, a-t-il dit, a « des politiques fortes à la fois sur la liberté d’expression et l’inclusion ».

Sauf que, dans la guerre des sexes, ces concepts sont inconciliables. Dans son livre Material Girls, Stock affirme que, bien que l' »identité de genre » professée par une personne doive être respectée, le sexe biologique est immuable et, dans certaines circonstances – prisons, conseils aux victimes de viol, sports – celle-ci doit primer pour protéger les droits des femmes. Cette opinion dominante est protégée par la Loi britannique sur l’égalité de 2010.

Pourtant, les persécuteurs de l’enseignante pensent que les personnes transgenres changent littéralement de sexe. Ils pensent qu’en lui accordant la liberté académique, l’université n’est pas inclusive vis-à-vis des trans. « Nos identités ne sont pas ouvertes au débat », clament-ils.

Le fait que cette pensée magique et non scientifique soit devenue sacro-sainte est une calamité pour les universitaires, en particulier pour les féministes qui étudient la manière dont les femmes sont historiquement opprimées par leur rôle reproductif. Une conférencière d’Edimbourg spécialisée dans le genre et l’éducation me dit qu’elle a proposé à ses étudiants des ouvrages sur les LGBTQ et le féminisme. « Comme pour n’importe quel sujet, je leur dis d’examiner tous les côtés, de réfléchir, de parler, puis de se forger une opinion réfléchie. » Pour cela, elle a été signalée au réseau Pride du personnel, qui sollicite les plaintes des étudiants, puis discrètement écartée des cours sur le genre.

Sur tous les campus britanniques, les femmes universitaires – et ce sont toujours des femmes – font l’objet de menaces, d’une chasse aux sorcières et perdent leur gagne-pain pour avoir exprimé des opinions critiques sur le genre. L’historienne Selina Todd, d’Oxford, a dû faire appel à la sécurité pour ses conférences. Lorsque l’université d’Essex a invité la professeure Jo Phoenix à s’exprimer sur les prisons et les droits des transgenres, un tract intitulé « Shut the f*** up, TERF » et montrant un personnage tenant un pistolet a circulé sur le campus. Au lieu d’enquêter sur cette menace violente, Essex a annulé la conférence de Jo Phoenix, puis l’a mise sur sa liste noire. Plus tard, l’université a infligé le même traitement à la conférencière féministe Rosa Freedman.

Une enquête menée par l’arbitre Akua Reindorf sur ces deux cas (https://sex-matters.org/posts/the-workplace/the-reindorf-review-a-wake-up-call-for-universities/) s’est avérée été cinglante quant à l’incapacité de l’université d »Essex à permettre la diffusion d’opinions légitimes en raison d’accusations nébuleuses de transphobie. Elle a mis en évidence la mainmise des institutions, principalement du lobby Stonewall, qui ont créé une culture de la peur, de sorte que même les universitaires et les étudiants qui abhorrent la censure sur les campus se sentent réduits au silence.

Aujourd’hui, les activistes transgenres tentent de faire jouer leur puissance économique contre les universités. Des affiches à Sussex disaient : « Nous ne payons pas 9 250 £ par an pour de la transphobie », et « Virez Stock. . dont le salaire vient de nos poches ». L’accumulation de dettes de 40 000 £ fait des étudiants des consommateurs. Ajoutez à cela une culture de la censure et de la mise en sourdine des médias sociaux qui engendre l’intolérance et vous créez un étudiant qui sait ce qu’il veut et qui ne cherche pas une expérience intellectuelle stimulante, mais des cours qui confirment sa vision du monde. Les universités, comme toutes les marques, craignent les attaques relayées sur Twitter à propos d’infractions idéologiques mineures, qui pourraient leur faire perdre de futurs clients.

Cet étouffement de la pensée horrifie les universitaires. « On apprend à ces jeunes, nos futurs enseignants, fonctionnaires et dirigeants, dit l’un d’eux, à croire que certaines idées ne peuvent être remises en question. C’est profondément dangereux : c’est la mort de la pensée critique. » Un autre fait remarquer que la véritable « culture de l’annulation » ne consiste pas à empêcher les orateurs de s’exprimer, mais a « l’effet paralysant de l’ostracisme, des plaintes et autres, simplement pour avoir exprimé un point de vue parfaitement légal ».

Mme Stock n’est pas une bigote d’extrême droite, mais une lesbienne de gauche aux manières douces et à l’humour pince-sans-rire. Autrice et philosophe acclamée qui a été intronisée l’an dernier à l’Ordre de l’embire britannique, elle enseigne aux étudiants transgenres, en respectant leurs pronoms, et a écrit à plusieurs reprises pour appuyer leurs droits civiques. Il est tristement ironique qu’elle soit accusée de « mettre en danger » d’autres personnes simplement parce qu’elle a des opinions hérétiques, et que la police l’ait avertie de rester en dehors du campus et de prendre des mesures de sécurité pour sa sécurité personnelle.

Hier matin, une manifestation à Sussex a exigé le renvoi de Stock. Dix personnes au visage dissimulé s’y sont présentées. Combien d’autres étudiant·e·s sont secrètement horrifié·e·s par ces brimades ? Combien de vice-chanceliers ont gardé la tête basse ? Combien d’universitaires ont envoyé des messages de soutien à leurs collègues harcelées en disant : « J’aimerais pouvoir parler publiquement, mais je n’ose pas… ». Il est temps de sortir de l’ombre, de signer des lettres ouvertes, de montrer une infime partie du courage dont Kathleen Stock fait preuve chaque jour en refusant de s’incliner devant des idéologues aussi totalitaires que dérangés.

JANICE TURNER

Version originale: : https://www.thetimes.co.uk/article/the-silent-majority-must-stand-up-to-student-bullies-h6q8w0mxr

Traduction: TRADFEM

3 réflexions sur “La majorité silencieuse doit tenir tête aux étudiants tyranniques.

  1. Je n’arrive pas à comprendre en quoi le sexe biologique attente en quoi que ce soit aux droits des trans. Les trans sont des trans. Il y a bien un T à LGBTQAI+, non ?

    J’aime

    • Je crois comprendre que le sexe biologique est, aux yeux des transactivistes, en soi exclusif du projet d’ÊTRE du sexe que l’on prétend être, par opposition au critère biologique. C’est une résurgence du nominalisme, contre le réalisme.

      Aimé par 1 personne

    • Ce qu’on appelle aujourd’hui « droit des trans » est une idéologie de type religieuse. C’est une question de foi qui veut s’imposer universellement.

      Ça n’est pas une question de droits, donc. Car si c’était un « vrai » droit (ou des vrais droits), il s’arrêterait là où commence la liberté des autres, en l’occurrence des femmes.
      La liberté (un droit, celui d’être libre) consiste à pouvoir faire ce qui ne nuit pas à autrui. Les droits des trans consistent à priver les femmes de leurs espaces protégés (prison, vestiaire), et même plus, à priver tout individu de liberté d’expression et d’opinion sur la question féministe. Ce ne sont donc pas des droits. C’est autre chose.

      Ce n’est donc pas une question de droit, c’est une question de religion maquillée en lutte sociale.

      Cette religion, comme toute religion, veut transformer le réel pour le plier à son dogme.
      Et comme dans toute religion, il y a des incohérences. Le christianisme dit bien que Jésus marche sur l’eau, qu’il multiplie les pains, et qu’il est ressuscité au bout de trois jours. Y a-t-il quelque chose à comprendre là-dedans ? Le fait d’affirmer que personne ne ressuscite au bout de trois jours, que personne ne peut multiplier les pains, et que personne ne marche sur l’eau, porte donc atteinte au dogme. Et, tout comme les transidentitaires aujourd’hui, les curés étaient prompts à repérer et à châtier pour l’exemple les rebelles à la foi. Parce que leur pouvoir repose sur deux choses : convaincre les idiots / faire peur aux autres. Aujourd’hui, dans certains pays, ils le peuvent encore, et ne s’en privent pas.

      On peut multiplier les points communs entre religion et transactivisme :
      – le but est, dans tous les cas, de faire un maximum de pognon sur le dos des pauvres gens désespérés. Leur faire croire qu’ils auront une vie meilleure après la mort, leur faire croire qu’ils auront une vie meilleure une fois mutilés.
      – Un intérêt central pour la sexualité et une fascination pour les mutilations sexuelles.
      – Un intérêt certain pour les questions touchant aux enfants et à leur éducation.
      – Des méthodes d’action terroristes
      – les femmes visées en priorité (y-a-t-il un équivalent au mot « sorcière » pour les hommes, avec un tel poids historique ? y-a-t-il un équivalent au mot « TER….F » qui viseraient les hommes ? Non, toujours les femmes et les petites filles en première ligne).

      Donc, pour vous répondre vite, le sexe biologique attente aux droits des trans comme l’affirmation que la terre tourne autour du soleil attente à la religion chrétienne. C’est effectivement une atteinte au dogme. L’erreur serait de prendre le dogme pour autre chose que ce qu’il est : une religion d’un nouveau genre, adapté aux circonstances de notre temps.

      Aimé par 1 personne

Laisser un commentaire

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur la façon dont les données de vos commentaires sont traitées.