L’autrice à succès du livre TRANS – WHEN IDEOLOGY MEETS REALITY – explique pourquoi les féministes « critiques de genre » ne devraient pas être vilipendées.
Par Harry Lambert, dans The New Statesman, le 29 septembre 2021
Lorsque le gouvernement travailliste a introduit la Loi sur la reconnaissance du genre en 2004, peu de personnes impliquées dans sa mise en œuvre s’attendaient à ce que, 17 ans plus tard, la principale revue médicale britannique, The Lancet, qualifie les femmes de « corps ayant un vagin » dans un effort d’inclusion de tous les genres.
Cette expression est la dernière d’une série de termes nouveaux et inhabituels (« personnes qui ont leurs règles », « personnes qui accouchent », « personnes qui saignent ») utilisés pour désigner les femmes. Ce changement de langage est le produit d’une évolution rapide de la culture occidentale vers l’idée que la réalité biologique est une simple construction sociale.
Mme Joyce, titulaire d’un doctorat en mathématiques et ancienne directrice du magazine trimestriel de la Royal Statistical Society, m’a confié qu’elle pensait que la société s’était largement débarrassée des distinctions sociales injustifiées entre hommes et femmes, mais qu’on voyait subsister certaines « distinctions irréductibles liées à la biologie de la reproduction ». « Si vous les ignorez, et si vous ne permettez pas aux femmes d’avoir des espaces non mixtes dans certaines situations où elles sont vulnérables, les femmes ne peuvent pas prendre pleinement part à la vie publique. »
Helen Joyce, 53 ans – journaliste de longue date à l’Economist et autrice de TRANS, un best-seller promu par le Sunday Times qui a d’abord eu du mal à trouver un éditeur – considère cette tendance comme inexacte et déshumanisante, ainsi qu’une menace pour les droits des femmes. Le rédacteur en chef de la revue médicale The Lancet a depuis reconnu que l’expression « corps ayant un vagin » utilisée dans sa publication avait pour effet de « déshumaniser et marginaliser les femmes ». Le livre de Joyce adopte un point de vue différent sur le sujet controversé d’un autre best-seller récent, signé par le militant transgenre Shon Faye.
« Dans certaines circonstances », ajoute-t-elle, « les femmes doivent être en mesure d’exclure tous les hommes. Ces circonstances sont les suivantes : lorsque les femmes sont nues, ou qu’elles dorment, ou lorsqu’elles sont incapables de prendre leurs distances, comme en prison. Dans les sports, où les différences physiques sont tout simplement irréductibles, les concurrentes doivent être en mesure d’exclure les hommes. Elles n’ont pas à être qualifiées d’intolérantes lorsqu’elles le font ».
Joyce soutient que sa position est « exactement celle de la loi britannique ». En vertu de la Loi sur l’égalité de 2010, des exceptions sont autorisées au principe de non-discrimination fondée sur le sexe. Il est, par exemple, légal d’exiger que les préposés aux vestiaires soient d’un certain sexe ou de faire en sorte que les logements collectifs soient unisexes.
La loi prévoit également des exceptions pour le personnel employé dans les centres d’aide aux victimes de viols, souligne Joyce. La loi stipule ce qui suit : « Un conseiller travaillant avec des victimes de viol pourrait devoir être une femme et non une personne transsexuelle, même si elle possède un certificat de reconnaissance de genre [reconnaissance légale de leur genre acquis], afin d’éviter de causer aux victimes une détresse supplémentaire. »
La loi sur l’égalité ne donne pas une liste exhaustive des cas où les exceptions sont autorisées. Elle s’en remet à la société pour naviguer pacifiquement sur ces questions. Mais les femmes qui ont affirmé et soutenu les principes établis dans la loi ont souvent été diabolisées pour l’avoir fait.
La diabolisation des femmes « critiques à l’égard du genre » (gender critical) dans l’opinion publique, qu’il s’agisse de la députée travailliste Rosie Duffield, menacée au sein de son parti, ou de l’autrice JK Rowling, dénoncée par les transactivistes, semble aller à l’encontre non seulement de la loi actuelle mais aussi de l’opinion publique en général. Un sondage réalisé par YouGov en juin dernier indique que le public soutient fermement les conditions de la loi actuelle sur le changement de sexe. Pour recevoir un certificat de reconnaissance de genre, il faut recevoir un diagnostic médical de dysphorie de genre (ce que 63 % des personnes soutiennent), et avoir vécu dans son genre acquis pendant deux ans (ce que 61 % soutiennent) ; 16 % des répondant.e.s s’opposent à ces deux précautions.
Mais la société a évolué : certaines écoles, certains hôpitaux et certaines prisons ont adopté un système d’auto-identification permettant aux individus de changer de sexe par simple déclaration, ce qui dispense de ces exigences. Pourtant, d’après les données recueillies, ceux qui soutiennent l’auto-identification sont socialement marginaux.
« Il n’y a aucun soutien pour que l’auto-identification soit introduite comme politique, m’a dit Joyce. Mais les quelques personnes qui la soutiennent ont-elles raison ? Et pourquoi le droit de choisir son propre genre constitue-t-il une menace pour les autres ? Pour Joyce, la façon dont ces questions sont formulées masque le problème essentiel. Si vous dites : « Pensez-vous que tout le monde devrait être reconnu comme du genre auquel ils disent appartenir? », les gens diront oui », dit Joyce, une position qui est aussi la sienne. Le problème, selon elle, c’est lorsque l’identité de genre est utilisée pour éliminer la réalité du sexe, que ce soit dans les cas de viols ou dans le sport.
Pourtant, la Loi britannique sur l’égalité stipule clairement que les sports peuvent être réservés aux personnes nées femmes si cela est nécessaire pour garantir une « compétition équitable » ou « la sécurité des athlètes ».
Joyce, qui a cinq frères et sœurs qui ont joué au cricket international pour l’Irlande, cite l’exemple de World Rugby, qui a refusé d’autoriser les personnes nées de sexe masculin à jouer dans la version féminine de ce sport. « La fédération World Rugby a fait ses recherches et s’est rendue compte qu’une telle politique risquait de rompre le cou à des femmes et que l’organisme en serait tenu responsable, à moins d’en exclure les hommes », explique Joyce. D’autres organismes sportifs adoptent aujourd’hui l’approche contraire, malgré le soutien du public aux compétitions non mixtes (lire à ce sujet l’ouvrage ANTISPORTIF, que viennent de publier Linda Blade et Barbara Kay chez Rebel News).

Cependant, la question qui préoccupe peut-être le plus Helen Joyce est la prescription de « bloqueurs de puberté » aux enfants qui expriment le souhait de changer de sexe. Joyce estime qu’il s’agit d’un « scandale médical massif ». « Cela va devenir clair dans les années à venir », a-t-elle déclaré. « Egas Moniz, qui a inventé la lobotomie, a reçu un prix Nobel pour cela en 1949. Nous sommes en train de refaire la même erreur. Nous [les humains] ne sommes pas le genre de machine que l’on peut débrancher et remettre en marche quelques années plus tard.
« Les personnes qui dorment au volant ici sont les médecins », déclare Joyce. « Dans notre système juridique, la réponse à ce problème [la négligence] est que vous serez poursuivi en justice si vous vous trompez. Mais je n’aime pas ça. C’est comme dire que nous résoudrons le problème affligeant le rugby quand une femme se cassera le cou. »
Helen Joyce pense que tous les enfants reçoivent une éducation biaisée en matière d’identité de genre. « Nous apprenons aux enfants que ce qui fait de vous un garçon ou une fille, c’est votre performance vis à vis certains stéréotypes. Je suis assez âgée pour me souvenir de l’époque où les gens disaient qu’une fille pouvait faire tout ce qu’elle voulait. Maintenant, on dit : « Si tu fais ce genre de choses, tu es un garçon ». C’est la chose la plus régressive que j’ai vue de toute ma vie. » Pour Joyce, les écoles risquent d’éliminer la seule distinction qui peut réellement compter – le sexe – tout en réintroduisant des différences sociales archaïques qui ne comptent pas. Nous sommes en train de « dissoudre le ‘masculin’ et le ‘féminin’ et de les remplacer par ‘l’essence virile’ et ‘l’essence féminine’ pour tout le monde », affirme-t-elle.
Comment résoudre ce débat clivant? Selon un récent sondage réalisé par Redfield & Wilton, le public pense, à 46 % contre 12 %, qu’un « climat de peur » empêche toute discussion productive sur cette question complexe. Joyce pense que « c’est un combat plus important pour les femmes » que celui auquel les suffragettes ont été confrontées. Craint-elle d’être du mauvais côté de l’histoire ? « Que se passera-t-il si, dans 30 ou 40 ans, tout le monde est d’accord pour mettre les violeurs qui assassinent leurs femmes dans des prisons pour femmes ? » m’a-t-elle dit de manière tranchante. « Ces personnes auront toujours tort ».
Cet article est paru le 29 septembre 2021 du New Statesman, Spirit of the Age : https://www.newstatesman.com/encounter/2021/09/women-are-in-a-bigger-fight-than-the-suffragettes-helen-joyce-on-the-trans-debate
L’auteur, Harry Lambert est correspondant spécial du New Statesman.
Les femmes sont assaillies par un backlash médico-capitalo-patriarcal le plus misogyne qui soit et les féministes libérales y participent que ce soit pour la prostitution, la GPA, l’inclusion de l’activisme trans…
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Le contenu, les actes définissent ce qu’on est, ce qu’on pense, pas l’étiquette.
Les libéraux sont adeptes de cette propagande orwellienne, qui consiste à rendre confuse toute pensée critique.
La liberté, c’est l’esclavage, la guerre c’est la paix, l’ignorance c’est la force, la prostitution c’est un choix, le genre c’est un ressenti, la GPA c’est de l’altruisme.
« Féministes libérales », cette expression est un oxymore, dans la même veine que les « plan de sauvegarde de l’emploi » pour parler de licenciement, ou d' »optimisation » pour parler de fraude fiscale.
Très bon rappel : l’inventeur de la lobotomie était célébré en son temps par ses pairs. Les membres du corps médical ne sont pas miraculeusement a-politiques, miraculeusement préservés de tout sexisme.
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Tout à fait d’accord avec vous.
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