« Elle a couru après… »

Critique par Eleanor Cowan du livre de Robyn Doolittle Had It Coming: What’s Fair in the Age of #MeToo? » (Elle a couru après – Où est l’équité à l’époque de #MoiAussi?)

20 juin 2020

C’était incroyable En étudiant cette contribution féministe réfléchie, engageante et facile à lire sur un banc de parc, on m’a demandé pourquoi je lisais « un livre aussi déprimant ».

Cette question malvenue a souligné pour moi l’outil d’humiliation et de censure encore trop souvent utilisé contre les femmes qui donnent la priorité à l’apprentissage plutôt qu’à la littérature à l’eau de rose. J’ai tourné la page.

Sur un ton calme et mesuré, Robyn Doolittle, journaliste d’enquête pour le journal canadien The Globe and Mail, examine diverses attitudes à l’égard des agressions sexuelles. Elle cherche la réponse à la question « Qu’est-ce qui est juste à l’ère du #MoiAussi ? ».

Très tôt, sa recherche se révèle claire et exhorte à une formation beaucoup plus approfondie pour les policiers et les juges. La recherche menée par Doolittle explique la nécessité de dissiper les mythes désuets du passé entretenus par de nombreux policiers et juges, notamment sur ce pourquoi une victime de viol en détresse attend une journée, un mois, deux ans ou trente-six ans (Christine Blasey Ford) pour révéler les agressions qu’elle a subies.

Même si le Canada dispose des lois les plus progressistes au monde en matière d’agressions sexuelles, les policiers vieux jeu ont encore du mal à comprendre pourquoi une victime de viol ne se précipite pas en criant et en hurlant au poste de police le plus proche immédiatement après une agression.

En revanche, les policiers formés et bien informés comprennent ces situations.

Mme Doolittle a également interrogé des juges désireux d’apprendre de nouvelles façons de faire, ainsi que des juges peu enclins à bouger, plus soucieux de défendre leurs privilèges quelque peu dépassés. Je me suis demandé, en lisant, quel genre de juge n’étudierait pas les dernières recherches qui pourraient avoir à jamais un impact sur la vie d’une personne ?

Dolittle affirme que le problème ne tient pas aux lois canadiennes, mais au manque de volonté de les appliquer, même si tous les deux jours et demi, une femme ou une fille est assassinée au Canada.

L’une des caractéristiques de la réaction post-traumatique est la tendance de certaines victimes (pas toutes) à renouer avec leur agresseur. Pourquoi ? Selon les experts en traumatisme, il s’agit d’une tentative malencontreuse d’effacer, de normaliser, d’améliorer la situation ou même de nier l’existence même de l’agression insupportable. (Les enfants achètent souvent des cadeaux d’anniversaire au père qui les agresse, en espérant qu’il cessera de leur faire du mal).

Cette réponse mal comprise a malheureusement été utilisée contre des plaignantes qui gardaient le contact avec un agresseur. Ou, en d’autres termes, « Si c’était si douloureux, pourquoi en redemander ? ».

Dans une société patriarcale inégalitaire, les femmes sont amenées à maintenir la paix, à pardonner et à normaliser l’anormal.

Doolittle a interviewé une écrivaine féministe chevronnée qui attribue sans ambages une partie de la responsabilité (pas toute) de leurs agressions à certaines (pas toutes) les femmes que Harvey Weinstein a agressées, des actrices qui, pour poursuivre leur carrière, ont continué à s’associer à un prédateur évident.

Comme toute intervieweuse avisée, Doolittle a écouté son aînée sans faire de commentaire. Plus tard, elle s’est dit qu’en tant que mère, elle mettrait sa fille en garde, comme je l’ai fait, contre les prédateurs dans les soirées universitaires – et partout ailleurs.

Néanmoins, des millions de femmes, comme moi, n’avaient aucune idée que nos patrons glissaient une drogue dans nos consommations avant de nous violer. Nous n’avions aucune chance de nous défendre. Nous n’étions en aucun cas à blâmer. Aujourd’hui, grâce à d’innombrables féministes – c’est-à-dire des hommes et des femmes qui ont à coeur les enjeux d’égalité – notre société a changé pour le mieux. Weinstein et Bill Cosby ont été emprisonnés. Le prince Andrew et Jian Ghomeshi ont été rétrogradés et disgraciés. Des centaines de comédiens, de politiciens, etc. ont perdu leur réputation et leurs moyens de subsistance.

Raison de plus pour que les accusations d’aujourd’hui soient exactes. Les fausses allégations d’agressions sexuelles sont terribles. Les attaques personnelles injustifiées affaiblissent la crédibilité des véritables victimes et provoquent des naufrages d’hommes innocents tout au long de leur vie.

En comparant hier et aujourd’hui, Doolittle examine de nombreux aspects de la question « Qu’est-ce qui est équitable à l’ère du #MoiAussi ? ». Sa réponse à cette question est juste et louable.

Rempli d’anecdotes sur le droit et l’histoire du Canada, ce livre éducatif est hautement recommandé.

Eleanor Cowan est l’autrice de A History of a Pedophile’s Wife : Memoir of a Canadian Teacher and Writer (Histoire de la femme d’un pédophile : souvenirs d’une enseignante et d’une écrivaine canadienne).

Traduction: TRADFEM

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