par Barbara Kay
27 juillet 2021

Comment sommes-nous passé.e.s du bon sens en matière de biologie à l’effacement des droits des femmes fondés sur le sexe ? Comme l’a dit Ernest Hemingway à propos de la façon dont il est arrivé à la faillite: « Graduellement, puis soudainement ». Le plan de ce « soudainement » a été rédigé à Yogyakarta, capitale de l’île de Java en Indonésie.
C’est à Yogyakarta, en 2006, qu’un groupe de transactivistes et de professionnels des droits de l’homme – dont une douzaine d’anciens rapporteurs spéciaux et membres de comités des Nations unies – s’est réuni pour rédiger un ensemble de 29 « principes » de l’idéologie transgenriste.
Bien qu’ils ne étaient pas juridiquement contraignants, ces « Principes de Jogjakarta » devaient, espéraient-ils, fournir un modèle philosophique aux décideurs politiques mondiaux pour toutes les questions relatives à l' »identité sexuelle » (gender identity) et aux droits qu’ils voulaient voir en découler.
Le principe 3 a joué un rôle essentiel dans l’établissement du mème « Les femmes trans sont des femmes », qui s’est répandu comme un champignon nucléaire dans tout l’Occident, sa poussière radioactive s’infiltrant dans tous les recoins de nos institutions juridiques, sanitaires, sportives, pédagogiques et culturelles.
Ce principe 3 stipule que l’orientation sexuelle et l’identité sexuelle de chacun.e fait « partie intégrante de sa personnalité » et constitue un aspect fondamental de « l’autodétermination, de la dignité et de la liberté. » Par conséquent, ont affirmé les signataires, »nul ne peut être contraint.e de subir des procédures médicales, y compris une opération de réassignation sexuelle, une stérilisation ou une thérapie hormonale, comme condition à la reconnaissance légale de son sexe. »
En d’autres termes, la reconnaissance de l’identité sexuelle, aux plans social, culturel et juridique, doit dépendre uniquement d’une auto-identification. En outre, « nul ne doit être soumis.e à des pressions visant à dissimuler, supprimer ou nier son identité sexuelle » et « tous les documents d’identité délivrés par l’État qui indiquent le sexe ou genre d’une personne – y compris les certificats de naissance, les passeports, les dossiers électoraux et autres documents – [doivent] refléter l’identité sexuelle profonde autodéfinie de la personne ».
C’est ce principe 3 qui est à l’origine de la pression du monde pédagogique visant à soustraire les enfants à l’influence des parents dans le domaine de l’éducation sexuelle. C’est aussi lui qui est à l’origine du « droit » de l’haltérophile néo-zélandais biologiquement mâle Laurel Hubbard (photo) de supplanter une femme biologique aux Jeux de Tokyo. Il sous-tend aussi les nouveaux règlements qui obligent les propriétaires de spas à autoriser des hommes totalement intacts mais qui s’identifient à des femmes à partager un espace intime, nus, en présence de jeunes filles mineures ; idem pour le droit des prisonniers masculins qui disent s’identifier à des femmes, y compris les violeurs condamnés, de demander et parfois d’obtenir d’être transférés dans des prisons pour femmes, avec exactement les conséquences auxquelles on peut s’attendre.
Ce principe a également eu un effet sur la thérapie clinique et la médecine. Au Canada, on considère désormais comme une forme de « thérapie de conversion » le fait de traiter de manière holistique les très jeunes enfants qui présentent une dysphorie de genre. Il est maintenant interdit d’évaluer leurs assertions quant à leur sexe en tenant compte d’autres influences – plutôt que de simplement « affirmer » leur transition. Ce préjugé en conduit beaucoup à une vie entière de prise de médicaments non indiqués et de changements physiologiques irréversibles, ce qui témoigne de l’influence du principe 3.
Selon une critique de ces Principes que signe la journaliste et autrice Julie Bindel dans le numéro d’avril du magazine The Critic, la majorité des signataires de Jogjakarta étaient des hommes ou des transgenres. Parmi les femmes présentes, aucune n’a exprimé d’inquiétude quant à une éventuelle collision entre les droits des femmes et les droits des trans. La coprésidente de la conférence, Sonia Correa, une militante brésilienne des droits sexuels, a été la pire des contrevenantes à cet égard. Correa estime que le sexe est une construction sociale occidentale et elle méprise les femmes « de ces courants féministes qui … croient fermement en l’existence de ‘vraies femmes’ dont le marqueur fondamental serait un vagin naturel ». Correa est fière du fait que les Principes de Jogjakarta ne mentionnent même pas le mot « femme ». »
On peut voir l’influence de ces Principes chez des organismes de défense des droits comme Amnesty International, qui résiste à tout appel à reconnaître un conflit entre les droits des femmes et ceux des trans, et considère que même la reconnaissance d’un tel conflit équivaut à de la « transphobie« . En 2020, Amnesty Ireland et d’autres ONG ont signé une lettre réclamant que les personnes qui ne croient pas aux « soins médicaux affirmatifs pour les personnes transgenres » et au « droit à l’auto-identification » soient privées de toute représentation politique. L’organisme international qui a été conçu pour défendre les droits de la personne des prisonniers politiques fait maintenant pression pour priver de leurs droits politiques ceux – c’est-à-dire la plupart des gens – qui pensent que les différences sexuelles biologiques sont réelles, qu’elles ont de l’importance, en particulier pour la protection des droits des femmes fondés sur leur sexe, et que les enfants méritent d’être traité.e.s avec prudence en cas de dysphorie sexuelle. C’est à n’y rien comprendre.
Mais n’importe quel observatrice ou observateur objectif peut se sentir dérouté.e au quotidien par le fait que, l’une après l’autre, des personnes haut placées, prétendument intelligentes et crédibles, laissent leurs décisions politiques être déterminées par des mantras non scientifiques qui n’ont aucun sens, tandis que la vie en général devient une misère pour les personnes saines d’esprit comme l’écrivaine J.K. Rowling, qui ne veut aucun mal aux personnes transgenres mais s’est sentie obligée, en 2019, de déclarer l’évidence – qu’un homme ne peut littéralement pas devenir une femme – et est depuis harcelée et vilipendée au point de recevoir des menaces de mort.
Constatant les dégâts causés par l’aplication des Principes, un – et seulement un – de ses signataires, Robert Wintemute, professeur de droit des droits de l’homme au King’s College de Londres, a exprimé publiquement ses regrets pour sa collaboration. Selon Bindel, Wintemute est arrivé à la conclusion que les droits des femmes n’étaient pas sur le radar du groupe lors de la réunion. Il s’en veut d’avoir « omis de considérer » que des hommes intacts s’identifiant comme femmes chercheraient à accéder à des espaces sensibles à la sécurité et à la pudeur des femmes.

Photo – Robert Wintemute, professeur de droit des droits de l’homme au King’s College de Londres, sur une photo d’archive. (Pierre Verdy/AFP via Getty Images)
M. Wintemute s’étonne que tant d’experts en droits de la personne n’aient pas non plus réalisé les implications de leurs recommandations. Après tout, la Convention européenne des droits de l’homme est claire : certains droits peuvent être restreints s’ils ont un « impact sur les droits et libertés d’autrui. » Il a déclaré : « On avait le sentiment que les personnes transgenres avaient souffert et qu’elles disaient que c’était ce qu’il fallait – les implications de l’absence de chirurgie et de l’auto-identification ne nous étaient pas apparues en 2006. »
Lui-même homoseuel, Wintemute a eu l’honnêteté d’admettre que « la question de l’accès aux espaces non mixtes touche principalement les femmes et non les hommes. Il était donc facile pour les hommes du groupe d’être emportés par une préoccupation pour les droits des LGBT et d’ignorer cette question. »
M. Wintemute n’a pas été invité à prendre part à une nouvelle assemblée de certains des signataires de Jogjakarta en 2017, où 10 principes encore plus radicaux ont été ajoutés aux Principes initiaux. L’un d’eux recommande la fin de l’enregistrement du sexe ou de l’identité sexuelle dans des documents comme les actes de naissance.
Wintemute affirme que c’est une idée « scandaleuse » : « Il n’y a aucun pays au monde qui a mis fin à l’enregistrement du sexe sur les certificats de naissance. » Mais il est certain que l’ensemble du château de cartes idéologique est « scandaleux » depuis le début, puisqu’il est basé sur une répudiation des faits les plus fondamentaux de la biologie de l’évolution.
Aussi admirable que soit la défection de M. Wintemute du conseil révolutionnaire créé à Jogjakarta , il est un peu tard pour s’en indigner.
Barbara Kay est chroniqueuse hebdomadaire pour le National Post depuis 2003. Elle écrit également pour thepostmillennial.com, Quillette et The Dorchester Review. Elle est l’auteure de trois livres, dont UNSPORTING, avec Linda Blade.
Version originale: https://www.theepochtimes.com/the-sudden-erasure-of-womens-sex-based-rights_3918797.html?utm_campaign=socialshare_twitter&utm_source=twitter.com
Traduction: TRADFEM.
Tous droits réservés à Barbara Kay et The Epoch-Times.
C’est affolant, mais cette mise en perspective historique est édifiante.
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Sonia Correa semble penser que le vagin « naturel » serait la seule différence entre Trans et femmes. Faut-il lui rappeler que les femmes ont des ovaires et un utérus et que le patriarcat exerce le contrôle sur leur possibilité de reproduire la société et pas uniquement sur leur vagin naturel même si lui aussi est important (cf. l’importance de la virginité et les crimes d’honneur)? S’il n’ y avait que le « vagin naturel » les femmes n’auraient pas lutté pour la dépénalisation de l’IVG, la contraception etc. Il semble même que certaines Trans, les activistes, soient offensées quand on parle des droits reproductifs des femmes car cela ne les concerne pas.
Comment un petit groupe d’hommes et de Trans a-t-il pu imposer ses lubies à l’ensemble de l’Humanité reste un mystère pour moi…
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En France le mouvement transactiviste est moins présent que dans les pays anglosaxons et réduit moins au silence les féministes (quoique dans les manifs, elles sont de plus en plus prises à partie, sur l’abolition de la prostitution, en particulier). Les féministes françaises ne réalisent pas le danger auquel elles sont confrontées: il est beaucoup plus valorisant d’être inclusive et de ne pas être traitée de TERF ou de Cis transphobe (comme le fait Osez le féminisme ! qui se veut inclusif). Mais le transactivisme va réaliser l’idéal du patriarcat:: supprimer les femmes et leurs revendications. Les hommes seront toujours au summum de la hiérarchie et pourront même réclamer des droits obtenus par les femmes qui ont lutté durant des décennies pour les imposer: l’égalité de représentation ou l’égalité salariale. Sans compter les menaces qui pèsent sur les droits des reproductifs des femmes qui ne concernent pas les Trans et qui, pour nombre d’activistes, les offensent (on se demande bien pourquoi vouloir devenir « femme » si c’est pour nier le rôle des femmes dans la reproduction). Et ne parlons même pas du sport….J’espère que Laurel Hubbard va être ridiculisé le 1er août à Tokyo. Les femmes devraient refuser d’être en compétition avec un Trans qui n’a fait sa transition qu’à 35 ans et qui triche. Quelle valeur aurait sa médaille ?
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