
Meghan Murphy, éditrice du site Feminist Current
1) LE MONDE FAIT LA SOURDE OREILLE À PROPOS DE JK ROWLING .
9 juin 2020 par Meghan Murphy, sur Feminist Current
Samedi dernier, l’autrice de la série de romans et films Harry Potter, JK Rowling, a partagé sur Twitter un article que quelqu’un avait intitulé « Créer un monde post-Covid19 plus égalitaire pour les personnes menstruées ». Elle y a ajouté la remarque: « Les personnes menstruées… je suis certaine que l’on avait un nom pour ça avant. Aidez-moi, fomes ? fames ? fimales ? »
Pour celles et ceux d’entre nous qui ont observé l’éviction du mot « femme » de tout ce qui a trait au féminin – des règles à la grossesse en passant par la vulve – nous sommes tout à fait au courant de ce que cette phrase codée signifiait.
Faire référence aux femmes en tant que « personnes menstruées » n’est pas un accident : c’est fait pour afficher une « inclusivité ». Qui, pourriez-vous demander, a besoin d’être « inclus » dans la catégorie des « personnes menstruées » au-delà de, ben… celles qui sont menstruées ? A savoir celles autrefois connues sous le nom de « femmes ».
Aujourd’hui bien sûr, des mots comme « femme » sont devenus tabous. Certaines femmes préfèreraient être des hommes et certains hommes se disent femmes. Il y a des « pénis de femmes » et des « hommes qui enfantent ». C’est une nouvelle ère, et le narcissisme humain a évolué au-delà de la nature. Après tout, qu’est-ce que la biologie face à un choix de ses pronoms sur Twitter ?
D’une certaine façon, il est déprimant d’assister au niveau de célébration relayé en ligne par les femmes (saines d’esprit) en réponse au tweet de JK Rowling. Il est triste que des phrases comme « les personnes menstruées » soient déjà tellement normalisées que de les remettre en question semble révolutionnaire.
Mais le tollé a été immédiat. JK Rowling a été traitée de TERF, maléfique, salope, ordure et j’en passe.
Montage d’une partie des injures obscènes adressées à JK Rowling par des transactivistes
Le mannequin transactiviste Monroe Bergdorf (NDT: il s’est approprié le label Twitter « Black Lives Matter ») a accusé Rowling d’être « transphobe » et a prétendu que Rowling et les autres adeptes de la réalité constituaient « une énième branche de la suprématie blanche ».
« Je vous rappelle qu’avant que les cultures indiennes indigènes aient été effacées par les idées coloniales de binarité, le genre était quelque chose de fluide et les personnes trans étaient considérées comme des guides spirituels et des chefs de file. Ce culte des femmes blanches transphobes en Angleterre est juste une énième branche de la suprématie blanche.”
— Black Lives Matter ✊🏾 (@MunroeBergdorf) 7 juin 2020
Ben O’Keefe, ancien conseiller senior de la sénatrice Elizabeth Warren, a répondu « ferme-la, putain de transphobe »
« Cette femme est une ordure. Ferme-la, putain de transphobe. Tu ne connais rien à l’amour et tu n’aimes aucun trans si tu n’es même pas capable de reconnaitre leur existence. Merci de ruiner les livres qui ont bercé mon enfance. Arrête juste de parler. On sait que tu es une TERF. Tu n’as pas besoin de continuer à faire ça.
— Ben O’Keefe (@benjaminokeefe) 6 juin 2020
JK Rowling s’est défendue en expliquant :
“L’idée que les femmes comme moi, qui font preuve d’empathie avec les personnes trans depuis des décennies, qui ont reconnu avec elles des similitudes, car elles sont également vulnérables – c.-à-d. à la violence masculine – ‘haïssent’ les personnes trans parce qu’elles pensent que le sexe est réel et a des conséquences réelles, est un non-sens”
Elle a ajouté :
“Si le sexe n’est pas réel, l’homosexualité n’existe plus. Si le sexe n’est pas réel, la réalité des vies des femmes à travers le monde est gommée. Je connais et j’aime des personnes trans, mais effacer la notion de sexe supprime la possibilité pour beaucoup de décrire leur vie. Il n’y a rien de haineux à dire la vérité.”
Il est étrange de constater que quelqu’un ressent le besoin d’ajouter une mise en garde pour expliquer que reconnaître que seules les femmes sont menstruées n’est pas de la “haine”. C’est presque plus étrange encore d’avoir à le dire à des adultes qui comprennent sûrement maintenant comment sont faits les bébés et qui ont dépassé l’étape de la puberté. Celleux d’entre nous qui ont tenté d’affirmer publiquement des faits de base tels que “les hommes ne sont pas des femmes” et “ce n’est pas de la haine de dire la vérité” connaissent trop bien le déchaînement d’hystérie que nous pouvons aujourd’hui attendre en retour, même si le fait que nous nous y accoutumions ne rend pas la chose moins déconcertante.
Je n’ai jamais compris comment quiconque peut rester silencieux face à l’érosion de l’existence des femmes, ou ne rien dire alors que nos amies et collègues insistent pour dire que ceux qui comprennent la définition du dictionnaire du mot “femme” sont sectaires. Et il semblerait que JK Rowling en soit arrivée à cette étape.
La grandiose levée de boucliers, la haine et la misogynie sont devenues la norme. La réaction qu’essuie quelqu’un comme JK Rowling démontre à quel point les transactivistes et leurs allié-e-s sont si habitué-e-s au pouvoir d’intimider célébrités, politiciens, amis et membres de leur famille dans le but de les soumettre, qu’ils ne peuvent simplement pas accepter qu’une femme célèbre sorte du rang. Il est choquant pour eux de perdre leur contrôle quasi total sur les femmes et les libéraux, qui sont censés se soucier plus d’être appréciés que de rappeler des évidences. La doctrine du culte actuel — que l’on appelle parfois “culture de l’annulation” (“cancel culture”) — exige que nous confessions nos péchés et implorions le pardon des petits dieux régnant sur les réseaux sociaux. Elle exige de considérer que les rebelles sont prises d’une “crise de la quarantaine” plutôt que d’admettre qu’elles sont en train de se battre pour la vérité ou de défendre d’autres femmes attaquées pour le même crime.
Harry Potter en personne (le comédien Daniel Radcliffe) s’est senti “obligé” de prendre la parole et de déclarer publiquement sa foi, en écrivant :
“Les femmes trans sont des femmes. Toute déclaration contraire nie l’identité et la dignité des personnes transgenre et va à l’encontre de tous les avis donnés par les professionnels des institutions sociales qui ont une bien plus grande expertise sur ce sujet que JK Rowling ou moi-même. Selon le Trevor Project, 78 % des jeunes personnes trans et non binaires sont la cible de discrimination à cause de leur identité de genre. Il est clair que nous devons en faire plus pour soutenir les personnes transgenres et non binaires, plutôt que d’invalider leurs identités ou de leur causer plus de tort.”
Il n’est pas clair en quoi la reconnaissance du fait que seules les femmes sont menstruées puisse faire du tort aux “personnes transgenres et non binaires”, mais là n’est pas le message. Le message, c’est qu’Harry Potter est maintenant sain et sauf, puisqu’il s’est dissocié de la sorcière. Il a consciencieusement ajouté une bûche au bûcher.
Depuis quelque temps maintenant, nous avons l’impression de toustes vivre dans un monde bizarre, dans lequel les femmes qui osent dire la vérité sont bannies et virtuellement mises au bûcher. Et bien que je ne sois pas plus intéressée par ce que les célébrités ou les intellectuels ont à dire que par ce que pensent de parfaits inconnus, je me demande si les réponses adressées à JK Rowling vont faire ouvrir les yeux aux gens et mener à plus de prises de parole et d’assertions signalant que l’empereur est nu, et que les personnes qui le disent ne sont ni des monstres ni des personnes haineuses, mais simplement saines d’esprit.
Je me demande si cette expérience amènera JK Rowling à se joindre aux femmes qui se battent contre tout ça publiquement ou si elle se laissera réduire au silence dans l’espoir d’éviter de nouveaux supplices. Il semble évident qu’il n’y a pas de victoire possible face à ce public-là ; aucun niveau de politesse, de servilité ou de rationalisation ne pourrait prévenir la virulence et la misogynie balancée à ces femmes qui luttent contre l’idéologie de l’identité de genre. Soit tu y vas à fond soit tu t’abandonnes entièrement pour te plier en quatre et adopter toujours de nouvelles exigences de plus en plus insensées, en déformant ton langage d’une façon qui devrait sembler sacrilège à tout-e écrivain-e. La voie à suivre me semble évidente.
Meghan Murphy
Traduction: Maeva Guilene et TRADFEM
Version originale: https://www.feministcurrent.com/2020/06/09/the-world-plays-dumb-with-jk-rowling/
2) J.K. Rowling parle de ses raisons de s’exprimer sur les questions de sexe et de genre.
J. K. Rowling, 10 juin 2020, sur son site
Ce texte étant sous copyright, nous ne pouvons en citer que quelques lignes, mais vous êtes invité-e à consulter l’original au https://www.jkrowling.com/answers/
Cet article ne m’est pas facile à écrire, pour des raisons qui seront bientôt manifestes, mais je sais qu’il est temps de m’expliquer sur une question lourde en toxicité. J’écris ceci sans vouloir ajouter à cette toxicité.
Pour ceux qui ne le savent pas : en décembre dernier, j’ai tweeté mon soutien à Maya Forstater, une fiscaliste britannique qui avait perdu son emploi pour des tweets jugés « transphobes ». Elle a porté son affaire devant un tribunal du travail, demandant au juge de se prononcer sur la protection juridique d’une croyance philosophique selon laquelle le sexe est déterminé par la biologie. Le juge Tayler a statué que ces propos n’étaient pas protégés.
Mon intérêt pour les questions trans a précédé de près de deux ans la cause de Maya, pendant laquelle j’ai suivi de près le débat autour du concept d’identité de genre. J’ai rencontré des personnes trans, et j’ai lu divers livres, blogues et articles de personnes trans, de spécialistes des questions de genre, de personnes intersexuées, de psychologues, d’experts en protection des personnes, de travailleurs sociaux et de médecins, et j’ai suivi les propos exprimés en ligne et dans les médias traditionnels. D’un côté, mon intérêt pour cette question est professionnel, car j’écris une série télé policière contemporaine, et ma détective fictive est en âge de s’intéresser à ces questions et d’en être elle-même affectée, mais d’un autre côté, c’est intensément personnel, comme je vais l’expliquer.
Tout le temps que j’ai passé à faire des recherches et à me renseigner, j’ai vu proliférer des accusations et des menaces de la part de transactivistes sur mon compte Twitter. (…)
Traduction : Joanna Vrillaud et TRADFEM
Version originale : https://www.jkrowling.com/opinions/j-k-rowling-writes-about-her-reasons-for-speaking-out-on-sex-and-gender-issues/
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info@jkrowling.com
Merci milles fois pour cette traduction, c’est indispensable !
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