L’entreprise montréalaise PORNHUB exploite le confinement des gens pour promouvoir et augmenter l’achalandage sur son site — mais des militantes tirent la sonnette d’alarme à propos d’enregistrements vidéo criminels et non consensuels, hébergés et visionnés sans contrôle sur ce site proxénète.
par Harriet Grant
The Guardian, mercredi le 25 mars 2020
L’achalandage du site Pornhub est en hausse de 12 % par rapport à février.
Des député-e-s et des activistes réclament des mesures urgentes pour mettre fin à la publication de vidéos de viols, de pornographie de vengeance et de molestation d’enfants sur Pornhub, alors que le trafic du site est en plein essor, dans le contexte d’un confinement mondial dû à la Covid-19.
L’achalandage mondial de Pornhub a augmenté de 12 % en mars par rapport à février, un record, alors que des millions de gens dans le monde entier sont invités à rester chez eux.
Les propriétaires de Pornhub, l’organisation Mindgeek, exploitent ces mesures de confinement pour promouvoir leur site, en offrant un accès « Premium » gratuit aux gens retenus à la maison, notamment en Italie, en Espagne et en France.
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QUESTIONS ET RÉPONSES
Quel est le problème avec Pornhub ?
Pornhub est le plus grand site porno du monde et a accumulé 42 milliards de visites en 2019. Son accès est gratuit, sans restriction d’âge, et il génère des revenus en vendant de la publicité et grâce à des mesures d’autopromotion payées par des producteurs de porno.
Certaines des vidéos affichées sur Pornhub — comme sur d’autres sites à accès gratuit — montrent une pornographie extrêmement hard et violente.
Des militantes affirment que ce fait, associé à la forte prévalence de vidéos promouvant des relations sexuelles avec de jeunes adolescent-e-s (« teen » est l’une des catégories les plus populaires du site), signifie qu’il est urgent de savoir avec certitude que ces vidéos sont réalisées de manière consensuelle.
« Il est facile de mettre en ligne des contenus non consensuels, car Pornhub permet les téléchargements anonymes », explique Laila Mickelwait du groupe militant états-unien Exodus Cry. « Ils ne demandent qu’une adresse électronique. Ces vidéos mettent en scène des millions de filles et de femmes dans des situations parfois violentes, et l’on n’a aucun moyen de savoir qui elles sont ou si elles sont vraiment consentantes et ont plus de 18 ans ».
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L’offre a entraîné une augmentation considérable des visites sur le site en provenance des pays touchésparla COVID-19 : une hausse de 57 % en Italie, de 39 % en France et de 61 % en Espagne. Pornhub prétend verser une partie de ses bénéfices aux mesures anti-coronavirus.
Mais des militantes avertissent que des vidéos de crimes graves tels que le viol, l’inceste et la traite d’êtres humains se cachent parmi les millions de vidéos téléchargées sur le site par des utilisateurs anonymes. En effet, Pornhub ne modère pas les contenus illégaux et ne bannit pas les utilisateurs qui en téléchargent à partir de son site.
Des député-e-s britanniques affirment que les mesures visant à réformer et à réglementer l’industrie du porno ont échoué, mettant en danger les personnes vulnérables. Des militantes qui travaillent à contrer le « porno de vengeance » disent que des parents les contactent en désespoir de cause, incapables de faire retirer du site des vidéos non consensuelles de leurs adolescentes.
L’année dernière, on a constaté l’échec de tentatives d’introduire des systèmes de vérification de l’âge sur les sites pornographiques en libre accès, pour empêcher les enfants d’accéder à des contenus en ligne de nature extrême. Et des député-e-s avertissent que la réglementation proposée dans un nouveau projet de loi sur les préjudices en ligne, actuellement en phase de consultation au Parlement, va rater sa cible.
« Le projet de loi sur les préjudices en ligne ne va pas assez loin. Nous devons maîtriser cette industrie », a déclaré Tracy Brabin, la secrétaire d’État à la culture du cabinet fantôme de l’Opposition à Westminster. « Nous avons un devoir de vigilance envers les jeunes dont les vidéos sont partagées et qui ne veulent pas qu’elles le soient, ainsi qu’envers les victimes de traite à des fins sexuelles et de viols ».
Sa collègue du parti travailliste, le Dr Rosena Allin-Khan, s’est efforcée de soutenir le groupe britannique Not Your Porn pour obtenir que les vidéos de porno vengeresse soient retirés de Pornhub.
Elle a déclaré au Guardian : « Le plus alarmant, c’est que des femmes et des jeunes fille peuvent être violées et que des vidéos de ces viols peuvent être mises en ligne. C’est absolument choquant, il devrait y avoir un tollé national ».
Des député-e-s des deux côtés de la Chambre des communes en conviennent. La députée conservatrice Maria Miller, présidente de la Commission des femmes et de l’égalité des chances, a déclaré : « Ce sont des questions extrêmement importantes et [le projet de loi sur les préjudices en ligne] prend trop de temps à aboutir. »
Elle ajoute que le devoir de diligence promis devrait inclure un moyen de faire rendre des comptes aux entreprises pornocrates si du matériel illégal est affiché.
Laila Mickelwait A présenté hier, le 24 mars, sur Twitter le commentaire ci-dessus laissé par un utilisateur de Pornhub:
THIS is a comment on Pornhub TODAY. The video was flagged as “sex trafficking” 7 months ago—the user says the girl “can’t be older than 15” & “is a real victim”. The video has over 4 million views. Pornhub is complicit in sex trafficking. Traffickinghub.com#Traffickinghub

Pornhub n’a pas répondu à la demande de commentaires du Guardian concernant sa collecte de données concernant les utilisateurs.
Les propriétaires de Pornhub, la firme Mindgeek — légalement basée au Luxembourg, mais avec des bureaux à Montréal, Londres, Nicosie et Los Angeles — nie également les allégations faites dans la pétition d’Exodus Cry et insiste sur le fait qu’ils disposent de procédures approfondies pour supprimer les contenus illégaux.
Dans une déclaration au Guardian, ils ont affirmé que « Pornhub s’engage fermement à éradiquer et à combattre les contenus non consensuels et ceux impliquant des mineurs. Toute suggestion contraire est catégoriquement et factuellement inexacte.
Ils ont déclaré : “Pornhub a mis en place des mesures de protection complètes et à la pointe de la technologie, y compris un système solide pour signaler, examiner et supprimer tout contenu illégal, en employant une vaste équipe de modérateurs humains qui se consacrent à l’examen manuel de tous les téléchargements sur le site, et en utilisant diverses solutions d’empreintes digitales.
Les technologies de détection automatisées telles que CSAI Match de YouTube et PhotoDNA de Microsoft sont des couches supplémentaires de protection pour tenir à distance du site les contenus non autorisés. »
Version originale : https://www.theguardian.com/global-development/2020/mar/25/urgent-action-needed-as-spike-in-porn-site-traffic-raises-abuse-fears-say-mps
Traduction : TRADFEM