Transgenrisme, néolibéralisme et culture du viol : allocution de Renee Gerlich à Brisbane

Vous trouverez ci-dessous le texte d’une conférence de douze minutes que j’ai donnée à Brisbane le 12 octobre 2019. Un fichier vidéo de cette conférence figure ICI. L’événement était organisé par le comité Brisbane/Meanjin de la Journée internationale des Droits des Femmes; et d’autres présentations reliant le transgenrisme à la culture du viol, l’effacement des lesbiennes, les droits reproductifs des femmes, les sports et la gauche, figurent sur leur chaîne YouTube.

photo Gerlich Brisbane

J’essaie de parler de cette question depuis quatre ans en Nouvelle-Zélande et, à cause de campagnes de censure et de diffamation vicieuses et persistantes, je n’ai pas encore réussi à en parler aussi ouvertement que je m’apprête à le faire. Je remercie donc Anna, et toutes celles qui prennent aujourd’hui la parole, de m’avoir invitée ici et de m’avoir réservé une place parmi vous.

Comme beaucoup de gens croient encore que la propagation de l’idéologie transgenriste représente une mode inoffensive, une phase ou un problème de la culture des jeunes ou des médias sociaux, j’ai choisi de parler du contexte et des conditions plus vastes qui ont permis à cette idéologie de s’implanter. Le transgenrisme est une idéologie néolibérale prédatrice et autoritaire, qui n’aurait pas pu s’imposer en dehors du contexte de la culture du viol. Je vais tenter de décrire ceci aussi clairement que possible en dix minutes.

Le transgenrisme est une idéologie néolibérale prédatrice et autoritaire, qui n’aurait pas pu s’imposer en dehors du contexte de la culture du viol.

La première chose à dire au sujet du néolibéralisme est qu’il est essentiellement synonyme de la mondialisation et de la corporatisation. Il ne s’agit pas seulement d’une politique économique déficiente. Il s’agit d’un mouvement de ressac, un backlash de la grande entreprise contre la gauche politique, et d’un outil de colonisation.

Les XIXe et XXe siècles ont vu la montée d’une gauche politique forte, de mouvements de renaissance indigène, de syndicats de travailleurs, de luttes d’indépendance réussies qui ont chassé des colonisateurs, de protestations contre la guerre et de mouvements de défense des droits des femmes.

Dans les années 1980, la Banque mondiale et le Fonds monétaire international ont réagi. Ils ont adopté des politiques qui souhaitaient inverser les progrès réalisés par ces mouvements. Ils ont commencé à accorder des prêts financiers à des gouvernements à condition que ceux-ci se plient à ce qu’on a appelé par euphémisme des « ajustements structurels », au profit des sociétés multinationales. La notion d’« ajustement structurel » est un terme à méditer en relation avec cet enjeu.

Cet ajustement structurel comporte trois éléments fondamentaux. Premièrement, les gouvernements ont dû mettre les ressources naturelles, les terres et l’infrastructure publique à disposition de sociétés étrangères pour qu’elles les achètent. Deuxièmement, ils sont obligés de réduire considérablement leurs dépenses publiques en matière de santé, d’éducation, de bien-être et de services sociaux. Enfin, les gouvernements doivent supprimer les règlements et les protections juridiques qui limitent les profits outranciers des entreprises, comme les lois qui protègent travailleuses et travailleurs contre l’exploitation. Voilà ce qu’est le néolibéralisme : la marchandisation de la nature, et la suppression ou les coupes à blanc des services sociaux, à la faveur de l’ère des multinationales.

Le néolibéralisme et ce qu’on a appelé ses ajustements structurels se drapent dans des discours sur la liberté. Leur marotte est qu’un marché soi-disant « libre », dans lequel les employeurs du secteur privé font face au moins d’obstacles possible à des profits outranciers, favorise la création d’emplois et d’opportunités. On vante également un effet de « ruissellement » qui permet progressivement l’autonomisation de l’individu ou de l’employé·e qui s’est fait·e tout·e seul·e, ainsi que plus de « choix » pour les consommateurs.

cov The shock doctrine
Dans son livre La Stratégie du choc, Naomi Klein fait remarquer que les gens — en particulier celles et ceux qui se battent depuis des siècles pour leur liberté — résistent fermement à ce genre de réformes. C’est pourquoi, parallèlement à la propagande diffusée, des conditions de désastre se sont avérées cruciales pour imposer le néolibéralisme dans le monde entier. C’est ce qui amène Klein à qualifier le néolibéralisme de « capitalisme de la catastrophe ». L’ajustement structurel survient souvent dans le contexte d’un état d’urgence : une catastrophe naturelle, une invasion militaire ou un coup d’État.

Les multinationales et les profiteurs de l’agroalimentaire et de l’industrie touristique s’abattent sur le pays et en profitent. Et parce que les femmes sont rendues particulièrement vulnérables lorsque la terre est vendue et dégradée, que les modes de vie de subsistance sont détruits, que les salaires baissent et que le bien-être et les soins de santé deviennent plus difficiles d’accès, l’une des industries qui a le plus profité de la conversion au néolibéralisme est le système prostitutionnel. Le lobby mondial du commerce du sexe est extrêmement fort en ce moment, et bien sûr dans un climat néolibéral, il nous vend l’idée que la prostitution est un commerce légitime ; que les proxénètes ne sont que des créateurs d’emplois dans une industrie que nous sommes maintenant censés appeler « travail du sexe » et que nous percevons comme étant autonomisante pour les femmes en tant qu’individues, sans tenir compte des facteurs de la pauvreté, du vol des terres, du sexisme et du viol.

Et parce que les femmes sont rendues particulièrement vulnérables lorsque la terre est vendue et dégradée, que les modes de vie de subsistance sont détruits, que les salaires baissent et que le bien-être et les soins de santé deviennent plus difficiles d’accès, l’une des industries qui a le plus profité de la conversion au néolibéralisme est le système prostitutionnel.

Combinez cela avec le tourisme et l’Internet, et vous vous retrouvez avec d’énormes industries : le tourisme sexuel, la traite des femmes et la pornographie. Aujourd’hui, un site Web sur dix est un site pornographique. Cette industrie vaut plus que les revenus combinés des dix plus grandes entreprises de technologie du Web. Pour encourager la consommation de pornographie, on la normalise également dans les médias grand public. Tout cela alimente un climat de privilège sexuel masculin, de viol et de violation, d’objectivation, de haine du corps, de dissociation, de dysphorie et d’anorexie.

Voilà précisément les conditions de désastre qu’exploite l’idéologie transgenriste et qui permettent à des populations entières d’adhérer à l’idée que non seulement les femmes peuvent être achetées et vendues comme des produits, mais que la féminité elle-même est une marchandise à laquelle les hommes devraient avoir droit. Le transgenrisme est une idéologie néolibérale qui traite le fait naturel du sexe biologique lui-même comme une réalité à extirper et à remplacer par la culture de rapport qu’est l’identité de genre. Il est autonomisant pour l’individu de rejeter son sexe biologique et de lui substituer un sexe personnalisé qui exprime ses propres goûts essentiels, comme sont censés le faire vos vêtements et vos chaussures, et même votre voiture, le protecteur d’écran de votre téléphone portable et votre brosse à dents.

Le mantra stupide « les transfemmes sont des femmes » résume en trois mots l’idéologie et les attitudes du transgenrisme et de la vision du monde néolibérale. Il implique la destruction de la nature, de la biologie, de nos propres corps — y compris par les mastectomies radicales de plus en plus pratiquées sur les adolescentes, principalement les lesbiennes. Il est basé sur la marchandisation des femmes, et il conduit à la suppression des protections juridiques et des soutiens sociaux connus à l’intention des femmes et basés sur le sexe. En utilisant ce mantra comme une menace — parce que si vous ne l’acceptez pas, vous êtes « intolérant-e » — les hommes colonisent les espaces, les organisations, les mouvements et les refuges durement acquis par les femmes, ainsi que la culture lesbienne.

Ce mantra a également pour effet de consolider la domestication de l’ensemble de la gauche politique — groupes pacifistes, syndicats, organisations socialistes — et de les assimiler à l’establishment alors qu’ils s’engagent à soutenir la mythologie transgenre et à la traiter comme prioritaire, qu’ils purgent de leurs rangs les féministes et les penseurs indépendants et critiques, et qu’ils tissent des liens de plus en plus serrés avec les partis politiques libéraux et le grand capital, tout en promouvant l’identité de genre et en subventionnant les défilés de la Fierté.

De cette façon, le mensonge selon lequel « les transfemmes sont des femmes » est la réponse néolibérale au mythe de la résurrection au sein de l’Église catholique. C’est la croyance insensée que vous devez accepter de nos jours pour démontrer que, quelles que soient vos autres convictions et objectifs politiques, malgré tout ce en quoi vous croyez ou travaillez, vous êtes en dernière analyse, prêt·e à abandonner vos facultés critiques et à vous soumettre au pouvoir et à la pensée de groupe.

Les gens n’achèteraient jamais des notions telles que « les hommes peuvent tomber enceints » ou « une lesbienne peut avoir un pénis », en dehors des conditions de désastre que nous, féministes, appelons la culture du viol : les conditions du privilège sexuel masculin ; le fait qu’une femme se fait violer, quelque part dans le monde, chaque seconde ; la pornographie normalisée, l’objectivation, la dysphorie, la haine de son corps.

Dans une culture qui honorerait les femmes, qui prendrait soin des enfants et qui serait ancrée dans le monde naturel, la propagation de l’idéologie transgenre ne pourrait avoir lieu.

La célèbre mise en garde de Voltaire selon laquelle « Ceux qui peuvent vous faire croire en des absurdités pourront vous faire commettre des atrocités » est également pertinente. Malgré tous ces mouvements sociaux à grande échelle qui surgissent actuellement un peu partout dans l’Occident, nous vivons en fait dans un climat dangereux et menaçant, un climat dans lequel les absurdités du transgenrisme sont promues aussi largement, alors qu’elles causent des dommages aussi graves, et où les remettre en question est devenu tabou. Les femmes qui s’expriment aujourd’hui à ce sujet sont confrontées à un ostracisme et à la perte de leurs moyens de subsistance aux mains de ceux-là mêmes qui investissent actuellement les mouvements de masse qui prétendent lutter pour la planète et la justice sociale.

Pourtant, comme l’a dit Audre Lorde, « votre silence ne vous protégera pas ». Aux femmes qui se tiennent la langue pour éviter les coups, je dis que nous vivons une époque de montée de l’autoritarisme et que cette idéologie en est un des vecteurs. Vous devez trouver vos sœurs. C’est maintenant qu’il faut dire la vérité là où vous le pouvez — malgré ceux qui se retourneront contre vous ou qui refuseront de vous offrir leur solidarité — et qu’il faut trouver vos sœurs. Nous sommes ici, nous guérissons collectivement en retrouvant nos voix ensemble, et nous voulons que vous soyez parmi nous.

sig reneejg

Version originale : https://reneejg.net/2019/10/transgenderism-neoliberalism-and-rape-culture-brisbane-talk

Traduction : TRADFEM, avec l’accord de l’autrice

Lire aussi:

Feminists must think radically to reject sex self-identification laws, Mars 2019

https://reneejg.net/2019/03/think-radically/

Renee Gerlich est une écrivaine et une artiste féministe de Nouvelle-Zélande.

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