Par Julie Bindel, dans The Guardian, le 12 sept. 2019
Les viols signalés ont doublé en un an, mais les poursuites sont à leur plus bas niveau depuis dix ans. Le Bureau des procureurs de la Couronne doit être tenu de rendre des comptes.
Si j’étais un violeur, j’éclaterais de rire avant de m’en prendre à de nouvelles victimes pour fêter la nouvelle publiée aujourd’hui que les poursuites pour viol sont tombées à leur plus bas niveau depuis une décennie. Et si j’étais violée aujourd’hui, ça me fait mal de dire que je ne songerais même pas à signaler ce crime à la police. En tant que militante féministe à vie contre la violence masculine, je me sens plus pessimiste qu’il y a 40 ans quant à la perspective de mettre fin au viol, ce à quoi –. Sur les 54 000 signalements de viols enregistrés en 2017-18 (et qui ne sont qu’une fraction des viols effectivement commis), seuls 1925 ont abouti à une condamnation.
Il semble que le SPC se préoccupe davantage de son image publique que de trouver des façons efficaces de faire condamner les violeurs.
L’an dernier, le Guardian a fait état de conseils donnés aux procureurs de la Couronne de retirer du système judiciaire une partie des « cas faibles », afin d’améliorer les taux de condamnation. Un procureur qui a assisté à une formation du SPC a affirmé qu’on avait dit au personnel du Service : « Si l’on retire 350 cas faibles du système, notre taux de condamnation s’élèvera à 61 %. »
Il semble que le SPC se préoccupe davantage de son image publique que de trouver des façons efficaces de faire condamner les violeurs. Il y a là rien de moins qu’une abomination.
En 2009, un tribunal de la Couronne avait statué que les procureurs devaient adopter une approche du bien-fondé de la cause pour décider de l’opportunité d’intenter des poursuites en cas de viols. En d’autres termes, les procureurs sont censés examiner objectivement les éléments de preuve pour déterminer s’il y a lieu d’engager des poursuites, plutôt que tenter de deviner si le jury condamnera ou non, compte tenu de la plus ou moins grande crédibilité de la plaignante. Jusqu’en 2009, c’est ce dernier critère qu’utilisaient les procureurs. Le problème de cette méthode était que beaucoup trop peu d’affaires étaient portées devant les tribunaux en raison de la prévalence des mythes et stéréotypes chez les jurys et de leur propension à ne pas tenir compte des récits des plaignantes lorsque celles-ci avaient bu, porté des vêtements révélateurs ou été en relation avec l’accusé.
Des spécialistes du droit considèrent maintenant que le SPC a abandonné le critère du bien-fondé des poursuites, ce qui explique pourquoi les taux de condamnation chutent aussi rapidement. Kate Ellis, du Centre for Women’s Justice, note que le SPC a simplement supprimé de ses directives toutes références à l’approche fondée sur le bien-fondé des poursuites pour viol. « Nous savons aussi que la nouvelle politique du SPC est de ne pas mentionner l’approche fondée sur le bien-fondé dans les conseils ou les séances d’information qu’il donne aux policiers ou aux avocats », dit-elle.
Le SPC nie cela. Au cours d’une entrevue donnée ce matin, leur directeur des poursuites publiques, Max Hill, a semblé blâmer les services de police pour la chute des taux de condamnation. « Ce rapport comprend un certain nombre de statistiques, dont l’une… est qu’il y a eu une baisse de 23 % du nombre de cas qui nous sont envoyés par la police », a-t-il déclaré à l’émission Today. « De toute évidence, si nous ne sommes pas saisis d’une affaire, nous ne pouvons pas commencer à l’examiner. » Le SPC explique également la chute du nombre de condamnations par le nombre croissant d’éléments numériques de preuve que la police et les procureurs doivent analyser dans chaque cause.
Mais j’ai consulté une analyse détaillée des plus récentes statistiques du Centre for Women’s Justice, qui seront publiées au cours des prochaines semaines. Elles établissent que la baisse précipitée des taux de condamnation ne peut s’expliquer entièrement par le défaut par la police de transmettre des causes au SPC.
À moins que le SPC ne soit efficacement tenu responsable de ses politiques, des hommes qui devraient être reconnus coupables de viol continueront de s’en tirer indemnes. Cela signifie que les violeurs agiront pratiquement en toute impunité et que nous les femmes serons encore plus menacées par les prédateurs sexuels que nous ne le sommes maintenant. Sans une réforme radicale et urgente du système actuel, le viol continuera à être effectivement décriminalisé.
– Julie Bindel est journaliste et militante politique, et c’est une des fondatrices de l’organisation Justice for Women.
Version originale : https://www.theguardian.com/commentisfree/2019/sep/12/rape-decriminalised-vulnerable-women-convictions-cps
Traduction : TRADFEM. Tous droits réservés à Julie BINDEL
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Sincèrement, je ne compte absolument pas sur la police ou la justice pour faire arrêter cette folie. J’ai lâché l’affaire depuis longtemps. Une amie a dû se retrouver face à son violeur parce que les flics ont voulu confronter les deux versions. Des amies se sont fait insulter, se sont entendue dire que c’était de leur faute, ou encore que ce n’était pas un viol puisque l’agresseur était leur mari/petit ami. J’ai pas envie de faire quoi que ce soit avec ces gens là, ça me fait trop peur et je leur fait pas confiance. je préfère faire de la péda pour essayer de brûler la racine du mal. C’est clairement utopiste, mais chacun-e sa manière de lutter. Mais heureusement que tout le monde ne lâche pas l’affaire au niveau de la justice, bien évidemment, et courage à elleux.
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