La Fierté gaie n’est plus une lutte contre la discrimination ; il n’est pas étonnant que des gens choisissent de ne pas hisser leur drapeau.

La Fierté gaie (« PRIDE ») est devenue l’un des mouvements politiques les plus intolérants de notre époque, mais tout le monde demeure censé y adhérer.

Le 3 août 2019 par Tonje Gjevjon  sur Feminist Current

Comme la Fierté gaie est célébrée partout dans le monde, on s’attend maintenant à ce que les politiciens et les organismes publics hissent le drapeau symbolisant cette Fierté tout le mois d’août. Tout refus de le faire donne généralement lieu à de sévères critiques et à des accusations d’homophobie. Trop souvent, on suppose et on en déduit que ceux et celles qui refusent de hisser ce symbole (et, en général, d’appuyer tout ce que représente ce mouvement) sont des opposants de la diversité et de l’inclusion.

Lorsqu’un maire de Pennsylvanie a empêché le conseil municipal local de hisser ce drapeau en juillet, des groupes LGBT ont promis de protester et certains résidents ont menacé de porter plainte auprès de la commission des relations humaines de la ville.

En Norvège, le Présidium du Parlement a refusé d’arborer le drapeau arc-en-ciel devant le bâtiment du Parlement pendant le mois de la Fierté gaie en juin, ce qui a amené Une Aina Bastholm, députée du Parti vert norvégien, à dire aux médias qu’elle avait dû « prendre une grande respiration » face à cette décision. Dans un article publié dans Dagbladet, un tabloïd national, Mari Holm Lønseth, une députée conservatrice, a soutenu que « tous les conseils doivent se montrer inclusifs et hisser le drapeau de la Fierté ». Après que Kjell Ingolf Ropstad, ministre de l’Enfance, de la Famille et des Affaires religieuses, ait déclaré qu’il n’assisterait pas au défilé de la Fierté gaie cette année, vu son désaccord avec la politique de la FRI (Organisation norvégienne pour la diversité sexuelle et de genre) sur « la polygamie, un troisième sexe, l’abolition de la loi contre l’achat de sexe, et la maternité par substitution », il a été accusé, avec d’autres députés du Parti chrétien-démocrate, de non-inclusivité. Le chef du parti travailliste norvégien, Jonas Gahr Støre, a déclaré :

« Je pense que le ministre de l’Enfance, de la Famille et des Affaires religieuses devrait assister au défilé. Il n’a pas besoin d’être d’accord avec tous les slogans figurant sur les bannières, mais c’est le jour où les politiciens devraient dire aux gens que tout le monde devrait vivre en sécurité. »

À Vancouver, le candidat conservateur fédéral David Cavey a annoncé qu’il ne participerait pas au défilé de la Fierté gaie de la ville ce weekend, après que la Vancouver Pride Society (VPS) eût interdit au personnel de l’Université de la Colombie-Britannique et de la Bibliothèque publique de Vancouver d’y participer. Cavey a marché avec ce défilé par le passé, mais a pris position en faveur de la liberté d’expression en contestant la décision de la VPS d’interdire l’UBC et le VPL, après qu’elles aient permis à des oratrices critiques de l’idéologie transgenre d’y réserver une salle pour des événements. Dans un communiqué de presse, M. Cavey a déclaré :

« En tant qu’établissements financés par des fonds publics, tous deux sont tenus d’“accueillir” quiconque souhaite louer leurs locaux, dans les limites de la loi. Ils n’ont pas à être nécessairement d’accord avec les intervenants. Mais les punir pour s’être conformés à leur obligation de respect de la liberté d’expression, de l’échange d’idées et de la liberté intellectuelle, c’est clairement une erreur…

… Nous encourageons d’autres dirigeants politiques et d’autres campagnes à se joindre à nous pour prendre une position de principe en soutien à l’UBC et à la VPL sur l’inclusivité, la liberté d’expression, la liberté intellectuelle et la diversité des opinions, et pour refuser de participer au défilé si ses organisateurs ne rétablissent pas les droits de ces institutions locales respectées. »

Il fut rapidement accusé de « transphobie » par Nicola Spurling, membre des Verts de la Colombie-Britannique.

Quand il s’agit de la Fierté, on s’attend à ce que tout le monde y participe, qu’iel le souhaite ou non.

Mais la Fierté gaie n’est pas neutre. C’est une organisation politique, et tout le monde n’est pas obligé d’appuyer toutes les positions du mouvement contemporain de la Fierté gaie.

Le Parlement ne hisse pas le drapeau rouge à la fête du Travail ou l’emblème du Mouvement de libération des femmes le 8 mars ; pourtant on s’attend à ce qu’il arbore le drapeau de la Fierté gaie durnt tout le mois d’août. La Fierté semble maintenant être plus célébrée que tout autre mouvement politique. Au fil des ans, cette attention — de la part des entreprises, des politiciens et des institutions publiques — a donné aux organisations de la Fierté un pouvoir énorme. La Fierté est devenue une très grosse affaire.

Non seulement la Fierté gaie a-t-elle rejeté le dimorphisme sexuel, la biologie et l’anatomie comme étant essentielles à la définition du sexe biologique mais, dans son appui aux « droits des trans », elle a adopté de nombreuses positions très controversées, notamment une légalisation de l’industrie du sexe et celle de la maternité de substitution, la promotion du sadomasochisme (BDSM) comme orientation sexuelle, plutôt que comme un fétiche, et la recommandation de prescrire des agents bloqueurs de puberté aux jeunes identifiés comme « trans », même âgés d’aussi peu que 12 ans.

Ce succès peut sembler une bonne raison de se réjouir, mais bien que la Fierté gaie ait débuté comme un mouvement de défense des droits des lesbiennes et des homosexuels — des droits que j’appuie comme la plupart des personnes — elle est devenue quelque chose d’entièrement différent.

Si des organisations islamiques ou chrétiennes faisaient la promotion de la maternité de substitution, de la légalisation de l’achat de rapports sexuels et de la normalisation des thérapies de conversion (par exemple, la pratique consistant à imposer une transition sexuelle à de jeunes lesbiennes pour les amener à vivre comme des « hommes »), je présume que la réaction des politiciens et du grand public serait fort différente.

Mais il semble que ces positions soient acceptées tant par les politiciens que par le grand public, à condition qu’elles soient enveloppées de paillettes et de couleurs arc-en-ciel.

Les groupes LGBT norvégiens comme FRI OA (l’organisation qui coordonne les événements Pride chaque année en Norvège) reçoivent des fonds publics importants. « Compétence Rose », un programme financé par le gouvernement qui offre une formation aux professionnels de la santé sur les questions LGBT, est fortement soutenu par le Parti travailliste norvégien. Ses employés sont des militants et non des spécialistes, et en aucun cas des experts en développement de l’enfant, en médecine ou en psychologie. Beaucoup s’identifient comme étant « fluides », « transgenres », « queer » ou gais.

Le manifeste du Parti travailliste norvégien explique :

« Le niveau de compétence doit être renforcé dans toutes les composantes de la société. C’est pourquoi nous voulons renforcer et élargir les formations en compétence rose sur les lieux de travail, dans les services de santé, les écoles, les jardins d’enfance, les services de police et les centres d’accueil pour demandeurs d’asile. »

Au Canada, le gouvernement a fait une vigoureuse promotion du programme OSIG (Orientation sexuelle et Identité de genre) dans les écoles, de la maternelle à la 12e année. Cela signifie que la notion d’identité de genre est actuellement inculquée aux enfants, hors toute perspective critique, dès un très jeune âge.

Quels autres groupes de pression politiques controversés ont bénéficié d’un tel accès aux écoles pour enseigner leurs idéologies aux enfants ? Si tous les groupes politiques et les lobbyistes avaient droit à ce genre d’accès, nous considérerions probablement qu’il s’agit d’une situation où les enfants sont exposés à de la propagande plutôt qu’à un savoir. Mais en ce qui concerne les LGBT, tout le monde est censé être d’accord.

Le mouvement de la Fierté gaie parle souvent des « jeunes LGBTQ vulnérables » pour gagner la sympathie du public lorsqu’ils préconisent la prescription aux « jeunes trans » d’agents bloqueurs de puberté et de chirurgies, comme les doubles mastectomies, ainsi que pour défendre l’importance du soutien au mouvement de la Fierté gaie et à son programme politique. Mais ce sont surtout des hommes et des femmes adultes qui assistent aux défilés de la Fierté gaie, et non des adolescents. De plus, ces défilés ne sont pas un endroit approprié pour les enfants, vu leur attachement aux pratiques fétichistes d’adultes. Les drag queens et les adultes habillés de latex n’ont pas grand-chose à voir avec l’amour lesbien et homosexuel, mais cette imagerie y est prédominante. Je ne comprends pas pourquoi des fétiches sexuels des adultes sont d’intérêt public, ni leur lien avec les droits des personnes, surtout quand ces choses sont devenues très courantes aujourd’hui, et sont promues non seulement dans les clubs « queer », mais aussi dans les bars hétérosexuels.

Le musicien et écrivain Lars Birkelund a écrit « Un seul drapeau devrait suffire », dans un message publié le mois dernier dans le journal de gauche Klassekampen, en arguant que le drapeau norvégien symbolise l’absence de discrimination, indépendamment de l’identité ou de l’orientation sexuelle. C’est un symbole de notre constitution, de nos lois et de la démocratie. En Norvège, nous avons des lois anti-discrimination, et les personnes LGBT+ ont exactement les mêmes droits que les personnes hétérosexuelles. La Loi contre la discrimination pour motif d’orientation sexuelle est entrée en vigueur en 2014 et la Loi sur l’égalité des sexes avait été adoptée par le Parlement norvégien en 1978, garantissant aux femmes et aux hommes des chances égales en matière d’éducation, d’emploi et de promotion culturelle et professionnelle. La loi est fondée sur le principe de non-discrimination. Notre drapeau symbolise donc déjà l’opposition à la discrimination et le soutien aux droits de la personne pour tous et toutes. De même, le Canada a déjà en place des lois qui interdisent la discrimination fondée sur le sexe et l’orientation sexuelle. Célébrer la Fierté, ce n’est donc plus s’opposer à la discrimination et lutter pour des droits. Bien que j’appuie sans réserve les droits des lesbiennes et des homosexuels, j’appuie également le droit du Parlement et des maires de ne pas devoir hisser ce drapeau et de ne pas assister contre leur gré à quelque défilé de la Fierté gaie.

En fait, selon mon expérience, le mouvement de la Fierté gaie est un des mouvements politiques les plus intolérants de notre époque. Les personnes qui ne sont pas d’accord avec les diverses positions et idéologies regroupées sous l’égide de la Fierté gaie se voient rejetées, calomniées, intimidées, ostracisées, et même licenciées. Les gens devraient avoir le droit d’être en désaccord avec des idées et de remettre en question certains dogmes, sans être automatiquement accusés de s’opposer aux droits de la personne et à l’égalité.

Le fait de ne pas hisser le drapeau de la Fierté gaie ou de ne pas marcher dans ce défilé ne signifie pas nécessairement qu’une personne ou un parti s’oppose à des droits humains ou même aux droits des personnes homosexuelles. Beaucoup de gens éprouvent aujourd’hui des inquiétudes quant à ce que la Fierté gaie est devenue, y compris moi — une lesbienne sortie du placard et ayant son franc-parler. Je fais partie de la communauté lesbienne et gaie depuis l’âge de 15 ans, mais le drapeau de la Fierté gaie ne me représente pas.

Tonje Gjevjon est une artiste visuelle, compositrice, chroniqueuse et cinéaste norvégienne. C’est la leader de la formation musicale The Hungry Hearts.

Version initiale : https://www.feministcurrent.com/2019/08/03/pride-is-no-longer-about-fighting-discrimination-its-no-wonder-people-are-choosing-not-to-raise-the-flag/

Traduction par TRADFEM, tous droits réservés à Tonje Gjevjon.

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2 réflexions sur “La Fierté gaie n’est plus une lutte contre la discrimination ; il n’est pas étonnant que des gens choisissent de ne pas hisser leur drapeau.

  1. Le jeu. 5 sept. 2019 à 10:16, Danièle delbaere a écrit :

    > > > Le jeu. 5 sept. 2019 à 01:12, TRADFEM a > écrit : > >> Abolissimo posted:  » La Fierté gaie (« PRIDE ») est devenue l’un des >> mouvements politiques les plus intolérants de notre époque, mais tout le >> monde demeure censé y adhérer. Le 3 août 2019 par Tonje Gjevjon sur >> Feminist Current Comme la Fierté gaie est célébré » >>

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