par SAMANTHA BERG
Un nouveau compte rendu de recherche vient d’être publié en appui à la légalisation de la prostitution comme mesure bénéfique. Intitulée « Associations entre les lois sur le travail du sexe et la santé des travailleurs du sexe: une revue systématique et méta-analyse d’études quantitatives et qualitatives », cette étude a été subventionnée par l’Open Society Foundation, une organisation résolument favorable à la légalisation, « au service de la lutte contre les facteurs structurels du VIH ».
Enquêter sur les facteurs structurels de la transmission du VIH est un noble objectif de santé publique; cependant, ce n’est pas un objectif féministe. Le féminisme centre ses efforts de plaidoyer et de conscientisation sur l’amélioration de la vie des femmes et des filles. J’écris depuis plusieurs années des analyses féministes de recherches sur la prostitution, c’est-à-dire que je lis la recherche sur la prostitution en posant avant tout la question suivante : « Comment cela sert-il les femmes et les filles? »
S’attendre à ce que les gens examinent avec soin des statistiques et des méthodologies décourageantes – même pour moi qui suis universitaire – est irréaliste et même inutile. Des statistiques comme celles assemblées par Prostitution Research & Education sont utiles pour quantifier les dommages graves causés par la prostitution, mais j’ai eu plus de succès à convaincre les gens que la légalisation exacerbe ces dommages lorsque j’arrête parler chiffres et que je livre à mon auditoire des raisonnements de sens commun qui leur parlent d’éléments reconnaissables de leur propre vie.
J’ai rédigé en 2005 la « Fiche Genderberg sur la prostitution » pour mettre l’accent sur la raison plutôt que sur les statistiques, et cette page reste la plus populaire de mon site web archivé, Genderberg.com. Peu de choses me font plus plaisir que de voir de temps à autre quelqu’un répéter après moi : « Il n’y a pas d’autre « emploi » où une jeune fille de 13 ans sans aucune expérience peut être vendue 100 fois plus cher qu’une femme de 23 ans ayant dix ans d’expérience professionnelle. »
À l’occasion de la Journée Internationale de Lutte contre la Violence à l’égard des Personnes Prostituées, organisée chaque année le 17 décembre, voici 10 courts arguments supplémentaires pour expliquer en quoi la prostitution est beaucoup plus une exploitation qu’un travail :
1) Aucun nom de métier n’est jeté de manière menaçante à la figure de femmes et de filles du monde entier comme le mot « putain » et ses nombreux synonymes dans une foule de langues sont utilisés pour commettre des violences verbales.
2) La prostitution est souvent comparée à l’extraction du charbon. Les dommages infligés aux travailleurs miniers sont des accidents que les équipements de sécurité visent à réduire, alors que les dommages causés aux femmes prostituées leur sont infligés intentionnellement. La pornographie présente systématiquement les torts faits aux femmes comme un objectif attrayant pour les consommateurs.
3) La prostitution est souvent comparée au travail sous-payé des « McJobs ». Les employés de la restauration rapide n’ont pas besoin de services sociaux spécialisés pour les « aider » à démissionner, comme les survivantes de la prostitution ont besoin d’être protégées des proxénètes. Lorsque les femmes prostituées s’échappent, elles se retrouvent le plus souvent dans la même situation que les victimes de violence conjugale, fuyant un danger imminent avec seulement les vêtements qu’elles portent sur le dos et la terreur d’être rattrapées.
4) On compare souvent la prostitution au nettoyage des toilettes. Être forcé-e par nécessité économique à passer ses journées à nettoyer des toilettes serait très désagréable, mais ce n’est pas un viol et cela ne provoque pas chez les gens de syndrome de stress post-traumatique, de maladies sexuellement transmissibles ou de grossesses non désirées. Quiconque a déjà nettoyé des toilettes ou pratiqué des relations sexuelles peut expliquer les énormes différences entre ces deux activités.
5) La prostitution n’est pas une prestation de service, c’est l’exploitation du corps. Le sexe, la race et l’âge de la personne offrant des services légitimes n’ont pas la même importance pour les caissières, plombiers, comptables, chauffeurs de taxi, etc. que pour les hommes ayant recours aux prostituées qui n’accepteront pas les services sexuels basés sur le corps d’un homme lorsque ils veulent un corps de femme ou un corps de femme âgée quand ils veulent un corps de jeune fille.
6) Il n’y a pas d’activité professionnelle qui peut être faite pendant que le travailleur est inconscient. Les prostituées sont souvent droguées, inconscientes à cause d’une douleur insupportable ou subissent des traumatismes crâniens avant et pendant leur agression sexuelle.
7) La prostitution n’est pas un métier lié au divertissement, comme le mannequinat ou le théâtre. Les actrices miment des relations sexuelles, alors que les femmes prostituées ne jouent pas, et les torts causés à leur corps et à leur esprit sont une preuve d’exploitation et non pas d’une occupation. Il n’existe aucun réseau de trafic qui oblige les adolescentes à jouer Shakespeare pour le loisir des hommes.
8) Les conditions de base de la sécurité au travail sont inconciliables avec la prostitution. Les lois relatives à l’exposition professionnelle (« contact prévisible avec la peau, les yeux, les muqueuses ou contact parentéral avec du sang ou d’autres substances potentiellement infectieuses ») exigent le port de gants en latex, de lunettes de protection, de masques pour le visage et de tabliers pour protéger les employé-e-s. La prostitution ne peut jamais être conforme aux exigences de l’inspection du travail.
9) La syndicalisation n’est pas possible. Les proxénètes et les pornographes se disent travailleurs du sexe parce qu’ils travaillent dans l’industrie du sexe alors qu’ils font pression pour la déréglementation et les exceptions aux lois sur la sécurité des travailleuses. Vous ne pouvez pas négocier de moyen d’échapper au viol quand votre tâche consiste à avoir des relations sexuelles non désirées.
10) « Je te donnerai un dollar si tu me laisses te frapper au visage » n’est pas une offre d’emploi en freelance, pas plus qu’une sollicitation de prostitution. Les hommes qui sollicitent la prostitution en public n’offrent pas magnanimement des emplois à des femmes, personne n’approche des étrangers dans la rue avec des offres d’emploi rémunéré.
Version initiale : https://www.feministcurrent.com/2018/12/17/prostitution-not-work-crib-sheet/?fbclid=IwAR1AIUuEsIGYEMJ6Jp04wSMdmDz839EuvtOEuYAu07ouvMy90C9EBNep0tc
Traduction : TRADFEM
Autres textes de Samantha Berg : https://www.feministcurrent.com/tag/samantha-berg/
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